JTA — Chaque nouvelle année est l’opportunité de célébrer les réussites d’icônes juives reconnues dans tous les domaines – et aussi de pleurer celles qui nous ont quittés.
Rendons ici hommage à ces personnalités qui se sont éteintes en 2022 et qui auront laissé leur empreinte dans des sphères diverses, que ce soit en politique, dans les arts, dans le sport ou ailleurs.
Melissa Bank
Melissa Bank n’aura publié que deux livres dans sa carrière mais ces deux recueils de nouvelles avaient été des Bestsellers. Elle y avait exploré la vie des femmes juives avec des histoires toujours pertinentes des décennies plus tard.
Son premier ouvrage, The Girls’ Guide To Hunting And Fishing, publié en 2019, était resté pendant des mois dans la liste des meilleures ventes du New York Times.
Les mésaventures comiques des protagonistes juifs de ses deux livres s’entremêlaient souvent à la vie juive : Dans Wonder Spot, Sophie Applebaum sèche les cours de son école juive ; elle songe à se faire embaucher dans un journal juif et elle s’oppose aux tentatives passives-agressives d’une belle-sœur qui veut faire imposer les règles de la casheroute à son domicile.

Bank est décédée des suites d’un cancer du poumon en août. Elle avait 61 ans.
Isaac Berger
Moïse et les Maccabées mis de côté, il n’est pas exagéré d’affirmer qu’Isaac Berger a été l’un des Juifs les plus forts de tous les temps.
Connu sous le surnom de « Ike », Berger avait remporté trois médailles aux Jeux olympiques, deux Championnats du monde et huit championnats américains en haltérophilie dans les années 1950 et 1960, une période pendant laquelle il avait maintenu sa domination sur la discipline.
Lors des Maccabiades de 1957, Berger avait été le premier athlète à établir un record mondial en matière de sport en Israël. Sa médaille d’or lui avait été présentée par le Premier ministre David Ben Gurion, qui avait appelé Berger le « gibor yehudi – « le héros juif ».
Berger était entré au Hall of Fame américain d’haltérophilie en 1965 et il avait intégré le Hall of fame juif des sports internationaux en 1980.

Berger est mort en juin dernier à l’âge de 85 ans.
Peter Bogdanovich
Peter Bogdanovich était un réalisateur et acteur dont les films, l’ego et les exploits hors-caméra auront été l’incarnation des excès du Hollywood des années 1970.
Il avait commencé sa carrière d’acteur dans un nanar à petit budget réalisé par Roger Corman puis il fait son entrée dans la cour des grands réalisateurs en 1971 avec « La dernière séance », un drame qui se déroule dans une petite ville du Texas, avec Jeff Bridges et Cybill Shepherd en têtes d’affiche (l’actrice était d’ailleurs devenue la conjointe du réalisateur après une aventure amoureuse tissée sur le plateau.)
« La dernière séance » avait été un succès à la fois critique et commercial. Bogdanovich avait été nominé aux Oscars dans la catégorie du meilleur réalisateur et dans celle de la meilleure adaptation pour un scénario, transformant cet homme de seulement 32 ans en phénomène que la presse comparait fréquemment à Orson Welles, son idole.
« On s’fait la valise, docteur ? », le film réalisé par Bogdanovich en 1972, avait aussi été un succès aux box-office. A noter que cette comédie hautement loufoque avait fait de sa star juive, Barbra Streisand, un sex-symbol.
Même si Bogdanovich parlait rarement de ses origines religieuses dans les interviews, il était fier de son père qui avait sauvé sa mère juive en Europe.
« Il était un très grand peintre et son talent était largement reconnu dans ce qui était la Yougoslavie à l’époque », avait dit le réalisateur en 2019 lors d’un entretien avec le New York Magazine, évoquant son père Borislav. « Mais il a tout abandonné pour sauver ma mère juive et sa famille. Lui-même n’était pas juif, mais elle l’était. »

Bogdanovich est décédé le 6 janvier à Los Angeles. Il avait 82 ans.
Hanna Pick-Goslar
Hannah Pick-Goslar apparaît à de multiples reprises dans le Journal d’Anne Frank – à la fois amie proche et vision prémonitoire des horreurs à venir pour la famille de la jeune écrivaine pendant la Shoah.
Comme l’avait écrit Anne dans son emblématique journal intime, après avoir eu un cauchemar au sujet de son amie : « Ses yeux étaient très grands et elle me regardait avec une telle tristesse, avec tellement de reproches, que je pouvais lire dans ses yeux : ‘Oh, Anne, pourquoi m’as-tu abandonnée ?… Aide-moi, oh, aide-moi, sauve-moi de cet enfer ! »
La dernière rencontre entre les deux adolescentes devait avoir lieu à la clôture de fils barbelés du camp de concentration de Bergen-Belsen.
Après sa libération du camp – elle avait passé du temps en Hollande puis elle était allée en Suisse avec sa tante et son oncle – Pick-Goslar avait finalement émigré en Israël en 1947. Elle devait devenir infirmière et elle témoignait de la Shoah.
Son amitié avec Anne Frank avait été au centre d’un livre, « Mon amie Anne Frank », et d’un film hollandais, « Anne Frank, ma meilleure amie » (2021).

Pick-Goslar s’est éteinte à Jérusalem le 28 octobre à 93 ans.
Gerda Weissmann Klein
La libération de Gerda Weissmann Klein, déportée dans un camp de concentration, avait eu lieu après une marche de la mort de presque 600 kilomètres alors que les nazis tentaient d’éviter les avancées des forces alliées. Sur les 4 000 femmes parties sous la garde des SS, moins de 120 devaient survivre.
Après s’être installée aux États-Unis, Weissman Klein était devenue autrice à succès, écrivant dix livres. Entre autres, son autobiographie écrite en 1957, « All But My Life, » fréquemment utilisée par les éducateurs pour apprendre la Shoah aux jeunes générations et The Hours After: Letters of Love and Longing in War’s Aftermath, chronique de sa correspondance et de celle de son époux dans les années qui s’étaient écoulées entre leur libération et leur mariage.
Des décennies plus tard, l’histoire de Weissmann Klein avait été à la base d’un documentaire sous forme de court-métrage diffusé sur HBO, « One Survivor Remembers » (1995). Le documentaire avait remporté un Emmy et un Oscar (et il est actuellement à découvrir en streaming sur HBO Max).
Aux Oscars, elle avait transmis un message mémorable dans son discours d’acceptation, concluant que : « Tous ceux qui, parmi vous, connaissent la joie de la liberté ont gagné en réalité ».

Klein est décédée le 3 avril à Phoenix, en Arizona.
Nehemiah Persoff
Peu d’acteurs revendiquent d’être des « acteurs de genre » – mais Nehemiah Persoff ne craignait pas de le faire.
Depuis les années qui avaient suivi l’indépendance israélienne, en passant par l’âge d’or de Hollywood et encore au-delà, Persoff avait incarné plus de 200 rôles sur scène et devant la caméra, travaillant avec des réalisateurs comme Billy Wilder, Alfred Hitchcock, Barbra Streisand et Martin Scorsese (il avait joué un rabbin dans « La dernière tentation du christ ».)
Il avait souvent joué des gangsters et notamment dans « Certains l’aiment chaud », le grand classique avec Marilyn Monroe.
Né à Jérusalem, Persoff avait suivi sa famille aux États-Unis en 1929 et, après la Seconde Guerre mondiale, il s’était reconnecté à ses racines israéliennes en revenant sur les planches dans le pays.
Même si Persoff n’était pas religieux, il était resté un sioniste fervent pendant toute sa vie et il avait fait part de son regret de ne pas s’être battu pendant la guerre d’Indépendance, en 1948 et en 1949, à un moment où il tentait d’asseoir sa carrière d’acteur aux États-Unis.

Persoff s’est éteint au mois d’avril à l’âge de 102 ans.
Sam Massell
Sam Massell avait été le premier maire juif d’Atlanta – et son dernier maire blanc.
Cependant, il avait été le premier maire de la ville à prouver que les Afro-américains qui vivaient à Atlanta avaient suffisamment de poids pour porter au pouvoir les candidats qu’ils voulaient choisir, et il avait pris le parti d’intégrer des responsables afro-américains dans les équipes municipales et de construire un immense système de transport qui devait définitivement changer le visage de la ville.
Pendant son unique mandat de maire, le nombre d’Afro-américains à des postes à responsabilité avait été multiplié par deux, passant à 40 %. « Etre afro-américain signifie que vous êtes toujours différent », avait-il dit. « Mais être Juif signifie que je suis, moi aussi, toujours différent ».

Massell est mort le 13 mars à l’âge de 94 ans.
Aline Kominsky-Crumb
Dans l’une de ses bandes-dessinées autobiographiques, Aline Kominsky-Crumb évoque la vision successive de jeunes adolescentes juives arrivant après une chirurgie plastique dans un lycée de Long Island.
« Moi et mes amis avons développé le syndrome de la fierté du gros nez », écrit-elle, alors que l’un de ses personnages affirme : « Je ne supportais pas de ressembler à un copier-coller ! »
Elle avait d’abord travaillé avec son mari Robert Crumb, lui-même créateur de comics célèbre, avant de travailler seule. Kominsky-Crumb avait amené un regard aiguisé et novateur dans le monde de la bande dessinée, renversant les stéréotypes sur les femmes juives.
Considérée largement, dans les années 1970, comme une personnalité vulgaire et controversée, elle sera finalement devenue une icône pour de nombreuses artistes féministes. Selon Roz Chast, son influence est largement perceptible chez toutes les femmes créatrices de bandes dessinées.

Kominsky-Crumb est morte des suites d’un cancer du pancréas à l’âge de 74 ans, au mois de novembre, dans un petit village du piémont cévenol où elle était installée avec son mari depuis de nombreuses années, en France.
Estelle Harris
Née Estelle Nussbaum, Harris était devenue connue à la télévision sous le nom d’Estelle – Estelle Costanza, pour être précis – la mère criarde et enragée de George Costanza dans la sitcom à succès « Seinfeld » qui avait été diffusée entre 1992 et 1998.
Selon Deadline, cela avait été le destin : le personnage s’appelait déjà Estelle avant que Harris ne lui prête ses traits.
Harris était née à New York City en 1928 où ses parents, des Juifs d’origine polonaise, étaient propriétaires d’un magasin de bonbons à Manhattan.
Quand elle avait sept ans, la famille était partie pour Tarentum, en Pennsylvanie, où la fillette avait souffert de harcèlement antisémite à l’école. Elle s’était rapidement tournée vers le théâtre, aidée par des cours d’élocution. Elle avait alors découvert sa vocation pour la comédie.
Si Harris avait connu une carrière prolifique – elle avait été la voix off de nombreuses publicités et elle avait tenu des rôles mineurs dans des films de cinéma ou dans des émissions de télévision – elle s’était tellement fondue dans son rôle de « Seinfeld » que les fans l’arrêtaient fréquemment dans la rue pour lui dire qu’elle leur rappelait leurs propres mères.
Jason Alexander, qui jouait le rôle de George dans « Seinfeld », s’était souvenu de sa « maman de télévision » dans un tweet écrit après la mort de l’actrice. « L’une des personnes que j’aime le plus est partie – ma maman de télévision, Estelle Harris. Le bonheur que j’ai eu à jouer avec elle et de pouvoir savourer son humour ont été un honneur. Je t’adore, Estelle », avait-il écrit.

Harris s’est éteinte au mois d’avril à l’âge de 93 ans.
Gilbert Gottfried
Pour un comique connu pour sa voix grinçante, nasillarde, et des blagues majoritairement interdites aux mineurs, Gilbert Gottfried était aussi un père étonnamment doux et surprenant qui devait rentrer davantage en contact avec sa judéité après avoir épousé sa femme, en 2007.
L’homme connu pour être la voix du canard Aflac s’était pourtant presque fait « canceled » – annuler – à plus d’une occasion : En 1991, la Fox avait présenté ses excuses après les plaisanteries répétées de Gottfried, qui animait alors la soirée de remise des Emmy, sur l’arrestation d’un autre humoriste, Pee-wee Herman, trouvé en train de se masturber dans un cinéma porno.
Il avait continué à s’illustrer dans des films, dans des émissions de radio (particulièrement avec Howard Stern), dans des sketchs, dans des sitcoms, et dans le doublage de dessins animés.
Il avait été Iago le perroquet, le compagnon du méchant Jaffar dans « Aladdin », de Disney.
Il avait dit ce qui avait été peut-être la toute première blague au sujet du 11 septembre 2001 – quelques jours seulement après la destruction du World Trade Center par des avions de ligne pilotés par des terroristes. « J’ai toujours dit que tragédie et comédie sont colocataires », avait commenté Gottrieb auprès de Vulture en 2019.

Gottfried s’est éteint au mois de février à New York à l’âge de 67 ans de complications liées à une dystrophie myotonique, une maladie rare.