JAFFA – Dans les rues vides de Jaffa, le matin du dimanche 8 octobre, Kaley Halperin mettait ses enfants dans sa voiture avec le peu d’affaires qu’elle avait pu rassembler, ne sachant pas quand elle reviendrait. Comme le reste du pays, elle s’était réveillée la veille au son des sirènes et au bruit du système de défense anti-missile « Dôme de fer » qui interceptait les roquettes au-dessus de sa tête.
Bien qu’observant Shabbat, Halperin avait demandé à son époux Yossi de vérifier son téléphone. « Il n’y avait rien dans les nouvelles, car personne n’était encore au courant de quoi que ce soit. »
Une heure plus tard, le commandant de Yossi a appelé. C’est la dernière fois qu’elle l’a vu en l’espace de trois mois.
Le samedi soir, son frère lui avait demandé de quitter la ville. Craignant qu’il ne réagisse de manière excessive, elle avait interrogé Yossi.
Elle se souvient de sa réponse : « ‘Je ne sais pas ce qui va se passer’, m’a-t-il dit. ‘Va chez ta mère.’ C’est la première fois que j’ai eu peur. »
Alors qu’elle attachait ses enfants, Halperin a été frappée par un contraste. « Tout était calme, mais on avait l’impression que tout le monde était figé, attendant de voir si quelqu’un allait faire le premier pas. »
Son sentiment de malaise découlait des souvenirs du traumatisme subi par sa communauté en mai 2021, lorsque Jaffa, ainsi que d’autres villes mixtes d’Israël, avaient été le théâtre des pires violences intestines que le pays eut connues depuis des années.
Pendant onze jours, alors que les roquettes du groupe terroriste palestinien du Hamas pleuvaient et que les frappes aériennes israéliennes pilonnaient Gaza, des milliers d’Israéliens arabes et juifs étaient descendus dans la rue pour participer à de violentes manifestations qui s’étaient soldées par quatre morts, des destructions massives de biens, des blessés et des scènes d’une brutalité choquante.
La guerre fait rage depuis maintenant neuf mois, mais malgré – ou peut-être grâce à – la crainte qu’octobre 2023 ne finisse comme mai 2021, il n’y a pas eu de nouvelle flambée de violence entre Juifs et Arabes à Jaffa ni dans les autres villes mixtes d’Israël.
Les Juifs et les Arabes de Jaffa s’accordent généralement à dire que le choc, le pragmatisme et le maintien de l’ordre, à la fois par les forces de l’ordre et dans le cadre d’une surveillance de proximité au sein des communautés, ont été les principaux facteurs qui ont permis d’éviter une répétition de mai 2021.
Selon une source policière, les agences de sécurité israéliennes ont procédé à 2 000 arrestations dans la seule ville de Jaffa, le 7 octobre, afin de réprimer les messages diffusés sur les réseaux sociaux qui pouvaient être interprétés comme un soutien au pogrom perpétré par le Hamas.
« Ces arrestations ont eu un effet dissuasif », a admis Majed, une figure islamique locale populaire. Dans l’ensemble, a-t-il ajouté, « les gens craignent de revenir à cette période, car nous avons tous payé un lourd tribut ». (Comme d’autres personnes citées ci-dessous pour lesquelles seul le prénom est indiqué, Majed a demandé à ce que son vrai nom ne soit pas utilisé en raison de la sensibilité du sujet).
Pour Hadir Guti, un enseignant musulman religieux élevé à Jaffa, « le 7 octobre a été avant tout une gifle pour les Palestiniens, parce qu’il ne nous représente pas. Il a franchi ma ligne rouge en tant qu’être humain ».
Mais sur le moment, les craintes de voir la ville de Jaffa se transformer à nouveau en poudrière étaient omniprésentes.
Le matin du 8 octobre, alors que les combats faisaient toujours rage à l’intérieur du territoire israélien – dans le sud – et que personne ne savait avec certitude à quel point les terroristes s’étaient infiltrés, un groupe de jeunes Juifs nationalistes a été vu brandissant des drapeaux et entonnant des chants patriotiques. Alors que l’école à laquelle ils étaient rattachés insiste sur le fait que le groupe rentrait simplement chez lui après une activité sportive, beaucoup d’autres ont perçu cet acte comme une provocation, similaire à d’autres marches nationalistes qu’ils avaient organisées par le passé, en particulier en raison de la proximité de la marche avec trois des principales mosquées de la ville.
Des témoins ont déclaré que le groupe s’était attardé devant les mosquées tout en chantant et en dansant – « rien d’illégal, mais on comprenait leur intention, ou du moins que cela n’était pas approprié à ce moment-là », a déclaré le porte-parole de la police, le major Mark Angert.
Le groupe était associé au garin torani de la ville, une communauté de Juifs pratiquants et souvent nationalistes qui se sont installés en tant que mouvement dans la ville. Il existe environ 135 groupes de garinim de ce type dans le pays, dont un grand nombre au cœur de villes comme Jaffa, où les critiques affirment qu’ils risquent de rompre l’équilibre souvent difficile, mais largement tranquille, entre Juifs et Arabes vivant à proximité les uns des autres.
Bien qu’ostensiblement conçu pour contribuer à l’intégration des populations juives religieuses et laïques d’Israël par le biais de services communautaires, de l’éducation et de la vie en commun, le mouvement garin – « noyau » en hébreu – s’est attiré les foudres ces dernières années pour avoir exacerbé les disparités socio-économiques entre les locaux et les transplantés, qui sont pour la plupart issus de familles éduquées de la classe moyenne et qui sont idéologiquement enracinés dans le mouvement sioniste religieux d’expansion de la présence juive.
Dans de nombreuses villes, les tensions entre les résidents arabes et les garinim, accusés de tenter de « judaïser » les espaces locaux et de pratiquer des politiques d’exclusion, s’enveniment depuis des années. Lorsque les émeutes ont éclaté en mai 2021, beaucoup ont considéré les frictions autour des garinim comme un facteur majeur au cœur des troubles.
Selon Nitzan, le responsable de la communauté de l’organisation qui chapeaute le garin de Jaffa, les jeunes Juifs qui avaient participé à la marche appartenaient à une académie de préparation à l’armée gérée par l’organisation.
Ils « s’entraînent tous les jours, courent sur la plage », a-t-elle expliqué, mais le 8 octobre, ils ont organisé leur marche matinale sur le boulevard de Jérusalem, la principale artère nord-sud de Jaffa, « en brandissant des drapeaux israéliens et en chantant Am Yisrael Chaï [Le peuple d’Israël vit] ».
Nitzan a décrit le cortège comme une tentative de soutenir le moral des troupes dans le sillage du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël.
« Je ne pense pas qu’ils aient eu l’intention d’inciter [à la haine], mais il était impossible de ne pas les entendre », a déclaré Daniella Bronstein, une résidente juive de longue date qui a assisté au déroulement de la marche. (Bronstein, journaliste et militante communautaire, a aidé à mettre en contact le Times of Israel avec plusieurs sources citées dans cet article).
Pour les Arabes de la ville, dont beaucoup ont observé le cortège avec anxiété, la seule chose qui a été renforcée, c’est leur sentiment d’inquiétude.
L’imam de la troisième mosquée devant laquelle le groupe s’est attardé a déclaré avoir reçu « des dizaines d’appels de jeunes arabes qui étaient déjà en train de se mobiliser pour attaquer le groupe ». L’histoire semblait se répéter.
Mais quelque chose avait changé.
« Ne faites rien », a dit l’imam à ses interlocuteurs. « Laissez-nous gérer cela tranquillement. » Si cela s’avérait nécessaire, il les appellerait, a-t-il ajouté.
Il a publié un message similaire sur les réseaux sociaux, qu’il a également envoyé à quelque 1 200 jeunes affiliés à sa mosquée.
L’imam a ensuite fait quelque chose qui aurait été impensable en 2021 et qui défie encore la sagesse commune partagée par les Juifs et les Arabes de Jaffa.
Il a appelé la police.
La « Mère de l’étranger »
Jaffa a servi de port et de point de rencontre des civilisations sans interruption depuis 4 000 ans, ce qui lui a valu l’un de ses surnoms arabes, Umm al-Gharib, ou « Mère de l’étranger ».
Au XIXe siècle, durant une longue période sous la domination ottomane, la ville a attiré des immigrants musulmans et arabes de toute la région, ainsi que des Juifs d’Afrique du Nord arrivés en 1820 et des Juifs d’Europe arrivés en 1840.
Selon les archives, entre 1866 et 1917, date de la prise de contrôle par les Britanniques, la population est passée de 5 000 à 50 000 habitants, mais la part de la population musulmane dans la ville a commencé à diminuer, passant de 77 % à 60 %.
Dans le même temps, la population juive est passée de 3 % à 20 %. En 1944, la population avait encore doublé, les Juifs représentant désormais 30 % de la population de Jaffa et les musulmans 54 %.
L’idée que les Juifs étaient des « infiltrés colonialistes » s’est consolidée au cours de cette période. Avec le soutien de l’Europe, les Juifs ont acheté des terres à l’extérieur de Jaffa – qui sont devenues la ville de Tel Aviv. En 1948, les Juifs représentaient 75 % de la population de la région. L’inversion de la répartition de la population dans ces villes et le changement de pouvoir qui en résulte illustraient parfaitement la dynamique nationale.
Après l’adoption du plan de partage des Nations unies en 1947, Jaffa est devenue une zone de guerre. Lorsqu’Israël a déclaré son indépendance en mai 1948, 95 % de ses 70 000 habitants avaient fui et, en 1949, les 26 villages environnants avaient été dépeuplés.
Au lendemain de la Guerre d’Indépendance, les derniers habitants de divers villages arabes ont été relogés de force dans le sud de Jaffa, qui a été rattaché à Tel Aviv.
Ils y avaient côtoyé des survivants juifs de la Shoah et d’autres immigrants venus de Bulgarie, du Maroc, de Roumanie et de Turquie. Les maisons construites au XIXe siècle et abandonnées pendant la guerre avaient été divisées en appartements abritant à la fois des Juifs et des Arabes.
Pour les réfugiés juifs, la vie dans la ville mixte de Jaffa représentait un nouveau départ sur une terre ancestrale.
« Ma grand-mère partageait sa cuisine avec une famille arabe à Jabaliyya », un quartier de Jaffa également appelé Givat HaAlyah, se souvient Sefi Smadja-Wasserman, dont les parents, immigrés marocains et polonais, se sont rencontrés à Jaffa dans les années 1950.
« J’avais un ‘tonton’ Ahmad. C’était normal. Nous avons grandi ensemble. »
Pendant plusieurs décennies, la vie et les institutions juives se sont développées à Jaffa.
Pour les Palestiniens, ce quartier représentait le fantôme d’une vie antérieure. Guti a expliqué que sa famille vivait à Ajami, un quartier de Jaffa où de nombreux Arabes de la ville avaient été cantonnés de force. À une époque, ce quartier était entouré de barbelés et beaucoup l’appelaient « le ghetto d’Ajami ».
« J’ai grandi dans une famille où mon père et ma mère ne parlaient pas », a-t-elle raconté. « Ils ne parlaient pas, ni de politique, ni de Palestine [sous mandat britannique]. »
La Jaffa qu’ils connaissaient n’existait plus et, en 1950, l’État s’était approprié ce qui restait en vertu de la loi sur les propriétés des absents.
Au fil des décennies, de nombreux Juifs ont quitté le centre pauvre de Jaffa pour de nouveaux quartiers dans d’autres parties de la ville, laissant derrière eux les maisons et les synagogues qu’ils avaient fondées, aux côtés d’un noyau de familles arabes plus pauvres qui avaient été déplacées en 1948 et dont beaucoup n’étaient pas propriétaires de leur logement.
En définitive, Tel Aviv a entamé un processus de « réhabilitation » de Jaffa en privatisant les propriétés de l’État (acquises en grande partie par le biais de la loi sur les absents, qui transférait la propriété d’anciennes maisons arabes). Cette politique a déclenché des vagues de gentrification au fur et à mesure que ces quartiers pauvres étaient réaménagés.
L’opposition de la communauté arabe de Jaffa, qui s’est manifestée à la fin des années 1970 et au début des années 1980, n’a pas réussi à freiner le remodelage de la ville. Des familles de la classe moyenne libérale ont acheté des maisons plus modestes. Des artistes, des hippies urbains, des étudiants et d’autres personnes cherchant à échapper aux loyers élevés de Tel Aviv y ont également élu domicile, transformant ainsi le tissu urbain de Jaffa.
Les Juifs et les Arabes ont tendance à appréhender ce processus à travers le prisme de 1948.
Pour les Arabes, il s’agit d’une réédition des transformations de la population, du pouvoir et du lieu qu’ils assimilent à la « Nakba » – ou « catastrophe », terme arabe désignant le déplacement des Arabes lors de la création de l’État d’Israël et de la Guerre d’Indépendance – qui a conduit à ce qu’ils considèrent comme la mort de Jaffa.
Pour les Juifs, elle retrace les pas de leurs ancêtres qui ont fondé une nouvelle vie sur un sol ancien grâce à l’indépendance d’Israël.
Les relations inversées de ces étranges voisins avec leur foyer commun ont été à l’origine des émeutes de 2021.
Un film de guerre
En 2007, le rabbin Eliyahu Mali est arrivé dans la ville accompagné d’un groupe de sept familles, un contingent religieux nationaliste dont les membres ont depuis acheté plusieurs biens immobiliers à Jaffa pour en faire des logements, des écoles et des dortoirs pour les garin torani de Jaffa.
Aujourd’hui, la communauté garin comprend une yeshiva du programme hesder – dans laquelle les soldats alternent l’étude de la Torah et le service militaire obligatoire – dirigée par Mali, plusieurs campus d’étudiants, deux académies pré-militaires et un programme de service national pour les jeunes femmes.
« Les gens disent souvent que ces colons [résidents d’implantations] sont venus pour judaïser Jaffa », a souligné Nitzan au sujet de la façon dont la communauté sioniste religieuse est perçue. « Ce n’est pas le cas. »
Si Mali est originaire d’une implantation de Cisjordanie, de nombreux membres du garin viennent de l’intérieur d’Israël.
« Je serais venu de Tel Aviv pour ‘occuper' », a dit Nitzan en riant.
Un représentant de la yeshiva a rappelé qu’il existe une communauté juive active à Jaffa depuis 1825.
Mali n’a jamais exprimé le désir de « judaïser » Jaffa, n’achète pas de propriétés arabes et s’efforce de maintenir des relations positives avec ses voisins, a-t-il assuré.
Nitzan a affirmé que de nombreux détracteurs du groupe sont « des gauchistes qui sont arrivés après nous, ont acheté des maisons arabes – et manifestent maintenant devant la yeshiva en disant que ce sont les Juifs religieux le problème ».
Selon le représentant de la yeshiva, le séminaire religieux n’a acheté ses trois premiers appartements qu’en 2023 pour les utiliser comme dortoirs, et annexes, précisant que la quasi-totalité de ses 500 étudiants vivent dans des propriétés louées.
Le 18 avril 2021, Mali était en train de chercher une propriété à acheter pour servir le garin en pleine expansion lorsqu’il a été passé à tabac par deux Arabes. Les agresseurs pensaient à tort que Mali tentait d’acheter une propriété acquise par l’État en vertu de la loi sur les propriétés des absents ; les critiques ont allégué que ces propriétés sont de plus en plus souvent désignées par l’État pour être utilisées par les garinim au détriment de logements à prix abordable et d’espaces publics pour les habitants économiquement défavorisés.
Les agresseurs de Mali ont été arrêtés mais, selon Nitzan, les membres de la communauté ont estimé qu’ils ne pouvaient pas laisser passer l’affaire sans réagir.
Ils ont organisé un rassemblement de 150 personnes, qui a été confronté à « une foule de dizaines de jeunes Arabes », a déclaré Nitzan. Selon Bronstein, des étudiants d’une yeshiva à Bat Yam se sont joints à eux. « Les émeutes ont alors éclaté. »
Bien que la police soit intervenue immédiatement, « en un clin d’œil, cela s’est transformé en film de guerre », a raconté Nitzan.
Les contre-manifestations se sont poursuivies le lendemain, conduisant à une marche en direction de la yeshiva, qui serait par ailleurs une propriété en déshérence où une synagogue a été établie dans les années 1950.
Deux semaines plus tard, dans un contexte de tensions croissantes liées à l’expulsion imminente de familles arabes de leurs maisons dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, et de scènes de violence policière dans la Vieille Ville et sur le mont du Temple pendant le ramadan, les terroristes du Hamas à Gaza avaient tiré une volée de roquettes sur Jérusalem, déclenchant une opération militaire israélienne de grande envergure contre le groupe terroriste palestinien.
Alors que les frappes aériennes pilonnaient Gaza et que des roquettes étaient tirées depuis l’enclave, l’une des pires violences intercommunautaires depuis la création de l’État a éclaté à l’intérieur d’Israël. Quatre personnes ont été tuées, des dizaines d’autres ont été blessées et des centaines de maisons, de commerces et même de lieux de culte ont été incendiés au cours de plusieurs jours d’attentats à la bombe, de fusillades et de rixes entre gangs juifs et arabes dans des villes à la population mixte.
Les émeutes avaient été exacerbées par les appels à la protestation lancés par les chefs religieux musulmans et par des cas bien documentés de brutalité policière.
Bien que mal préparée, la police a fini par maîtriser les troubles.
Quelque 2 000 personnes, dont 90 % d’Arabes, ont été arrêtées par la suite dans tout le pays. Certaines sont toujours en prison dans l’attente d’un verdict, tandis que les personnes reconnues coupables ont souvent été condamnées à une peine de prison deux fois plus longue que les Juifs ayant commis des délits similaires, en raison des « motifs nationalistes » qui ont été ajoutés aux charges retenues à leur encontre.
« Le gouvernement et la police traitaient les Arabes comme des ennemis », a déploré Sameh Zakout, citoyen arabe d’Israël né à Ramle et vivant aujourd’hui à Jaffa.
» Nous avions l’impression que la police prenait une part active », a déclaré Guti, l’enseignante musulmane religieuse. « En tant qu’Arabes, si la police se trouvait face à moi, c’est qu’elle venait me chercher à l’instant même. »
Selon elle, les jeunes Arabes qui ont participé aux émeutes « pensaient qu’ils n’avaient rien à perdre : pas d’éducation, pas de moyens de subsistance, pas de maison dans l’avenir. La plupart d’entre eux vivaient de différentes activités illégales, du trafic de drogue, du vol ou d’autres activités annexes. Aucun n’est allé à l’école ».
Des conditions similaires prévalaient dans les autres villes mixtes d’Israël qui ont connu des émeutes, notamment un désinvestissement chronique dans la population arabe qui avait provoqué des frictions continuelles avec leurs voisins juifs.
« Il s’agissait de jeunes à risque », a déclaré Majed, la figure locale populaire. Selon lui, les acteurs criminels et le Hamas ont réussi à les encourager à la violence, car pour les deux groupes, le chaos sert leurs objectifs.
Maintenir la paix
Le même cocktail explosif de tensions historiques et de frictions modernes était au programme en octobre 2023, mais quelque chose avait changé dans l’intervalle.
L’appel téléphonique de l’imam à la police de Jaffa le matin du 8 octobre a été rendu possible par les relations locales et nationales tissées en réaction aux traumatismes de 2021.
Au plus fort de l’agitation, un représentant de l’antenne de Jaffa de la municipalité de Tel Aviv a demandé un rendez-vous à un imam local. Il s’en est suivi des liens sans précédent entre les chefs religieux locaux, la municipalité et la police locale, qui maintenaient le tissu social en place trois ans plus tard.
« Il est évident, depuis le 7 octobre, que le travail communautaire effectué avant cette date a permis de construire l’infrastructure », a déclaré le major Angert. « En cas d’urgence, on ne peut pas faire quelque chose que l’on n’a pas bâti au jour le jour, puisque la confiance n’existe pas entre les gens. »
Il a souligné le nombre élevé de policiers de proximité à Jaffa, un par quartier, parce que « chaque quartier a besoin de quelque chose de sensiblement différent ».
Lorsqu’un imam a soudainement scandé un slogan du Hamas un soir après la prière, il a reçu un appel d’un autre religieux, qui lui a dit : « Ceci est de l’incitation. Dieu nous préserve qu’un garçon priant à vos côtés ne prenne un couteau et ne commette un attentat ». L’imam s’est excusé
Au niveau national, les dirigeants de la branche sud du Mouvement islamique israélien – affiliée au parti politique islamiste Raam – ont commencé à appeler des imams qu’ils connaissaient par-delà les clivages entre factions à travers le pays dès le 7 octobre, notamment dans les localités qui avaient connu des émeutes en 2021.
Le message était le suivant : « L’heure est à la retenue, et non à un engrenage dans une intifada [soulèvement, en arabe] impulsée par les voix d’extrémistes qui se trouvent en grande partie hors du pays », avait déclaré le cheikh Iyad, l’un des dirigeants nationaux du groupe.
Les imams se sont engagés à répudier tous ceux qui agiraient autrement. La stratégie a fonctionné.
Lorsque les jeunes Juifs ont organisé leur marche le 8 octobre, l’imam de la mosquée de Jaffa s’était déjà entretenu avec un représentant du Mouvement islamique et avait consulté les responsables des autres mosquées de la ville.
« La plupart d’entre eux se sont abstenus », a indiqué Majed. « Certains ont prié pour les personnes tuées à Gaza. Deux ou trois mosquées plus petites se sont accrochées à la haine, mais leur influence est limitée. »
Les efforts des dirigeants locaux pour maintenir la paix ont continué à porter leurs fruits plusieurs mois après le début de la guerre.
Lorsqu’un imam a soudainement scandé un slogan du Hamas un soir après la prière, il a reçu un appel d’un autre religieux, qui lui a dit : » Ceci est de l’incitation. Dieu nous préserve qu’un garçon priant à vos côtés ne prenne un couteau et ne commette un attentat ». L’imam s’est excusé avant de se rétracter.
Entre-temps, la ville a travaillé avec les jeunes Jaffas pour éviter que les événements de 2021 ne se répètent, et ce dès le lendemain des émeutes, lorsqu’un centre de jeunesse a lancé un projet avec la municipalité et la police locales. Le programme, qui en est à son troisième cycle, a permis d’effacer le casier judiciaire des adolescents qui avaient été condamnés pour des délits liés à la sécurité en 2021, et leur a fourni un cadre de réinsertion.
Les programmes pour la jeunesse – coordonnés entre les mosquées, l’antenne de Jaffa de la municipalité de Tel Aviv et les centres communautaires locaux – ont également permis à de nombreux jeunes de rester à distance de la rue et du crime organisé. Pendant le mois du ramadan, par exemple, ils ont organisé deux fois par semaine un tournoi de football baptisé « Tournoi de la tolérance », auquel ont participé 180 garçons.
Ce réseau a également été activé le 7 octobre pour lutter contre les personnes connues pour inciter les jeunes défavorisés à la violence. Aux premières heures du samedi, Smadja-Wasserman a appelé le responsable de la municipalité de Jaffa : « Faites quelque chose maintenant », avait-elle supplié.
Il l’avait devancée.
« Ils avaient déjà demandé aux chefs de la communauté arabe de veiller à ce que les enfants restent chez eux et à ce que tout se passe dans le calme », a-t-elle raconté.
Les représentants de la municipalité se sont refusés à tout commentaire.
La police était également en état d’alerte. « Il y avait beaucoup de tensions », a déclaré Angert. Dans la mesure où personne ne savait dans quelle mesure les terroristes du Hamas avaient infiltré le pays, « les gens nous appelaient sans arrêt pour nous signaler toute personne marchant trop vite ou trop lentement ».
Dans le même temps, « les Arabes avaient très peur de sortir », a-t-il poursuivi. En plus d’arpenter les rues pour éviter toute flambée entre des jeunes « pleins de testostérone mais sans beaucoup de cervelle », susceptibles de romancer la violence ou de ne pas mesurer les implications politiques de leurs actes, « nous avons dit aux parents de ne pas les sortir ».
La police a empêché les provocateurs juifs d’accéder à Jaffa venant de l’extérieur, a fait appel à la municipalité et à d’autres partenaires pour diffuser des informations officielles et étouffer les rumeurs sur les réseaux sociaux susceptibles de semer le chaos, et a appelé les dirigeants des communautés divisées de Jaffa pour leur dire de se rendre disponibles en cas de problème et de faire confiance à la police plutôt que d’essayer de résoudre le problème par leurs propres moyens.
Bien que l’imam n’ait été qu’une des nombreuses personnes à avoir alerté la police de la présence des garçons, c’est son appel qui a été transféré à un officier supérieur pour une coordination directe. Les policiers sont arrivés sur les lieux en quelques minutes.
« Nous les avons fait se regrouper et les avons placés sur le côté pour éviter que l’un d’entre eux n’en provoque d’autres », a expliqué Angert.
La police s’est également entretenue avec le rabbin et le directeur de l’école militaire pour leur rappeler qu’ils étaient responsables des jeunes et qu’ils ne devaient pas les laisser prendre seuls des décisions importantes.
Entre-temps, Juifs et Arabes ont spontanément formé des groupes conjoints pour prévenir une possible nouvelle vague de violence à Jaffa.
Un groupe judéo-arabe déjà signalé a été créé par Amir Badran, un natif de Jaffa qui a été membre du Conseil municipal au cours des huit dernières années. Une conférence téléphonique organisée à la hâte par Badran pour réunir des organisateurs communautaires a attiré des centaines de participants juifs et arabes qui cherchaient des moyens de garder la ville intacte, et un groupe WhatsApp qu’il a créé a rapidement compté 4 000 membres.
Le groupe a mis en place une ligne téléphonique d’urgence en hébreu et en arabe, collecté des fonds et distribué de la nourriture, des vêtements et des couvertures aux personnes juives et bédouines évacuées des communautés frontalières, ainsi qu’un soutien aux locaux de Jaffa. Son objectif était de faire passer le message suivant : « Nous nous protégeons les uns les autres, nous le faisons ensemble, différemment de la façon dont tout le monde le décrit », a-t-il indiqué au Times of Israel.
Les dirigeants islamiques craignaient une reprise des émeutes de 2021, mais selon Majed, ils ne s’inquiétaient pas de la sévérité de l’État, mais plutôt de ce qu’elle pourrait déclencher : « Cela entraînerait non seulement Jaffa, mais aussi toute la ligne verte, du Néguev à la Galilée. Pour quoi
faire ? »
Le premier vendredi après le 7 octobre, l’imam de la mosquée de Majed a parlé aux fidèles « de la nécessité de faire preuve de responsabilité ».
Les dirigeants islamiques avaient appris en 2021 que des événements locaux pouvaient faire boule de neige. « Nous comprenons les implications et c’est pour cette raison que nous avons changé de cap », a-t-il déclaré.
« Aujourd’hui, nous avons des contacts respectueux avec la police, ce qui n’était pas le cas auparavant », a souligné Majed. « Nous ne les considérons pas comme des ennemis, mais comme des personnes qui veulent faire respecter la loi. Nous voulons aussi vivre dans la légalité, pas dans la jungle. »
La police a réagi à ce changement d’orientation : « Elle a commencé à travailler avec la communauté en tant que telle. »
Nombreux sont ceux qui attribuent à la main lourde des forces de l’ordre israéliennes le mérite d’avoir découragé les flambées de violence. Mais Abdullah, un travailleur social qui dirige un centre de jeunesse local, reconnaît que leur approche est plus nuancée. « Il y a une différence entre le comportement brutal de la police [en 2021] et la détention de personnes pendant des années et la restriction de la liberté d’expression [en 2023], l’arrestation de personnes pour incitation et leur libération quelques heures plus tard dans une situation d’urgence », a-t-il estimé.
L’amélioration des liens entre les Arabes et la police et la municipalité n’a cependant guère contribué à renforcer la confiance entre de nombreux habitants juifs et arabes de la ville.
Certains Juifs de Jaffa pensent que les Arabes ont secrètement célébré le 7 octobre, mais qu’ils se sont abstenus d’organiser des émeutes par crainte des répercussions. Le point de vue de Nitzan s’appuie sur une rencontre troublante. Alors qu’elle rentrait de la synagogue ce matin-là, « un Arabe s’est arrêté dans sa voiture à côté de moi et m’a dit : « Cours, dépêche-toi de rentrer ! Le Hamas est en route pour vous achever. Ton heure est venue. »
Benzion, un enseignant sioniste religieux local, a entendu des feux d’artifice de célébration. Il estime que la violence de la guerre à Gaza a contribué à maintenir ses voisins arabes au pas.
« Ils savent quand les Juifs sont faibles. Ils voient ce qui se passe à Gaza et se disent ‘les Juifs sont fous en ce moment, ce n’est pas le moment de leur chercher des noises' », a-t-il déclaré.
« Nous gardons toujours un œil sur Gaza », assure Guti. Mais sa crainte est plus profonde. « On sait que les dégâts qu’il y a là-bas peuvent aussi nous arriver à nous. Pour les Juifs qui font partie de ce système, l’Arabe de Gaza et moi sommes les mêmes Arabes », a-t-elle déclaré.
Pour Guti, le nombre croissant de jeunes hommes juifs religieux armés de fusils dans le quartier accroît « le sentiment que viendra le jour où ils seront appelés à descendre dans la rue et à nous jeter hors de nos maisons ».
La signification du foyer
Les émeutes de 2021 étaient avant tout une affaire nationale liée aux changements encore très marqués de population, de pouvoir et de lieu au sein de la société israélienne.
Bien que les conséquences du 7 octobre n’aient pas donné lieu à une répétition des événements sanglants de mai 2021, de nombreuses frictions entre les résidents juifs et arabes de Jaffa et d’autres villes mixtes subsistent.
« Le problème n’est pas d’agiter des drapeaux », a déclaré Abdullah. « C’est le ‘nous sommes là, nous faisons ce que nous voulons, nous ne vous voyons pas’. »
« Ils le disent explicitement », a assuré Majed à propos des garinim et d’autres promoteurs juifs. « ‘Judaïser Jaffa’. Qu’est-ce que c’est que ça ? Détruire ma mosquée ? Arrêter le muezzin ? M’empêcher de prier, de me promener, de vivre à Jaffa ? Nous n’avons pas besoin de cette idéologie ici – ni pour éliminer les Juifs de Jaffa, ni pour éliminer les Arabes. »
Dans cette atmosphère très tendue, le simple fait de se promener peut être considéré comme un acte politique.
Halperin, qui est arrivée en 2012 mais n’a aucun lien avec les garinim, a déclaré que les émeutes de 2021 avaient renforcé son identité et l’avaient motivée à « se réapproprier l’espace malgré la peur », en marchant dans la rue avec son enfant coiffée d’un foulard traditionnel.
« Je voulais qu’ils sachent que je suis une juive religieuse. Je fais partie de la communauté, j’élève mes enfants ici et j’ai le droit de me sentir en sécurité dans ma maison. »
Selon Nitzan, l’administratrice du garin, « il n’est pas rare que les garçons qui sortent de la yeshiva se fassent frapper ou insulter ». Elle comprend que la plupart des agresseurs sont des jeunes délinquants et ne représentent qu’une petite partie de la population, mais « il en résulte que mon fils ne peut pas se promener ici en toute tranquillité ».
Smadja-Wasserman, qui est née à Jaffa, affirme que ce qui la distingue des « nouveaux Juifs », c’est que « je n’ai pas peur de sortir, même quand ça va mal, parce que je suis chez moi ».
Mais les Arabes disent que s’installer ailleurs est un luxe qu’ils ne peuvent généralement pas se permettre.
« J’ai vécu à Bat Yam pendant trois ans », raconte Abdullah. « Ma femme est religieuse, tout le monde la regardait comme si elle était tombée du ciel. »
« Imaginez que nous achetions une maison à Ramat Gan, que nous la transformions en mosquée et que nous fassions venir vingt jeunes gens de Jaffa, Ramle et Lod. Nous pourrions l’appeler le Garin Qurani ! », dit Majed en riant. « Cela ne serait jamais accepté. »
Déménager dans une autre ville arabe s’accompagne de nombreux défis similaires, selon Guti, même si l’embourgeoisement fait fuir de nombreuses personnes de Jaffa.
Elle a raconté avoir élevé ses enfants à deux pas de sa mère, de ses sœurs et de ses nièces. Lorsque, enfant, elle avait déménagé avec ses parents dans le nord, « les gens nous regardaient toujours d’un air absent, du genre : ‘Qu’avez-vous fait à Jaffa qui vous a fait fuir ici ?' »
« Nous ne pouvons pas simplement prendre nos affaires et déménager dans un nouvel endroit et nous sentir à notre place », a déploré Guti. « Personne ne nous accueillera, car chacun s’occupe de sa propre famille. »
Entre-temps, la structure communautaire de la Jaffa arabe ne s’est jamais remise de 1948. « Avant, il y avait un aîné à qui l’on s’adressait en cas de problème », a expliqué Guti. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’autorité unique. »
Même les mosquées se disputent les subventions. « Nous avons des organes sociaux actifs qui ont une énorme influence », a affirmé Majed, mais ils sont divisés en factions.
« Il y a des gens qui ne communiquent pas entre eux », a reconnu le major Angert. « Le fait de parler au chef d’un groupe ne signifie pas que l’information sera transmise à un autre groupe. »
Personne n’ira nulle part
D’une certaine manière, les traumatismes communs de ces dernières années ont renforcé le tissu social de Jaffa.
Halperin a déclaré que si elle n’avait pas « la possibilité de ressentir l’autre narratif, j’ai la possibilité de comprendre mon ami, Saz », faisant référence à Zakout par son surnom.
Ils s’étaient liés d’amitié lors d’une retraite paisible pour musiciens organisée à la suite des émeutes de 2021. Lorsqu’ils ont repris contact après le 7 octobre, Zakout lui a dit que cinquante-huit membres de sa famille avaient été tués à Gaza.
« Ils ont été les premiers à être évacués », a déclaré Zakout au Times of Israel. « La plupart d’entre eux ont été tués au cours de leur fuite, ils n’étaient pas armés, ils ne faisaient pas partie du Hamas, ils étaient juste des Palestiniens à Gaza. »
« Je lui ai dit que mon mari avait combattu là-bas », s’est souvenue Halperin. « Il m’a répondu qu’il ne devait pas y retourner. Il ne voulait pas que Yossi participe au massacre de sa famille. » Malgré le fossé qui les sépare, aucun des deux ne considère devoir couper les ponts.
« Je ne vis pas sous l’occupation [la présence israélienne], mais je sais que la violence n’est pas la solution », a affirmé Zakout. « Je ne peux pas accepter que l’on tue des femmes et des enfants. »
Il a rejeté la responsabilité de la guerre sur ceux qui sont au pouvoir. « Vous voulez que je déteste les Juifs ? Est-ce que cela permettra de ramener ma famille ? Alors non, je ne [les] haïrai pas », a-t-il souligné.
Les Juifs et les musulmans de Jaffa ont une conception différente de la notion de « foyer », mais ils partagent un point de vue fondamental sur celui qu’ils partagent : « Les millions d’Arabes ne se volatiliseront pas. Pour autant, les millions de Juifs ne se volatiliseront pas non plus », a observé Zakout.
« Personne n’ira nulle part », a convenu Benzion, de la yeshiva. « Nous voulons que les Arabes et les Juifs puissent vivre ensemble à Jaffa. »
Ce sentiment a été partagé par presque toutes les personnes qui se sont entretenues avec le Times of Israel.
« Nous devons apprendre à vivre ensemble et à nous accepter les uns les autres », a déclaré Abdullah.
Smadja-Wasserman est d’accord : « Nous sommes ici pour le meilleur et pour le pire, faisons donc le bien ensemble. »
Pendant le ramadan 2023, les mosquées locales ont collaboré avec l’antenne municipale de Jaffa pour organiser un iftar communautaire et ont invité un rabbin orthodoxe à prendre la parole, en prévoyant un repas casher à son intention.
« Le message que nous voulions faire passer à nos jeunes était le suivant : avant toute chose, nous sommes des humains », a insisté Majed.
Nitzan a assisté à l’iftar pour saluer cet acte d’hospitalité. Elle a souligné que cet événement était la preuve que « la majorité des deux côtés souhaite vivre ici en paix ».
Halperin est d’accord : « Ici, la plupart du temps, les gens ne parlent pas d’identité, ils vivent simplement ensemble. »
« L’histoire ne recule jamais », a-t-elle déclaré. « Comment faire de la place pour deux patries ? Je n’en sais rien. Comment construire à partir d’ici ? Je n’ai pas de solution. La discussion et la compréhension sont un pas en avant. »
Pour Abdullah, la solution est simple : « Être un bon voisin. »
Halperin l’a bien compris le matin du 8 octobre. Alors qu’elle montait dans sa voiture, l’enfant de l’un de ses voisins arabes s’est approché pour l’avertir qu’il pourrait y avoir des « foules ». Pour Halperin, cet avertissement était le signe « qu’il s’inquiétait pour moi et voulait que je sois en sécurité ».
Lorsque Halperin est revenue quelques semaines plus tard, un voisin chrétien lui a dit de « rester en contact et de ne dire à personne qu’elle était toute seule à la maison ». Au milieu de l’agitation générale, « au bout du compte, le sentiment de voisinage est très fort ».
Ce sentiment est partagé par de nombreux habitants de Jaffa. Malgré le fossé qui sépare leurs expériences, chacun des groupes communautaires de Jaffa s’efforce d’aider les nécessiteux parmi les autres, y compris le garin et le Islamic Charities’ Council (Conseil des organismes caritatifs islamiques).
« Quiconque a besoin d’aide en reçoit », affirme Nitzan.
Le 8 octobre, alors que Jaffa semblait au bord de la catastrophe, Amal Kulab, une musulmane originaire de Jaffa qui vit à proximité de la yeshiva, a créé un groupe WhatsApp visant à prévenir les troubles en empêchant la diffusion d’informations erronées susceptibles d’engendrer des violences réelles.
« Il est possible de vivre ensemble. Nous devons simplement nous respecter les uns les autres », a-t-elle déclaré. « C’est notre réalité, mais c’est aussi quelque chose que nous devons construire. »
Ehud, éducateur dans une école publique mixte de Jaffa, est d’accord : « Il est facile de rompre les relations, mais très difficile de les préserver. »
Maintenir un espace scolaire sûr pour tous est un exercice d’équilibre permanent. « Dans un double environnement arabe et juif, les symboles de l’un peuvent être perçus comme une menace pour l’autre. »
En raison de la grande diversité des points de vue, les groupes de dialogue ne sont pas toujours productifs. « Il est préférable d’agir plutôt que de parler », a-t-il estimé.
Kulab est ami avec des musulmans, des chrétiens et des Juifs issus de tous les horizons idéologiques.
« Avant et après chaque opération qui a eu lieu ou qui aura lieu, nous continuerons d’entretenir notre amitié parce que nous sommes des personnes », a-t-elle déclaré. « Elle me jugera et je la jugerai, ainsi que toute autre personne, sur la seule base de cette personne. »
Ashley Goldstein et Daniella Bronstein ont contribué à cet article.