Israël en guerre - Jour 369

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Moshe Davidovich, chef du Conseil régional de Mateh Asher, devant une carte de la région, dans son bureau, le 23 septembre 2024. (Crédit : Diana Bletter/The Times of Israel)
Moshe Davidovich, chef du Conseil régional de Mateh Asher, devant une carte de la région, dans son bureau, le 23 septembre 2024. (Crédit : Diana Bletter/The Times of Israel)
Carnet du journaliste"Ce sont les enfants qui paient le prix de cette guerre"

En pleine escalade, les résidents du nord ont l’impression de n’avoir nulle part où aller

Le chef du Conseil régional de Mateh Asher fait part de son inquiétude quant à l’impact émotionnel du conflit sur les résidents ; « Ce n’est pas une vie normale », dit une évacuée

Dans la matinée de lundi, alors même que l’armée israélienne procèdait à une série de frappes aériennes contre des cibles du Hezbollah au Liban et que les avions de chasse traversaient le ciel, Moshe Davidovich, à la tête du Conseil régional de Mateh Asher, dans l’Ouest de la Galilée, a estimé que cette riposte aux hostilités lancées par le Hezbollah « est trop tardive et qu’elle est loin du compte. »

« Depuis un an, nous vivons dans le chaos, nous vivons dans la peur de l’inconnu et dans l’impuissance », a confié Davidovich au Times of Israel.

Sur les 32 communautés de la région de Mateh Asher, qui fait 222 kilomètres-carrés de périmètre, huit ont été évacuées. Plus de 7 000 résidents qui sont aujourd’hui considérés comme des citoyens déplacés. Situé sur la Terre biblique de la tribu d’Asher, le Conseil régional comprend des kibboutzim, des moshavim, des villes juives – notamment la localité côtière de Rosh Hanikra, à la frontière avec le Liban – et deux villages arabes.

La population – qui est composée de Juifs, de chrétiens et de musulmans – est d’environ 25 000 personnes.

Les écoles, dans la région de Mateh Asher et dans tous les secteurs situés au nord de Haïfa, ont été fermées jusqu’à nouvel ordre depuis dimanche matin. Les événements prévus ont été annulés et les magasins sont vides alors que le Commandement du Front intérieur a restreint les activités publiques dans le nord de l’État juif.

« Personne n’est venu nous aider pendant l’année passée », déplore Davidovich. Il est aussi président du Forum des Zones de conflit, un groupe qui représente environ 60 000 résidents issus de 23 municipalités, villes, villages et conseils régionaux du nord d’Israël qui ont été placés dans l’obligation de quitter leurs habitations.

Depuis le 8 octobre, les forces placées sous l’autorité du Hezbollah attaquent presque quotidiennement les communautés israéliennes et les postes militaires situés le long de la frontière. Le groupe déclare que ces frappes sont effectuées en signe de soutien à Gaza, dans le cadre de la guerre qui oppose actuellement Israël et le Hamas au sein de l’enclave côtière suite au pogrom que le groupe terroriste palestinien a mené le 7 octobre. Jusqu’à présent, les hostilités ont entraîné la mort de 26 civils du côté israélien, ainsi que celle de 22 soldats et réservistes de Tsahal. Plusieurs attaques ont également été lancées depuis la Syrie – il n’y a pas eu de blessé à déplorer.

Cette escalade dans le nord s’est renforcée dans le sillage des explosions de bipeurs et de talkie-walkies appartenant à des membres du Hezbollah au Liban, la semaine dernière – une opération qui a fait plus de trente morts et des milliers de blessés. Cette attaque sans précédent a été attribuée à Israël, qui n’a fait aucun commentaire à son sujet. Elle a aussi suivi l’assassinat, vendredi, de deux commandants de premier plan du Hezbollah, Ibrahim Aqil et Ahmed Wahbi, aux côtés d’autres responsables du groupe. Une frappe aérienne avait pris pour cible le bâtiment dans le sous-sol duquel les hommes s’étaient retrouvés pour une réunion.

Moshe Davidovich, chef du conseil régional de Mateh Asher, devant un nouveau bus électrique scolaire à Regba, le 23 septembre 2024. (Crédit : Diana Bletter, The Times of Israel)

« Le gouvernement n’aide pas »

Davidovich amène la journaliste que je suis découvrir les deux bus électrique flambants neufs qui ont été affectés au transport scolaire.

« Mais il n’y aura pas d’école pendant je ne sais pas combien de temps et il n’y a donc pas d’enfants pour les utiliser », soupire-t-il.

Le slogan de la guerre a été : « Ensemble, nous gagnerons ». Toutefois, Davidovich affirme que « les politiciens, à Jérusalem, n’ont rien à faire de nous, les habitants du nord ».

« Ils nous disent qu’ils comprennent ce que nous sommes en train de traverser mais ça sonne faux », ajoute-t-il. « Ils vont revenir ensuite à leur discussion sur le restaurant où ils vont aller manger ».

Il explique être particulièrement inquiet de la détresse émotionnelle des résidents de sa région, bien sûr, mais aussi de celle de tous les habitants tous les secteurs du nord du pays qui ont été évacués.

« Les citoyens les plus âgés qui avaient construit ce pays, qui avaient combattu pour ce pays, qui avaient construit leurs communautés transitent dorénavant d’un hôtel à l’autre », regrette-t-il. « J’ai assisté aux funérailles de dizaines d’habitants de notre région qui sont décédés – et ils ne sont pas morts de maladie, ils sont morts de chagrin ».

Un véhicule militaire blindé israélien patrouille le long de la frontière avec le Liban près du village arabo-israélien d’Arab al-Aramshe, dans le nord du pays, le 15 mars 2023. (Jalaa Marey / AFP)

Il précise recevoir quotidiennement des appels de résidents qui lui demandent quand ils pourront rentrer chez eux.

Il raconte que d’autres lui ont confié avoir déménagé dans le centre du pays. « Ils ne reviendront pas », déplore-t-il.

Détresse émotionnelle

Assise à son bureau, au Conseil régional de Mateh Asher, Alegra Davidi, la directrice des services sociaux, s’excuse pour ses traits tirés et pour son visage fatigué.

« Je suis restée debout toute la nuit », s’exclame-t-elle. « Une travailleuse sociale et moi-même sommes venus en aide à une femme qui avait été poignardée par son mari ».

Davidi explique que depuis le début de la guerre, les signalements de violences conjugales ont été presque multipliés par deux dans la région en comparaison avec les années précédentes. La moitié de ce genre d’incidents est enregistrée au sein de la population juive.

Alegra Davidi, directrice des Services sociaux au sein du Conseil régional de Mateh Asher, le 23 septembre 2024. (Crédit : Diana Bletter/The Times of Israel)

Dans le même temps, les 34 employés de son Bureau ont reçu quatre fois plus de signalements portant sur des abus sexuels, sur des négligences, sur des cas d’alcoolisme et de toxicomanie et sur des incidents violents de la part de mineurs.

« Chaque jour, nous recevons des appels concernant des jeunes en détresse », explique Davidi. Elle évoque le cas d’une fillette qui avait été déplacée à un si grand nombre d’occasions qu’elle refuse dorénavant de quitter sa chambre, et celui d’une autre enfant qui s’est suicidée au printemps.

« Ce sont les enfants qui paient le prix de cette guerre, avec la colère, la peur et l’anxiété », dit-elle. « Mais ce n’est pas terminé, nous allons encore voir d’autres traumas ».

Le temps qui passe

Environ 200 personnes évacuées, qui résidaient dans la région de Mateh Asher, vivent aujourd’hui à l’Aqueduct Hotel, situé à cinq minutes à pied du bâtiment qui accueille les bureaux du Conseil régional.

Dans le hall d’entrée décoré, les évacués sont assis en groupes et ils discutent tranquillement. Quelques petits enfants, privés d’école maternelle, jouent à un jeu de société, par terre. À l’extérieur, la piscine brille sous les rayons du soleil mais les résidents ont l’interdiction de s’y baigner en raison des instructions qui ont été émises par le Commandement du Front intérieur.

C’est comme si les gens présents, ici, bougeaient au ralenti, marquant chaque seconde du temps qui passe.

Yakov Lasry, un résident évacué du kibboutz Rosh Hanikra, dans le hall de l’hôtel Aqueduct où il vit depuis 11 mois, le 23 septembre 2024. (Crédit : Diana Bletter/The Times of Israel)

« Tout ça dure depuis bien trop longtemps », confie Yakov Lasry, qui a été évacué avec son épouse du kibboutz Rosh Hanikra au début de la guerre. « C’est impossible d’en voir la fin ».

Une femme qui a demandé à ne pas être identifiée ajoute : « L’hôtel tente réellement de nous venir en aide mais ce n’est pas une vie normale ».

Des plantes mourantes

Le propriétaire de la jardinerie Regba, Hasan Sheehan, qui est originaire de Hurfeish, montre au Times of Israel toutes les plantes à fleur qu’il s’est efforcé de cultiver en s’appuyant sur l’hydroponie.

« Elles sont toutes mortes parce qu’il n’y a pas de clients », indique-t-il.

Le magasin est encore rempli de fleurs colorées, de végétaux et d’épices. A l’intérieur de la boutique, il y a Israel Jibli, originaire de Shlomi, une localité évacuée, proche de la frontière avec le Liban, qui se situe à une vingtaine de kilomètres de là. Il dit avoir voulu profiter de sa journée pour se promener dans la ville.

Israel Jibli, à droite, avec Hasan Sheehan à la jardinerie Regba de Regba, le 23 septembre 2023. (Crédit : Diana Bletter/The Times of Israel)

« La peur ne me fera pas évacuer », s’exclame-t-il. « J’achète des plantes, je mets de la musique, je fais des grillades sur le barbecue. J’ai la conviction qu’il faut que je vive ma vie. Une journée de vie passée ne se représentera jamais ».

Il ajoute qu’il a entraîné ses deux labradors à ne plus avoir peur des sirènes.

« Ils dorment avec moi dans la pièce blindée de la maison », précise-t-il. « Je leur ai appris à ne pas avoir peur. »

De son côté, Davidovich explique qu’il ignore totalement ce qu’il doit dire à ceux qui lui posent des questions.

« Je ne sais pas ce qui est pire », indique-t-il. « Être évacué ou vivre avec des roquettes et des bombes qui vous passent quotidiennement au dessus de la tête. Les gens m’appellent et ils n’ont pas d’abri antiaérien chez eux. Qu’est-ce que je peux dire ? Où peuvent-ils donc aller ? »

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