Israël en guerre - Jour 349

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  • Des hommes ultra-orthodoxes qui ont décidé de s'engager dans l'armée pendant la guerre entre Israël et le Hamas, dans les bureaux de recrutement de Tsahal, à Tel Hashomer, près de Tel Aviv, le 23 octobre 2023 (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90).
    Des hommes ultra-orthodoxes qui ont décidé de s'engager dans l'armée pendant la guerre entre Israël et le Hamas, dans les bureaux de recrutement de Tsahal, à Tel Hashomer, près de Tel Aviv, le 23 octobre 2023 (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90).
  • Des ultra-orthodoxes dansent sur une voiture alors que des Israéliens distribuent de la nourriture aux soldats stationnés près de la frontière avec la bande de Gaza, le 11 octobre 2023. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
    Des ultra-orthodoxes dansent sur une voiture alors que des Israéliens distribuent de la nourriture aux soldats stationnés près de la frontière avec la bande de Gaza, le 11 octobre 2023. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
  • Des volontaires de l'ONG ultra-orthodoxe israélienne ZAKA collectent des échantillons de corps dans l'une des maisons attaquées par les terroristes du Hamas lors du massacre du 7 octobre, au kibboutz Holit, dans le district sud d'Israël, au sud de la bande de Gaza, le 26 octobre 2023. (Crédit : YURI CORTEZ / AFP)
    Des volontaires de l'ONG ultra-orthodoxe israélienne ZAKA collectent des échantillons de corps dans l'une des maisons attaquées par les terroristes du Hamas lors du massacre du 7 octobre, au kibboutz Holit, dans le district sud d'Israël, au sud de la bande de Gaza, le 26 octobre 2023. (Crédit : YURI CORTEZ / AFP)
  • Des soldats israéliens sur un véhicule blindé déployé près de la frontière entre Israël et Gaza discutent avec un ultra-orthodoxe, le 24 octobre 2023. (Crédit : Aris Messinis /AFP)
    Des soldats israéliens sur un véhicule blindé déployé près de la frontière entre Israël et Gaza discutent avec un ultra-orthodoxe, le 24 octobre 2023. (Crédit : Aris Messinis /AFP)
  • Des Juifs haredim venant afficher leur soutien aux soldats israéliens déployés sur une position située à proximité de la frontière avec Gaza, dans le sud d'Israël, le 11 octobre 2023. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)
    Des Juifs haredim venant afficher leur soutien aux soldats israéliens déployés sur une position située à proximité de la frontière avec Gaza, dans le sud d'Israël, le 11 octobre 2023. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Des milliers de Haredim se mobilisent dans la guerre contre le Hamas

Même s’ils refusent le service militaire, de nombreux ultra-orthodoxes commencent à penser que le combat actuel est un défi existentiel pour la nation juive

BNEI BRAK (JTA) — Les murs de la yeshiva de Ponevezh, dans cette ville ultra-orthodoxe située à proximité de Tel Aviv, sont ornés de fenêtres décoratives où sont inscrits les noms des communautés juives d’Europe de l’Est détruites pendant la Shoah.

Cette yeshiva, institution d’éducation majeure qui est aussi au cœur de la vie haredi, ou ultra-orthodoxe, a déjà connu la tragédie au cours de son histoire. Fondée dans la ville lituanienne du même nom, elle a été fermée et rétablie en 1944 à Bnei Brak – un grand nombre de ses étudiants et de ses enseignants ayant perdu la vie pendant la Shoah.

Mais la semaine dernière, c’est une autre tragédie que les étudiants avaient à l’esprit. Alors qu’ils terminaient Minha, l’office de prière de l’après-midi, ils ont récité le Psaume 130, une ligne après l’autre, chantant ensemble : Du fond de l’abîme je t’invoque, ô Dieu ! »

Et les étudiants de la yeshiva ont récité ce psaume – qui est une réponse traditionnelle juive aux périodes de crise – comme une supplication émise dans le sillage de l’assaut barbare perpétré par le Hamas, le 7 octobre. A cette date, 2 500 terroristes ont fait irruption en Israël depuis la bande de Gaza par voie terrestre, aérienne et maritime, ont tué plus de 1 400 personnes et pris en otage 230 personnes de tous les âges, sous un déluge de milliers de roquettes tirées sur les villes et villages israéliens. La vaste majorité des victimes de ces hommes armés qui avaient réussi à prendre le contrôle des communautés frontalières étaient des civils – notamment des nouveau-nés, des enfants et des personnes âgées. Des familles entières avaient été exécutées dans leurs habitations et plus de 260 jeunes avaient été tués alors qu’ils prenaient part à un festival de musique électronique, entre autres barbaries perpétrées par les terroristes.

Après cette attaque, Israël a déclaré la guerre au groupe terroriste, procédant au plus grand rappel de réservistes de toute l’Histoire du pays, avec des centaines de milliers de personnes qui ont revêtu l’uniforme dans le cadre d’une mobilisation massive qui a changé le quotidien de toute une nation touchée en plein cœur.

L’assaut et la guerre qui a suivi ont aussi entraîné des changements dans la communauté haredi. Dans toute l’Histoire du pays, peu d’hommes ultra-orthodoxes ont fait le choix de servir dans l’armée israélienne, bénéficiant d’une exemption du service militaire obligatoire de manière à pouvoir étudier la Torah à plein temps dans des institutions telles que Ponevezh. Certaines communautés haredim, en Israël, rejettent le sionisme, croyant que les Juifs ne pourront étendre leur souveraineté sur la terre d’Israël que par consécration divine.

Mais au lendemain du 7 octobre, ce sont des milliers d’hommes ultra-orthodoxes qui se sont enrôlés et un nombre encore plus important de membres de la communauté se sont mobilisés – mettant en place des opérations d’aide aux soldats ou aux communautés frappées par les actes barbares du Hamas. Ce désir massif d’apporter une contribution, expliquent les Haredim, trouve son origine dans une culture d’aide mutuelle bien ancrée dans la société ultra-orthodoxe ainsi que dans un processus d’identification à l’ampleur de la tragédie historique juive.

Des hommes ultra-orthodoxes qui ont décidé de s’engager dans l’armée pendant la guerre entre Israël et le Hamas, dans les bureaux de recrutement de Tsahal, à Tel Hashomer, près de Tel Aviv, le 23 octobre 2023 (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90).

« La communauté haredi comprend qu’en tant que nation, il est important d’apprendre la Torah mais elle a aussi réalisé qu’il y a une autre nation qui veut tous nous détruire parce que nous sommes Juifs, comme c’était le cas pendant la Shoah », déclare Chemi Trachtenberg, 21 ans, jeune haredi qui s’est engagé dans l’armée à l’âge de 18 ans. Évoquant le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il ajoute que « peu importe que vous appréciez Bibi ou non, peu importe que vous soyez ultra-orthodoxe ou non. En fin de compte, ces gens veulent nous tuer et nous avons besoin à la fois de la prière et des armes ».

Le débat sur le service militaire des Haredim divise la politique et la société israélienne depuis des décennies et il a contribué à l’ascension et à la chute de multiples gouvernements. Aujourd’hui, la vaste majorité des ultra-orthodoxes échappent au service militaire. Ainsi, l’année dernière, moins de 10 % des hommes haredim en âge de faire leur service ont intégré Tsahal, contre plus de 80 % des Juifs non ultra-orthodoxes (les Arabes israéliens bénéficient, eux aussi, d’une exemption).

Mais depuis le 7 octobre, plus de 3 000 hommes ultra-orthodoxes se sont portés volontaires pour occuper des rôles qui ne sont pas liés au combat – dans les unités militaires médicales ou au sein du Commandement du Front intérieur, chargé de prendre en charge les urgences nationales et qui gère différents services, comme celui des sirènes d’alerte à la roquette. Parmi ces nouvelles recrues, Yaki Adamker, 33 ans, une personnalité des médias qui a fait des vagues récemment après avoir annoncé à la télévision qu’il allait se faire enrôler au lendemain de l’assaut barbare du 7 octobre.

Des hommes ultra-orthodoxes qui ont décidé de s’engager dans l’armée pendant la guerre entre Israël et le Hamas, dans les bureaux de recrutement de Tsahal, à Tel Hashomer, près de Tel Aviv, le 23 octobre 2023 (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90).

« Je pense que ceux qui étudient du matin au soir – ils doivent continuer à étudier, c’est ma certitude », explique-t-il. « Après tout ce que nous avons traversé, je me suis demandé : ‘Mais comment est-ce que je dois me situer ? Pourquoi est-ce que moi, je ne peux pas servir ?’… Il y avait comme un trou noir quelque part en moi et il fallait que je le remplisse ».

Il ajoute, faisant référence à l’âge où les Haredim n’ont plus l’obligation technique de faire le service militaire, que « ceux qui ont plus de 26 ans ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas rester à ne rien faire, à simplement regarder ce qui se passe ». Il prévoit dorénavant d’entrer dans la réserve de l’armée lorsque la guerre sera terminée.

Le rabbin Moshe Rabad, qui a grandi au sein de la communauté ultra-orthodoxe avant d’intégrer dans l’armée et de devenir Grand rabbin de l’armée de l’air, a aidé Tsahal à ouvrir des voies alternatives qui permettent dorénavant aux hommes haredim plus âgés de s’enrôler. Il indique qu’il a commencé à être sollicité par des hommes désireux d’être utiles à l’effort de guerre presque immédiatement après l’attaque du Hamas.

« J’en ai parlé à l’armée qui m’a répondu : ‘Si vous nous apportez une liste de 50 haredim, alors on ouvrira quelque chose’, » raconte-t-il. « C’était mardi dernier à 16 heures. Nous avons pris rendez-vous pour une réunion à 21 heures, le même jour, et je leur ai donné une liste où il y avait 300 noms. Au début de la semaine, j’en avais mille et les gens continuent à se manifester parce qu’ils veulent pouvoir aider l’armée d’une manière ou d’une autre, pour tout ce qui sera nécessaire ».

Un phénomène plus fort encore que l’enrôlement des ultra-orthodoxes, c’est toute la gamme d’initiatives prises par des membres de la communauté pour soutenir les soldats et les civils en cuisinant des milliers de repas, en transportant les personnes et les biens dans tout le pays et en apportant un coup de main aux services sociaux, à d’autres titres. Certains Israéliens Haredim se sont organisés de manière à pouvoir se mettre au service des familles endeuillées en apportant leur aide lors des funérailles de leur proche et de la shiva, la période de deuil d’une semaine qui suit une inhumation.

« Israël s’unit sur le chemin de la victoire », dit un large bandeau placé en haut d’un site d’information haredi de premier plan, Kikar HaShabbat. « Les soldats de Tsahal se battent pour nous et nous, les Haredim, nous nous rassemblons pour apporter toute l’assistance possible. »

Le bandeau propose un lien vers un formulaire en ligne qui pose un certain nombre de questions aux bénévoles : Ont-ils le permis de conduire ? Ont-ils une voiture ? Peuvent-ils faire du bénévolat depuis chez eux, depuis un bureau ou autre ? Quel type de bénévolat souhaitent-ils faire ?… Parmi les options proposées, entre autres, un travail de réseautage social, l’accueil de familles évacuées des régions frontalières d’Israël, un travail médical, un travail de garde, des activités de babysitting ou des services de cuisine.

De telles initiatives satisfont toute la gamme des communautés Haredim, qui sont religieusement et politiquement diverses. Akiva Weiss, un journaliste ultra-orthodoxe, dit avoir noté que le mouvement hassidique Vizhnitz, « très conservateur », « s’est aventuré dans un hôpital pour redonner du courage aux blessés et pour réconforter ceux qui pleurent la mort d’un proche ».

Des bénévoles de l’ONG ultra-orthodoxe ZAKA collecte des échantillons dans l’une des maisons attaquées par le Hamas lors de l’assaut du 7 octobre au kibboutz Holit, au sud de la bande de Gaza, le 26 octobre 2023. (Crédit : Yuri Cortez/AFP)

La guerre a aussi bouleversé les emplois du temps des yeshivot. En plus de la récitation des psaumes, explique le journaliste haredi Yanki Farber, les yeshivot ont annulé ce qui restait d’une période annuelle de vacances qui dure jusqu’au début du mois hébreu de Heshvan, plus d’une semaine après la date du massacre.

« Les rabbins ont statué qu’il était impossible que l’État combatte et que les membres de la communauté continuent leurs sorties », dit Farber. « Ils ont demandé à tout le monde de retourner à la yeshiva, où rabbins et étudiants ont la même certitude que l’étude de la Torah apporte une protection spirituelle à Israël ».

D’autres décrets rabbiniques ont porté sur la guerre, apportant des réponses aux questions des Israéliens pratiquants sur moult sujets – qu’il s’agisse de porter une arme à Shabbat ou de déterminer si les plats préparés à la maison pour les soldats répondent à la casheroute.

L’une des raisons expliquant cet élan des Haredim vers l’armée et vers le bénévolat, précise Farber, c’est que l’attaque du 7 octobre a directement affecté des communautés ultra-orthodoxes du sud d’Israël, comme Ofakim et Netivot. Certaines victimes tuées ce jour-là appartenaient à la communauté. Trachtenberg se rappelle de l’histoire d’un immigrant français, un soldat ultra-orthodoxe, qui s’appelait Binyamin Lev – son nom de famille signifie « cœur » – qui est mort le 7 octobre.

« Il avait un cœur d’or, du courage et il a été assassiné par les terroristes », déclare-t-il. « C’est une belle chose de voir des gens venir du monde entier pour nous aider ».

Mais tous les membres de la communauté ne se réjouissent pas des changements spectaculaires qui signalent un rapprochement croissant entre les ultra-orthodoxes et les militaires – et qui pourrait amener, à terme, les Haredim à être dotés d’une arme. Tzipi Lavi, activiste féministe et ultra-orthodoxe, est critique des efforts particuliers qui sont livrés par l’armée pour recruter les membres de cette société en excluant les femmes. Une exception, selon elle, est un projet distinct de l’armée, un projet qui vise à créer des unités de garde civile dans les villes ultra-orthodoxes et qui accepte la candidature des femmes.

Des soldats israéliens sur un véhicule blindé déployé près de la frontière entre Israël et Gaza discutent avec un ultra-orthodoxe, le 24 octobre 2023. (Crédit : Aris Messinis /AFP)

« Ils n’ont pas permis aux femmes de s’enrôler », déplore-t-elle, évoquant l’appel direct lancé en direction des hommes Haredim. « De nombreuses femmes ont tenté d’aider mais on les a rejetées ».

Lavi est particulièrement inquiète face aux efforts livrés par le ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, qui a appelé les Juifs israéliens à s’armer et qui a été filmé en train de distribuer des fusils aux hommes ultra-orthodoxes, à Elad. Elle souligne un danger accru de violences conjugales.

« Cela me gêne de voir des gens qui considèrent les armes à feu comme des jouets et qui les distribuent comme des morceaux de pain », dit-elle. « La probabilité que des personnes meurent – et en particulier des femmes – est plus forte que la probabilité de voir des femmes sauvées par ces armes ».

Lavi est membre du mouvement Nivcharot, qui prône l’intégration des femmes Haredim à des fonctions d’élues, et elle fait partie de la formation centriste Yesh Atid qui avait été notamment fondée pour faire avancer la problématique du recrutement des ultra-orthodoxes au service militaire. Elle espère voir des femmes de la communauté se présenter à des élections et l’emporter après la guerre.

« J’ai le grand espoir que dans la prochaine Knesset, il y aura des femmes haredim élues sur les listes des partis libéraux », déclare-t-elle. « Ces femmes peuvent servir de passerelle entre les ultra-orthodoxes et les libéraux, entre les ultra-orthodoxes et les féministes, parce qu’elles parlent les deux langages et qu’elles comprennent l’importance des valeurs des deux camps. Elles peuvent ainsi être le lien connectant les deux mondes ».

Lavi n’est pas la seule à réfléchir à la manière dont la période contribuera à changer les choses au sein de la communauté dans l’après-guerre. Sruli Shatz, qui tient une épicerie à Bnei Brak qui propose du cholent et autres spécialités juives d’Europe orientale, espère que « toutes les divisions » que le pays a connu appartiendront bientôt au passé. Son vœu, ajoute-t-il, est « qu’après la victoire des Juifs, nous continuions à être unis ».

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