Israël en guerre - Jour 434

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Principale image d'illustration : Un manifestant pro-palestinien tient une pancarte sur laquelle on peut lire « Chaque jour est un 7 octobre “, tandis qu'une banderole indique ” Du fleuve à la mer », à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 7 octobre 2024. (Crédit : Peter Dejong/AP)
Principale image d'illustration : Un manifestant pro-palestinien tient une pancarte sur laquelle on peut lire « Chaque jour est un 7 octobre “, tandis qu'une banderole indique ” Du fleuve à la mer », à Amsterdam, aux Pays-Bas, le 7 octobre 2024. (Crédit : Peter Dejong/AP)
Reportage

La « chasse aux Juifs » à Amsterdam pousse les Néerlandais juifs vers Israël

Sous la montée de l’antisionisme et de l’antisémitisme violent, de nombreux Juifs néerlandais fuient, doutant que leur gouvernement puisse les protéger, et envisagent l’alyah

AMSTERDAM – Maaike Smole, 48 ans, responsable de politiques éducatives dans un collège à Amersfoort, au centre des Pays-Bas, a perdu tout espoir d’un avenir pour les Juifs dans son pays.

« Il est trop tard. Les Pays-Bas sont schluss », dit-elle en utilisant le terme yiddish signifiant “fermé” ou “fini”.

« L’éducation a échoué, l’intégration [des minorités musulmanes] a échoué. Le respect pour nous, les Juifs, a disparu et ne reviendra jamais. Nous sommes tout simplement trop peu nombreux, et l’autre camp est tellement plus grand et plus agressif. Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est de compter les jours jusqu’à notre alyah », a-t-elle déclaré, employant le terme en hébreu pour désigner l’immigration en Israël.

Ces sentiments reflètent ceux d’un nombre croissant de Juifs néerlandais, membres d’une communauté ancrée dans le pays depuis des siècles, autrefois connu pour sa tolérance religieuse et ethnique. Selon des témoignages recueillis par le Times of Israel et le bureau du grand rabbin, un nombre inédit de Juifs néerlandais envisagent aujourd’hui de quitter les Pays-Bas pour rejoindre Israël.

Avec une population estimée entre 30 000 et 50 000 personnes, dépendant de la manière dont ils sont recensés, de nombreux Juifs locaux se disent submergés par la double pression de l’antisémitisme au sein des communautés d’immigrés et de l’antisionisme de gauche. Dans un pays où les pogroms semblaient autrefois inconcevables, la situation s’est soudainement détériorée.

La nuit du 7 novembre a marqué un tournant, lorsque des groupes de jeunes, pour la plupart arabes et musulmans, aidés par des chauffeurs de taxi partageant leur origine ethnique et religieuse, se sont lancés dans une véritable « chasse aux juifs » dans les rues d’Amsterdam.

Selon les autorités israéliennes, 10 personnes ont été blessées au cours des violences et des centaines de touristes israéliens ont dû se réfugier dans leurs hôtels, craignant d’être attaqués. Les forces de sécurité néerlandaises étaient introuvables, d’après de nombreux témoins, laissant les touristes israéliens pris en embuscade par des assaillants masqués, qui criaient des slogans pro-palestiniens et anti-Israël tout en les pourchassant, les frappant et les harcelant.

La police néerlandaise monte la garde après les attaques contre les supporters israéliens après le match de football entre l’Ajax et le Maccabi Tel Aviv à Amsterdam, le 8 novembre 2024. (Crédit : VLN Niews/ANP/AFP/JTA)

Des responsables politiques, dont Femke Halsema, la maire de gauche d’Amsterdam, ont qualifié les émeutes de « pogrom », les premières violences organisées contre les Juifs aux Pays-Bas depuis l’occupation nazie.

Les Juifs ne sont toutefois pas les seuls ciblés : lundi, le Centre des chrétiens pour Israël, basé à Nijkerk, dans le centre du pays, a été attaqué par des manifestants anti-Israël. Ces derniers ont vandalisé les bureaux de l’organisation en raison de son soutien à Israël, taguant des slogans accusant ses membres de soutenir un génocide et de tuer des bébés.

Une peur grandissante

Shraga Evers, installé en Israël depuis 12 ans après avoir quitté les Pays-Bas, dirige aujourd’hui Shivat Zion, une organisation qui aide les Juifs d’Europe occidentale dans leur processus d’immigration et d’intégration en Israël.

« La semaine dernière, nous avons organisé un événement à Amsterdam pour les Juifs néerlandais intéressés par l’immigration en Israël », raconte Evers. « Quarante personnes y ont participé, soit autant que ce que nous voyons habituellement sur une année entière. Cela fait des dizaines d’années que nous n’avions pas vu un tel intérêt. »

Avant le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël et la guerre qu’il a déclenchée entre Israël et le Hamas, la principale motivation des candidats à l’alyah était idéologique, explique Evers. Aujourd’hui, le principal moteur semble être la peur.

Shraga Evers, PDG de Shivat Zion. (Crédit : Autorisation)

Selon Evers, cette tendance touche l’ensemble du spectre religieux et politique et pas uniquement ceux qu’il désigne comme les « juifs visibles ». « Les jeunes, les vieux, orthodoxes, réformés, de gauche ou de droite… Ceux qui ont perdu des amis à cause de leur identité juive, mais aussi celles qui sont ouvertement ciblées et agressées », poursuit Evers.

« Des Juifs qui n’auraient jamais envisagé de quitter l’Europe auparavant comprennent aujourd’hui qu’il n’y a plus d’avenir pour eux ici », conclut Evers, rejoignant ainsi les propos de Smole.

« Même si Israël est statistiquement plus dangereux, la nature du danger y est différente », explique Smole. « En Israël, la menace est extérieure. Aux Pays-Bas, votre agresseur peut être votre voisin. La police néerlandaise n’est plus en mesure de protéger les Juifs ; lorsque les musulmans agissent en groupe, leur nombre est simplement écrasant. »

« La boîte de Pandore s’est ouverte et même quand les guerres à Gaza et au Liban prendront fin, rien ne sera plus jamais pareil en Europe », a ajouté Smole.

Daniel, un médecin de 47 ans, fait partie des Juifs néerlandais qui, il y a un an, n’auraient jamais envisagé l’idée de partir en Israël. Il a demandé à ce que son vrai nom et toute information permettant de l’identifier soient tenus confidentiels pour des raisons de sécurité.

« Je ne suis pas reconnaissable en tant que juif dans la rue, mais mon nom de famille est clairement juif », dit-il.

Bien avant les émeutes de ce mois-ci à Amsterdam, Daniel se posait déjà des questions sur l’avenir de sa famille aux Pays-Bas.

« Je suis habituellement une personne optimiste et joyeuse, mais je m’inquiète pour mes enfants. Pourront-ils aller à l’université en toute sécurité ? À quel moment sera-t-il trop tard pour partir si la situation empire ? Sommes-nous revenus aux années 1930 ? Deux de mes grands-parents ont survécu à Auschwitz. Après le 7 octobre, nous pensions que nous pourrions tenir bon, que la guerre se terminerait et que l’antisémitisme finirait par s’apaiser. Nous n’avions aucun désir de faire notre alyah, nous voulions rester ici, en espérant que tout irait bien », confie-t-il.

Un manifestant tient une pancarte anti-Israël sur la place du Dam, avec le palais royal d’Amsterdam en arrière-plan, le 15 novembre 2024. (Crédit : Simon Wohlfahrt/AFP)

Puis les violences du 7 novembre ont éclaté, et Daniel a ressenti à quel point la situation dans son pays avait véritablement changé.

« On dirait que les Juifs n’ont plus le droit d’exister aux Pays-Bas, que nous ne pouvons pas vivre notre identité », confie-t-il. « J’ai toujours pensé que c’était possible. Beaucoup de mes patients me disent qu’ils ont honte de ce qui se passe et qu’ils prient pour moi. Personnellement, je ne ressens aucune hostilité de la part de mes patients musulmans, mais à dire vrai, je ne reçois pas non plus de soutien de leur part. »

Pour l’instant, Daniel et sa famille n’ont pas pris de décision.

« 99 % de moi veut rester, mais le seuil pour envisager l’Alyah est devenu beaucoup plus bas », admet-il. « Il n’y a qu’un seul endroit au monde où nous serions en sécurité. Alors, même si j’espère être encore ici dans cinq ans, j’ai peur que nous soyons en Israël d’ici là. »

Rentrer ‘au pays’ n’est plus une option

À l’inverse, les Juifs néerlandais qui ont déjà immigré en Israël craignent désormais de revenir aux Pays-Bas, même pour une simple visite.

Daphna Kuhr, une monitrice de fitness de 44 ans, a quitté les Pays-Bas pour Israël en 2000 et vit aujourd’hui avec sa famille à Ramat Gan, dans le centre du pays. Lors d’une visite familiale en janvier, elle a été confrontée à de nouvelles formes d’antisémitisme, des expériences qui l’ont profondément bouleversée.

« Alors que nous étions dans un parc d’attractions, des enfants m’ont demandé quelle langue je parlais avec mes deux enfants. Quand je leur ai répondu que c’était de l’hébreu, les gens ont commencé à nous insulter. Des enfants ont crié ‘Palestine libre’ à ma fille de cinq ans », raconte Daphna Kuhr.

Daphna Kuhr avec sa fille Nico à Ramat Gan. (Crédit : Autorisation)

Ce n’était pas la seule expérience désagréable pour Kuhr. Dans un fast-food à Utrecht, elle et ses enfants se sont vu refuser le service après que des jeunes employés d’origine migrante derrière le comptoir les ont entendus parler hébreu. Dans un hôtel, un réceptionniste d’origine palestinienne a prétendu ne pas trouver leur réservation après avoir remarqué qu’ils étaient citoyens israéliens.

« Alors qu’il se tenait juste devant moi, son visage à quelques centimètres du mien, il m’a demandé si mon mari était dans l’armée », se souvient Kuhr.

Aujourd’hui, elle hésite à rendre visite à sa famille et ses amis pour les fêtes de Noël. Ce n’est pas pour elle-même qu’elle s’inquiète – grande et blonde, elle ne correspond pas à l’image stéréotypée d’une Israélienne, et aucun « chasseur de Juifs » ne la ciblerait. Mais ses enfants, qui ne parlent pas néerlandais, sont plus exposés.

« Ma mère habite un petit village dans le sud des Pays-Bas, et je pense que nous y serons tranquilles. Mais je refuse d’emmener mes enfants à Amsterdam. Depuis novembre, il semble désormais acceptable d’y exprimer de la haine envers les Israéliens et les Juifs. Je ne veux prendre aucun risque », a-t-elle affirmé.

Des enfants endoctrinés à la haine des Juifs

Le grand rabbin des Pays-Bas, Binyomin Jacobs, connaît bien les dangers d’être visiblement juif. « Je n’ai pas peur, mais je reste toujours vigilant », confie-t-il.

Jacobs a été victime d’insultes racistes dans la rue, et les klaxons hostiles sont fréquents.

« Cette semaine, on m’a crié dessus depuis une mosquée. C’était une première, une nouvelle expérience … intéressante », commente-t-il avec sarcasme. « Certains enfants musulmans sont même pris de panique à ma vue – on leur a raconté qu’on leur arracherait les yeux pour les donner aux enfants en Israël. »

Le rabbin fait également face à des violences physiques : des briques ont été lancées contre ses fenêtres, et une fois, un conducteur a tenté de le renverser avec sa voiture.

Le grand rabbin Binyomin Jacobs avec l’ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte. (Crédit : Autorisation)

Jacobs ajoute qu’un nombre croissant de personnes lui ont demandé récemment leur certificat attestant qu’elles étaient Juives, un document indispensable aux Juifs envisageant de faire leur Alyah.

« Si la situation venait à se détériorer et qu’ils devaient immigrer en Israël en urgence, au moins ils auront déjà réglé cette contrainte bureaucratique », explique-t-il.

Le rabbin a délivré plus de certificats au cours des dernières semaines qu’il n’en avait remis pendant toute l’année précédant les attaques de novembre à Amsterdam. Selon lui, cette tendance est clairement « motivée par la peur ».

Jacobs ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit d’identifier les responsables de la détérioration des conditions de vie des Juifs néerlandais.

« Ce n’est pas comparable à l’Allemagne nazie : les autorités elles-mêmes ne sont pas antisémites », précise-t-il. « Mais à chaque fois que l’on aborde les violences contre les Juifs, la conversation est immédiatement détournée vers l’islamophobie, occultant le problème. Un puissant lobby islamique et de gauche est à l’œuvre. Je ne veux pas généraliser, mais l’autre jour, j’ai pris une calculatrice et j’ai compté le soutien que j’ai reçu de la gauche et des musulmans : le total était zéro. »

Maaike Smole et son mari Leo lors d’une manifestation pro-israélienne à Amsterdam en 2024. (Crédit : Autorisation)

La politique joue également un rôle dans la décision de Maaike Smole d’accélérer son départ pour Israël.

« Tout a été déformé. Les médias et les hommes politiques ont transformé les victimes d’Amsterdam en coupables et les coupables en victimes », déplore-t-elle.

« Il y a quelques mois, une manifestation intitulée ‘Amersfoort contre le sionisme’ a eu lieu dans ma ville. Nous sommes allés y jeter un coup d’œil à bonne distance. Mon fils de 15 ans m’a dit : ‘Maman, comment pourrais-je élever mes enfants ici ?’ Imaginez un enfant qui pense cela, ce n’est pas une pensée qu’un enfant devrait avoir. »

Le fils aîné de Smole est déjà parti en Israël. Sa fille vient d’entamer un nouveau cycle d’études et les Smole souhaiteraient idéalement immigrer en Israël lorsqu’elle aura terminé.

« Je ne pense pas que nous allons rester ici aussi longtemps », confie toutefois Smole. « Mon mari, Leo, a toujours porté sa kippa de manière visible, mais depuis les événements d’Amsterdam, il la cache sous une casquette. Ici, aux Pays-Bas, nous nous sommes toujours préoccupés du bien-être d’Israël, et maintenant, c’est l’inverse. C’est tellement irréel. »

« Israël n’est peut-être pas le pays le plus sûr du monde, mais au moins nous y sommes protégés par l’armée et la police. Ce sentiment de protection, nous l’avons perdu ici, aux Pays-Bas. »

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