À l’occasion du 77e anniversaire de l’indépendance d’Israël, le président Isaac Herzog a accordé un entretien au Times of Israel, dans lequel il a salué la décision de Ronen Bar, chef du Shin Bet, d’annoncer son départ prévu pour le mois de juin.
« Il est indéniable qu’il a connu un grave échec dans les heures ayant précédé l’attaque du 7 octobre, un échec qu’il a lui-même reconnu », a déclaré Herzog.
Le sort de Bar, figure centrale du renseignement israélien, est devenu l’un des principaux foyers de discorde dans le débat public, cristallisant à la fois les critiques contre la gestion du Premier ministre Benjamin Netanyahu, les accusations d’un supposé « État profond » de gauche, et les tensions croissantes entre les différentes branches du pouvoir.
Dans un contexte de divisions politiques aiguës et d’inquiétudes exprimées de part et d’autre de l’échiquier politique quant à l’avenir du pays, Herzog – ancien chef du parti travailliste Avoda, désormais à plus de la moitié de son mandat présidentiel de sept ans – s’est imposé comme une voix du compromis et de l’unité.
Le président s’est entretenu avec le Times of Israel samedi soir, puis à nouveau mercredi. Il est revenu sur les menaces existentielles que fait peser selon lui le climat politique actuel, a exprimé sa vision pour le retour des otages, pour l’avenir du pays, et pour une nouvelle relation entre les Juifs israéliens et ceux de la diaspora.
En tant que président, a-t-il déclaré, sa mission est de « travailler à désamorcer les tensions internes qui sapent notre cohésion et représentent un véritable danger ».
Herzog a souligné que la manière dont le groupe terroriste palestinien du Hamas était parvenu à franchir les défenses frontalières d’Israël le 7 octobre 2023 avait révélé un « effondrement systémique à tous les niveaux », qui doit, selon lui, faire l’objet d’une enquête approfondie menée par une commission indépendante instituée par l’État.
Netanyahu s’oppose à une telle commission, estimant qu’elle serait intrinsèquement partiale à son encontre et à l’encontre de son gouvernement.
En parallèle, le Premier ministre a tenu Bar pour responsable de l’échec sécuritaire et, en mars, a obtenu l’approbation du gouvernement pour le limoger — une décision temporairement suspendue par la Haute Cour.
Bar, qui s’était opposé à son éviction, a annoncé lundi qu’il quitterait ses fonctions le 15 juin, assumant sa responsabilité personnelle dans l’échec du Shin Bet à prévenir les attaques du 7 octobre. Cette décision semble mettre un terme à la bataille juridique qui a divisé l’opinion publique.
« Sa décision reflète une intégrité essentielle au leadership et aux valeurs — tant à l’intérieur de l’organisation qu’à l’égard de la population israélienne et des familles endeuillées », a déclaré Herzog à propos de l’annonce de Bar.
« Il nous faut désormais nommer une personne qualifiée, dotée de solides compétences en matière de leadership, et qui pourra mener le Shin Bet vers de nouveaux sommets, le stabiliser et restaurer sa réputation exceptionnelle ».

Sur les négociations en cours pour la libération des 59 otages encore retenus à Gaza, Herzog s’est abstenu de critiquer en détail la stratégie de Netanyahu. « Ce sont des heures de négociations très délicates, avec de nombreux allers-retours. Il se passe beaucoup de choses. Je reste prudent quant à ce que je peux dire. Tout ce que je peux affirmer, c’est que nous devons tout faire pour les ramener chez eux et, si nécessaire, faire un effort supplémentaire pour y parvenir. »
Une délégation israélienne se serait rendue au Caire lundi soir pour discuter d’un éventuel cessez-le-feu à Gaza et d’un accord sur la libération des otages. Mais mardi, un responsable israélien a démenti les informations relayées par des médias arabes faisant état d’un accord préliminaire pour libérer certains captifs dès le mois de mai, les qualifiant « d’erronées ».
Tout en réaffirmant que le retour des otages constituait la priorité absolue d’Israël, Herzog a déclaré qu’il était possible de parvenir à leur libération tout en renversant le Hamas. Il a également estimé que les inquiétudes selon lesquelles Israël pourrait payer un prix trop élevé pour obtenir leur libération étaient « justifiées ».
Alors que les réservistes continuent de passer des mois loin de leur foyer et de leur travail pour combattre à Gaza, Tsahal permet toujours à la grande majorité des hommes ultra-orthodoxes en âge d’être enrôlés d’échapper au service militaire.
« J’en appelle à mes frères et sœurs du monde haredi : faites tout ce qui est en votre pouvoir pour vous engager et rejoindre l’armée », a déclaré Herzog. Il a également salué les efforts de Tsahal pour avoir mis en place des unités spécifiquement dédiées aux soldats issus des communautés ultra-orthodoxes.
« Je suis convaincu que seul un dialogue ouvert et continu nous permettra de parvenir à un meilleur accord sur cette question », a-t-il ajouté.

Le président a également tenté d’apaiser les tensions avec le Vatican, après le refus d’Israël de s’associer à l’élan mondial de condoléances pour le pape François, en réaction aux propos du souverain pontife sur Gaza.
Israël a suscité la controverse en n’envoyant qu’un ambassadeur aux funérailles du pape samedi, et le ministère des Affaires étrangères a supprimé une brève publication de condoléances sur les réseaux sociaux. Herzog a néanmoins tenu à souligner « la relation très ouverte et franche avec le Saint-Siège » que sa famille entretient depuis trois générations.
Son grand-père, le grand rabbin ashkénaze Isaac Halevi Herzog, avait rencontré le pape Pie XII après la Shoah pour solliciter son aide dans la localisation et le rapatriement d’enfants juifs cachés dans des monastères et des écoles catholiques. L’oncle du président, Jacob Herzog, fut quant à lui l’interlocuteur principal du Saint-Siège après 1948 et le diplomate chargé de négocier le premier accord bilatéral entre Israël et le Vatican.

« Je mets un point d’honneur à soutenir, encourager et défendre les communautés chrétiennes en Israël », a déclaré Herzog, ajoutant qu’il aurait dû rencontrer le pape François à Rome en février, mais que celui-ci est tombé malade et leur rencontre a dû être annulée.
« Je ne peux pas ignorer le fait que les propos du pape après le massacre du 7 octobre, ont suscité de vives critiques », a-t-il souligné.
Il a rappelé avoir publié une « déclaration empreinte d’émotion » en plusieurs langues à l’annonce du décès de François, et avoir personnellement informé le nonce apostolique en Israël, tout en s’entretenant également avec le patriarche latin de Jérusalem.
« Je reste convaincu que nous devons toujours veiller à respecter même ceux avec qui nous avons des désaccords », a affirmé le président.
En tant que président, Herzog a concentré ses efforts, en particulier ces derniers mois, sur l’apaisement du débat public, appelant les Israéliens à se recentrer sur ce qui les rassemble.
« Je suis inquiet », a-t-il confié, « car la rhétorique actuelle a franchi tous les seuils. Des mots sont prononcés, écrits ou exprimés d’une manière extrêmement dangereuse. »

Herzog a affirmé que la grande majorité des Israéliens en avaient « réellement assez de cette polarisation et de cette haine ».
« Les gens veulent rester unis », a-t-il insisté. « Ils veulent être ensemble. »
Il a estimé qu’un élément clé pour réduire les tensions serait l’adoption d’une Loi fondamentale précisant dans quels cas la Cour suprême peut annuler ou modifier une loi, et quel type de majorité est requis pour le faire.
« Cette question reste en suspens, et elle est à l’origine de profondes tensions », a déclaré Herzog.
Il a ajouté que, selon lui, les fondateurs du pays avaient commis une erreur rédigeant pas de constitution formelle.
Au-delà de ses efforts pour rassembler les différentes factions en Israël, Herzog cherche aussi à renforcer le dialogue entre les dirigeants juifs du monde entier sur l’avenir du peuple juif. En mars, environ 150 participants de son initiative, la Voix du Peuple, se sont réunis pour un premier sommet.

« Nous triompherons ensemble », a-t-il déclaré dans un message adressé à la diaspora. « Ce ne sont pas des temps faciles. Nous devons rester unis, car la guerre qui nous est menée vise notre droit à exister en tant que nation juive dotée de son seul État-nation : l’État d’Israël. »
L’entretien s’est déroulé en anglais. La transcription a été légèrement modifiée à des fins de concision et de clarté.
The Times of Israel : Commençons par les funérailles du pape François. Le jour de son décès, vous avez exprimé vos condoléances, mais l’absence de réaction d’autres responsables israéliens et le niveau de représentation aux obsèques ont été critiqués. Pensez-vous que la réponse d’Israël a été appropriée ? Et selon vous, les liens avec le Saint-Siège ont-ils été affectés ?
Président Isaac Herzog : Ma famille entretient, depuis trois générations, une relation très ouverte et franche avec le Saint-Siège – un lien que j’ai moi-même poursuivi tout au long de ma vie. Mon grand-père, feu le grand rabbin Isaac Halevi Herzog, a rencontré le pape Pie XII en février 1946, juste après la Shoah. À l’époque, le pape avait été fortement critiqué pour son silence pendant la Shoah. Mon grand-père était allé lui demander d’ouvrir les monastères où des enfants juifs étaient hébergés ; ce fut une rencontre historique.

Par la suite, mon oncle Jacob a jeté les bases de la relation unique qu’Israël entretient avec les communautés chrétiennes, y compris avec le Saint-Siège.
En tant que secrétaire du cabinet et ministre, j’ai été chargé d’organiser les visites des papes Jean-Paul II et Benoît XVI en Israël. Et j’ai toujours tenu à faire de la défense, du soutien et de l’encouragement des communautés chrétiennes dans le pays une priorité personnelle.
Il était prévu que je rencontre le pape François à Rome en février. Malheureusement, il a été hospitalisé deux jours avant notre rendez-vous, qui a donc été annulé.
Je ne peux ignorer que les déclarations du pape à la suite du massacre du 7 octobre ont suscité de vives critiques. Je lui en ai personnellement fait part, ainsi qu’aux médias, dès le début de la guerre.
Pour autant, j’ai publié, le jour même de son décès, un message très complet et émouvant en plusieurs langues. C’est moi qui ai informé le nonce apostolique en Israël de la triste nouvelle, et j’ai immédiatement pris contact avec le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem.

Je pense donc qu’en ce qui concerne le chef de l’État — votre humble serviteur —, nous avons exprimé notre tristesse comme il se doit.
La décision d’envoyer uniquement l’ambassadeur aux funérailles a été prise par le gouvernement. Chacun peut avoir un point de vue différent sur cette question. Pour ma part, je reste convaincu que nous devons toujours respecter même ceux avec qui nous sommes en désaccord.
Revenons à Israël. Je sais que vous ne pouvez pas prendre position politiquement, mais vous intervenez parfois sur des sujets sensibles dans le débat public. Comment décidez-vous des sujets sur lesquels il est approprié qu’un président s’exprime ?
C’est une très bonne question, car je ne me vois pas comme une machine inépuisable chargée de réagir à chaque déclaration, chaque événement, chaque action ou chaque parole, d’où qu’ils viennent. Je deviendrais fou.
Nous traversons une période extrêmement agitée dans la vie publique israélienne. Ce n’est un secret pour personne.

Ma mission, comme je l’ai clairement exprimé, est de m’attacher à désamorcer les tensions internes qui minent notre unité nationale et constituent, à mes yeux, un véritable danger. Mon objectif est que le 80e Yom HaAtsmaout d’Israël se tienne dans un climat plus uni, moins fracturé.
Je rencontre chaque semaine des milliers d’Israéliens, et je constate qu’il existe dans notre société un dénominateur commun bien plus fort qu’on ne le pense. C’était d’ailleurs le cœur de mon message lors de la cérémonie de Yom HaShoah à Yad Vashem : la grande majorité des citoyens en ont assez de cette polarisation et de cette haine.
Les gens veulent rester unis. Ils veulent vivre ensemble.

Et ils ont bien conscience que nos ennemis se moquent bien de savoir si l’Israélien ou le Juif en face d’eux soutient le gouvernement ou l’opposition. Pour eux, cela n’a aucune importance : ils veulent tous nous anéantir. C’est cette réalité que nous devons affronter, comprendre, et faire connaître. Voilà le message que je veux adresser à notre peuple. C’est le message que j’adresse à notre peuple.
L’une des premières questions sur lesquelles vous avez joué un rôle clé fut la tentative de réforme du système judiciaire en 2023. Pourquoi vos efforts de médiation n’ont-ils pas abouti ? Et quelles leçons en avez-vous tirées pour les défis actuels ?
Je suis ferme sur ce point — catégorique même. Et quand bien même je serais le seul Israélien à le croire, je continuerai à me consacrer pleinement à la recherche de compromis dans notre espace public.
Nous menons un débat intense sur des sujets d’une importance capitale. Il a commencé avec la réforme judiciaire, mais en réalité, cette question en englobe bien d’autres qui divisent aujourd’hui notre société.

Et pourtant, je suis sincèrement convaincu que nos désaccords ne sont pas insurmontables. Ils peuvent être surmontés — à condition d’un réel effort collectif. Dans une démocratie dynamique comme la nôtre, nous devons garantir la solidité, l’indépendance et l’intégrité de toutes nos institutions.
C’est pourquoi je continuerai à m’impliquer dans les grands débats qui traversent notre société.
Vous avez récemment alerté sur les comportements irresponsables et sur ceux qui « tentent de nous démanteler de l’intérieur ». Qu’avez-vous vu qui vous a autant inquiété ? Et où voyez-vous ces menaces ?
Avant tout, je suis profondément fier des réalisations extraordinaires d’Israël et du peuple israélien, dans tous les domaines, à tous les niveaux de la société. À travers le monde, des Israéliens sont des figures de proue dans leur secteur, et dans notre pays, nous voyons chaque jour émerger des initiatives remarquables, qu’elles soient sociales, académiques, culturelles ou autres.
Mais oui, je suis alarmé. Parce que la rhétorique a franchi des lignes rouges. Les mots que certaines personnes emploient, les messages qu’elles écrivent, les propos qu’elles tiennent peuvent être extrêmement dangereux.

Et pourtant, je crois que la majorité silencieuse d’Israéliens reste attachée à des principes fondamentaux qui dépassent toutes les tempêtes actuelles. Ils croient profondément en nos droits civiques fondamentaux et en la responsabilité collective de les protéger. Ils respectent la loi, reconnaissent l’autorité des décisions de justice et rejettent avec fermeté tout appel, quel qu’il soit, à une guerre civile ou à des troubles internes.
Malheureusement, certains – souvent en marge, mais parfois au cœur du débat politique – tiennent des propos inacceptables. Ils appellent à désobéir aux jugements, qualifient le Premier ministre d’ennemi, ou le chef du Shin Bet de « parrain de la mafia » qui mériterait d’être pendu.
Ce sont des paroles abominables, que nous ne saurions normaliser.
Une constitution écrite – pensez-vous que si nous avions les règles du jeu écrites et acceptées, ces combats seraient beaucoup plus faciles à gérer ?
C’est une question qui m’accompagne depuis presque toute ma vie.
Et oui, historiquement, je pense que le fait de ne pas avoir établi de constitution au moment de la fondation de l’État, sous David Ben Gurion, fut une erreur.

Il y avait une raison à cela. Il [Ben Gourion] estimait qu’il était trop tôt pour rédiger une constitution.
En pratique, le système a évolué vers la structure actuelle, qui consiste à légiférer des Lois fondamentales qui forment, de facto, chapitre par chapitre, une Constitution.
Mais comme vous le savez, l’an dernier, la Cour suprême a annulé un amendement à l’une de ces Lois fondamentales, ce qui a ravivé les tensions autour des équilibres et des limites entre les trois pouvoirs de l’État.
Je pense qu’un élément clé pour apaiser la situation serait d’adopter une Loi fondamentale qui définisse clairement dans quels cas la Cour suprême peut annuler ou amender une loi, et selon quels critères. Quelle majorité est requise ? Combien de juges doivent siéger ? Quel seuil de majorité est nécessaire au sein de la Cour elle-même ?
C’est une question non résolue, et elle est à l’origine de frictions considérables. Et selon moi, ces tensions viennent en partie de l’interprétation divergente de ce qui est « juif » et de ce qui est « démocratique » — deux dimensions que je considère comme complémentaires, mais que certains cherchent à opposer.
Nous sommes un peuple qui n’a pas seulement transmis à l’humanité les textes fondamentaux, mais aussi un grand nombre des principes du judaïsme qui ont inspiré les fondements mêmes de la république moderne.
Vous avez évoqué les marges. En Cisjordanie, certains groupes poursuivent leurs attaques contre des civils palestiniens. Je suis sûr que cela va à l’encontre des convictions de la majorité des Israéliens, mais on a l’impression que personne n’intervient. Pensez-vous que l’État échoue à lutter contre ces éléments extrémistes et que d’autres mesures s’imposent ?
Je dirais que c’est trop généraliser de prétendre que rien n’est fait. La question est bien prise en charge par plusieurs branches de l’État, et il existe évidemment un système judiciaire et légal. Cela dit, la manière dont certains dossiers sont traités fait l’objet de critiques.
Mais plus j’approfondis le sujet, plus je constate que, dans certains cas, il s’agit de délinquance juvénile, qui exige une réponse pluridisciplinaire : les services sociaux, l’éducation, le travail avec les jeunes eux-mêmes, le rôle des officiers, sans oublier, bien sûr, la police et la justice.

Des discussions sont en cours entre les différentes institutions de l’État pour améliorer la réponse, notamment face au phénomène que vous appelez « la jeunesse des Collines ». Il existe désormais une plateforme de coordination sur cette question.
Je me garderais donc de généraliser en affirmant qu’Israël ne fait rien. Le simple fait que ce sujet soit devenu central dans le débat public témoigne d’une prise de conscience croissante. Mais oui, nous devons mieux faire dans certains cas. Et pour ce qui me concerne, je m’y emploie du mieux que je peux.
La guerre a repris à Gaza. Ce week-end encore, des soldats israéliens ont perdu la vie. Pensez-vous que cette reprise est la meilleure façon de faire pression sur le Hamas, ou risque-t-elle de mettre davantage en danger les otages ?
Avant tout, je suis convaincu que l’armée fait tout ce qui est en son pouvoir. J’ai toute confiance dans le chef d’état-major, Eyal Zamir — un homme d’un grand sérieux. L’armée agit avec la plus grande responsabilité.
Notre objectif prioritaire est clair : ramener nos otages. Je l’ai rappelé il y a quelques jours en recevant les lettres de créance de l’ambassadeur américain [Mike] Huckabee. C’est notre priorité absolue.

Nous voulons tous les ramener. Tous, jusqu’au dernier.
Les négociations en cours sont extrêmement délicates. Il y a beaucoup d’allers-retours, beaucoup de choses qui se jouent. Je préfère donc rester prudent dans mes propos. Tout ce que je peux dire, c’est que nous devons tout faire pour les ramener chez eux — et redoubler d’efforts, chaque fois que nécessaire.
Vous avez souvent insisté sur l’importance de tout faire pour obtenir leur libération. Mais certains estiment que le prix à payer est parfois trop élevé. Par exemple, les terroristes libérés dans l’accord Tenenbaum de 2004 ont assassiné plus de 200 Israéliens. Yahya Sinwar lui-même a été relâché dans le cadre de l’accord Shalit en 2011. Y a-t-il, selon vous, un prix qu’un pays ne peut tout simplement pas se permettre de payer ?
Ces arguments ne me laissent pas indifférent. Au contraire, je les considère comme parfaitement légitimes. Les Israéliens qui ont perdu un proche tué par ces barbares libérés dans de tels accords sont des héros à mes yeux. Et je les remercie du fond du cœur.
C’est un paramètre à prendre en compte, une considération parfaitement valable.

Je pense qu’entre les deux objectifs fixés pour cette guerre, d’une part, éradiquer le Hamas et de l’autre, ramener tous les otages, il existe un champ d’action dans lequel nous devons explorer diverses options. Nous devons en tirer parti pour libérer le plus d’otages possible, jusqu’au dernier, tout en poursuivant notre objectif stratégique de mettre fin au régime du Hamas.
Ces derniers jours, certaines informations ont fuité ici et là. Attendons de voir si elles se confirment et dans quelle mesure elles sont sérieuses.
Le fardeau qui pèse sur les réservistes engagés à Gaza est manifestement très lourd. Selon vous, le gouvernement en fait-il assez pour encourager les Haredim à servir ? Vous avez mentionné votre grand-père, le grand rabbin : trouvez-vous, dans ses enseignements ou ses positions, une perspective particulière sur l’engagement des ultra-orthodoxes au service de l’État ?
Je viens d’une famille qui a toujours considéré le service militaire, à tous les échelons, comme un devoir essentiel envers la nation, y compris dans la guerre actuelle.
Je préciserais aussi que mon père, général et l’un des fondateurs de Tsahal, fut un héros de guerre aussi bien pendant la Seconde Guerre mondiale qu’en Israël.

Mon père, qui fut bien sûr président de l’État d’Israël, nous répétait souvent que son propre père – mon grand-père –, l’un des plus grands sages du monde juif de son époque, et toujours reconnu comme tel aujourd’hui, rabbin pieux et orthodoxe, lui avait dit un jour : « Si tu n’as pas l’intention de devenir rabbin en Israël, alors deviens officier dans l’armée israélienne. »
Et c’est d’ailleurs mon grand-père, aujourd’hui disparu, qui a écrit la prière pour l’État et pour la sécurité de ceux qui le défendent.
Cela dit, il faut aussi composer avec la réalité politique, car c’est un sujet sensible depuis la création même de l’État. J’en appelle donc à mes frères et sœurs du monde haredi à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour se mobiliser et rejoindre l’armée.

Et bien sûr, je salue également le fait que Tsahal ait mis l’accent sur la création d’unités spécifiques et de structures adaptées aux besoins du public haredi, afin de leur offrir un cadre plus sûr pour surmonter leurs appréhensions et relever les défis initiaux.
Je crois qu’un dialogue soutenu et respectueux permettra de parvenir à de meilleurs accords sur cette question.
Le chef du Shin Bet, Ronen Bar, a annoncé sa démission. Pensez-vous que cela aurait dû se produire plus tôt ? Et quel impact la bataille publique autour de son limogeage a-t-elle eu, selon vous ?
Avant tout, je tiens à exprimer mon soutien à Ronen Bar.
Je constate qu’il est la cible d’attaques personnelles et d’accusations terribles – des propos inacceptables, dirigés contre un homme qui, depuis des dizaines d’années, sert l’État d’Israël avec un courage et un dévouement extraordinaires, jour et nuit.

Il est indéniable qu’il a failli gravement dans les heures précédant l’attaque du 7 octobre – et il l’a reconnu publiquement. C’est une faute grave, que je ne minimise pas un instant, et c’est précisément pour cela qu’il a décidé de démissionner. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un effondrement systémique à tous les niveaux, et qu’il devra être examiné en profondeur par une commission d’enquête d’État.
Ronen Bar a pris la décision qui s’imposait en assumant ses responsabilités et en annonçant son départ dans les semaines à venir.
Ce choix témoigne de son intégrité, une qualité essentielle à l’exercice du leadership et aux valeurs fondamentales, tant au sein de l’institution qu’à l’égard du public israélien et des familles endeuillées.
Nous devons maintenant désigner une personne hautement qualifiée, dotée d’une solide autorité de commandement, capable de stabiliser le Shin Bet, de lui redonner confiance et de restaurer son excellence.
Quel est votre ressenti en ce qui concerne l’état actuel des relations entre Israël et les États-Unis ? Craignez-vous qu’Israël ait perdu le soutien d’une partie des Américains ? Et selon vous, que pourrait-on faire différemment pour renouer le dialogue avec le Parti démocrate et la jeunesse américaine ?
J’ai toujours cru au principe du bipartisme, et je continue à y croire fermement aujourd’hui.

La semaine dernière, j’ai rencontré une délégation bipartisane composée d’élus républicains et démocrates. Je reste en contact avec l’ensemble des parties concernées : la Maison Blanche, le pouvoir exécutif, les représentants élus, le Sénat, le Congrès, et bien d’autres encore.
Nous devons maintenir un dialogue avec tous les acteurs, et faire entendre clairement notre position.
Je tiens également à souligner que nous assistons à des phénomènes profondément préoccupants. J’ai grandi aux États-Unis. Je suis profondément attaché à ce pays. J’y ai fait mes études, et jamais je n’aurais imaginé entendre ou voir de tels discours sur Israël et les Juifs, dans les universités, les écoles, les centres communautaires juifs, et ailleurs. Cela appelle une vigilance extrême de notre part, en tant qu’État et en tant que peuple, pour préserver et renforcer nos liens avec toutes les composantes concernées.
J’apprécie l’incroyable soutien qu’a exprimé le président Trump à l’égard de l’État d’Israël. Mes relations avec le président Biden et son administration ont été franches, bonnes et amicales.

J’espère avoir prochainement l’occasion d’accueillir le président Trump en Israël.
Vous avez lancé l’initiative « La Voix du peuple ». Y a-t-il, selon vous, quelque chose à revoir dans la manière dont Israël considère ou traite la diaspora juive ? Que faut-il changer à votre avis ?
Je tiens d’abord à saluer votre site, qui couvre l’ensemble du monde juif et est lu par un grand nombre de Juifs à travers le monde.
Nous nous soucions de la diaspora. Ici, en Israël, nous tenons profondément à nos frères et sœurs du monde entier.
Dans mon discours à l’occasion de Yom HaShoah, je me suis adressé non seulement aux citoyens d’Israël, mais aussi à nos sœurs et frères de la diaspora. Je leur ai dit : « C’est ensemble que nous triompherons. »
Les temps sont difficiles. Nous devons nous serrer les coudes, car la guerre qui nous est menée est aussi une guerre contre notre droit d’exister en tant que nation juive, disposant de son seul État-nation, l’État d’Israël.

Mais c’est aussi une guerre contre le monde libre. En luttant contre le djihadisme, nous défendons les valeurs de liberté. Ces terroristes d’une brutalité extrême détiennent nos frères et sœurs dans l’obscurité. La manière dont ils les traitent est un rappel glaçant qu’à chaque génération, il y a toujours quelqu’un qui cherche à nous agresser.
C’est pourquoi nous devons rester unis et refuser toute forme de naïveté. Nous ne sommes pas parfaits, loin s’en faut, mais nous devons apprendre à mieux nous connaître pour progresser ensemble.
C’est dans cet esprit qu’est née mon initiative la Voix du Peuple. Elle répond à la nécessité d’identifier les futurs leaders du monde juif et de rassembler l’ensemble de nos communautés.
Ce fut tout simplement remarquable de voir 150 Juifs, membres de mon conseil La Voix du peuple, issus de tous les courants du judaïsme — certains découvrant des traditions jusque-là inconnues d’eux — s’exprimer librement pendant une semaine et réfléchir ensemble à l’avenir du peuple juif et aux défis qui l’attendent.
Nous sommes très fiers des participants à cette conférence. Et naturellement, je poursuivrai ce projet, cette initiative, pour qu’elle contribue à renforcer notre unité et à bâtir l’avenir du monde juif.