Israël en guerre - Jour 373

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Asaf Ben Lulu est assis à l'entrée de sa maison à Eilon, le 9 juin 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
Asaf Ben Lulu est assis à l'entrée de sa maison à Eilon, le 9 juin 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
Carnet du journaliste

Bravant drones et roquettes du Hezbollah, les derniers habitants du Nord se préparent à la guerre

Face à la vulnérabilité de leur communauté, une poignée d’habitants restent sur place alors que leur avenir – et celui de leurs enfants encore évacués –, semble plus qu’incertain

KIBBUTZ EILON, Galilée occidentale – Au son du gazouillis des oiseaux, Asaf Ben Lulu lit la Bible en ce samedi matin, à seulement 2,3 kilomètres de la frontière avec le Liban.

Cela fait partie de la routine matinale de ce technicien en éclairage et père de deux enfants, qui a emménagé au kibboutz Eilon en 2019. Mais ce moment de sérénité se termine brusquement lorsqu’une radio de l’armée émet des bruits parasites et qu’une voix masculine tendue annonce : « Drone. »

Ben Lulu lève la tête, ses yeux s’adaptent à la lumière vive et il cherche en vain l’engin télécommandé, appareil que le Hezbollah utilise fréquemment ici – et qui est parfois mortel. Plus tard dans la journée, un drone libanais fera une nouvelle apparition au-dessus d’Eilon et survolera le kibboutz pendant environ trois minutes avant de repartir délibérément vers le nord.

Le passage instantané de la placidité au danger mortel est caractéristique de la vie dans le nord d’Israël, une région d’une grande beauté naturelle et aux communautés très unies, que quelque 60 000 personnes ont quittée depuis le mois d’octobre. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une poignée d’habitants qui vivent au milieu des échanges de tirs, qui ont commencé le 8 octobre entre Israël et les terroristes au Liban.

Ben Lulu est l’un des milliers de soldats de la réserve militaire qui gardent la frontière dans le cadre de cette escalade progressive des hostilités suite au déclenchement du conflit avec Israël que le Hezbollah et d’autres groupes terroristes basés au Liban ont initié après l’assaut du Hamas sur Israël depuis Gaza, le 7 octobre dernier.

Pourtant, Ben Lulu n’est pas seulement un soldat déployé à un endroit aléatoire, c’est aussi un résident. Lorsqu’il n’est pas en service, il reste à la maison, où lui et sa femme Moriah élèvent leurs deux enfants – ou du moins c’est ce qu’ils faisaient jusqu’au 7 octobre. Aujourd’hui, Asaf est seul à la maison, Moriah et les enfants ayant été transférés dans un kibboutz situé à quelque 65 kilomètres au sud-est.

Une mosaïque orne un chêne dans le kibboutz Eilon, le 9 juin 2024. (Crédit : Sima Shimoni)

Comme des dizaines d’autres communautés frontalières, Eilon n’abrite plus qu’une poignée de civils indétrônables et une vingtaine d’hommes du pays comme Ben Lulu, dont le service de réserve consiste à garder les infrastructures de leur communauté autrefois très active.

« C’est un sentiment indescriptible, comme voir la coquille de quelque chose de beau après qu’on lui a ôté son âme », a déclaré Ben Lulu à propos de son kibboutz, qu’il décrit comme le meilleur endroit où il ait jamais vécu. « Un arbre sur deux est un souvenir, chaque chemin rappelle les échos des endroits où les enfants ont joué à cache-cache, appris à faire du vélo ou simplement aidé à ramasser des feuilles. »

Un officier de l’armée israélienne constate les dégâts à l’intérieur d’une maison dans la ville de Kiryat Shmona, qui a été touchée par un missile tiré depuis le Liban il y a quelques semaines, le 16 juin 2024. (Crédit : AP Photo/Ohad Zwigenberg)

Eilon est un kibboutz relativement grand, doté d’une piscine et d’un centre sportif, ainsi que d’un conservatoire de musique avec ses propres dortoirs. Ses allées et ses rues sont pleines de références à ses origines sionistes, y compris de vieux équipements agricoles qui ont été peints dans des couleurs vives pour que les enfants puissent y grimper. Un système de bunker au sud a également été préservé et transformé en aire de jeux, et une mitrailleuse désaffectée a été peinte en rose.

Ben Lulu aimerait rester ici avec sa famille. Il pense que l’évacuation du nord, qui dure depuis huit mois, est une erreur stratégique et espère une confrontation imminente avec le Hezbollah, afin que le groupe terroriste soit repoussé de la frontière et que sa capacité à menacer Israël soit au moins temporairement éliminée ou diminuée.

Un résident du kibboutz Eilon se prépare à nourrir les animaux du zoo créé pour les enfants de la communauté, le 20 mai 2024. (Crédit : Sima Shimoni)

Après avoir terminé sa lecture de la Torah que l’alerte au drone a brièvement interrompue, Ben Lulu commence à charger des meubles sur une remorque posée sur la pelouse de sa modeste maison familiale de deux chambres. Une série de bruits sourds retentit dans les montagnes, l’impact des roquettes se répercutant dans le sol. C’est un phénomène courant ici, et les habitants ont appris à l’ignorer. Lorsque les sirènes d’alerte retentissent, ils se dirigent calmement vers un endroit abrité, et regardent dehors comme on le fait en attendant qu’une averse passe.

« Nous ne partons pas », dit-il en souriant, conscient de ce que cela représente pour son interlocuteur. La famille Ben Lulu déménage de maison à Eilon, et Asaf transfère progressivement leurs biens afin que, lorsque la famille reviendra, « tout soit en place ».

Mais cela ne se produira pas si le Hezbollah n’est pas battu, a-t-il ajouté.

Lever le voile

Ben Lulu a évacué sa famille d’Eilon dès qu’il a appris l’assaut du Hamas le 7 octobre, au cours duquel quelque 3 000 de ses terroristes ont assassiné environ 1 200 Israéliens et en ont enlevé 251.

« Le 7 octobre nous a donné une secousse existentielle car cela a permis de lever le voile sur le danger avec lequel nous vivions depuis des années », a-t-il déclaré.

« J’ai supposé que le Hezbollah allait nous envahir immédiatement et je savais que nous n’avions aucune force capable de l’arrêter », a-t-il ajouté.

Une chaussure orpheline repose sur la terrasse déserte de la pelouse principale du kibboutz Eilon, où les familles se réunissent habituellement pour pique-niquer le week-end, le 9 juin 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Ben Lulu et sa femme Moriah doivent maintenant décider s’ils inscrivent leurs enfants à l’école à Beit Alfa, le kibboutz où elle et les enfants sont logés, ou s’ils s’accrochent à l’espoir de retourner à Eilon en septembre. Entre-temps, la famille vit « une réalité pleine de contradictions », a déclaré Asaf, faisant référence à son déménagement solitaire dans une maison familiale plus grande, dans un endroit presque désert qu’il a choisi pour sa vie communautaire.

Au-delà de la crainte d’un assaut des terroristes du Hezbollah qui, s’ils ne sont pas entravés, pourraient atteindre Eilon en huit minutes à moto, il y a les roquettes et les drones qui survolent fréquemment et effrontément Eilon et d’autres communautés frontalières. Ils font comprendre aux habitants comme Ben Lulu que le Hezbollah peut non seulement faire pleuvoir des tirs aveugles, mais aussi viser et faire exploser leurs maisons et tuer ou blesser leurs occupants avec une grande précision.

Ben Lulu suppose qu’Israël va bientôt neutraliser les capacités du Hezbollah en matière de drones. C’est le trajet des enfants en bus scolaire qui l’effraie le plus.

« La route est visible depuis le Liban. Les terroristes du Hezbollah ont observé mes enfants à travers le viseur de leurs lance-missiles antichars. Il est impossible d’intercepter ces roquettes. Les enfants ne monteront plus dans ce bus tant que la situation sera ce qu’elle est actuellement », a-t-il déclaré.

Un immense incendie déclenché par une attaque à la roquette du Hezbollah près du kibboutz Kfar Szold, dans le nord d’Israël, le 14 juin 2024. (Crédit : Ayal Margolin/Flash90)

Seul le Hezbollah peut empêcher les feux de forêt

Ces dernières semaines, certaines des centaines de roquettes tirées par le Hezbollah sur Israël ont déclenché des incendies en forêt. Au cours du week-end, le Hezbollah a tiré des roquettes sur Tibériade et d’autres localités proches de la mer de Galilée, à 30 kilomètres au sud du Liban. Ces tirs, qui n’ont pas fait de victimes, ont eu lieu pendant le week-end des congés d’après Chavouot, alors que des milliers d’Israéliens passaient leurs vacances sur les rives du lac.

Certains ont plié bagage, mais les attaques n’ont pas découragé les nombreux campeurs qui sont restés sur place malgré le hurlement des sirènes d’alerte à proximité de leurs tentes.

La famille Cohen d’Ashkelon regarde le coucher de soleil sur la plage Gofra de la mer de Galilée, le 12 juin 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

« Nous sommes originaires d’Ashkelon et mon service de réserve se trouve en Haute Galilée, nous ne sommes donc pas si facilement ébranlés », a déclaré un vacancier, Kobi Cohen, 39 ans, au Times of Israel samedi. Ses deux filles en âge d’aller à l’école primaire et trois autres membres de sa famille regardaient le coucher du soleil sur le rivage alors qu’il préparait leur dîner de samedi soir.

Le Hezbollah a tué une trentaine de personnes en Israël depuis octobre, dont au moins dix civils. Israël a tué au moins 400 personnes lors de contre-attaques au Liban, pour la plupart des terroristes du Hezbollah, dont certains hauts responsables. De nombreux Israéliens considèrent cette situation comme le prélude à des hostilités à grande échelle dans le nord et au Liban, où le Hezbollah possède des dizaines de milliers de roquettes pouvant atteindre des centres de population aussi éloignés de la frontière que Beer Sheva et Dimona.

Les pompiers s’efforcent d’éteindre un incendie dans la région de Ramim Ridge, près de Kiryat Shmona, le 3 juin 2024. (Crédit : Services d’incendie et de secours)

« Nous n’avons pas décidé de rester, ce sont les autres qui ont décidé de partir »

De retour à Eilon, Sima Shimoni, 69 ans, résidente de longue date de ce kibboutz, et son mari font partie de la poignée de civils qui sont restés. Cette kibboutznikit au caractère bien trempé, clouée dans un fauteuil roulant depuis sa petite enfance à cause de la polio, s’oppose à la formulation de ma question sur ce qui l’a « décidée » à rester.

« Tout d’abord, nous n’avons pas décidé de rester. Les autres ont décidé de partir. Rester, c’est le choix par défaut », a-t-elle déclaré. Mais Mme Shimoni, qui a un fils et trois beaux-enfants, ne reproche à personne de partir, temporairement ou définitivement, dit-elle.

« Ecoutez, j’ai presque 70 ans et je suis à la fin de mon voyage dans ce monde, donc je ne suis pas à un stade où j’ai envie de briser la routine », a-t-elle déclaré. « Mais ce sont des choix personnels et c’est compliqué, donc je comprends. »

Mme Shimoni craint pour l’avenir de son kibboutz, une communauté de quelque 1 100 personnes qui affichait un taux de croissance de 4 % avant le 8 octobre. Comme Ben Lulu, elle s’attend à ce que de nombreux habitants des communautés voisines de la frontière partent, quelle que soit l’issue du conflit avec le Hezbollah. (Contrairement à Ben Lulu, elle ne souhaite pas une confrontation avec le groupe terroriste, car elle s’oppose à la guerre par principe.)

« Je pense que beaucoup de gens vont partir et que si quelqu’un vient à leur place, ce seront les Haredim. Et cela m’inquiète vraiment », a-t-elle déclaré.

Mais en y repensant, elle a ajouté : « En fait, vous savez quoi, rien ne m’inquiète. Pas vraiment. Je profite de la vie ici. Tout va bien ».

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