Israël en guerre - Jour 428

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Le "parlement de Jude" à son emplacement temporaire du kibboutz Holit dans le kibboutz Revivim, dans le sud d'Israël, le 3 novembre 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)
Le "parlement de Jude" à son emplacement temporaire du kibboutz Holit dans le kibboutz Revivim, dans le sud d'Israël, le 3 novembre 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Hanté par le 7 octobre, le kibboutz Holit tente de se reconstruire temporairement ailleurs

Après une année passée dans un hôtel près de la mer Morte, les habitants du kibboutz Holit ont déménagé dans un nouveau village au sein du kibboutz Revivim. Ils ne savent pas quand – ni si – ils rentreront chez eux

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

KIBBOUTZ REVIVIM — Le bruit des marteaux et des perceuses brise le silence de cette fin d’après-midi de dimanche dans le désert du Néguev – alors que des hommes, sur des échelles, montent des pergolas en bois devant les maisons qui viennent tout juste d’être construites les unes à côté des autres au kibboutz Revivim.

À l’extérieur de l’une d’elles, Dudu Turjeman remplit des pots de terre avant d’y ajouter des fleurs.

Son épouse Jude fait son apparition – avec entre les mains un plat de douceurs fourrées à la viande. Ce qui attire Muli Spector, une voisine qui habite de l’autre côté de la rue, ainsi que Libi Sherman et sa fillette de presque trois ans, Kesem, qui réside dans la maison d’à côté.

Alors qu’il est encore en plein déménagement, Dudu a encore une chose à faire (autre que le capuccino parfait qu’il a préparé pour la journaliste que je suis) sur sa liste des tâches de la journée : Assembler la chaise du bureau où son fils, Ofek, installera son ordinateur.

A la tombée de la nuit, tous les voisins prennent place à la table que la famille Turjeman a mise à l’extérieur.

« C’est le parlement de Jude », plaisante l’une des personnes présentes.

Quelques-unes des plus grandes maisons dans lesquelles les résidents du kibboutz Holit, à la frontière de Gaza, ont temporairement emménagé, au sein du kibboutz Revivim, dans le désert du Néguev, au sud d’Israël, le 3 novembre 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Le kibboutz Revivim est un nouvel arrêt dans le long voyage que Jude, Dudu et leurs deux enfants ont entrepris il y a déjà plus de trois ans. Ils avaient d’abord quitté Beer Sheva pour le kibboutz Kissufim, qui est situé sur la frontière avec Gaza, dans le sud d’Israël. Après y avoir passé deux ans, ils étaient partis pour le kibboutz Holit, une petite communauté nichée dans le petit territoire délimité par les frontières de la bande de Gaza et du Sinaï égyptien.

Jude, 43 ans, qui est photographe, avait construit un studio et elle avait acheté un food truck. Son rêve était de combiner les deux activités : Vivre dans la nature avec sa famille, la nourrir et la photographier. Elle et Dudu avaient déjà fait plusieurs apparitions, avec la camionnette, à des événements qui avaient été organisés à proximité.

Mais tout juste un an après avoir posé leurs valises à Holit, les terroristes du Hamas avaient pris d’assaut la zone frontalière, aux abords de Gaza. Ils s’étaient livrés à un pogrom, massacrant 1 200 personnes et kidnappant 251 personnes, prises en otage au sein de l’enclave côtière.

La famille Turjeman s’était cachée dans sa pièce blindée. A trois occasions, Dudu avait réussi à empêcher les hommes armés d’ouvrir la porte. Puis il y avait eu les vapeurs et la fumée. Les terroristes avaient mis le feu à la maison.

« C’est à ce moment-là que j’ai commencé à vouloir dire adieu à Dudu », se souvient Jude. Par miracle, ils avaient survécu. Mais la plus grande partie de ce qu’ils possédaient avait été détruite.

Tous ses matériels de photographie et de cuisine avaient disparu, ainsi que tous les clichés stockés sur ordinateur qu’elle avait pris depuis 20 ans. Ce que contenait la maison était largement parti en fumée.

« C’est comme s’ils m’avaient arraché un membre de mon corps », explique-t-elle.

Dudu Turjeman, dans sa nouvelle maison temporaire au kibboutz Revivim, tient un morceau de métal brûlé, un vestige fondu du four de sa maison incendiée au kibboutz Holit, le 3 novembre 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

La famille Sherman avait abandonné la vie en caravane pour une existence plus raisonnable dans une maison à Holit, deux mois seulement avant le 7 octobre. Tous ses membres, eux aussi, avaient trouvé refuge dans la pièce blindée, avec Kesem, le bébé, et les deux enfants d’Arik, le mari, des enfants nés d’un premier mariage.

« Nous nous trouvions dans l’une des toutes premières maisons où les terroristes étaient entrés », se rappelle Libi. « Quand j’ai signalé qu’une grenade avait explosé dans la maison, les gens, dans le kibboutz, ont pensé que j’étais en train de m’imaginer des choses ».

Sur les 200 résidents environ de Holit, 15 avaient été assassinés le 7 octobre 2023. Deux membres de la communauté bédouine d’Israël, qui travaillaient dans les étables, avaient été kidnappés.

En quête d’un refuge temporaire

La plus grande partie de la communauté avait été évacuée, hébergée dans un hôtel du kibboutz Ein Gedi, sur le rivage de la mer Morte. D’autres habitants – comme les Sherman qui ont passé neuf mois dans leur famille à Boca Raton, en Floride — avaient trouvé d’autres arrangements.

Enfin, au mois d’août, ce sont 115 personnes qui ont commencé à s’installer dans des logements temporaires construits au kibboutz Revivim, à environ 50 kilomètres de Holit, au Sud-Est – avec des étendues de sable quasiment à perte de vue. D’autres vivent encore dans une résidence d’appartements à Rehovot, dans le centre de l’État juif.

Le complexe qui a été construit à Holit est distinct du kibboutz Revivim, même si les nouveaux habitants fréquentent l’épicerie de la communauté et que certaines activités sont organisées en partenariat entre les deux communautés.

Les objets personnels aident à donner une identité bien à elles aux nouvelles maisons qui sont toutes construites sur le même modèle, même si elles varient en taille – il y a un barbecue ici, une moto là, des vélos d’enfants et des jouets éparpillés, des bancs en bois, des tables et des chaises qui ont été installées à l’extérieur. Les habitations les plus petites sont en matériel préfabriqué ; les autres ont été construites en dur et elles offrent une surface de vie d’environ cent mètres-carrés. Elles accueilleront, à terme, des membres du kibboutz Revivim.

Libi Sherman, photographiée dans le complexe temporaire du kibboutz Holit au kibboutz Revivim, dans le sud d’Israël, le 3 novembre 2024. (Sue Surkes/Times of Israel)

Yoav Bokai est l’administrateur du kibboutz Holit – même s’il est membre du kibboutz Bror Hayil, au nord, à plus d’une heure de voiture. Il invite la journaliste que je suis à entrer dans son bureau à Revivim, où la majorité des meubles sont encore empaquetés dans leurs emballages de plastique.

Alors que je lui demande s’il a une idée du nombre de membres du kibboutz Holit qui retourneront vivre là-bas à l’avenir, il me répond : « On n’en est pas encore au stade de poser cette question. Il y a un grand nombre de choses qui restent indéterminées. Quelle sera la situation au niveau sécuritaire ? Quelles seront les conditions matérielles de ce retour ? Il y a encore 14 habitations à démolir et d’autres devront être réparées ».

Holit est un kibboutz privatisé – plus ou moins sur le modèle d’une implantation communautaire – dont les membres sont responsables de leurs revenus. Ils se réunissent toutefois à l’occasion de différents événements, fêtes juives et autres réjouissances.

Le 7 octobre, la communauté avait démontré sa force et les voisins s’étaient entraidés alors qu’ils étaient pris d’assaut par les hommes armés.

Bokai explique que la priorité actuelle est d’offrir des thérapies individuelles et de groupe, ainsi que des activités culturelles et autres qui visent à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté. Il faut aider les habitants à trouver un nouvel emploi, s’assurer que l’éducation des enfants continue le plus harmonieusement possible. Les membres du kibboutz commencent également à discuter des réparations qui devront être apportées aux maisons et aux bâtiments publics ; ils débattent des moyens à mettre en place pour attirer de nouveaux habitants. Il y aura des améliorations à Holit, avec des espaces protégés modernes, une route courant le long de la clôture qui sera enfin pavée. Des caméras de surveillance seront aussi installées, note-t-il.

Un site destiné à accueillir des bâtiments publics sur la base temporaire du kibboutz Holit au sein du kibboutz Revivim, dans le sud d’Israël, le 3 novembre 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Les financements proviennent de l’État et de dons privés – mais ces derniers sont de plus en plus difficiles à attirer, déplore Bokai. Ce qui pourrait changer maintenant que la fédération juive de Minneapolis a adopté Holit par le biais du projet de jumelage qui a été mis en place par l’Agence juive après le 7 octobre, le projet Communities2Gether.

La décision de déménager (ou pas)

La date d’emménagement dans les logements temporaires qui ont été construits au kibboutz Revivim était passée du mois de mai au mois d’août – mais les résidents arrivent encore aujourd’hui.

« Cet endroit est un chantier gigantesque ; les bâtiments publics ne sont pas encore prêts et les ouvriers travaillent encore à l’intérieur en permanence », explique Bokai. « Tout est retardé, les allées ne sont pas tracées, il y a de la poussière parce qu’il n’y a pas encore de pelouses. Mais je rends hommage à l’État qui a vraiment investi ».

La communauté est supposée retourner à Holit l’été prochain – mais personne n’y croit réellement. Les travaux de reconstruction et les travaux de réparation, dans les habitations détruites, n’ont même pas encore commencé.

Cette photo du 26 octobre 2023 montre une cuisine brûlée dans l’une des maisons attaquées par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, dans le kibboutz Holit, dans le district sud d’Israël. (Crédit : YURI CORTEZ / AFP)

Shachar Givon, 36 ans, qui habitait Holit, avait refusé d’aller vivre dans la caravane qui lui avait été allouée à Revivim. Célibataire, il se trouvait au domicile de ses parents, dans le nord d’Israël, le 7 octobre. Il s’était installé avec les autres résidents de la communauté à Ein Gedi – il avait détesté cette expérience. Il a donc ainsi décidé de réintégrer Holit au mois de février – le kibboutz est encore déclaré zone militaire fermée – rejoignant sur place le coordinateur en charge de la sécurité, un habitant et un jeune homme responsable d’assurer l’entretien de l’aménagement paysager.

Soulignant qu’il ne représente que lui-même, Givon confie au Times of Israel, par téléphone, qu’un trop grand nombre de membres du kibboutz attendent que l’État leur vienne en aide, renonçant à pousser ce dernier à agir plus rapidement. Il regrette que les habitants ne prennent pas l’initiative d’assumer eux-mêmes la responsabilité de leur avenir.

« Ils doivent venir plus souvent à Holit, ils doivent aider à nettoyer et à planifier ce que sera l’avenir parce que plus ils resteront loin du kibboutz, plus il sera difficile d’y revenir », affirme-t-il.

Il ajoute que « se lever le matin et dire combien la situation est mauvaise, c’est loin d’être suffisant. Ce qu’il faut se dire, c’est se demander ce qu’on peut faire pour soi et pour la communauté. Je ne crois pas aux capacités de l’État. Depuis un an, l’État ne m’a guère montré qu’il était en capacité de faire quelque chose. Je ne crois qu’en moi-même, je crois en ce que mes deux mains sont capables de faire. Et quatre personnes seulement ne pourront pas porter l’avenir du kibboutz sur leurs épaules ».

Des cauchemars oubliés au petit matin

Gideon Kobani du kibboutz Holit dans sa nouvelle maison temporaire au kibboutz Revivim, dans le sud d’Israël, le 3 novembre 2024. (Sue Surkes/Times of Israel)

Au parlement de Jude, on discute de tout et de rien. Les conversations vont de plaisanteries et de bavardages avec les tout-petits qui entrent et qui sortent aux confidences sur les craintes toujours nourries par les uns et les autres. Des craintes attisées par n’importe quoi – qu’il s’agisse du bruit des exercices militaires en cours sur une base située à proximité aux propos en arabe tenus par les Bédouins locaux.

Libi Sherman se souvient avoir été saisie par la terreur lorsqu’elle a entendu des gens parler arabe alors qu’elle sortait pour la première fois depuis le 7 octobre. C’était à Beer Sheva, raconte-t-elle. D’autres ont des récits similaires.

Gideon Kobani, qui se trouve dans sa nouvelle habitation alors qu’il est en congé – il va retourner bientôt à son travail ; il est employé au sein de la compagnie d’électricité israélienne – s’est installé au sein du complexe de Revivim avec son épouse et Yotam, leur fils de 11 ans, juste après la fête de Souccot.

Le 7 octobre 2023, l’épouse et le fils de Kobani se trouvaient dans la pièce blindée de leur domicile alors que lui-même était à l’extérieur, affrontant les terroristes et essayant de sauver des vies.

Il va fréquemment à Holit, où il accueille les visiteurs qui souhaitent découvrir le kibboutz. « Mon fauteuil préféré, mon fauteuil Archie Bunker, mon coin tranquille à moi, est encore là-bas. Je n’ai pas encore trouvé mon coin tranquille ici », dit-il.

Toutes les nuits, il est réveillé par des rêves sur ce shabbat noir, ajoute-t-il. Son fils, Yotam, crie dans son sommeil. « Heureusement, quand il se réveille, il a tout oublié », fait-il remarquer.

Kobani déclare que ces événements ont bouleversé tout le monde – mais qu’ils ont également rapproché les habitants les uns des autres. Dans son cas, ils ont ravivé le trouble de stress post-traumatique qui avait été causé, à l’origine, par son service militaire.

« J’organise des visites de Holit et je raconte ce qui est arrivé », explique Kobani. « Les spécialistes me disent que ça va m’aider ».

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