Israël en guerre - Jour 338

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Une enseigne de la Food and Drug Administration est vue à Silver Spring, dans le Maryland, le 10 décembre 2020. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)
Une enseigne de la Food and Drug Administration est vue à Silver Spring, dans le Maryland, le 10 décembre 2020. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)

Israël, le prochain centre de la filière médicale des USA au Moyen-Orient ?

Un groupe chrétien, soutenu par les deux partis à Washington, veut profiter des Accords d’Abraham et ouvrir une antenne régionale de la FDA ; les agences de santé doivent approuver

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Une initiative est en cours pour qu’Israël devienne le centre d’une éventuelle chaîne d’approvisionnement médicale régionale américaine qui réduirait la dépendance américaine vis-à-vis de la Chine.

Cette campagne s’articule autour d’une initiative bipartisane au Capitole visant à imposer et à financer l’ouverture d’un bureau de la Food and Drug Administration (FDA) en Israël, cette dernière aiderait les sociétés israéliennes et arabes qui le reconnaissent à fabriquer des médicaments et des fournitures médicales pour le marché américain particulièrement lucratif.

La campagne est menée par la United States-Israel Education Association, une petite organisation chrétienne dont le siège est en Alabama.

Au cours des dix dernières années, l’USIEA a invité de hauts responsables du Congrès à visiter des implantations en Cisjordanie, elle a collaboré avec ces mêmes législateurs pour obtenir des centaines de millions de dollars de financement américain pour le système antimissile du Dôme de fer et elle a aidé à tisser des liens entre les entreprises israéliennes et palestiniennes.

Elle travaille actuellement avec des législateurs des deux camps sur cette ambitieuse initiative de « nearshoring« . Ce terme signifie délocaliser une activité économique de pays éloignés vers des pays plus proches, tant sur le plan idéologique que géographique.

Cet effort, bien qu’ambitieux, est particulièrement attrayant pour les deux camps. Il répondrait aux préoccupations des Américains en matière de sécurité nationale en réduisant la dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine, une des grandes priorités des républicains au Congrès.

Le sénateur Tommy Tuberville (Républicain-Alabama) discute des relations entre les États-Unis et Israël avec Heather Johnston et Ari Sacher dans son bureau à Washington en 2021 (Crédit : Autorisation)

La trop grande dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine en matière de médicaments représentait déjà un problème bien avant la pandémie du COVID en 2020.

L’année d’avant, la US-China Economic and Security Review Commission, mandatée par le Congrès et créée en 2000, avait tenu une audience intitulée « Exploring the Growing US Reliance on China’s Biotech and Pharmaceutical Products. »

« La sécurité sanitaire nationale et la sécurité nationale sont menacées par la dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine en ce qui concerne les milliers de composants et de matières premières nécessaires à la fabrication de nos médicaments », témoignait Rosemary Gibson, auteur de « China Rx : Exposing the Risks of America’s Dependence on China for Medicine« .

Avec le déplacement de la production de médicaments, et de certains composants clés, des États-Unis vers la Chine, l’approvisionnement pourrait bien devenir une arme utilisée contre les États-Unis, avait prévenu Gibson.

La fiabilité des normes réglementaires chinoises avait également suscité des inquiétudes. « En raison de la dépendance des États-Unis en matière d’approvisionnement chinois et de l’absence de réglementation efficace en matière de santé et de sécurité des producteurs chinois, la population américaine, y compris ses forces armées, risque d’être exposée à des médicaments contaminés et dangereux », pouvait-t-on lire dans un rapport de l’ESRC États-Unis-Chine de 2019.

Un médecin, en habit de protection et portant le masque, avec une seringue et une dose de vaccin. (Crédit : oshcherban via iStock by Getty Images)

La pandémie de la COVID-19 et la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales ont illustré à quel point les États-Unis sont dépendants de la Chine pour tout, des masques chirurgicaux aux semi-conducteurs.

« Ce sont des chaînes d’approvisionnement très précaires et ténues », a déclaré par téléphone Peter Pitts, ancien commissaire associé de la FDA, au Times of Israel. « Nous devons être en mesure de garantir notre approvisionnement en produits médicaux nécessaires aux États-Unis. Et théoriquement, en travaillant avec Israël, par exemple, ou les Émirats arabes unis ou le Maroc ou encore le Bahreïn, nous pouvons déplacer une partie de la fabrication de ces produits médicaux essentiels hors de Chine ; en les faisant fabriquer, par exemple, dans des pays plus favorables aux États-Unis. »

La FDA, qui est responsable de la conformité des médicaments, des dispositifs médicaux, des produits biologiques et des aliments vendus aux États-Unis, avait ouvert un bureau en Jordanie en 2011, mais l’a fermé sans explication en 2013. Elle possède actuellement des bureaux internationaux en Europe, en Inde, en Amérique latine et, bien sûr, en Chine, mais n’en a aucun au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord.

Dans le camp des démocrates, la campagne rejoint les priorités du président Joe Biden.

En septembre, il a publié un décret appelant le département d’État américain et d’autres agences fédérales qui « collaborent avec des partenaires internationaux dans le cadre de leurs missions à… encourager la coopération réglementaire et l’adoption des meilleures pratiques pour évaluer et promouvoir les produits innovants ».

Le décret de septembre de Biden faisait partie d’une vague de lois ciblant la dépendance des États-Unis à la biotechnologie et aux médicaments chinois, dont certaines envisageaient explicitement Israël comme étant un élément clé d’une alternative à la Chine. En mai 2020, au début de la pandémie, le sénateur républicain Ted Cruz et son homologue démocrate Chris Coons avaient soumis le projet de loi intitulé « Expanding Medical Partnerships with Israel to Lessen Dependence on China Act ».

Peter Pitts, ancien commissaire associé de la FDA (Crédit : Autorisation)

« Notre dépendance à l’égard de la Chine en matière de médicaments et de traitements vitaux est extrêmement problématique », avait déclaré Cruz dans un communiqué. « En élargissant les partenariats avec Israël – un allié et un leader mondial dans le domaine de la santé – pour développer des traitements contre le coronavirus, une telle législation est une mesure de bon sens pour faire face à cette menace. »

La législation a été intégrée dans le National Defense Authorization Act (la loi d’autorisation de la Défense nationale) de 2021, autorisant 4 millions de dollars pour la coopération en matière de recherche en sciences de la vie entre les États-Unis et Israël.

L’ouverture d’un bureau de la FDA en Israël, et éventuellement d’un bureau satellite dans les Émirats, permettrait également de resserrer les liens entre les pays signataires des accords d’Abraham.

« Ce que nous voulons faire aux États-Unis, c’est contribuer à faire avancer la philosophie des accords d’Abraham, qui consiste à établir des relations, personnelles et bien sûr commerciales, entre les pays participants », a expliqué Pitts. « Et une façon d’y parvenir est de faire en sorte que ces pays deviennent un centre de développement et de fabrication de produits biopharmaceutiques. »

Un ingénieur système israélien surveille une ligne de production à l’usine Teva de Jérusalem. Illustration. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Selon Heather Johnston, directrice générale de l’USIEA, « les hauts fonctionnaires des commissions compétentes » du Congrès travaillent d’arrache-pied pour transformer cette vision en législation.

Le 21 septembre, l’USIEA a présenté un livre blanc à la FDA et aux hauts responsables de la commission de l’Énergie et du commerce de la Chambre des représentants, exhortant le Congrès à adopter une loi autorisant l’ouverture du bureau.

En mai, un groupe bipartite de membres du Congrès, dont le démocrate californien Lou Correa, de la commission de la Sécurité intérieure, et le républicain Neal Dunn, de la commission de l’Énergie et du Commerce, s’est rendu en Israël pour étudier la question lors d’un voyage financé par l’USIEA. Ils y ont rencontré le Premier ministre de l’époque, Naftali Bennett, le leader de l’opposition et futur Premier ministre, Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense de l’époque, Benny Gantz, et l’ambassadeur américain, Tom Nides, ainsi qu’Amir Reichman, PDG de la société pharmaceutique BiondVax, basée à Jérusalem.

Une délégation du Congrès américain rencontre le chef de l’opposition de l’époque, Benjamin Netanyahu, en mai 2022 (Crédit : Autorisation de l’USIEA)

« Je ne considère pas Israël ou certaines parties du Moyen-Orient comme étant éloignés », avait déclaré Correa au Times of Israel en mai. « Je les considère comme faisant partie de l’économie américaine d’un point de vue stratégique, comme faisant partie de notre avenir. Donc pour moi, Israël peut et doit en faire partie… Mais n’oubliez pas qu’il y a d’autres pays dans cette région qui peuvent aussi participer à ce miracle industriel. »

Ligne téléphonique ou bureau

Malgré le soutien des législateurs américains, toutes les parties concernées n’ont pas pour autant ouvertement manifesté leur soutien à cette idée.

La FDA préférerait ouvrir une ligne téléphonique dédiée aux entreprises du Moyen-Orient, selon des sources qui ont abordé la question avec des responsables de l’agence.

Une porte-parole de la FDA n’a pas voulu faire de commentaires sur une quelconque initiative spécifique au Moyen-Orient, se contentant de dire que l’agence « examine périodiquement l’emplacement de ses bureaux à l’étranger afin de déterminer si la création de bureaux supplémentaires est justifiée ».

« Si la FDA devait décider de la nécessité d’un ou plusieurs bureaux supplémentaires, elle consulterait les départements de la santé et des services sociaux et de l’État », a-t-elle poursuivi. « Généralement, le gouvernement du pays hôte doit également approuver le bureau. Ce processus peut être long. »

La FDA ne voit pas encore la nécessité d’ouvrir un bureau en Israël, a expliqué Johnston.

La Dr Rochelle Walensky, directrice des Centres de contrôle et de prévention des maladies, à gauche, écoute le commissaire de la Food and Drug Administration, Robert Califf, qui témoigne virtuellement lors d’une audience de la Commission sénatoriale de la santé, de l’éducation, du travail et des pensions, afin d’examiner une mise à jour de la réponse fédérale en cours au COVID, jeudi 16 juin 2022, au Capitole à Washington. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)

Un porte-parole de Netanyahu a refusé de commenter la position du leader du Likud sur l’initiative avant son entrée en fonction. Netanyahu a été chargé de former un gouvernement dimanche.

Asher Salmon, responsable des relations internationales au ministère de la Santé et personnage essentiel dans la prise de position de son bureau, a également refusé de révéler quelle était la position actuelle du ministère sur cette initiative.

Plus rapide et plus efficace

Les principaux acteurs de l’industrie biopharmaceutique israélienne, en revanche, soutiennent avec enthousiasme le projet.

L’ouverture d’un bureau de la FDA en Israël aurait « un impact considérable », a déclaré Jon Medved, PDG de OurCrowd, une plateforme israélienne d’investissement par capitalisation qui a lancé, avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un fonds d’actions pour la santé mondiale de 200 millions de dollars, axé sur les technologies de pointe susceptibles d’améliorer les soins de santé dans le monde.

« Les entreprises israéliennes sont confrontées à plusieurs problèmes lorsqu’elles commercialisent des produits ou des services médicaux », poursuit-il.  » Le premier est le régime réglementaire. Le processus n’est pas du tout facile pour les entreprises israéliennes. Beaucoup d’entre elles n’ont pas d’expérience. Elles sont très loin. Par conséquent, cette démarche est stratégique. »

Anil Soni, directeur général de la Fondation de l’OMS, et Jon Medved, fondateur et directeur général d’OurCrowd, en septembre 2022. (Crédit : Aurelio Di Muzio)

La FDA a une « structure très obscure, byzantine », a déploré Pitts.

« [L’ouverture d’un bureau] pourrait leur fournir des conseils de qualité, solides, sur le terrain, en temps réel, plutôt que de devoir passer par un consultant de Washington DC pour régler les choses par téléphone et les décalages [horaires] », a-t-il poursuivi.

Cela montrerait également aux investisseurs internationaux que Washington est sérieux dans sa volonté de travailler avec les entreprises israéliennes pour commercialiser leurs produits aux États-Unis, de loin le plus grand marché pharmaceutique du monde.

Le bureau « aidera la FDA à progresser beaucoup plus rapidement dans la compréhension et la réglementation des nouveaux domaines de la convergence de la technologie et de la biologie », a confié Yair Schindel, associé directeur de aMoon, un fonds d’investissement israélien spécialisé dans les technologies de la santé. « Cela aidera également Israël à stimuler l’innovation dans le domaine de la santé et à diffuser plus rapidement et plus efficacement ces innovations sur le marché américain. »

Le Dr Schindel a informé plusieurs membres du Congrès américain, dans le cadre de Zoom, de l’importance du projet.

Le docteur Yair Schindel, cofondateur et partenaires d’aMoon Partners au Sommet aMoon, le 13 mai 2019 (Crédit : Fabian Koldorff)

Le processus régional de développement de médicaments commencerait par la recherche et le développement israéliens, a déclaré l’entrepreneur israélien du secteur de la santé Morris Laster.

« L’innovation passera ensuite aux essais cliniques avancés, que ce soit au Maroc, en Égypte ou dans les Émirats arabes unis, avant que les produits ne soient fabriqués », a expliqué Laster. « Maintenant, si vous avez la FDA qui vient en plus de la réglementation des Émirats, vous avez essentiellement accès au premier monde également. »

« L’Égypte peut-elle produire des aiguilles ? Oui », a déclaré Reichman. « Peut-elle produire du verre et des flacons à bas prix et concurrencer la Chine ? Bien sûr. Nous pouvons donc donner des rôles à chacun de ces alliés, créer des emplois, assurer la prospérité et sécuriser la chaîne d’approvisionnement. Mais nous devons le faire de manière réfléchie. »

Le projet de nearshoring aurait des avantages géopolitiques supplémentaires pour les États-Unis, a soutenu Reichman. La Chine et la Russie ont fait des percées dans la région du Golfe persique et ailleurs au Moyen-Orient dans le domaine du développement des médicaments et des infrastructures.

Photo d’illustration : Des conteneurs de transport dans le port de Haïfa (Crédit : Yaakov Naumi/Flash90)

« Cela pourrait bloquer l’accès des entreprises russes et chinoises dans cette région », a-t-il déclaré. « Les soins de santé et les infrastructures sont autant de liens avec la population et le pouvoir ».

Le sort de l’initiative de nearshoring est désormais entre les mains du Congrès, qui pourrait financer un bureau de la FDA dans un projet de loi de crédits 2023 après les Midterms du 8 novembre.

Le soutien du prochain gouvernement israélien sera également un facteur clé pour faire avancer l’effort.

« Cela peut être une proposition unique par laquelle nous contribuons à faire avancer la paix au Moyen-Orient », a expliqué Pitts. « Nous contribuons à protéger l’approvisionnement de l’Amérique en produits médicaux essentiels grâce à la présence physique de la FDA dans la région. »

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