Israël en guerre - Jour 365

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Eran Masas aux abords du kibboutz Magen, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
Eran Masas aux abords du kibboutz Magen, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
"Cette histoire révèle ce que sont les Israéliens et pourquoi Israël ne sera pas vaincu"

Comment un ancien de l’armée a « menti » pour venir en aide aux victimes du 7 octobre

Eran Masas, sans mandat officiel pour intervenir, a risqué sa vie en se faisant passer pour un officier pour sauver des survivants des carnages perpétrés par le Hamas et ses complices

Eran Masas aux abords du kibboutz Magen, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Sur le site où s’est déroulé le festival de musique électronique Supernova, lieu d’un massacre qui avait été commis, le 7 octobre 2023, par les hommes armés du Hamas aux abords du kibboutz Reïm, des dizaines de responsables juifs américains pleurent, bouleversés par les conséquences dévastatrices d’un moment rare d’impuissance dans l’histoire d’une nation qui s’est construite sur la culture de la résilience.

Alors qu’ils inspectent le terrain, un grand nombre des visiteurs réfléchissent encore aux paroles prononcées par Bella Haïm, survivante de la Shoah originaire du kibboutz Gvulot, près de Gaza, dont le petit-fils Yotam a été enlevé à Beeri et qui a été accidentellement tué par les soldats israéliens à Shejaiya alors qu’il était parvenu à échapper à la vigilance de ses geôliers.

« Jamais je n’aurais imaginé que dans ce pays, il puisse se passer quelque chose comme ça », a ainsi dit la vieille femme durant une conversation qui a eu lieu au kibboutz Magen. Elle y rencontrait des visiteurs, tous des membres de la toute première délégation envoyée dans le sud d’Israël, depuis le 7 octobre, par la Conférence des présidents des organisations juives majeures (CoP).

Mais les visiteurs ont également entendu un témoignage plutôt inspirant, un récit qui a souligné la résilience de nombreux Israéliens depuis le 7 octobre. Ce témoignage, qui est relativement peu connu, a été celui d’Eron Masas, un vétéran de l’armée de la région de Haïfa. Il a, seul, coordonné de multiples opérations de recherche et de secours dans la zone frontalière de Gaza en prétendant être un officier de l’armée en exercice pour rassurer des civils traumatisés, en pleine détresse – et ce, même si personne ne lui avait donné l’autorisation d’intervenir, de quelque manière que ce soit.

Leur faisant découvrir à la fois les forces et les faiblesses mises à nu par le trauma du 7 octobre – à cette date, 3 000 terroristes du Hamas avaient envahi Israël et assassiné près de 1 200 personnes – les rencontres faites par les membres de la délégation ont beaucoup ému ces derniers – jusqu’aux larmes souvent, disent les leaders juifs américains. Certains d’entre eux expliquent que ces divers entretiens ont renforcé leur conviction que la société israélienne, quoi qu’il advienne, saura dépasser ce qui a été l’une des pires crises de toute l’histoire du pays.

« Ce que j’ai constaté, c’est que nous sommes dans un pays où, quand vous voyez quelqu’un qui est dans le besoin, les gens ne pensent pas à essayer de déterminer qui il faut appeler pour lui venir en aide. En réalité, cette responsabilité de faire quelque chose, elle vous incombe à vous », s’exclame Seth J. Riklin, le président de Bnai Brith International, les larmes lui venant aux yeux à l’issue de sa conversation de 40 minutes avec Masas. « C’est quelque chose que les Texans et que les Israéliens ont en commun », ajoute Riklin, entrepreneur dans le secteur des énergies renouvelables basé à Houston.

Bella Haim, au centre, à côté de Michal Uzuyahu, à droite, et de Yftach Gepner, parle pendant une discussion au kibboutz Magen avec des visiteurs de la Conférence des présidents des Organisations juives américaines, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Masas, 46 ans, laisse échapper des sanglots à plusieurs reprises pendant son récit, racontant au groupe comment il a fini par prendre la tête de soldats traumatisés dans les champs ensanglantés de Reïm, où gisaient des centaines de dépouilles de festivaliers venus danser à la rave-party Supernova – majoritairement des jeunes dont il parle en évoquant « des enfants ».

Tout avait commencé pour lui à 7 heures 30 du matin, le 7 octobre. Il se trouvait chez lui, à Kiryat Ata, une localité située à proximité de Haïfa, quand son frère aîné lui avait téléphoné. Il l’avait réveillé et il lui avait dit « de se lever, parce que nous avons perdu le pays ».

Sur les réseaux sociaux, Masas, père de quatre enfants qui a quitté l’armée en 2020 – il avait alors le grade de lieutenant-colonel – avait alors vu la photographie d’un pick-up du Hamas circulant dans les rues de Sderot. « J’ai ressenti le désir fou et irrépressible d’aller arrêter ce pick-up », explique Masas.

Cela avait été le premier de ses nombreux « mensonges », dit-il aux personnes réunies. Il avait d’abord menti en disant à son épouse qu’il avait été rappelé par l’armée. Il avait enfilé son uniforme, pris son arme de poing et il avait parcouru 200 kilomètres jusqu’à Sderot. Pas loin de là, il avait aperçu une voiture dont l’habitacle était criblé de balle – un véhicule qu’il avait pu identifier comme appartenant à l’unité Yamam de la police, une unité des forces spéciales dont les compétences sont saluées en Israël et au-delà des frontières de l’État juif.

Seth J. Riklin, membre de la délégation de la CoP, dans un bus au kibboutz Magen, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

« Les agents étaient tous morts. Et c’est là que, pour ma part, j’ai commencé à comprendre l’ampleur de l’invasion, et j’ai d’abord ressenti de la peur », se souvient Masas. Impossible pourtant, dans ces circonstances, de céder à l’effroi. Il avait aperçu ensuite, un peu plus loin, une autre voiture des forces de l’ordre. Les policiers qui se trouvaient à l’intérieur, là aussi, avaient été été abattus. Le terroriste responsable de cette tuerie était assis dans un pick-up qui – Masas l’ignorait – était truffé d’explosifs. Une bombe géante et terriblement inflammable portée par quatre roues. Masas avait tiré. Il avait tué l’homme armé en utilisant cinq des dix balles qui se trouvaient dans le chargeur de son arme de poing.

Alors qu’il se dirigeait vers Sderot, aux abords du Moshav Patish, Masas avait vu des centaines de jeunes qui, devait-il ultérieurement comprendre, avaient survécu au carnage commis à la rave-party Supernova – ils étaient paniqués, épuisés, traumatisés. Il avait envoyé les survivants à l’intérieur du moshav, leur disant avec assurance qu’un autobus viendrait les chercher pour les ramener chez eux dans les trente minutes suivantes.

Ce qui était « un autre mensonge. Il n’y avait pas d’autobus. Je voulais seulement leur donner quelque chose auquel se raccrocher », déclare Masas. « Les gens ont confiance dans l’armée mais l’armée n’était pas présente. Ils avaient besoin de quelqu’un à qui faire confiance. »

A son grand étonnement, il avait aperçu trois bus circuler sur la Route 241, à proximité du carrefour de Parish – il raconte s’être dit qu’il s’agissait là d’une intervention divine.

« J’ai arrêté les conducteurs et j’ai encore menti : Je leur ai dit que j’étais l’officier en charge du secteur et qu’ils devaient emmener les survivants à Beer Sheva. Quand l’un d’entre eux a refusé de le faire, je lui ai dit que soit il le faisait, soit il allait se prendre une balle. Il m’a cru », continue Masas.

Avec le départ des survivants, Masas avait commencé à collecter les corps sans vie, utilisant un pick-up abandonné. Le tout premier avait été celui d’une jeune femme – « la dame en vert », soupire-t-il. Elle était presque nue. Il avait alors présenté ses excuses à la dépouille pour la voir dans cet état et pour être ainsi dans l’obligation de la déplacer.

« J’ai pensé à mes filles », ajoute-t-il, la voix tremblante d’émotion. Enfin, il s’interrompt pour laisser couler ses larmes – et certains visiteurs ne parviennent pas non plus, en cet instant précis, à retenir des sanglots.

Des visiteurs au monument qui a été érigé en mémoire des victimes du massacre du 7 octobre à la rave-party Supernova, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

C’est dans ce contexte qu’Adva Dadon, journaliste de la Douzième chaîne, s’était approchée de Masas, entourée de son équipe, et qu’elle l’avait présenté comme l’officier en charge du secteur.

« A ce moment-là, j’ai cru que tout était terminé. J’allais finir en prison pour m’être fait passer pour un officier ». Il y avait aussi la question de son épouse, qui s’était mariée, à l’époque, avec un homme qui était encore officier de carrière. Elle connaissait suffisamment l’armée pour réaliser que son mari, seul, sans voiture de commandement, avec une arme de poing, lui avait menti pour, tel un justicier, courir vers le danger.

« J’ai chuchoté à l’oreille d’Adva et je lui ai demandé d’arrêter de me filmer parce que j’allais me faire tuer par ma femme », raconte Masas qui, ajoute-t-il, n’avait pas encore à ce moment-là pleinement appréhendé l’énormité de ce qui était arrivé le 7 octobre et dont l’esprit avait choisi jusque-là de laisser de côté des réalités dérangeantes, comme celles qu’il n’était plus officiellement militaire (de nombreux réservistes et civils avaient pris des initiatives individuelles, le 7 octobre, secourant les survivants et affrontant les terroristes).

La journaliste avait rassuré Masas.

« Elle m’a dit qu’il n’y avait pas de problème, qu’elle croyait en moi, que les gens, autour de nous, croyaient en moi et que c’était ça, le plus important. Cela m’a donné confiance », se souvient-il.

Après avoir déplacé une quinzaine de corps sans vie, Masas avait rencontré des soldats et il leur avait dit qu’il était l’officier en charge (« un autre mensonge », note-t-il). Il leur avait demandé de se rendre sur le site de la rave-party pour tenter d’y retrouver d’éventuels survivants. Des recherches qui devaient être à l’origine de l’une des vidéos les plus poignantes à avoir été filmées le 7 octobre : Masas, son arme à la main, crie : « Tsahal, police, y a-t-il des survivants ? » alors qu’il passe d’un corps à l’autre. Se déplaçant prudemment, attentif au moindre bruit, il arrive derrière la scène principale de la fête, où il dit, hors-champ : « Oh mon Dieu, c’est rempli de corps, personne n’est vivant, tout le monde est mort ».

Le directeur de la CoP, William Daroff, à gauche, lors d’une prière pour les victimes du massacre du 7 octobre à Reim, le 19 février 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

A la fin de son témoignage, le président de Bnai Brith International, Riklin, se lève et il prend Masas dans ses bras. « Je veux vous inviter à venir bientôt au Texas, quand tout ça sera terminé », lui dit-il. « C’est un endroit formidable pour se détendre et pour oublier tout ça, ne serait-ce qu’un moment ».

La Conférence des présidents a jugé qu’il était important, pour ses délégués, d’entendre les récits de Haïm, la survivante de la Shoah ; de Masas et d’autres parce que « ensemble, ils racontent une histoire complète », commente le directeur-général de la CoP, William Daroff. « Cette histoire révèle ce que sont les Israéliens et pourquoi Israël ne sera pas vaincu ».

Mais le témoignage de Masas et les vidéos qui ont été filmées ont une autre signification qui est au cœur de la décision qui a été prise par la CoP de partir dans le sud d’Israël à une période où la guerre avec le Hamas fait rage, à proximité, selon Daroff, qui avait pris la tête d’une première délégation qui était venue au sein de l’État juif dès le 17 octobre mais qui ne s’était pas aventurée dans le sud du pays.

« Nous devons être capables de témoigner et de voir les choses directement afin d’être en mesure de lutter contre le négationnisme scandaleux du 7 octobre auquel, malheureusement, nous devrons nous heurter pour encore de nombreuses années », indique Daroff.

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