Il y a un an et une semaine exactement, j’étais assis dans un charmant petit restaurant casher Taki Da à Podil, le quartier juif traditionnel de Kiev.
Il n’y a aucun risque que la guerre éclate, avais-je assuré à Dani Gershcovich, le représentant du Joint Distribution Committee (JDC) basé à Kiev, lors de notre discussion sur les difficultés à fournir de l’aide alors que les rumeurs d’une invasion imminente fusaient.
Malgré le fait que des dizaines de milliers de soldats russes étaient massés aux frontières nord et est de l’Ukraine et que les services de renseignement des pays de l’OTAN avaient sonné l’alarme, tout semblait trop bien ordonné, trop civilisé – trop logique – à Kiev.
Beaucoup de sang avait déjà coulé sur ces terres pendant des années, et j’étais persuadé que les guerres terrestres menées entre capitales européennes appartenaient au passé.
Deux semaines plus tard, je me retrouvais dans la ville frontalière de Przemysl, pour y attendre l’arrivée du prochain train transportant des milliers de réfugiés d’Ukraine.
Je n’étais pas seul sur le quai tandis que le soleil, et la température, baissaient.
Tous ceux qui se dirigeaient vers la tourmente avaient leurs propres raisons. D’autres au contraire la fuyaient. Un Allemand enjoué se rendait à Kiev pour récupérer sa belle-mère. Un grand vétéran ukrainien portant un sac à dos de camouflage nous a expliqué sèchement qu’il avait été appelé au combat.

Quant à moi, je partais couvrir cette guerre que je n’aurais jamais cru possible.
L’Ukraine en guerre
Mes quatre voyages dans le pays au cours des douze derniers mois m’ont fait découvrir des histoires qui couvrent tout le spectre des émotions humaines : bouleversantes, déconcertantes, inspirantes et révoltantes. Ainsi va la guerre.
En quittant la gare de Lviv en pleine guerre, fin février 2022, la catastrophe humaine en cours dans le pays était devenue douloureusement palpable.

Si la gare de Przemysl était incontestablement bondée et triste, celle de Lviv faisait penser à un retour en arrière, à l’époque des conflits du XXe siècle en Europe. L’air empestait le caoutchouc brûlé. Les voyageurs occupaient chaque millimètre de l’espace, beaucoup dormaient à même le sol, emmitouflés dans des couvertures. La police et les soldats se frayaient un chemin à travers la foule, sous les pleurs des bébés et les aboiements des chiens.
Dehors, une neige légère tombait. Des groupes de voyageurs se serraient autour de feux allumés dans des poubelles et des haut-parleurs diffusaient de la musique rock ukrainienne.
Les civils qui avaient fui se pressaient dans les trains, dormaient sur le sol des gares, ces dernières atteintes après de longues heures, voire des jours, de marche pour échapper aux Russes.

C’est ici que des Ukrainiens qui, quelques jours auparavant, menaient des vies prévisibles et classiques, sont soudainement devenus des réfugiés, dépendant désormais de la bonne volonté d’étrangers pour trouver un endroit où poser leur tête, une tasse de thé chaud à boire, ou des couches pour leurs bébés. Accompagnés d’enfants en bas âge et d’animaux domestiques en cage, ils ont entrepris des voyages périlleux, abandonnant leur maison pour se rendre dans des lieux sûrs – en Pologne, en Allemagne, en Roumanie, en Hongrie, en Israël et ailleurs. Leur destination leur importait peu, pourvu que ce soit ailleurs.
Ces trajets n’étaient pas faciles pour tout le monde. Elvira Bortz, 87 ans, avait déjà été témoin des horreurs dont l’humanité est capable. Cette native de Marioupol, a survécu à l’occupation nazie de sa ville lorsqu’elle était jeune fille, en se cachant chez des chrétiens alors que 38 membres de sa famille se faisaient massacrer.

Avant de fuir la ville avec son mari et sa nièce, elle a été contrainte de déménager plusieurs fois pendant le blocus de Marioupol. Lorsqu’ils ont fui la ville, et dans cette étrange réalité que revêt parfois la guerre, des soldats russes, ayant été informés que son mari était un vétéran soviétique décoré de la Seconde Guerre mondiale, les ont autorisés à passer les points de contrôle.
Les premières semaines de la guerre, il était impossible au mari d’Elvira de concevoir que l’Ukraine se battait contre la Russie. Quelques jours après avoir finalement accepté ce que sa famille lui disait, il est mort, le cœur brisé.
« C’est insensé », a déclaré Bortz au Times of Israel depuis la sécurité de son appartement temporaire à Kiev, « surtout après avoir vécu l’autre guerre, celle où la Russie et l’Ukraine se battaient ensemble. Je ne peux pas imaginer cela, c’est juste comme un grand frère qui attaque son petit frère, comme l’histoire biblique de Caïn et Abel. »
Les tisserands et les créateurs
L’énergie calme avec laquelle la société civile ukrainienne s’est mobilisée pour prendre soin de ses compatriotes était impossible à ignorer, et ce, même au cœur des colonnes de civils tendus, fatigués et frigorifiés se traînant vers l’Ouest.
En me promenant, tard dans la nuit, à l’université nationale polytechnique de Lviv, j’ai levé les yeux vers une fenêtre éclairée où j’ai vu deux étudiantes en train de tisser des fils suspendus à un cadre en bois pour former un filet rudimentaire. J’ai pensé au départ, qu’il s’agissait d’un dernier effort nocturne pour terminer un projet final.

Avant de réaliser qu’à chaque fenêtre, des étudiants effectuaient la même tâche. Par groupes de deux ou trois, ils se tenaient sous leurs cadres, accrochant de la ficelle, faisant des nœuds, enroulant des cordes les unes autour des autres. Ils répétaient le processus et le répétaient encore. Trois étages d’Ukrainiens tissant des filets.
À l’intérieur du bâtiment, les étudiants m’ont expliqué qu’ils fabriquaient des filets de camouflage pour l’armée, après avoir entendu parler de l’initiative sur l’une des nombreuses chaînes Instagram ukrainiennes d’où étaient lancés des appels aux volontaires.
À l’étage supérieur, trois étudiants en informatique à l’allure branchée étaient à pied d’œuvre sur leur filet.
« C’est désormais la seule chose que nous pouvons faire », affirmait un étudiant nommé Viktor.

La pensée que ces étudiants aux yeux brillants croyaient pouvoir être protégés de la machine de guerre russe qui se dirige lentement vers les villes ukrainiennes avec leurs filets tissés à la main me semblait bien triste.
Jusqu’à ce que je réalise que les filets eux-mêmes n’avaient aucune importance. Ce qui se tissait véritablement, de manière toujours plus solide, à l’Université nationale polytechnique, c’était le tissu d’une nation fière et indépendante. Quand les jeunes hommes et femmes les plus prometteurs d’un pays sont prêts à passer leurs nuits à faire des milliers de nœuds et à mesurer soigneusement la ficelle, de leurs propres mains, la force de cette nation ne se mesure pas au nombre de ses chars et de ses avions de chasse.
Partout où l’on regardait dans les villes ukrainiennes, on voyait l’unité d’un peuple qui, selon Vladimir Poutine, n’est pas véritablement une nation. Des volontaires fournissaient des tentes de la Croix-Rouge à la gare, aidaient les journalistes et patrouillaient dans les rues de la ville.

La Galerie nationale d’art de Lviv, principal musée d’art d’Ukraine, compte plus de 60 000 pièces couvrant sept siècles. Ses trésors ont été mis à l’abri, et le musée est devenu un centre logistique bourdonnant, géré par des centaines de bénévoles, qui avaient tous entendu parler du centre par le bouche à oreille.
Ils travaillaient rapidement, calmement et avec sérieux. Si, au début, la scène a pu sembler chaotique, il y régnait néanmoins un ordre frénétique entre ces jeunes hommes et femmes chargés de préparer la nourriture, de disposer les jouets et de porter les sacs aux camions qui attendaient à l’extérieur.

Même les jeunes et talentueux artistes s’y étaient mis. Dans la colonie créative Zavod à Lviv, un foyer branché de graphistes, photographes, peintres et groupes de musique, les studios de musique sont devenus silencieux et les pinceaux sont restés inutilisés dans les éviers couverts de peinture. Dès le premier jour de la guerre, Zavod est devenu un refuge temporaire pour les réfugiés, les jeunes artistes se chargeant de la logistique de cette opération massive et improvisée.
De nombreux studios ont pu accueillir des familles et leur offrir un matelas. Les artistes ont également pu leur fournir des vêtements et trois repas par jour, préparés dans la cuisine d’une entreprise de kombucha également située dans l’entrepôt.

Certains des artistes ont continué à créer. « Tout d’abord, vous pouvez vendre votre art et faire des dons », a déclaré le peintre Mira Bachkur. « Deuxièmement, c’est une déclaration. C’est ainsi que vous pouvez vous exprimer à l’ensemble de la communauté mondiale. »
Mais pas tous. « Je pense au jour où nous les salles de spectacles rouvriront leurs portes, et je ne peux pas m’imaginer improvisant sur scène », me confiait une improvisatrice, Victoria Butelenko, qui portait un rouge à lèvres violet et des paillettes sous ses yeux fatigués.
.@PavloGots playing a haunting Lithuanian folk song pic.twitter.com/uFO0AOPOdT
— Lazar Berman (@Lazar_Berman) March 8, 2022
Une terre sacrée
Il existe en Ukraine une dimension parallèle que seuls les Juifs peuvent apercevoir.
Les noms des villes et des villages traversés par un Juif sont immédiatement reconnaissables des contes des maîtres hassidiques… ainsi que des innombrables actes de violence perpétrés contre son peuple sur cette terre. Avant même la Shoah, des centaines de milliers de Juifs ont été massacrés au cours de plusieurs pogroms, dont beaucoup ont eu lieu lors de soulèvements nationalistes ukrainiens contre les puissances voisines.

Mais, ni le chef cosaque Bohdan Khmelnytsky, ni les escadrons de la mort nazis Einsatzgruppen, ni l’oppression soviétique n’ont pu faire disparaître la présence juive. Le pays a connu un renouveau de la vie juive après la chute du rideau de fer, avec des communautés actives, souvent florissantes, dans les grandes villes du pays.
Tout en prenant soin de leurs proches et des survivants âgés de la Shoah, les communautés juives se sont révélées être un pilier de stabilité sur lequel les Ukrainiens non-juifs ont pu compter tout au long de la guerre.

Lors de ma visite à la synagogue Beis Aharon VeYisroel de Lviv, un vendredi soir de mars, il n’y avait pas de prières. Mais le vieux bâtiment, qui a survécu à la Shoah, n’était pas vide. Le foyer était rempli de cartons contenant des articles de toilette et des produits secs.
J’y ai trouvé deux jeunes femmes assises le long du mur sur le côté droit de la pièce, qui parcouraient assidûment leurs téléphones. Professionnelles de l’informatique, elles avaient toutes deux fui Kharkiv avec leur chat, George, et atteint Lviv après un voyage cauchemardesque. N’ayant nulle part où aller, elles avaient demandé conseil sur le groupe de discussion de leur société, et un collègue israélien nommé Yossi leur avait conseillé d’aller à la synagogue, même si elles n’étaient pas juives.
« Nous avons été accueillies très gentiment avec respect et nous nous sommes senties chez nous », a déclaré Oksana. « On nous a proposé de rester dormir et cela nous a fait tellement plaisir. C’était un tel soulagement après tout ce que nous venions de vivre, tout le stress et la douleur, de pouvoir simplement prendre une pause, respirer et avoir un moment de paix. »
À Kharkiv, Oleksandr Feldman, homme d’affaires et parlementaire juif, a utilisé son zoo qui a été détruit ainsi que d’autres sites, dont la synagogue Choral de Kharkiv, comme centres de distribution de fournitures humanitaires. Selon lui, plus de 540 000 colis alimentaires et 30 000 repas chauds ont pu être distribués grâce à ses initiatives à la date d’août 2022.
La synagogue a nourri des milliers de personnes au quotidien au plus fort de l’assaut russe. « Nous ne demandions jamais aux gens s’ils étaient juifs », a déclaré Feldman. « Nous les abritions simplement. »
Dans la capitale, Moshe Reuven Azman, chef de la synagogue Brodsky dans le centre de Kiev et l’un des deux principaux prétendants au titre de grand rabbin d’Ukraine, est devenu célèbre parmi les Ukrainiens avec ses vidéos virales dont le but était de d’inspirer force et optimisme.

Pendant le mois d’août, j’ai fréquenté sa synagogue presque tous les matins pour les prières et le petit-déjeuner. Pas un jour ne passait sans qu’une foule d’Ukrainiens non juifs ne viennent à la synagogue pour demander de la nourriture, des médicaments et d’autres services. Un bus de la synagogue transformé en véhicule de transport médicalisé sillonnait le pays pour récupérer des Ukrainiens malades et leurs familles et les faire sortir du pays.
La charité de la communauté juive a même atteint Uman, le site du pèlerinage annuel de Rosh HaShana pour des dizaines de milliers de Juifs.
Je suis allé dans cette petite ville pour la première fois au mois d’août. Les rues et la tombe de Rabbi Nahman de Bratslav étaient calmes, mais pas vides.
Dans l’un des hôtels juifs situés au cœur du quartier juif, j’ai entamé une conversation avec un homme sous le porche du bâtiment. Il m’a dit avoir été accueilli dans l’hôtel casher. En pénétrant dans l’hôtel, j’ai réalisé que l’hôtel était entièrement occupé par des familles et des enfants qui rigolaient. Ils mangeaient de la nourriture casher chaude trois fois par jour sous la surveillance stricte d’un superviseur, et se rassemblaient par centaines pour les repas de Shabbat.

Et pourtant, ils n’étaient pas juifs. Des réfugiés ont afflué vers la ville au début de la guerre. N’ayant nulle part où rester, ils ont prié pour un miracle. Je ne sais comment, chaque famille, par un chemin différent, est arrivée par hasard à la communauté juive.
« C’est le dernier numéro que nous avons appelé, et quand nous sommes arrivés ici ils nous ont dit : ‘Oui, rentrez et nous trouverons une solution à l’intérieur' », m’a confié Inna Karsonlov, une institutrice qui a fui Kherson occupée par les Russes à la fin du mois d’avril avec son mari, Dima, et ses deux enfants. « Nous sommes donc venus ici tard dans la nuit à la recherche d’un endroit où rester. Et heureusement, nous avons trouvé cet endroit ».
« Ils nous ont donné de la nourriture et ils nous ont donné un abri. Ils nous ont donné un endroit où rester. Nous étions donc très surpris, tout était très facile ici. Et donc, c’était juste un miracle. »

Dans les tranchées
En tant qu’officier d’infanterie de réserve de Tsahal, j’ai cherché à passer du temps avec les citoyens-soldats qui faisaient la guerre.
Je les ai trouvés, tout comme les réservistes de Tsahal, brillants, curieux et de bonne humeur.

Fin juillet, j’ai rejoint deux officiers de réserve, Oleksander et Volodymyr, dans leur pick-up Mitsubishi en direction des lignes situées au sud-est de Kharkiv. Ils étaient tous deux diplômés de l’enseignement supérieur : Oleksander, 52 ans, avocat à Kiev et père de quatre enfants, et Volodymyr, 57 ans, psychologue dans l’armée.
Comme c’est courant dans le pays, nous trouvions un Juif à chacun de nos arrêts près d’un groupe de soldats. Certains m’ont même salué en hébreu.

Après avoir traversé une série de postes de contrôle, nous avons finalement rejoint un groupe d’une vingtaine de soldats qui creusaient une tranchée.
Malgré les tirs de roquettes meurtriers et la guerre en cours, dont la fin ne semblait pas proche, il était impossible de ne pas apprécier la beauté du paysage. Les bois verts étaient inondés de la chaude lumière du soleil, et les aiguilles de pin couvraient le doux sol de la forêt. La douce odeur du bois fraîchement coupé flottait dans l’air doux de l’été.

Les soldats de combat qui se trouvaient là étaient jeunes et confiants, des jeunes hommes intelligents dans la fleur de l’âge, travaillant dur pour une cause bien plus grande qu’eux-mêmes.
« Vous venez d’Israël ? », me cria un soldat torse nu. « On t’aime bien, tu as détruit l’usine de drones. »
Certains soldats ont même rencontré l’amour – et trouvé un but à leur vie – au combat. À Mykolaiv, j’ai rencontré Viktor, un tankiste de Tsahal né à Dnipro revenu en Ukraine pour combattre dans une unité composée principalement d’anciens combattants de Tsahal.
Giulia, une cadette pilote juive italienne, a, elle aussi, rejoint l’unité de Viktor. Lorsque je les ai rencontrés, en août, dans un restaurant – la veille de la fermeture de la ville, qui a duré trois jours, afin de débusquer des agents russes – les deux jeunes soldats étaient en couple et manifestement amoureux.
Je les ai revus en février, lors de ma visite à Kiev avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen. Après des mois de combats violents, Viktor semblait un peu plus abattu, son unité avait été démantelée après avoir subi de lourdes pertes.
Même s’ils portaient encore tous deux l’uniforme, leur avenir dans l’armée était incertain. Ils se consacrent entre-temps à la création de leur association caritative en Ukraine, appelée Cloud Walker.
Ils se sont mariés quelques jours avant notre deuxième rencontre lors d’une cérémonie civile en Ukraine et prévoient une cérémonie plus importante avec leurs familles dans un château italien en mai.

L’avenir
Un an après, la guerre n’en finit pas de faire rage. Elle va probablement gagner en violence et en destruction dans les semaines à venir, lorsque la Russie lancera son offensive de printemps annoncée de longue date. L’Ukraine lancera alors sa propre contre-offensive, pour tenter de chasser les troupes russes de son sol dès lors qu’elle aura reçu suffisamment de nouvelles armes occidentales.

Et à un moment donné, probablement grâce à un cessez-le-feu qui gèlera le conflit, les armes se tairont (pour la plupart) et l’Ukraine aura enfin l’occasion de faire le point. Le pays a subi de lourdes pertes et ne sera plus jamais le même. Des villes ont été détruites, des vies se sont éteintes, des familles ont été chassées vers des terres lointaines.
Mais elle se tournera aussi vers l’avenir. La force du peuple ukrainien a été dévoilée.
La communauté juive restera sur place, elle aussi. Des milliers de personnes qui n’avaient jamais voulu appartenir à la communauté juive assistent désormais aux offices et aux repas de Shabbat, et le pays comprend désormais mieux la valeur de l’aide distribuée par les synagogues.
Et, comme Viktor et Guilia, les Ukrainiens se marieront, fonderont des familles et, on l’espère, pourront reprendre le cours de leur vie, laissant derrière eux le souvenir de la guerre.