Israël en guerre - Jour 433

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La forêt de Yatir du KKL-JNF dans le sud d'Israël. (Crédit : Alex Kolomoisky)
La forêt de Yatir du KKL-JNF dans le sud d'Israël. (Crédit : Alex Kolomoisky)

Le KKL-JNF prévoit d’enraciner la protection des arbres dans la loi

L’organisation cherche à préserver les arbres et à élargir les zones forestières dans tout le pays – notamment en redéfinissant ce qu’est réellement une forêt

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Le KKL-JNF (Fonds national juif) formule actuellement un plan stratégique national ambitieux courant sur 25 ans dont l’objectif est d’ajouter des milliers d’hectares aux forêts du pays et d’enraciner dans la loi la nécessaire protection des arbres.

Le plan cherchera à définir les forêts de la manière la plus large possible, à cartographier au mieux les secteurs voués à la préservation – forêts plantées par la main humaine ou naturelles – et à identifier les espaces non-zonés dans un autre dessein qui pourront en conséquence être utilisés par le KKL et par d’autres groupes pour des activités de reboisement.

Le KKL avait été fondé en 1901, initialement pour acquérir les terres sur lesquelles l’État juif pourrait être établi. Aujourd’hui, il est le propriétaire et le gardien de 13 % des terres appartenant à l’État, dont un grand nombre sont aujourd’hui des zones arborées.

Lorsqu’il avait été établi, il n’y avait que 1 400 hectares de forêt sur tout le territoire qui devait ultérieurement devenir Israël. Depuis, grâce à l’organisation, ce chiffre est passé à 155 000 hectares – parfois sur des terres dont le groupe n’est pas propriétaire.

Des arbres ont été par ailleurs plantés par d’autres organisations et par d’autres instances sur 50 000 hectares supplémentaires, ce qui amène la surface forestière totale à 200 000 hectares dans le pays.

Le plan stratégique prévoit que le KKL ajoute encore 50 000 hectares de forêt – avec donc un total de 250 000 hectares de surface forestière dans tout l’État d’Israël, soit 11 % de son territoire.

Une plantation d’arbres dans les collines de Judée, en 1930. (Crédit : Avraham Malevsky, KKL-JNF Photo Archive)

Les forêts du KKL sont prisées par les Israéliens qui aiment y faire de la randonnée, du vélo, des pique-niques et autres activités de loisir – en offrant également des espaces verts très recherchés.

Mais elles affrontent un certain nombre de menaces – en particulier de la part du développement alors que les décisionnaires politiques, qui cherchent à résoudre une crise aiguë du logement, approuvent des projets qui grignotent l’orée des bois, explique au Times of Israel Noah Tal, cheffe de la planification au sein du KKL.

« Nous nous battons pour chaque centimètre de forêt. Une forêt, ce n’est pas seulement une couverture de végétation. Nous devons démontrer combien elles sont importantes pour la nature et contre le changement climatique, et combien elles sont déterminantes aussi pour la qualité de la vie humaine », explique-t-elle.

Une forêt communautaire du KKL à Rosh Haayin, dans le centre d’Israël. (Crédit : Bonnie Sheinman)

Les recherches qui ont été effectuées pour mettre au point le plan stratégique montrent que 5 000 hectares de forêt ont été réaffectés au développement dans les 25 années qui ont séparé 1995 et 2020 – soit 200 hectares par an. Dans les deux années qui se sont succédées depuis, le taux a été multiplié par deux, passant à un total de 800 hectares.

« Quand nous avons constaté ce qui est arrivé au cours d’une période si courte, nous avons réalisé combien il est déterminant de protéger les forêts. Le développement est nécessaire et le KKL a toujours soutenu l’implantation humaine. La question est de savoir comment et où », commente-t-elle.

Noah Tal, nouvelle cheffe de la planification au KKL. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Le KKL œuvre actuellement à assembler le plan et dans les prochains mois, il commencera à consulter les ministères, les groupes de défense de l’environnement et l’Autorité israélienne de la nature et des parcs (INPA) – qui gère les réserves naturelles et les parcs nationaux qui couvrent 550 000 hectares. L’organisation a commencé à travailler sur ce projet il y a un an et elle espère le finaliser cette année.

Selon Tal, l’organisation toute entière est impliquée à un niveau ou à un autre dans ce plan stratégique, avec cinq groupes de travail qui ont été mis en place pour réfléchir chacun à une question spécifique – la planification, la foresterie (les écosystèmes, la biodiversité, la plantation, etc…), les infrastructures, le public ainsi que l’implication publique, et enfin le dérèglement climatique.

Ce plan se penche avant tout sur les forêts en tant que système national unique – dont les besoins doivent s’équilibrer avec ceux des autres questions considérées comme prioritaires dans la nation, indique Tal. Le plan stratégique vise à refléter la politique, en allant des principes généraux jusqu’à l’ensemble des considérations que les forestiers devront individuellement prendre en compte lors de leurs futures planifications.

Du point de vue du KKL, la nécessité de mettre au point un plan clair a été renforcée par la formulation du Plan 1 du Plan directeur national qui a été approuvé au mois de février 2020 par le gouvernement.

Le plan gouvernemental, connu sous le nom de TAMA 1, regroupait en un simple et unique document plusieurs plans directeurs spécifiques, et notamment un qui portait sur les forêts et le boisement.

Il planifiait et donnait des instructions aux autorités compétentes sur de nombreux sujets – aussi divers que l’eau, le gaz, l’énergie solaire, la gestion des déchets, en passant par les routes et les lignes ferroviaires, les plages, les rivières et les zones protégées dont font partie les forêts.

TAMA 1 renforçait aussi la protection des forêts et des espaces verts en général en limitant le pourcentage des terres susceptibles d’être réaffectées au développement à 15 % maximum.

Mais il restreignait également les définitions de ce qu’est une forêt et il aura finalement amené les planificateurs à comprendre que les forêts naturelles doivent avoir la priorité sur les forêts plantées par l’Homme, note Tal, ce qui limite la capacité des professionnels du KKL à gérer activement les forêts, qui sont dynamiques.

Les commissions de planification ont interprété le document en voyant dedans une plus grande latitude pour réaffecter au développement les secteurs forestiers qui avaient été plantés par la main humaine, continue-t-elle.

Un travailleur du KKL protège un jeune arbre dans une enveloppe lors d’une replantation à Neve Ilan, aux abords de Jérusalem, après un important feu de forêt. (Crédit : Joe Malcolm)

Tal estime que TAMA 1 a échoué à reconnaître le professionnalisme et le rôle déterminant joué par l’organisation dans la gestion des forêts.

« Le KKL ne fait pas qu’acheter des arbres, les planter dans la terre et partir », déclare-t-elle, « il étudie de près les secteurs alloués à la foresterie, notamment dans le contexte de leur environnement et des couloirs écologiques qui permettent aux animaux et aux végétaux de se déplacer entre les zones protégées ».

« Avant de préparer un plan quel qu’il soit, nous examinons l’écologie du site concerné sur les quatre saisons, nous étudions l’archéologie, la demande, l’accessibilité », poursuit-elle. « Nous échangeons avec l’INPA et les autorités locales… Il y a tout un processus qui est mis au point. »

Elle insiste sur le fait que les forêts qui ont été plantées par le KKL ne sont pas moins riches en biodiversité et moins importantes en tant qu’écosystèmes que les bois naturels et les autres sites gérés par l’INPA. Elle note que contrairement à ces sites, les forêts du KKL sont ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et que l’entrée y est gratuite.

Un chacal dans la forêt de Biriya du KKL, la plus grande forêt à avoir été plantée en Galilée, dans le nord d’Israël. (Crédit : Avi Hirshfield)

L’équipe de planification travaille également sur les accords internationaux qui ont été signés par Israël et qui précisent que la couverture forestière doit être augmentée de 3 %.

Moti Kaplan, haut-responsable de planification dont le bureau a été chargé de préparer le TAMA 1, a également été contacté pour diriger le nouveau plan stratégique du KKL.

Moti Kaplan. (Autorisation)

Il a, dans le passé, assumé la responsabilité de plans directeurs dans les secteurs de la foresterie et du reboisement, ou pour les réserves naturelles et les parcs nationaux – des plans qu’il a introduits dans TAMA 1 – et il a travaillé sur les autres usages possibles des terres, comme la construction et l’installation d’infrastructures.

« Le niveau de détail [dans le plan de foresterie] est différent de celui du TAMA 1 où nous avons aussi dû intégrer les usines qui s’occupent des déchets, les centrales électriques et énergétiques et les inclure toutes sur une seule carte avec une courte série d’instructions », dit-il.

Il ne restait plus beaucoup de place pour examiner toutes les fonctions assumées par les forêts plantées par la main de l’Homme, remarque-t-il, et il déclare réaliser aujourd’hui qu’elles ne sont pourtant pas moins importantes que d’autres zones naturelles.

« Maintenant que nous nous focalisons sur les forêts, nous allons pouvoir examiner la question de manière beaucoup plus détaillée », indique-t-il. « On va pouvoir voir des choses dans ce contexte précis que nous n’avions pas vues. »

Un exemple de changement que le KKL voudrait voir dans le plan TAMA 1 est une règle qui permet aux infrastructures d’être installées à travers les forêts – avec quelques limitations.

Une règle qui est au cœur d’un conflit en cours entre le Conseil régional de Gezer, dans le centre d’Israël, et la compagnie israélienne d’électricité qui souhaite installer des pylônes massifs destinés à accueillir un câble à haute-tension qui traversera le tout premier parc établi par le KKL en Israël dans l’Histoire – la forêt de Hulda. Cette initiative nécessitera de couper des centaines d’arbres, centenaires pour certains d’entre eux.

Des lignes à haute tension érigées dans la forêt de Hulda dans les années 1990, à côté desquels une ligne supplémentaire de pylônes et de câbles doit être installée. (Crédit : Conseil régional de Gezer)

Pour gérer le problème, le KKL a mis en place un panel qui étudiera spécifiquement l’installation des infrastructures et la manière de minimiser au maximum les dégâts essuyés par la nature – et la façon de préserver aussi au maximum le plaisir des promeneurs.

Mais un plan n’est pas suffisant pour protéger les espaces ouverts s’il n’est pas par ailleurs soutenu par une législation.

« Mon objectif, c’est de protéger les espaces ouverts », déclare Kaplan, « Et s’il y a des opportunités de les protéger par la loi, je les saisirais toutes. Si un espace ne bénéficie pas de protection statutaire, il disparaît ».

Une protection via une législation serait fondamentalement inattaquable, ajoute-t-il. « Le gouvernement peut changer de politique mais dans le monde règlementaire civil, c’est presque impossible de rompre avec ce qui a été décidé ».

Tal, du KKL, appelle la Knesset à adopter une loi protégeant les forêts – similaire à celle qui avait été adoptée en 1998 et qui protégeait les réserves naturelles et les parcs nationaux. Elle indique que le KKL cherchera à avoir une place dans les bureaux chargés de la planification et des zonages pour pouvoir représenter les intérêts des forestiers, ainsi que leurs inquiétudes.

Beaucoup de choses dépendent de la définition de ce qu’est une forêt – et ces définitions sont nombreuses.

La forêt de Beeri, dans le sud d’Israël, du KKL comprend également de vastes champs où les anémones rouges fleurissent au printemps. (Crédit : Alex Gall, CC BY 2.5, PikiWiki Israel)

Alors qu’il étudie encore ce qu’il considérera réellement comme une forêt, le KKL s’intéresse actuellement à une définition mise au point par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations unies qui pourrait le guider. La FAO définit les forêts comme « des terres courant sur plus d’un demi-hectare avec des arbres dépassant les cinq mètres et un couvert forestier de plus de 10 %, ou des arbres capables d’atteindre ces seuils in situ. »

Une telle interprétation, qui peut sembler très éloignée des sentiers forestiers qui dominent l’imaginaire collectif, peut concerner à la fois les plantations traditionnelles de pins et de cyprès si étroitement associées à l’organisation ou les terrains vides avec des rangées d’arbres, les vergers installés sur les terrasses en pierre traditionnelles entourées de rivières et de zones inondables – qui absorbent l’eau de pluie et aident précisément à empêcher les crues – ou les collines rocailleuses nues où les arbres poussaient autrefois, sans oublier les déserts parsemés d’acacias.

« Nous sommes encore en train d’affiner une définition de la forêt qui puisse intégrer de nombreux écosystèmes », explique Kaplan.

Kaplan, qui travaille aussi dans les régions tropicales du monde dans le cadre du Programme de développement de l’ONU, explique ne pas connaître de pays qui n’ait pas réaffecté des zones forestières au développement tout en faisant remarquer qu’Israël est l’un des seuls à ajouter de la forêt chaque année sous l’autorité du KKL.

Des employés du KKL plantent des arbres dans le sol sablonneux du kibboutz Mefalsim, au nord-ouest du désert du Negev, près de la frontière avec Gaza. (Crédit : KKL Photographers Association)

L’agriculture israélienne est admirée dans le monde entier, dit-il.

« Nous devons être un modèle dans le monde concernant la foresterie – en particulier dans les zones de transition mais aussi dans les environnements désertiques », indique-t-il.

En Israël, ces zones de transition sont situées entre le désert, au sud, et la ceinture méditerranéenne, qui s’étend à peu près du nord du pays jusqu’à l’extrémité nord du Negev, le long d’une épine rocheuse.

« Avec le changement climatique, les déserts s’élargissent d’ores et déjà vers le nord dans le monde entier », explique-t-il.

Il y a des zones arides dans le monde entier et il apparaît clairement qu’elles gagnent du terrain dorénavant. La désertification est un problème environnemental majeur qui nuit à la productivité des terres, contribuant à la pauvreté.

La désertification dans le gouvernorat de la mer Rouge à Marsa Alam, en Égypte. (Crédit : AHassanein, iStock at Getty Images)

Une grande partie des plantations qui ont été faites par le KKL dans le désert du Negev, au sud du pays, avaient été critiquées par la Société de Protection de la nature en Israël (SPNI). Un rapport qui a été publié il y a trois ans, en anglais, a averti que les plantations de forêt qui sont prévues dans les espaces ouverts au sein de l’État juif – dans des secteurs où les arbres sont naturellement rares – pourraient nuire à la biodiversité et contrevenir aux engagements internationaux pris de conserver et de préserver au mieux cette dernière.

Selon Tal, l’organisation « apprend et s’améliore en permanence » mais « elle n’acceptera pas une interdiction de planter des arbres dans les zones de transition. La question est de savoir comment, combien d’arbres et quelles espèces ».

Mais Kaplan remarque que les forêts sont aussi nécessaires là où vit la population, et pas seulement hors de la civilisation.

De jeunes Juifs plantent des arbres lors d’un événement de Tu Bishvat organisé par le KKL dans la forêt de Ben Shemen, le 6 février 2012. (Crédit : Omer Miron/Flash90)

« Nous examinons les zones où on nous le demande. La demande est énorme dans le centre du pays. Tous ceux qui ont une voiture peuvent se rendre à la forêt de Ben Shemen », dit-il, se référant au secteur de Tel Aviv où vivent des millions de personnes et à une zone boisée située au pied des collines, à l’Est, qui n’est que peu desservie par les transports publics.

« Nous devons nous assurer que partout en Israël, il y aura un peu de forêt accessible par les transports publics, surtout les jours fériés. »

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