Israël en guerre - Jour 560

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Myra Sack et Matt Goldstein avec Havi Lev Goldstein. (Autorisation)
Myra Sack et Matt Goldstein avec Havi Lev Goldstein. (Autorisation)

La mort de leur fille des suites de la maladie de Tay-Sachs a transformé leur vision du deuil

Dans son nouveau livre autobiographique, « Fifty-Seven Fridays », Myra Sack raconte comment elle et son mari continuent à surmonter tant bien que mal la perte de leur enfant de deux ans, toujours présente malgré l’absence

NEW YORK — Myra Sack portait des chaussettes couleur lavande dans la matinée où elle s’est entretenue avec le Times of Israel pour les besoins de cet article. Un lien subtil et tangible avec sa fille Havi Lev Goldstein, morte alors qu’elle n’avait que deux ans, quatre mois et seize jours, des suites de la maladie de Tay-Sachs, une maladie dégénérative mortelle.

« Un jour, nous avions mis à Havi un haut couleur lavande avec des manches longues et elle s’est détendue comme elle ne l’avait plus fait depuis longtemps. A partir de ce jour-là, la couleur lavande est devenue la couleur de Havi », explique Sack via Zoom, s’exprimant depuis son domicile situé aux abords de Boston.

Après avoir été informés, le 17 décembre 2019, que l’enfant n’avait plus qu’un an à vivre, Sack et son mari, Matt Goldstein qui est médecin, avaient décidé de fêter et de chérir chaque moment passé avec leur petite fille aux cheveux bouclés, cette enfant qui n’était jamais avare de sourires. Elle raconte cette expérience dans un livre autobiographique qui vient juste de sortir et qui est intitulé Fifty-Seven Fridays: Losing Our Daughter, Finding Our Way.

Alors même qu’ils faisaient face à la perspective de vivre dans un monde d’où leur fillette aux yeux sombres et à la silhouette longiligne aurait disparu pour toujours, Sack et Goldstein avaient décidé d’entourer Havi d’amour et d’émerveillement. Les dîners du Shabbat, le vendredi soir, étaient devenus les Shabbirthdays, chacun d’entre eux représentant un anniversaire futur que la fillette ne devait jamais célébrer. Ils avaient aussi décidé de lui écrire des lettres, ce qui était devenu, pour le couple, un moyen de communiquer l’un avec l’autre et de communiquer avec leur enfant mourante.

« Pour la première fois dans nos deux vies, nous ne pouvions pas trouver de solution et nous n’avions, en conséquence, que deux choix – vivre avec elle et l’aimer en affichant notre peur, notre colère, ou cacher les choses au fond de nous-mêmes et manquer cette opportunité de vivre pleinement avec notre fille. Cela n’a pas été un choix conscient mais nous avons choisi ce qui pouvait paraître initialement être le choix le plus effrayant – parce qu’il s’est avéré être, au final, celui de la plénitude », explique Sack.

Derrière Sack, sur les murs, il y a des photos de Havi. Sur l’une d’entre elles, elle est dehors, les joues baignées de soleil, la tête en arrière, visiblement heureuse. Sur une autre, Goldstein embrasse son visage alors qu’elle se blottit dans un porte-bébé. Sur une autre encore, l’enfant est allongée aux côtés de sa petite sœur, Kaia, qui a trois ans et demi aujourd’hui et sur une quatrième, Sack tient une photo de Havi dans une main alors que Kaia et Ezra, un an et demi, s’agitent aux côtés de Goldstein.

Depuis la mort de Havi, en 2020, Sack a obtenu sa certification en soins palliatifs compatissants et elle a rejoint le conseil d’administration du Courageous Parents Network. Elle a aussi fondé une organisation à but non-lucratif, E-Motion, qui associe les sciences relatives au deuil, la spiritualité et les sports. Goldstein est dorénavant le directeur-général de JScreen, une ONG nationale dont le siège se trouve à l’université Emory et dont les activités se concentrent sur les soins préventifs et sur les tests génétiques de haute-qualité.

Le livre parle de la vie de Havi et de sa mort, de la manière dont Sack et Goldstein ont tenté de surmonter l’épreuve mais il parle aussi de la façon dont cette famille a continué à aller de l’avant tout en gardant Havi présente.

« Les transformations et les changements continus, c’est désordonné, c’est compliqué et ça fait mal », indique Sack. « Mais c’est aussi vraiment joyeux, c’est une source d’inspiration. Je pense que nous avons souvent le sentiment de devoir faire un choix entre la confusion et la clarté, entre une douleur atroce et l’exaltation. Mais ce n’est pas vrai. Tous ces sentiments peuvent coexister ».

Cet entretien a été réexaminé à des fins de clarté et de brièveté.

Havi Lev Goldstein. (Autorisation)

Le Times of Israel : Nous nous entretenons un mercredi matin – j’ai appris dans votre livre que le mercredi est la « journée d’Havi ».

Myra Sack : Le jour d’Havi est né de cette idée que si elle était encore là, nous passerions beaucoup plus de temps avec elle que les autres jours de la semaine. En plus de cela, nous avons voulu préserver quelque chose tous les mercredis, parce que c’est aussi le jour où elle est morte.

La première année qui a suivi la mort de Havi, le mercredi était pleinement sacré – aucun de nous deux ne travaillait. Maintenant, cette journée est devenue plus habituelle, plus intégrée dans le travail, dans le quotidien et dans les agitations de tous les jours.

Nos journées du mercredi commencent toujours avec un texto que nous recevons à 9 heures 04 minutes, un texto qui nous est envoyé par nos frères et par nos sœurs avec des photos de Havi. C’est l’heure à laquelle elle s’est éteinte. C’est la manière exquise dont les gens qui l’aimaient nous montrent qu’elle reste à la fois présente dans leurs esprits et dans nos cœurs.

Le chagrin touche tout le monde et pourtant, de si nombreuses personnes ont peur de parler du deuil et de la tristesse. En comparaison, il y a beaucoup d’intrépidité à parler de la mort elle-même.

Dans notre société, nous vivons dans la peur de la douleur, dans la peur de montrer nos propres vulnérabilités. En résultat, nous vivons souvent des vies où on réprime beaucoup de choses, où on prend ses distances face à soi-même. Et ça a un coût réel. Et ainsi, à la place, Matt et moi avons commencer à insister – parce que c’était une affaire de survie – sur le fait qu’au lieu de vivre dans cette « crainte de », nous allions regarder en face ce qui était le plus dur, le plus douloureux. Et ça a révélé une beauté, en fin de compte, une plénitude qui ne peuvent exister que lorsque nous acceptons d’embrasser tout le spectre de nos émotions et de nos expériences.

‘Fifty-Seven Fridays: Losing Our Daughter, Finding Our Way,’ le livre de Myra Sack. (Autorisation)

Le chagrin nous touche tous de manière différente. Comment Matt et vous-même avez vous surmonté cela ?

L’une des choses les plus douloureuses, quand vous perdez un enfant, est de voir l’être que vous aimez – en ce qui me concerne, c’était Matt, le papa de Havi – éprouver une douleur atroce et, à certains moments, perdre son énergie, son sens de la conviction, sa confiance en soi et ça a été la même chose pour lui.

En tant que couple, avoir été en capacité de témoigner de cela et de témoigner de la certitude qui est celle que nous pouvons accueillir cette douleur immense et avancer avec elle – au lieu d’avoir le sentiment que l’un doit réparer l’autre ou de minimiser la souffrance de l’autre parce que cette souffrance nous fait peur – cela a réellement été un élément déterminant de notre partenariat.

Après le diagnostic de la maladie d’Havi, vous dites avoir évolué dans un espace liminal. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le chagrin, c’est une présence constante qui s’installe dans chaque partie de nous et qui détermine la manière dont nous vivons le monde. Je pense que c’est ce que les gens ne comprennent pas dans le chagrin – il se montre dans des micro-moments qui sont totalement manqués par le monde extérieur.

Nous, les personnes qui avons vécu le deuil, nous continuons à avancer en tentant de nous en tenir à la nécessité de montrer que nous sommes pleinement en mesure d’évoluer dans le monde des vivants – et nous reconnaissons et nous apprécions la beauté de ce monde, nous sommes conscients du fait qu’il est remarquable de faire partie de cette terre des vivants. Mais nous sommes aussi ailleurs – tentant de conserver une proximité avec quelqu’un qui est là, mais qu’on ne voit pas. Faire cohabiter ces deux aspects est quelque chose d’épuisant.

Le livre comprend également les lettres que vous et votre mari avez écrites à Havi. Elles sont honnêtes et franches ; vous lui avez écrit en évoquant ce qui était en train de lui arriver et ce que vous éprouviez face à cela.

J’ai eu le sentiment que nous lui devions cela. Nous avions ce désir d’établir une voie de communication avec elle et entre nous, parce que nous ne pouvions pas communiquer avec elle comme j’aurais imaginé pouvoir le faire avec un enfant. Cela a été le moyen que nous avons utilisé pour élever notre fille mourante, et nous n’avions pas de temps à accorder à de simples bavardages. Le temps s’était arrêté. Tout ce qui nous restait, c’était nos sentiments les plus bruts, les plus directs, les plus honnêtes et j’ai eu le sentiment que si je ne pouvais pas les lui apporter et les lui transmettre en tant que maman, alors j’aurais manqué à mes devoirs à son égard.

Il y a une scène, dans le livre, où vous dites à vos parents que Havi n’en a plus que pour quelques jours. Alors que vous vous éloignez au volant de votre voiture, vous les apercevez en train de tomber dans les bras l’un de l’autre. Pouvez-vous nous parler de l’impuissance ressentie par vos parents et par les parents de Matt, incapables d’améliorer la situation pour vous deux ?

S’agissant de Kaia, j’ai eu tant de difficultés à la voir lutter, à la voir ainsi ressentir de la peur ou être triste… Je me répète constamment que le plus grand cadeau à lui faire, c’est de lui donner le temps et l’espace nécessaires pour être triste, c’est d’avoir confiance dans ses capacités à vivre ces émotions.

En ce qui concerne mes parents, ils ont été d’un grand courage et ils m’ont fait confiance. Ils savaient que je pouvais m’écrouler mais ils savaient aussi que j’allais continuer dans la voie qui était la mienne. L’absence de jugement est tellement sous-estimée dans la relation entre des parents et des enfants. Le jugement peut empêcher de se tenir aux côtés de quelqu’un qui est dans l’incapacité d’exister comme il le souhaiterait, parce qu’il est submergé par l’angoisse.

Votre livre reflète également la manière dont non seulement vous et Matt vous êtes occupés de Havi alors qu’elle était mourante, mais également la façon dont vous vous êtes occupés d’elle dans les heures et dans les jours qui ont suivi sa mort. Pourquoi était-ce important pour vous de partager cela ?

On oublie si souvent de nous dire ce qu’on est autorisé à faire lorsqu’une personne meurt dans le cadre d’une fin de vie à domicile.

Le mouvement des soins palliatifs pédiatriques est une composante essentielle de l’histoire de Havi. C’est important d’établir un partenariat avec les familles, et c’est important que les familles apprennent à suivre l’exemple que leur donnent leurs enfants et qu’elles se fassent confiance à elles-mêmes.

Ensuite, on ne nous dit pas quoi faire quand quelqu’un s’éteint dans le cadre d’une fin de vie à domicile. On ne nous le dit pas et, en conséquence, on ne peut que faire des suppositions. Ma sœur a parlé avec une Thanadoula, en douce, pour avoir des conseils. Nous avons pu nous occuper de Havi comme nous le souhaitions et je n’ai aucun regret.

De droite à gauche : Maya Sack avec une photo de Havi Lev Goldstein, ses enfants Ezra (la tête renversée) et Kaia et son mari Matt Goldstein. (Autorisation)

Kaia, a trois ans et demi, a connu Havi. Ezra, qui a un an et demi, est née alors que sa sœur était déjà partie. Comment les aidez-vous à comprendre ce deuil alors qu’elles sont en train de grandir ?

Pour le moment, Kaia ne considère pas la mort comme quelque chose de permanent. Elle pense qu’Havi vit dans une maison différente ou elle la bordera dans son cœur pour qu’elle puisse être bien au chaud. Elle comprendra, lors de la prochaine phase de son développement, le caractère permanent de la mort. Ezra, de son côté, voit des photos d’elle et elle dit « Bébé sœur ». Kaia et Ezra devront apprendre à comprendre qu’elles ont une sœur avec laquelle elles ne grandiront jamais et c’est très, très dur. Alors ce que nous essayons réellement de faire, c’est de ne pas projeter nos interprétations de la mort en tant qu’adultes sur elles. Nous suivons ce qu’elles sont capables de nous donner et nous répondons aux questions qu’elles nous posent, au moment où elles nous les posent. Nous tentons de ne pas répondre aux questions que nous imaginons qu’elles nous posent.

Havi a l’air d’avoir été une vraie petite fille de Nouvelle-Angleterre, surtout en ce qui concerne la météo – plus il bruine, mieux c’est ; plus les vagues sont grosses, mieux c’est.

Il est rapidement apparu de manière claire que les éléments naturels renforçaient réellement le bien-être de Havi. Elle était toujours attirée par le vent et par la neige. Elle sortait la langue et elle essayait d’attraper des flocons. Elle adorait se tenir au bord d’une crête qui, selon moi, est terrifiante et qui, dans son esprit, était peut-être exaltante.

Elle semblait particulièrement aimer le crépuscule. Ses yeux s’illuminaient lorsqu’elle remarquait ces lumières pourpres et roses dans le ciel. C’est ainsi qu’elle nous a appris, et qu’elle m’a appris, à être en lien avec le monde naturel.

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