Israël en guerre - Jour 348

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Le président du Likud, Benjamin Netanyahu, lors d'un événement organisé pour la sortie de soin autobiographie à Jérusalem, le 14 novembre 2022. (Crédit :  Yonatan Sindel/Flash90)
Le président du Likud, Benjamin Netanyahu, lors d'un événement organisé pour la sortie de soin autobiographie à Jérusalem, le 14 novembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Opinion

Cédant aux extrêmes, Netanyahu fait naître un nouvel Israël intolérant, vulnérable

Il donne à des provocateurs plus de pouvoir qu’ils auraient pu l’imaginer et il se prépare à anéantir le système judiciaire. Une formule qui entraînera la désunion et la faiblesse

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Jour après jour, alors qu’il négocie le recrutement et l’ordre du jour de sa prochaine coalition, Benjamin Netanyahu se prépare ouvertement à transformer Israël, une démocratie remarquable, la seule démocratie de la région – dotée de tous les outils salutaires contraignant la hiérarchie politique à se heurter aux freins, si nécessaire, d’un système judiciaire libéral – en quelque chose qui se rapproche d’un pays soumis à une gouvernance sauvage de la part d’une majorité de la ligne dure, une majorité étroite et relativement homogène.

Jour après jour, il offre, de manière tout à fait concertée, plus de pouvoir à des idéologues extrémistes qui – il le sait et nous le savons – en abuseront à l’avenir.

Sa conduite depuis sa victoire aux élections du 1er novembre est choquante et plutôt incompréhensible – même en prenant en compte les difficultés posées par la nécessité de rassembler un gouvernement à l’aide de personnalités égocentriques, radicales et enhardies par leurs performances électorales. Sa conduite reste néanmoins susceptible d’avoir des conséquences potentiellement dévastatrices.

Ce à quoi nous assistons, en résumé, est un moment fatidique pour Israël – un moment de changement drastique, fondamental et fatal.

Les trois provocateurs incendiaires

Avec la nomination imminente et tout simplement impensable d’Itamar Ben Gvir au poste de ministre de la Sécurité nationale, Netanyahu a accepté de placer la police entre les mains d’un agitateur irresponsable, souvent condamné devant les tribunaux.

Il y a moins de deux ans, même s’il avait lui-même orchestré l’alliance politique qui devait permettre à Ben Gvir de faire son entrée officielle dans la sphère politique mainstream en devenant membre de la Knesset, Netanyahu avait reconnu que le leader d’Otzma Yehudit « n’avait pas les aptitudes nécessaires » pour prendre la tête d’un ministère. Les points de vue et les activités de Ben Gvir semblaient parler pour lui. Ben Gvir était ce disciple de Kahane, le rabbin extrémiste de droite, qui avait réclamé, pendant des années, l’expulsion de tous les Arabes israéliens ; il était l’homme qui avait conservé une photo de Baruch Godstein, le boucher de Hébron, sur le mur de son salon jusqu’à ce que cela lui nuise politiquement ; il était l’homme qui avait été exclu du service militaire en raison du danger qu’il posait alors que, jeune provocateur, il s’était vanté dans une émission de télévision, brandissant l’insigne Cadillac arraché à la voiture de Rabin, en disant que lui et son cercle « arriveraient jusqu’au » Premier ministre qui devait être assassiné.

Tout cela était encore, à ce moment-là, manifestement incompatible avec une gouvernance responsable.

Et c’est Netanyahu, dans quelques jours, qui devrait donner à Ben Gvir le contrôle de la même police qui l’avait arrêté, qui avait enquêté sur lui – une enquête qui avait débouché sur sa condamnation, en 2007, pour son soutien apporté à un groupe terroriste et pour incitation au racisme

Et c’est pourtant aujourd’hui Netanyahu qui, dans quelques jours, devrait donner à Ben Gvir le contrôle de la même police qui l’avait arrêté, qui avait enquêté sur lui – une enquête qui avait débouché sur sa condamnation, en 2007, pour son soutien apporté à un groupe terroriste et pour incitation au racisme. Netanyahu devrait lui donner, dans quelques jours, toute autorité sur les forces de l’ordre, dont le chef lui-même avait accusé Ben Gvir d’exacerber les tensions qui avaient entraîné les violences meurtrières qui avaient opposé Juifs et Arabes en 2021, des violences qui avaient balayé les villes mixtes d’Israël et qui avaient aussi éclaté à Jérusalem-Est.

De plus, les dispositions contenues dans l’accord devraient, semble-t-il, accorder une plus grande autorité à Ben Gvir que cela n’a été le cas pour aucun ministre en charge de la police antérieur, en lui donnant la capacité d’influencer les politiques et les priorités, avec le pouvoir potentiel de saper l’indépendance des forces de l’ordre, en violation des lois existantes. Pour ce faire, la Knesset devra ainsi simplement adopter une nouvelle loi qui renforcera ses compétences.

Illustration : Le chef du parti Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, lors d’une cérémonie en l’honneur du rabbin Meir Kahane, leader juif extrémiste décédé, à Jérusalem, le 10 novembre 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Difficile de dire si ce pompier pyromane, qui réclame à hauts cris l’assouplissement des règles encadrant les tirs à balles réelles pour les services de sécurité, qui a demandé l’octroi du droit illimité à la prière juive sur le mont du Temple, dont le dernier programme du parti appelle à annexer la Cisjordanie sans accorder aux Palestiniens le droit de vote et autres, obtiendra le contrôle des unités de la police des frontières qui opère en Cisjordanie, comme il l’a demandé.

Ben Gvir utilise d’ores et déjà sa nouvelle légitimité ostensible en sapant et en défiant les responsables militaires israéliens et il a dénoncé avec force, cette semaine, la sanction appliquée à un soldat qui s’en était pris à un activiste d’extrême-gauche à Hébron.

Netanyahu mène actuellement également des négociations pour installer Bezalel Smotrich, autre idéologue de droite peut-être plus implacable encore, au poste de ministre des Finances, après avoir initialement envisagé l’idée d’en faire son ministre de la Défense. Une fois encore, la possibilité d’attribuer une telle responsabilité à un activiste politique au potentiel aussi incendiaire n’aurait jamais dû être seulement examinée, voire imaginée.

Smotrich avait été emprisonné pendant trois semaines par le Shin Bet pour un complot d’attentat terroriste présumé – l’attaque aurait visé des voitures israéliennes sur l’autoroute d’Ayalon – en gui se de protestation contre le désengagement de 2005 à Gaza. « Homophobe et fier de l’être », comme il s’était lui-même défini, il avait aidé à organiser la « Marche des animaux » pour dénoncer la Gay Pride de Jérusalem. Lui aussi, comme Ben Gvir, veut annexer la Judée-Samarie biblique sans accorder l’égalité des droits aux Palestiniens ; il est hostile aux courants non-orthodoxes du judaïsme, qu’il méprise et il n’a jamais caché vouloir transformer Israël, à terme, en théocratie, avec un système judiciaire basé sur la Torah.

Dans les semaines qui avaient précédé les élections du 1er novembre, il avait présenté un programme détaillant des réformes judiciaires qu’il souhaitait voir mises en œuvre – et qui réduiraient notamment la Haute cour de justice à l’impuissance, en neutralisant la capacité des juges à protéger les droits individuels face aux assauts de la majorité en place (avec la dite « clause dérogatoire ») et qui donnerait à la coalition au pouvoir suffisamment de présence à la commission de sélection des juges pour choisir les magistrats les plus à son goût.

Le président de Hatzionout HaDatit Bezalel Smotrich, à droite, avec le chef spirituel du parti, Chaim Druckman, en 2022. (Autorisation)

Comme dans le cas de Ben Gvir, il est difficile de dire si Netanyahu cédera à sa demande scandaleuse de restructurer ou de démanteler l’Administration civile, qui supervise la Cisjordanie disputée. Les changements réclamés par Smotrich dans ce contexte, des changements qu’il veut pouvoir contrôler lui-même – avec le transfert de l’autorité de l’Administration civile, qui dépendait jusqu’à aujourd’hui du ministère de la Défense, qui serait dorénavant placée sous son commandement – apparaîtrait comme une annexion de facto et rendrait Israël plus vulnérable que jamais face aux critiques, aux réprimandes et face aux sanctions potentielles à l’international, à la plus grande joie des ennemis du pays et au désespoir de ses alliés.

Enfin, avec ces idéologues qui ne sont rien de moins qu’anti-démocratiques, Netanyahu a négocié l’établissement d’un bureau qui sera chargé « de l’identité juive », au sein du Bureau du Premier ministre et dont la direction serait confiée à Avi Maoz, le seul député, au Parlement israélien, de Noam, une faction microscopique, qui est soutenue par quelques dizaines de milliers d’Israéliens et qui n’est parvenue à entrer à la Knesset que grâce à l’alliance négociée par Netanyahu à la droite extrême de l’échiquier politique.

Maoz et Noam sont profondément hostiles à l’égard du judaïsme non-orthodoxe, ce qui fait de l’idée même de nommer le député au poste de vice-ministre en charge de « l’identité juive » au sein du gouvernement d’Israël un repoussoir particulièrement fort pour les millions de Juifs non-orthodoxes du monde entier, dont un grand nombre se sentent pourtant extrêmement liés à Israël

Le nouveau bureau spécialement créé pour Maoz disposera d’un budget initial de 100 millions de shekels, qui passera à 150 millions de shekels dès la deuxième année, et d’un personnel de quinze personnes. Selon les dispositions de l’accord de coalition qui ont été rendues publiques, Maoz, homophobe, opposé au pluralisme, anti-arabe, contrôlera les enseignements à l’extérieur du tronc commun dans les écoles de tout le pays, ce qui lui accordera la responsabilité directe de certains contenus appris aux élèves – une fonction qui jusqu’à présent et de manière très naturelle était confiée au ministère de l’Éducation. Cet arrangement a été dénoncé par la ministre sortante de l’Éducation, mercredi, qui l’a qualifié de « déshonneur moral ».

Maoz et Noam sont profondément hostiles à l’égard du judaïsme non-orthodoxe, ce qui fait de l’idée même de nommer le député au poste de vice-ministre en charge de « l’identité juive » au sein du gouvernement d’Israël un repoussoir particulièrement fort pour les millions de Juifs non-orthodoxes du monde entier, dont un grand nombre se sentent pourtant extrêmement liés à Israël.

Point commun entre ces trois « sionistes religieux », la conception erronée pernicieuse, non-juive, qu’être désigné « peuple élu » indique que nous serions quelques peu meilleurs que les autres et que nous aurions le droit d’opprimer ceux qui nous sont inférieurs – un Judaïsme appréhendé sous l’angle du suprémacisme. Mais le judaïsme n’est pas une religion suprémaciste. Notre tradition est, au contraire, de considérer qu’un code de comportement moral nous a été confié, un code que nous sommes dans l’obligation de respecter et de répandre autour de nous – avec en son cœur, pour citer Hillel, un impératif : « Ce qui est haineux à tes yeux, ne le fais pas subir à ton voisin. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire ». Et pour citer Netanyahu lui-même, dans un entretien qui a été accordé mercredi et en réponse à une question posée par Bari Weiss qui lui demandait s’il pensait que le peuple juif était un peuple élu : « Oui. Dans le sens où nous avons amené au monde l’idée de moralité. »

Un grand nombre des politiques prônées par Ben Gvir, Smotrich et Maoz sont une négation directe du judaïsme authentique. Et aujourd’hui, tous les trois se sont fixés comme objectif de les imposer.

Un système judiciaire neutralisé, une ultra-orthodoxie renforcée

Il y a beaucoup plus de choses encore qui se jouent actuellement à une vitesse déroutante, des choses qui ont le potentiel d’entraîner des conséquences destructrices – pour Israël en tant qu’État démocratique, pour Israël en tant que foyer de tout le peuple juif, pour Israël en tant que moteur économique puissant, pour Israël en tant que nation unie, pour Israël en tant que nation capable de se défendre dans cette région hostile. Les nouvelles demandes, les nouveaux arrangements, qui affichent tous le même potentiel d’avoir un impact énorme, se sont succédés, ces dernières semaines, à une telle rapidité qu’il est même devenu difficile de les suivre.

Dans ses négociations avec les deux formations ultra-orthodoxes, par exemple, Netanyahu aurait accepté d’ancrer dans le marbre l’exemption du service militaire pour les étudiants en yeshiva, sans obligation pour eux de faire un service national alternatif. Réclamée depuis longtemps par les politiciens Haredim qui veulent, à l’évidence, condamner leur électorat à des vies difficiles et à la pauvreté – trahissant la tradition juive orthodoxe où la communauté soutient les spécialistes de la Torah les plus brillants et où les autres ont l’obligation de travailler pour gagner leur vie et répondre aux besoins de leur famille (principe de « ein kemah, ein Torah ») – cette exemption générale avait été rejetée par la Haute cour, qui avait considéré qu’elle était discriminatoire. Une fois que la clause « dérogatoire » évoquée ci-dessus sera en place, plus rien ne pourra plus faire obstacle à l’adoption de cette législation.

Des hommes juifs ultra-orthodoxes protestent contre le projet de conscription de l’armée, à l’entrée de Jérusalem, le 8 mars 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Un grand nombre d’Israéliens non-Haredim dénoncent depuis longtemps cette inégalité – affirmant qu’eux et leurs enfants risquent leur vie pour protéger le pays pendant le service militaire obligatoire tandis que les ultra-orthodoxes restent à l’abri, et disant également que leurs impôts sont utilisés pour subventionner un secteur de l’électorat dont un grand nombre d’hommes ne travaillent pas. La mise en œuvre et l’officialisation de cet arrangement ne feront qu’élargir les fissures qui séparent les Juifs Haredim et les autres Israéliens – avec des implications dangereuses pour l’unité et la résilience israéliennes, notamment en ce qui concerne la volonté quasi-consensuelle des Israéliens non-ultra-orthodoxes de faire leur service militaire.

De plus, Netanyahu avait promis aux leaders ultra-orthodoxes, même avant les élections, qu’il offrirait des fonds gouvernementaux aux écoles de la communauté qui n’enseignent pas les matières du tronc commun, parmi lesquelles les maths et l’anglais – privant par conséquence de nombreux jeunes Haredim des compétences nécessaires pour entrer sur le marché de l’emploi si tel est leur désir.

La suppression de la clause dite « des petits-enfants » dans la Loi du Retour constituerait une autre trahison de l’idéal qui était à la base de la fondation d’Israël – l’État juif fermerait ainsi ses portes à de potentiels citoyens qui se considèrent comme appartenant au peuple juif et qui sont souvent persécutés pour cette raison

Les responsables ultra-orthodoxes, certains leaders à l’extrême-droite et les deux grands-rabbins d’Israël qui sont payés par l’État exercent d’intenses pressions en faveur d’un amendement de la Loi du Retour, qui accorde le droit automatique à la citoyenneté aux individus qui ont au moins un grand-parent juif. L’amendement qu’ils appellent de leurs vœux – et auquel s’opposerait le Likud de Netanyahu – supprimerait cette clause dite « des petits-enfants » de manière à ce que le droit à la citoyenneté se limite largement aux personnes considérées comme Juives conformément à la Halakha – c’est-à-dire via la filiation matrilinéaire.

Encore une fois, et vous me pardonnerez cette répétition, une telle idée est tout simplement impensable dans la mesure où elle constituerait une autre trahison de l’idéal qui était à la base de la fondation d’Israël – l’État juif fermerait ainsi ses portes à de potentiels citoyens qui se considèrent comme appartenant au peuple juif et qui sont souvent persécutés pour cette raison.

Des immigrants juifs fuyant les zones de guerre de l’Ukraine à leur arrivée à l’aéroport Ben Gurion, près de Tel Aviv, le 15 mars 2022. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Netanyahu aurait d’ores et déjà accepté une demande de ses alliés de coalition visant à révoquer un jugement de la Haute cour qui reconnaissait les conversions au judaïsme faites en Israël sous les auspices du mouvement réformé, et ce à des fins de citoyenneté. Une autre demande lui a été soumise, celle de soutenir une législation qui autoriserait la séparation entre hommes et femmes pendant les événements publics.

Signes de faiblesse

En examinant de près la démolition probable par le bulldozer de la coalition naissante qui sera dirigée par Netanyahu d’un si grand nombre de composantes qui se trouvent au cœur d’Israël, ce qui est le plus déconcertant, c’est que les nominations alarmantes qu’il est sur le point de faire – et les dégâts que lui et ses ministres sont aussi sur le point d’infliger au pays – n’étaient pourtant pas inévitables pour le plus rusé et le plus aguerri des politiciens qu’est le chef du Likud. Il cède sans difficulté aux demandes émises par les leaders des partis alliés concernant les postes les plus éminents, il accorde à ces derniers plus d’autorité qu’ils n’auraient pu en rêver et il consent à un plus grand nombre de changements législatifs que la réalité politique l’exige dans les faits.

Il cède aux demandes émises par les leaders des partis alliés concernant les postes les plus éminents, il accorde à ces derniers plus d’autorité qu’ils n’auraient pu l’imaginer et il consent à un plus grand nombre de changements législatifs que la réalité politique l’exige dans les faits

Une faiblesse incompréhensible qui en rappelle une autre, celle de l’abandon du « compromis du mur Occidental », négocié pourtant avec gravité, en 2017, et abandonné sous les pressions politiques des ultra-orthodoxes – des pressions résistibles – même si aujourd’hui, l’impact de ces faiblesses risque d’être beaucoup plus brutal (des rumeurs persistantes laissent entendre que Netanyahu se laisse fortement influencer dans ses relations avec les ultra-nationalistes par son fils Yair, qui adopte des positionnements publics largement provocateurs à la droite de son père. Des rumeurs légitimement troublantes).

Ben Gvir n’aurait peut-être pas accepté de rejoindre son gouvernement sans que Netanyahu en paie le prix, mais il n’était peut-être pas non plus indispensable de lui accorder des pouvoirs supplémentaires en tant que ministre de la Sécurité nationale pour qu’il s’empresse d’intégrer la coalition. Son ascension vertigineuse à un poste ministériel où il contrôle les forces de l’ordre – un coup de théâtre scandaleux auquel Netanyahu lui-même n’aurait pas consenti il y a deux ans – aurait été largement suffisante pour le convaincre de rallier l’alliance au pouvoir.

Smotrich est un militant résolument opiniâtre – son refus de rejoindre une coalition qui s’appuyait sur le soutien extérieur du parti islamiste Raam avait finalement envoyé Netanyahu et ses alliés sur les bancs de l’opposition après les élections de 2021 – et il est un adversaire implacable dans le cadre de négociations. Mais c’est Netanyahu qui a véritablement invité Smotrich à revoir à la hausse ses demandes, en signalant que l’intention dont il avait précédemment fait part – celle de conserver les ministères de la Défense, le Trésor et le ministère des Affaires étrangères entre les mains du Likud – n’était plus d’actualité. Dans la mesure où ces postes prestigieux étaient dorénavant offerts à sa convoitise, Smotrich a d’abord opté sans hésitation pour le portefeuille de la Défense et, ce dernier étant hors de portée pour lui, il réclame maintenant le ministère des Finances et, laissant libre cours à son ambition, il réclame également le contrôle de l’Administration civile.

Le député Avi Maoz, à gauche, et le chef du Likud Benjamin Netanyahu après la signature d’un accord de coalition, le 27 novembre 2022. (Autorisation : Likud)

Concernant Maoz, qui ne représente directement presque personne et qui est un repoussoir pour à peu près tout le monde, son seul vote n’a rien de décisif pour la coalition de Netanyahu et il aurait pu se voir offrir n’importe quel poste subalterne – à prendre ou à laisser. Et pourtant, il n’a eu qu’à se plaindre en public que Netanyahu n’avait pas commencé à négocier avec lui pour que, quelques heures plus tard, il obtienne une rencontre en face à face avec le Premier ministre désigné. Et plutôt que de calmer ses ardeurs en lui proposant quelque rôle mineur, Netanyahu a choisi de faire de lui le responsable « de l’identité juive » – accordant à une personnalité marginale dont les points de vue sont une abomination pour la majorité écrasante des citoyens de notre nation un rôle déterminant de supervision de tous les Juifs en Israël, avec des répercussions qui toucheront tous les Juifs du monde.

Une trahison de sa propre histoire personnelle

Oui, Netanyahu est devenu plus belliqueux au fil des années comme cela a été le cas de nombreux Israéliens depuis la Seconde intifada, avec l’ascension du Hezbollah et du Hamas dans des territoires laissés vacants par Israël et face au rejet constant des Palestiniens. Et oui, une fois encore, Netanyahu est marqué par son procès pour corruption, convaincu qu’il a été injustement mis en examen pour des actions qu’il rejette ou dont il estime qu’elles n’ont pas grand-chose de répréhensible.

Mais Netanyahu a toujours été un grand patriote israélien – le fils d’une famille passionnément sioniste qui a perdu son frère bien-aimé, un héros, dans une action militaire à Endebee. Lui-même s’est illustré de manière courageuse au cours d’un service militaire passé dans une unité d’élite de l’armée, où il a côtoyé la mort. Et il n’est pas le Premier ministre resté le plus longtemps au pouvoir de toute l’Histoire du pays par hasard ; pendant douze années, de 2009 à 2021, une longévité extraordinaire, il a dirigé le pays avec suffisamment de compétences et de popularité pour conserver le soutien d’une majorité de l’électorat et pour rester, sondage après sondage, le choix favori, et de loin, des Israéliens pour endosser le costume de chef de gouvernement.

Netanyahu, dans le passé, défendait le système judiciaire israélien, conscient que dans un Israël sans constitution, sans Bill of Rights, avec un Parlement qu’une coalition homogène peut dominer sans difficulté et en l’absence d’une limitation du nombre de mandats pour les dirigeants, un système judiciaire robuste et efficace était un frein vital pour prévenir les excès et les abus gouvernementaux

Il n’a pas hésité à faire usage de la force, mais il n’est pas un aventurier militaire.

Même s’il prône une annexion au moins partielle de la Cisjordanie – environ 30 % du territoire, comprenant les implantations israéliennes et la vallée du Jourdain – il a gelé ce projet quand il a été clairement établi que l’administration Trump ne le soutiendrait pas. Et il l’a gelé, malgré sa forte réticence, pour pouvoir concrétiser la signature des Accords d’Abraham, les accords de normalisation des liens conclus en 2020 par Israël avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan (la normalisation avec ce dernier est encore en cours).

De gauche à droite : Le premier ministre Benjamin Netanyahu, le président américain Donald Trump, le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn Abdullatif al-Zayani et le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis Abdullah bin Zayed al-Nahyan sont vus sur le balcon de la Blue Room après avoir signé les accords d’Abraham lors d’une cérémonie sur la pelouse sud de la Maison Blanche à Washington, le 15 septembre 2020. (AP Photo/Alex Brandon)

Il a aussi respecté l’indépendance du système judiciaire et il s’est engagé à défendre cette indépendance, conscient que dans un Israël sans constitution, sans Bill of Rights, avec un Parlement qu’une coalition homogène peut dominer sans difficulté et en l’absence d’une limitation du nombre de mandats pour les dirigeants, un système judiciaire robuste et efficace était un frein vital pour prévenir les excès et les abus gouvernementaux, un élément déterminant dans le système délicat de l’équilibre des pouvoirs au sein de notre démocratie.

Netanyahu est inflexible, estimant que les inquiétudes sur la direction que semble emprunter Israël et sur les objectifs que poursuivent les personnalités qu’il a lui-même habilitées sont non-fondées. « J’ai souvent entendu ces prédictions apocalyptiques mais aucune ne s’est jamais matérialisée », a-t-il confié, mercredi, à Bari Weiss. « J’ai toujours maintenu la nature démocratique d’Israël. J’ai maintenu les traditions d’Israël. Israël ne sera pas gouverné par la loi du Talmud. Nous n’allons pas interdire les tribunes LGBT. Comme vous le savez, mon point de vue est nettement différent de celui de mes alliés, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous allons rester un état de droit ».

Mais Netanyahu a d’ores et déjà affaibli la hiérarchie démocratique en s’en prenant à la police et aux procureurs, les frappant à coups de boutoir, et il a approfondi les divisions intérieures, dans le pays, avec la diabolisation incessante de ses adversaires politiques. La coalition qu’il est actuellement en train de finaliser, les ministres qu’il s’apprête de désigner à des fonctions puissantes et l’ordre du jour qu’il est en train de mettre en place, dont il est en train de permettre la réalisation, sont impossibles à concilier avec ses réassurances les plus récentes et marquent une rupture avec un grand nombre des principes qui se trouvaient au cœur de sa carrière politique et militaire.

Ancien officier de l’unité Sayeret Matkal (une unité spéciale de reconnaissance de Tsahal), il s’apprête à confier un nouveau ministère de la Sécurité nationale, aux responsabilités élargies, à un arriviste provocateur dont la seule expertise sécuritaire et policière réside dans ses passages devant les tribunaux. Netanyahu est le commandant en chef qui a envisagé de donner à un idéologue expansionniste, à un homme soupçonné de terrorisme, le portefeuille ultra-sensible de la Défense. Il est le Juif laïc qui envoie Israël sur la pente de la théocratie à la demande pressante des ultra-orthodoxes et des sionistes religieux de la ligne dure. Il est le démocrate auto-proclamé qui semble prêt à démanteler les piliers de la démocratie grâce à une clause « dérogatoire » qui neutralisera le système judiciaire. Il s’agit ici, en outre, d’une « réforme » radicale dont il n’a pas clairement besoin pour rassembler sa coalition (les magistrats sont peu susceptibles d’intervenir si la loi est modifiée pour permettre à Aryeh Deri, du Shas, de redevenir ministre malgré sa condamnation à une peine de prison avec sursis) ou pour échapper à son procès (là encore, les juges n’interviendraient probablement pas si, comme ils en ont l’intention, les alliés de Netanyahu décidaient de faire disparaître le chef d’inculpation de « fraude et abus de confiance » qui est au cœur des trois dossiers de corruption qui lui valent son procès actuel).

Ce que Netanyahu est en train de faire, ce ne sont pas des préparatifs « normaux » de formation d’un nouveau gouvernement, avec des leaders et un ordre du jour aux antipodes de la coalition vaincue qui l’a précédé. C’est plutôt une formule toute entière qui rendra Israël méconnaissable – avec des clivages encore plus importants dans le pays ; un Israël qui sera moins démocratique, plus intolérant religieusement, plus dominé par les hommes ; avec une « armée du peuple » devenue moins consensuelle, plus politique ; un Israël auto-destructeur dans ses politiques à l’égard des Palestiniens, un pays en opposition avec une grande partie des Juifs de la Diaspora. C’est la formule annonciatrice d’un Israël auto-destructeur qui, s’il se perd dans ses excès potentiels – et je dis bien « si » – risque de rendre le pays insoutenable dans sa chute vers la discorde intérieure, avec l’approfondissement des frictions régionales, avec l’effilochage du soutien international, un pays qui sera en proie à une pression diplomatique, militaire et économique croissante.

Tout cela est inimaginable et se déroule pourtant devant nos yeux. Seul Netanyahu peut l’empêcher. Netanyahu fait toutefois le choix de le permettre.

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