Ce podcast a été diffusé le 1er décembre 2023.
Bienvenue dans What Matters Now [NDLT : Ce qui compte maintenant], le podcast hebdomadaire qui évoque une question clé pour Israël et le monde juif – en ce moment.
Pour les Israéliens, il y a désormais un avant et un après 7 octobre. Aussi, un livre intitulé « The Genius of Israel: The Surprising Resilience of a Divided Nation in a Turbulent World [NDLT : Le génie d’Israël : la surprenante résilience d’une nation divisée dans un monde agité ] », écrit à cette époque « antérieure » aux événements, peut donner le sentiment de ne pas être une lecture des plus pertinentes.
Pourtant, elle l’est.
Les auteurs de « Start-Up Nation », Saul Singer et Dan Senor, ont de nouveau uni leurs forces pour disséquer ce qui agace les Israéliens – aujourd’hui encore.
La conclusion ? C’est une question d’unité et de convergence des objectifs. Si cette unité nous rendait forts, hier, eh bien, « aujourd’hui, elle est devenue existentielle. Si nous ne restons pas unis, nous risquons d’entrer dans une spirale descendante », explique Saul Singer, co-auteur de l’étude.
Cette semaine, nous nous entretenons avec l’auteur à succès Saul Singer.
La transcription suivante a été très légèrement remaniée.
The Times of Israël : Saul, merci beaucoup de m’avoir rejointe aujourd’hui dans les studios Nomi de Jérusalem.
Saul Singer : C’est un plaisir d’être ici, Amanda.
Vous savez, j’aime la fiction historique. Comme Israël est en ce moment en guerre, à certains moments de la lecture de votre nouveau livre, « The Genius of Israel », j’ai eu l’impression d’une fiction historique. Je me suis dit, wow, j’aimerais vraiment vivre dans cet Israël-là, l’Israël d’avant-guerre, cet Israël, ce « génie » d’Israël, l’Israël qui a presque envoyé le satellite Bereshit sur la lune, l’Israël qui parle de notre bonheur, l’Israël qui parle de la façon dont chaque semaine nous avons ce qui s’apparente à un dîner de Thanksgiving. C’est alors que j’ai réalisé qu’il y avait deux mots, que vous définissez dans le livre, qui sont toujours pertinents dans l’Israël qui est le nôtre aujourd’hui. Ces deux mots sont ‘hevre’ et ‘giboush’. Commençons donc par définir le mot ‘hevre’.
Ces deux mots sont liés parce qu’ils parlent tous les deux du sens du collectif en Israël, de la solidarité. Croyez-le ou non, on parle d’ « histoire ancienne » car il y a de cela quelques semaines à peine, l’humeur était aux manifestations de grande ampleur, et nous paraissions tellement divisés. C’est exactement ce qui se trouve au cœur de cette histoire, à savoir que nous sommes passés de divisions profondes à une forte unité. Ce livre parle précisément de ce sentiment qui fait que nous ne sommes pas seulement des individus. Nous faisons partie d’un groupe. C’est ce que la société vous dit tout le temps, dès le plus jeune âge.
Donc, ‘hevre’, ce sont vos amis, le groupe, quel qu’il soit. Il peut s’agir de l’entreprise dans laquelle vous travaillez. Il peut s’agir des personnes avec lesquelles vous partez en randonnée. C’est, pour le dire ainsi, le sentiment d’appartenance à un collectif. ‘Giboush’ est, en quelque sorte, ce qui rassemble les gens, les valeurs les plus importantes. C’est pour cette raison que l’on n’a pas vraiment de mot en anglais : c’est une notion plastique, évolutive et on essaie constamment de former des groupes plus serrés, que ce soit dans les mouvements de jeunesse, l’armée, les entreprises, partout.
Comme c’est vrai. Je pense que la traduction la plus proche, en termes américains tout du moins, serait l’esprit d’équipe. Sur le lieu de travail, il y a effectivement des choses qui sont faites pour renforcer cet esprit d’équipe. Mais comme vous venez de le dire, cette idée de ‘giboush’ vient de l’école maternelle. Même pas du primaire. De l’école maternelle. Cette idée que tout le monde est responsable de tout le monde. Que nous sommes tous ensemble. Oui, les personnes dont vous êtes les plus proches sont celles avec lesquelles vous êtes liés sur le plan émotionnel, physique et aussi dans le champ de la responsabilité. On le voit particulièrement en ce moment.
Je vous ai dit, avant que nous commencions à enregistrer, que mon fils aîné rejoignait l’armée demain, dans le cadre de ce que l’on appelle « Garin Nachal ». Il a déjà fait un an de service avec les mêmes personnes avec lesquelles il va servir dans l’armée. Ils seront ensemble et serviront ensemble dans les communautés également. Il m’a dit : « Tu sais maman, je me sens déjà responsable des autres. Cela me donne un but. »
Le sens du but est l’autre thème dont j’aimerais vous parler, parce qu’il ressort de votre livre. Quelle en est l’importance, ici, en Israël ?
C’est essentiel à notre bien-être. Vous savez, les humains ne sont pas faits pour vivre seuls. Regardez toutes les études sur le bonheur qui se demandent quelle est la clé du bonheur. Ce que les gens veulent, ce sont des relations, des amis, la famille : c’est le salut – c’est ce qui explique aussi la folie.
Un rapport de l’ONU dit qu’Israël est le quatrième pays le plus heureux au monde. Les gens pensent, eh bien, nous ne sommes pas un pays très heureux en ce moment. Mais je pense que parce qu’il s’agit d’une connexion humaine et d’un but – et quand on parle de bonheur, ce n’est pas vraiment du bonheur, c’est de la satisfaction dans la vie – ce sera toujours relativement élevé. Peut-être que nous ne serons jamais plus que quatrièmes, mais cela pourrait malgré tout être plus fort, d’une certaine manière, parce que j’espère que nous sortirons plus liés de tout cela. Nous pourrions l’être moins, ce qui serait plus que tragique, quasiment d’ordre existentiel. Mais d’une certaine manière, nous sommes sans doute plus liés qu’avant, en tout cas bien plus que pendant la période des manifestations.
Alors, mettons toutes ces choses ensemble, le ‘giboush’, le ‘hevre’, les buts, et parlons de ce qui se passe ici et maintenant en Israël, depuis le 7 octobre.
Nous assistons aujourd’hui à d’incroyables manifestations de solidarité. Je dois introduire ici un autre concept hébreu, qui est celui du « tzav shmoneh ». Tzav shmoneh signifie « ordre numéro huit ». C’est avec cela que l’on vous appelle. On reçoit ce genre de message par téléphone : « Merci de rejoindre votre unité. » [NDT : dans les huit heures qui suivent la réception du message. Tzav shmoneh correspond au déclenchement d’une guerre]. Et tout le monde le reçoit. Nous sommes environ 360 000 hommes réservistes, soit plus que les armées de France et d’Allemagne réunies. C’est fou.
Il semble donc que tout le monde ait été appelé. Mais il ne s’agit pas seulement d’un appel militaire. On vous appelle, qui que vous soyez. Pour faire du bénévolat, remplacer des gens. Tout le monde remplace quelqu’un. Cette société s’est mobilisée comme jamais, et il n’y a réellement aucun point de comparaison. Ce n’est pas comme les États-Unis après le 11 septembre 2001 ou des événements de cet ordre là. Ce n’est pas seulement le sentiment de faire davantage corps, ensemble, c’est aussi le fait que tout le monde fasse sa part.
Cela rejoint quelque part votre précédent ouvrage, « Start-Up Nation », parce que nombre de ceux qui sont à la tête de cette véritable armée de bénévoles, en ce moment, sont précisément issus de la sphère des hautes technologies. Parlez-nous en un peu.
Cela a été la grande surprise des manifestations parce que, jusqu’à présent, le secteur de la haute technologie était hautement apolitique. Ils faisaient presque comme s’ils n’étaient pas en Israël, parce que leurs startups et eux-mêmes évoluent sur des marchés mondialisés: ce sont des citoyens du monde, pour le dire ainsi. Tout d’un coup, lorsque ces manifestations ont éclaté – quand ils ont senti que la démocratie qu’ils tenaient pour acquise était menacée – ils ont déployé une énergie folle pour s’organiser et sont devenus les leaders des leaders des manifestations. Ils ont sorti l’arme nucléaire sociale, à savoir la menace de ne plus servir dans l’armée.
Mais bien sûr, lorsque nous avons été attaqués, tout le monde a rejoint son unité, sans attendre. Des personnes sont venues du monde entier en Israël – les avions ne désemplissaient pas -, pour aller au front et répondre à leur tsav shmoneh.
Vous venez de dire que les gens se sont précipités pour rejoindre leur unité. Nous parlons de l’industrie de la haute technologie. Rappelons qu’elle est, pour l’essentiel, constituée d’hommes et de femmes qui étaient officiers dans l’armée ou qui ont servi dans des unités spéciales, ou qui ont été des leaders – naturels ou formés – et, c’est dans votre livre, de ces mouvements de jeunesse tellement influents en Israël. Dites-nous donc de quelle manière tout ceci alimente le reste de la société.
Lorsque nous avons écrit « Start-Up Nation », nous avons passé beaucoup de temps à parler de l’armée. Mais je crois que même à notre niveau, nous n’avons pas pris la pleine mesure de la façon dont la société vous pousse à faire partie de quelque chose de plus grand que vous. C’est évident dans les mouvements de jeunesse, cet effet de cohorte.
La chose qui m’a frappé, en tant qu’Américain élevé aux États-Unis et venu vivre ici avec des enfants en âge d’aller au lycée ou à l’école primaire, peu importe, c’est qu’enseignants, parents et élèves sont mécontents si la classe, leur classe n’est pas unie. C’est pire que de ne pas être un bon enseignant, de ne pas être un bon élève. Le plus important, c’est d’être unis. C’est fou parce qu’en Amérique, le concept de salle de classe n’existe pas vraiment, encore moins unie.
C’est ce qui se passe très, très tôt. Le comble, c’est quand vous arrivez à l’armée parce que là, vous devez penser et travailler en tant qu’unité, sinon il est impossible d’accomplir votre mission. Mais la société vous forme depuis le début. Bien sûr, après l’armée, on continue de vivre comme ça. Parce que ce sont nos valeurs. Des valeurs beaucoup moins individualistes que dans la plupart des démocraties modernes riches.
J’ai vécu une expérience très intéressante sur la question du va-et-vient entre individualisme et unité. Je me trouvais dans un kibboutz appelé Samar, près d’Eilat : c’est un véritable kibboutz, à savoir que c’est toujours une unité. Tout l’argent est mis en commun. Ce qui est très intéressant, dans ce kibboutz, c’est que chaque maison est différente. Chacun est libre de construire sa maison comme il l’entend ou encore de décider s’il souhaite travailler. Quelque part, le kibboutz le vit très bien grâce à cette sorte de yin et de yang : certains travaillent beaucoup, d’autres moins ; à certains moments, ces mêmes personnes décident que dans un mois ou deux, elles travailleront beaucoup. C’est vraiment intéressant. Comment voyez-vous le mouvement des kibboutzim et en quoi alimentent-ils le phénomène dont nous parlons aujourd’hui ?
Le mouvement des kibboutzim est, bien sûr, l’exemple extrême de l’unité et du lien. Même s’il concerne un petit nombre de personnes, il a eu une influence considérable sur la fondation de l’État. À cette époque, tous les officiers, semble-t-il, tous les pilotes et autres, venaient du mouvement des kibboutzim, qui a donc eu une énorme influence culturelle. Il représentait aussi en quelque sorte l’ethos socialiste des fondateurs. Ils étaient tous socialistes.
Certains Israéliens disent : « Eh bien, cette solidarité est en train de s’éroder. » Ils se plaignent, avec une sorte de nostalgie, de la solidarité de la génération fondatrice. Mais pour moi, cela montre que c’est une valeur énorme en Israël, que c’est l’idéal auquel nous tenons et auquel nous nous accrochons. Peut-être moins que les fondateurs, mais d’une certaine manière, je pense que l’idée, c’est que nous devons refonder le pays. D’une certaine manière, nous sommes devenus la génération fondatrice après quatre générations, ce qui est une chose folle, mais cela rejoint ce que je disais tout à l’heure, à savoir qu’il y aura peut-être même davantage de solidarité qu’auparavant.
Beaucoup d’otages venaient de ces kibboutzim, le long de la frontière avec Gaza. On ne peut s’empêcher de voir à quel point ces communautés se serrent les coudes, comment elles se sont déplacées, en tant que communautés, en divers endroits du pays. Il me semble qu’il y a en ce moment-même 200 000 personnes déplacées en Israël. Pensez-vous que dans cette nouvelle refondation de la nation, l’exemple de ces communautés très soudées aura un impact sur la société israélienne à l’avenir ?
Eh bien, ce qui est intéressant, c’est que certains habitants de ces kibboutzim disent : « Quand nous reconstruirons, nous ferons deux fois plus grand. » Ce qui nous ramène à ce que vous disiez au sujet de la raison d’être. Je pense que les gens qui vont vivre dans un kibboutz dans une région contestée y trouvent un sens. Qui a à voir avec un sentiment pionnier, de pionnier à l’ancienne. Les kibboutzim ont été créés dans des endroits bien choisis, pour faire en sorte de développer des zones qui étaient naturellement moins peuplées. Cela faisait partie de l’agriculture, pionnière, bien sûr, de l’écologie du désert. Vous avez lu les mémoires de Ben Gurion [le premier Premier ministre] : pour lui, il s’agissait de cultiver la terre, physiquement [« de faire fleurir le désert »]. C’est comme ça qu’on construit le pays.
C’est fascinant. Bien sûr, les kibboutzim qui sont déplacés ne se trouvent pas seulement le long de la frontière de Gaza, mais aussi le long de la frontière avec le Liban. Cela rejoint ce que vous dites, le fait de s’être installé dans les « zones les plus dangereuses » pour augmenter la présence israélienne. Evidemment, en tant que mère de sept enfants, j’ai toujours été très envieuse des kibboutzim et de leur système de blanchisserie. Et toujours en ma qualité de mère de sept enfants – et c’est un autre thème que vous mettez en avant dans votre livre – je souligne que les taux de fécondité en Israël sont, dirons-nous, un peu plus élevés que dans la plupart des pays occidentaux.
Ils sont même beaucoup plus élevés. C’est une chose très importante à laquelle les gens ne pensent pas en termes de bonheur, d’optimisme et d’orientation de la société, parce que tous les pays riches du monde sont tombés en dessous du seuil de remplacement des générations. Le taux de fécondité, le taux de remplacement est de 2,1, en dessous, vous rétrécissez et vieillissez, et au-dessus, vous êtes jeune et en croissance. Nous sommes les seuls à être jeunes et à grandir. Et pas qu’un peu. La moyenne de l’OCDE est d’environ 1,6, et nous sommes à peu près à trois. Le double donc. Ce que cela signifie, c’est que, par rapport au Japon, d’ici 2050 environ, notre population va presque doubler et ils vont perdre environ un tiers de la leur. Notre moyenne d’âge ici est d’environ 30 ans. D’ici 2050, il passera peut-être à 33. En Europe, elle est de 47. Soit presque 15 ans de plus !
Nous sommes donc un pays jeune et en pleine croissance. Les autres pays doivent avoir l’impression qu’ils sont en train de se calmer d’une certaine manière. Alors que nous n’en sommes qu’au début. C’est une énorme différence en termes d’innovation, de dynamisme, d’ambiance. Nous avons un sentiment d’avenir ici, même en ces temps incroyablement difficiles. Je pense que c’est quelque chose que nous ne perdrons pas. Encore une fois, peut-être serons-nous mêmes encore plus déterminés pour tout reconstruire.
En termes de fertilité, la plupart des gens, ailleurs qu’en Israël, diront, oui, ce sont les ultra-orthodoxes, les haredim. Bien sûr, je suis la preuve vivante que ce n’est pas vrai. Mais il ne fait aucun doute que la population ultra-orthodoxe croît à un rythme plus rapide que celui de l’Israël laïc. Et il y a des économistes, bien sûr, comme Dan Ben David [professeur à l’Université de Tel Aviv], qui soulignent que c’est l’un des principaux indicateurs à surveiller dans la société israélienne. Donc, ce dont nous avons parlé jusqu’à présent est principalement normatif, dirons-nous, l’Israël laïc ou l’Israël national-religieux. Comment voyez-vous tout ce dont nous avons parlé au sein de la société ultra-orthodoxe ?
S’il y a une chose qui nous inquiète un peu au sujet de la solidarité et de l’unité du pays, c’est la question des ultra-orthodoxes, parce que tous ces groupes différents sont, en quelque sorte, dans un certain équilibre. Les Arabes, les laïcs, les religieux et les ultra-orthodoxes, les différences ethniques, toutes ces choses. Mais si la population d’un groupe augmente considérablement, cela pourrait en quelque sorte perturber cet équilibre, surtout en cas de tensions. Il y a beaucoup de tension en ce moment. D’une certaine manière, je pense que c’est précisément cette tension qui était à l’origine des manifestations judiciaires, à savoir la peur de la société laïque et même religieuse, mais religieuse normale, d’être submergée par le pouvoir politique des ultra-orthodoxes.
Dans notre ouvrage, nous montrons que les chiffres démographiques que les gens utilisent sont probablement exagérés parce que les ultra-orthodoxes ont certes un taux de natalité élevé, mais ils perdent aussi des gens. C’est une chose à prendre en compte.
Mais plus important encore que les chiffres, il y a la question de savoir si nous continuons à être nous et eux. Sont-ils « eux » par rapport à « nous » et sommes-nous « eux » par rapport à « eux » ? Je pense que tant que ce sera vrai, nous aurons un problème. Ils ne peuvent pas nous être étrangers et vice versa. C’est donc un vrai problème parce que s’ils ne sont pas « eux », peu importe combien ils sont – ils font partie d’Israël.
Certaines personnes disent que les haredim pourraient être la plus grande alyah pour Israël d’une certaine manière. Ils sont de plus en plus israéliens et nous avons vu des milliers d’entre eux se présenter pour faire leur service militaire. Il y a donc des signes positifs, mais il y a encore beaucoup à faire et rien n’est garanti.
C’est intéressant, ce que vous dites. Je dois dire, pour vivre ici depuis 1999, que le « nous et eux » de l’Israël national-religieux et laïc s’est en grande partie effacé, mais peut-être pas entièrement. Mais le « nous et eux » des ultra-orthodoxes est peut-être en train de se renforcer ? Je ne sais pas. Si vous regardez Jérusalem, où vous vivez, chaque fois qu’une grande vague d’ultra-orthodoxes s’installe dans un quartier, la dynamique du quartier change radicalement. Pensez-vous que cela va changer ?
Cela fait partie de cette tension. Mais pour moi, le plus important, c’est ce sentiment que les haredim ne font pas leur part et qu’au contraire, les non-haredim les assistent – ils ne travaillent pas, ils ne servent pas dans l’armée. Il y a un énorme ressentiment envers tout cela. D’une certaine manière, la société laïque, pendant ces manifestations, a dit qu’elle n’était plus prête à l’accepter. Je crois que la guerre ne fait que renforcer encore ce sentiment.
Mais je pense aussi que le sentiment inverse s’est développé. Les haredim sont de plus en plus israéliens, ils utilisent de plus en plus de smartphones, ils parlent hébreu et en apprennent davantage. Leur situation économique s’est un peu améliorée, ce qui crée une énorme pression pour travailler et ils savent que la situation actuelle n’est pas viable. La question est donc de savoir si nous allons parvenir à une sorte de compromis qui ait pour effet de les faire davantage participer à la vie de la société, là où les gens ont le sentiment de gagner ce dont ils ont besoin, que ce soit dans l’armée ou ailleurs. Cela changerait beaucoup de choses.
Et en se plaçant dans une perspective post-7 octobre, dont tout est malheureusement teinté, on a tous entendu parler d’initiatives de la part d’ultra-orthodoxes pour aider les soldats, les réservistes. C’est quelque chose dont nous entendons parler. Parlons de la façon dont la société arabe israélienne s’intègre dans « Le génie d’Israël ».
C’est une autre bonne surprise de cette guerre. En 2014, nous avons assisté à des émeutes arabes au moment de la guerre à Gaza, de l’opération à Gaza. En regardant ce qui s’est passé depuis, on se dit, d’accord, c’est encore pire. C’est sûr et certain, nous allons avoir des émeutes encore bien pires. Et c’est exactement le contraire qui se produit.
Des sondages montrent que l’identification des Arabes israéliens à Israël a atteint un niveau record. Je crois qu’il y a un fort niveau de compréhension de la part des Arabes israéliens, qui voient les médias israéliens, et pas seulement les médias arabes. Ils voient que des Arabes ont été tués par le Hamas. Que des Arabes sont otages. Une unité bédouine a fait une vidéo qui a fait le tour d’Internet sur le thème : « Nous allons vous avoir, le Hamas. » Quelque part, cela pousse les Arabes israéliens à être plus israéliens, ce qui est extrêmement important.
Il y a aussi le phénomène Mansour Abbas et ce nouveau parti arabe (Raam) qui, au lieu de lutter pour la cause palestinienne – sujet très politique et peu susceptible d’améliorer le sort de leur peuple, leur condition – accepte Israël. Tout ce qu’ils veulent, c’est plus d’égalité et une meilleure situation. C’est une évolution très positive et de la plus haute importance.
Il y a tout un secteur de la société qui me préoccupe, c’est celui des résidents d’implantations extrémistes. Les valeurs qu’ils portent me semblent aberrantes à bien des égards. Comment les intégreriez-vous dans votre rubrique du génie d’Israël ? Font-ils partie de cette formation en leadership, et si oui, dans une direction positive ?
Les résidents d’implantations radicaux qui s’en prennent aux Palestiniens et tout le reste représentent un extrémisme horrible. Il y a de l’extrémisme dans notre société. Une partie du problème, avec ce gouvernement, c’est qu’il lui fait en quelque sorte une place. Cela va cesser, ce gouvernement va tomber et ils vont s’en aller, et cela ira mieux. Mais, oui, c’est un problème que nous devons affronter et auquel nous devons faire face.
Saul évidemment, les livres prennent beaucoup de temps, et vous travaillez sur ce livre depuis des années, j’imagine. En outre, les livres passent par la maison d’édition puis par les rotatives de l’imprimeur bien avant d’arriver sur les rayonnages. Ce livre est étonnamment d’actualité, bien sûr, parce qu’il inclut les manifestations de cet été et des choses de cette nature. Je suis sûre que tout le monde vous pose cette question, mais si vous deviez écrire ce livre en ce moment, comment seriez-vous influencé par tout ce que vous avez vu depuis le 7 octobre ?
Pour commencer, je dirais que le livre, ce que nous décrivons, parle d’une certaine manière de la situation actuelle, ce qui est plutôt bien. Ce que nous disons, c’est qu’Israël est dans une bien meilleure situation, en tant que société, que bien d’autres sociétés modernes parce que nous avons pour nous ce sentiment d’appartenance à un groupe, ce qui nous rend plus satisfaits de nos vies.
Cela fait en quelque sorte de nous des gens plus heureux, plus reliés les uns aux autres… Mais aujourd’hui, tout ceci relève de notre survie, de notre existence même – si nous ne restons pas unis, nous dégringolerons le long d’une spirale descendante. Notre problème numéro un est de veiller sur ce qui nous rend forts, à ce qui se passe de bien à cause de la guerre, et de ne surtout pas le perdre. C’est notre défi pour l’avenir. Nous écririons un autre chapitre à ce sujet, pour parler de ce qui s’est passé ici pendant la guerre, et aussi de la façon dont cela se passe. C’est l’élément clé à surveiller et à travailler.
Saul Singer, merci beaucoup d’avoir été avec moi aujourd’hui.
Merci. Ce fut un plaisir, Amanda.
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