Israël en guerre - Jour 64

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Le ministre des Affaires de la Diaspora, Nachman Shai, s'exprimant lors du sommet national du Israeli American Council, le 11 décembre 2021. (Crédit : Noam Galai)
Le ministre des Affaires de la Diaspora, Nachman Shai, s'exprimant lors du sommet national du Israeli American Council, le 11 décembre 2021. (Crédit : Noam Galai)
Interview

Le ministre sortant des Affaires de la Diaspora fait son bilan

Nachman Shai se dit fier d’avoir relancé le dialogue avec les Juifs américains ; pour lui, Netanyahu est le seul espoir de préserver ces liens

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Nachman Shai a été le seul ministre de la Diaspora, en plus de dix ans, à n’avoir été ni religieux et ni de droite. Il entretient des liens de longue haleine avec les institutions juives américaines et leurs dirigeants. S’il n’est pas lui-même affilié aux mouvements réformé et massorti, il éprouve une profonde sympathie à leurs égard et défend avec cœur leur cause.

Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, en février dernier, Shai a été également l’un des politiciens les plus éloquents sur la nécessité, pour Israël, d’apporter une aide militaire à Kiev – il est arrivé que le gouvernement sortant prenne ses distances face à ses propos volontaristes – et d’aider les Juifs ukrainiens, que ces derniers choisissent ou non d’immigrer en Israël.

Ce qui a valu à Shai une réputation politique solide dans les cercles juifs progressistes et ce qui a aussi entraîné l’animosité de personnalités de droite et religieuses au sein de l’État juif et, dans une moindre mesure, de personnalités à l’étranger.

Il est encore difficile de dire qui succèdera à Shai au ministère de la Diaspora, créé en 1999. Le portefeuille aurait été promis au parti ultra-orthodoxe Shas – mais sans certitude, loin de là.

Des personnes se rassemblent pour écouter la lecture du Livre des Lamentations au mur Occidental, le 6 août 2022. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)

Le Times of Israel a rencontré Shai dans son bureau de Tel Aviv, situé au septième étage du bâtiment qui héberge l’Organisation sioniste mondiale, en face du siège de l’armée, pour évoquer ses dix-huit mois passés à son poste, ses réussites et ses échecs ainsi que ses prédictions pour l’avenir de la relation d’ores et déjà fragile qui unit Israël et les Juifs américains.

Shai confie être profondément inquiet sur la question de l’avenir des relations entre Israël et la Diaspora – et en particulier sur la question de l’évolution des liens qui unissent l’État juif et les Juifs américains, des liens qui sont tendus depuis des années, en partie à cause du choix fait par l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu de privilégier, aux États-Unis, les chrétiens évangéliques au détriment des Juifs américains, un choix stratégique qui a été accompagné du glissement à droite des Israéliens et du glissement à gauche des Juifs américains, une tendance qui s’affirme encore aujourd’hui.

Il est fier des progrès réalisés par son gouvernement sortant qui ont permis de retisser les liens avec les Juifs américains progressistes mais il reconnaît que même sa coalition qui, à ses yeux, était la coalition idéale pour s’attaquer aux questions relatives à la Diaspora, a été dans l’incapacité de régler des dossiers parmi les plus déterminants – et surtout la mise en œuvre du compromis du mur Occidental, baptisé « un mur pour un peuple ».

L’accord, qui avait été approuvé par le gouvernement israélien avant d’être gelé en 2017, aurait offert un statut officiel aux courants non-orthodoxes du judaïsme dans la gestion de la zone mixte du mur, tout en entérinant la séparation entre les deux sexes sur l’esplanade principale.

Le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri, (à gauche), s’entretient avec le ministre de la Santé de l’époque Yaakov Litzman lors d’une réunion à Jérusalem, le 4 mars 2020. (Yonatan Sindel/Flash90)

Le gouvernement sortant avait initialement annoncé qu’il prévoyait de mettre l’accord en vigueur mais cette annonce ne s’était jamais concrétisée en raison des réactions négatives qui avaient émané au sein même de la coalition, et suite aux pressions exercées par les partis ultra-orthodoxes, dans l’opposition. Et il est tout à fait improbable qu’il soit mis en œuvre par la prochaine alliance au pouvoir.

Shai évoque aussi un programme controversé qu’il a mis en place, l’Administration du renouveau juif, en partenariat avec l’organisation Panim, qui a permis d’allouer 30 millions de shekels de budget gouvernemental à toute une variété de programmes et d’initiatives en Israël – non-Haredim en majorité. Un programme qui avait provoqué des réactions hostiles dans le pays – le futur gouvernement présumé a recommandé qu’il soit abandonné – parce qu’il se focalisait sur des programmes en Israël et non dans la Diaspora, et en raison également de pratiques de gestion qui avaient été qualifiées de douteuses. Des critiques écartées par Shai, qui souligne que la Haute-cour de justice a rejeté un certain nombre de plaintes qui tentaient de mettre un terme à cette initiative.

Cet entretien a été réexaminé et condensé à des fins de clarté.

Ainsi, c’est bientôt la fin pour vous. Comment résumeriez-vous votre passage au poste de ministre de la Diaspora ?

Trop court ! Pas seulement pour moi personnellement mais aussi au niveau professionnel. Si vous voulez vraiment avoir une influence dans votre fonction – qu’il n’y ait pas seulement eu des gestes superficiels ou symboliques de votre part mais que vous voulez laisser une empreinte significative – c’est impossible de le faire dans un délai aussi court.

Si vous voulez vraiment faire changer les choses, vous devez étudier le terrain. La Diaspora est un terrain très diversifié en termes de langues, de lieux, de peuples, de façons de faire… Si vous voulez avoir une influence, alors il vous faut du temps. Et aujourd’hui, j’ai l’impression d’être suspendu dans le vide, avec le sentiment d’avoir fait bien moins que ce que je voulais faire.

Aujourd’hui, après un temps trop court, ce gouvernement s’en va et celui qui va s’installer va non seulement défaire ce que nous avons fait, mais il va faire tout le contraire. Il ne va pas seulement revenir sur ce qui a été fait mais, en plus, il va totalement changer de cap, en faisant un virage à 180 degrés.

J’ai fait ce que j’ai pu. Je m’étais fixé un objectif : celui qu’Israël devait apprendre à donner, pas seulement à recevoir. Il y a quelque chose, dans la relation qui existe entre nous et la Diaspora, qui doit changer. Ce n’est pas possible de seulement leur demander de collecter de l’argent, d’aller au Capitole pour nous, de leur demander de parler à leurs politiciens locaux. Nous devons réfléchir à ce dont ils ont besoin. De quoi ont-ils besoin de notre part ?…

Le ministre de la Défense Benny Gantz, la ministre de l’Immigration et de l’Intégration Pnina Tamano-Shata et le ministre des Affaires de la Diaspora Nachman Shai défilant lors de la parade Celebrate Israel, à Manhattan, le 22 mai 2022. (Crédit : Ariel Hermoni/Ministère de la Défense)

Ce bureau est un bureau stratégique. C’est un bureau à long-terme. Il anticipe les 10, 15, 20 années à venir.

Je suis sioniste mais j’ai un bureau qui est, entre guillemets, « non sioniste ». Je construis les exils et la Diaspora. Je l’ai déjà dit auparavant : Nous devons poser des fondations profondes, nous devons créer des communautés d’individus qui connaissent le judaïsme et Israël, qui sont liés au judaïsme et à Israël. Le cas échéant, nous ne serons jamais en mesure de construire « le second étage » du sionisme et de l’alyah.

Aujourd’hui, Israël a un nouveau rôle. Le pays est le visage fort, établi, légitime, internationalement connu du peuple juif. Nous devons l’admettre. Oui, les Juifs aux États-Unis sont, eux aussi, forts ; leur situation économique est bonne, mais c’est aujourd’hui à nous de prendre la responsabilité de la destinée du peuple juif. Et c’est difficile pour moi de l’expliquer aux Israéliens. Ils se disent que les Juifs de la Diaspora ont suffisamment d’argent, qu’on peut utiliser ces fonds ici, à Yeruham, à Nof Hagalil. Mais il y a un meilleur investissement à faire et pour ma part, j’investis dans le peuple juif.

Parlons de certains des domaines où vous avez le sentiment d’avoir eu des résultats.

Je pense que nous avons lancé une discussion qui brillait par son absence, qui avait pratiquement disparu. Ces dernières années avaient été marquées par une crise croissante dans les relations avec le gouvernement – en particulier entre les Juifs des États-Unis et Israël. L’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu a commis des erreurs. [L’ancien ambassadeur israélien aux États-Unis Ron] Dermer a aussi commis des erreurs. Tous deux avaient pris la décision de se rapprocher davantage des évangéliques que des Juifs américains. Ce qui a été, je pense, une mauvaise décision.

Benjamin Netanyahu, Ron Dermer et le conseiller principal Jonathan Schechter (Crédit : autorisation du bureau du Premier ministre)

Ce faisant, ils ont aussi laissé la question du compromis du mur Occidental en travers de nos gorges : Impossible de l’avaler et impossible de le recracher. Ce compromis était bloqué – et c’est la situation la pire de toutes. Les Juifs américains ressentaient de la déception face à Israël à cause de différentes problématiques. Tout était gelé. Nous avons tenté de faire sauter les blocages. Le dialogue a pu reprendre. Ils ont recommencé à nous parler et nous avons recommencé à leur parler. Les Premiers ministres les ont rencontrés.

Par « les », je suppose que vous évoquez les leaders des courants non-orthodoxes.

Oui, parce que les dirigeants de ces courants sont également des parties actives de la communauté. Ils ont une influence sur d’autres responsables de la communauté. Ils siègent au Conseil d’administration de l’Agence juive.

Quand j’ai pris mon poste, je me suis fixé un certain nombre de principes à suivre. Parmi ces principes, l’égalité entre les différents courants, en faisant le choix d’adopter un point de vue pluraliste et non unidimensionnel.

Nous avons constaté qu’Israël, pendant des années, n’a aidé financièrement que les orthodoxes. Les Juifs réformés et massortis ont été mis de côté, ils ont été sortis du jeu. Ce qui a créé une vision très limitée d’eux, cette impression qu’ils étaient des Juifs « différents » – les députés religieux parlent toujours de bar mitzvahs pour les chiens, et autres joyeusetés insensées. C’est dangereux et c’est stupide. Et si vous refusez d’ouvrir le dialogue avec eux, vous vous coupez l’herbe sous le pied.

De droite à gauche, le rabbin Leah Muhlstein, Yaron Shavit, Didi Almog, le président présumé de l’Agence juive Doron Almog, le président de l’Union pour la réforme du judaïsme Rick Jacobs, le ministre des Affaires de la Diaspora Nachman Shai, Yair Lotstein, le rabbin et député Gilad Kariv et la directrice du Mouvement Réformé et Progressiste juif en Israël Anna Kislanski lors de la conférence biennale du Mouvement Réformé au kibboutz Shefayim, le 17 juin 2022. (Crédit: Mouvement Réformé)

Nous avons donc décidé de traiter tout le monde sur un pied d’égalité. Avec des allocations financières. C’est ainsi qu’on s’exprime dans le travail qui est le nôtre, avec des financements – pas avec des paroles mais en passant à l’action.

Nous avons aussi alloué la somme de 10 millions de shekels à des programmes en partenariat avec le mouvement réformé et, très bientôt, ce sera le cas d’un programme avec le mouvement massorti en Amérique. Ces programmes sont destinés à des lycéens.

« Nous avons donc décidé de traiter tout le monde sur un pied d’égalité »

Quand ces jeunes partent pour l’université, ils ne sont pas préparés pour ce « champ de bataille », entre guillemets, et pour le véritable champ de bataille – sans guillemets, cette fois-ci – sur lequel ils se retrouvent. Ainsi, avec ces deux courants du judaïsme, nous avons développé des programmes en direction de ces lycéens qui intègreront les campus universitaires. Une partie de l’argent a été versée, une autre ne l’a pas encore été. Il s’agit, en plus d’un programme qui leur permettra de venir en voyage en Israël – appelé Root One — d’autres programmes qui seront mis en œuvre là-bas, aux États-Unis, pour les groupes de jeunesse, qui porteront aussi sur le judaïsme et sur Israël.

Mais si vous parlez de ces personnes impliquées dans les mouvements de jeunesse des courants réformé et masorti, force est de reconnaître qu’elles sont déjà fortement impliquées dans la vie juive. Le plus grand « courant » du judaïsme américain est celui des « non-affiliés ». Comment les toucher ?

Je ne sais pas. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas comment les toucher. Je ne peux aller que là où il y a un minimum d’organisation. Si je vais là où il y a des Juifs, je peux faire quelque chose. Mais que faire pour un Juif qui vit au beau milieu de nulle part ?… Il y a de toutes petites communautés. C’est difficile d’arriver jusqu’à elles. On tente de concevoir différents programmes mais c’est dur.

Vous avez aussi créé l’Administration du renouveau juif avec Panim. Le prochain gouvernement a d’ores et déjà appelé à abandonner ce projet.

Le programme continuera. L’argent a déjà été alloué. Le point d’interrogation, c’est ce qui arrivera quand l’argent aura été dépensé.

J’ai entendu certaines organisations dire qu’elles étaient inquiètes de ce que même une partie de l’argent qui leur a été alloué ne leur sera jamais versé par le nouveau gouvernement.

Elles ont le droit de s’inquiéter.

Il y a eu des critiques de ce programme – notamment pourquoi est-ce que cette initiative, qui finance des initiatives juives à l’intérieur d’Israël, est-elle intégrée au ministère des Affaires de la Diaspora et non pas au ministère de la Culture, ou au ministère des Affaires religieuses ?

Nous avons été en capacité d’allouer des fonds à des programmes sur le territoire israélien. Les jugements rendus par la Haute-cour dans les plaintes déposées contre le programme ont confirmé qu’on pouvait le faire. C’est d’ailleurs aussi inscrit dans la loi : Rien ne nous empêche d’allouer des fonds en Israël. Si tout se passe bien, on peut aussi prévoir de recommencer en direction des mouvements réformé et massorti en Israël, par le biais de l’Agence juive.

Le siège de l’Agence juive pour Israël à Jérusalem, le 29 novembre 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Je pense que les organisations ciblées par les programmes méritent de profiter des ressources de l’État d’Israël. Et il y a une forme de chutzpah dans les critiques de ce programme. De la part de personnes qui, toute leur vie durant, ont reçu des financements dix fois, vingt fois supérieurs que ce qui a été alloué ici. C’est bien trop peu, bien trop tard, bien trop limité. L’autre partie en lice, pour sa part, a donné et elle continuera à donner de l’argent, toujours davantage d’argent.

Je veux que les jeunes Israéliens grandissent en pensant qu’ils peuvent être fiers de leur judaïsme, qu’ils n’ont pas besoin de le cacher, que le judaïsme est compatible avec les valeurs qui sont les leurs, avec leurs valeurs humanitaires.

Parmi les Israéliens laïcs, il y a un sentiment croissant d’antipathie à l’égard de la religion. Moi-même, personnellement, il m’arrive d’avoir ce sentiment. Il faut montrer qu’il y a une autre voie, qu’il y a une voie qui permet d’être fier de votre judaïsme, que le judaïsme n’est pas forcément orthodoxe, et qu’il peut s’exprimer d’autres manières. C’est quelque chose que je veux mettre à la disposition de tous les Israéliens. Je veux que les Israéliens qui se rendent à l’étranger n’aient pas le sentiment qu’il y a d’un côté les Juifs et de l’autre les Israéliens – et que les deux n’entretiennent aucun lien les uns avec les autres.

« Nous venons de parler de certaines de vos réussites mais ce gouvernement a aussi échoué à s’attaquer à des problématiques déterminantes en lien avec la Diaspora. Je pense en particulier au compromis du mur Occidental. »

Ne pas faire avancer le compromis sur le mur Occidental a été un échec – pas un échec personnel, parce que j’ai exercé des pressions en sa faveur – mais le gouvernement qui était en place était idéal pour le mettre en vigueur. Si vous aviez voulu construire la coalition la plus à même de mettre en œuvre le compromis, vous n’auriez pas eu de meilleur choix. Personne n’était contre.

Le chef du parti HaBayit Hayehudi Naftali Bennett (à droite) avec Zeev Elkin, le 7 décembre 2016 (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Je pense que Zeev Elkin était contre.

Oui, Elkin était contre. Mais nous avions trouvé des solutions qui apaisaient ses inquiétudes. Toutefois, à un moment donné, Naftali Bennett n’a plus voulu soutenir l’idée de faire avancer le compromis. Soudainement, il y a eu toutes les difficultés qui se sont posées. Toutes les réformes lancées par Matan Kahana concernant la casheroute et la conversion ont entraîné de fortes pressions des ultra-orthodoxes. Et le compromis du mur Occidental a aussi cédé sous le poids de ces pressions. Ce qui est, à mes yeux, un scandale.

Nous ne voulions rien prendre à ceux qui veulent pouvoir prier séparément au mur Occidental. On ne voulait rien leur prendre. Mais nous voulions donner quelque chose de très important à l’autre partie. Ne pas faire avancer le compromis du mur Occidental a été une erreur historique. Parce qu’il n’avancera pas dorénavant.

« Ne pas faire avancer le compromis du mur Occidental a été une erreur historique. Parce que ça ne se produira pas dorénavant. »

Mais il ne s’agit pas seulement du compromis du mur Occidental. Ce gouvernement n’a guère amélioré non plus la situation dans la zone de prière mixte, même après l’incident survenu l’été dernier, quand ces extrémistes sont venus perturber des cérémonies de bar et de bat-mitzvah, là-bas…

Le grand rabbin du mur Occidental me l’avait dit il y a un an et trois mois : Pas de changement dans la section de prière mixte. Rien ne se fera. Et même le minimum que nous voulions faire, nous ne l’avons pas fait.

Il n’y a pas encore d’accès ouvert vers le mur Occidental depuis la section mixte, depuis la chute de pierres survenue en 2018.

C’est vrai. Je leur ai dit sur le ton de la plaisanterie : Pourquoi ne pas amener un chargeur et remettre les pierres là où elles étaient ? [Rires]. On m’a répondu que si on commençait à déplacer les pierres avec un chargeur, ce serait la guerre mondiale. Mais sérieusement, même cette toute petite question d’accorder un accès au mur Occidental n’est pas prise en compte. Rien n’a été possible… Et je suis inquiet, très inquiet de la manière dont les Juifs non-orthodoxes vont répondre à ce qui arrive en Israël.

Votre bureau a aussi apporté un soutien à la communauté juive d’Ukraine dès le début de la guerre.

Nous avons été les premiers à donner de l’argent à l’Ukraine. Nous avons donné dix millions de shekels au mouvement Habad et au JDC (Joint Distribution Committee) de manière à aider les populations qu’ils servent. Ça a été la première fois qu’Israël a fait quelque chose comme ça. J’ai pris de l’argent sur mon budget, et je l’ai donné. Nous avons aussi organisé des camps d’été, avec d’autres groupes, pour les réfugiés ukrainiens et nous allons proposer des camps d’hiver – pour leur permettre de relâcher la pression.

Des immigrants juifs fuyant les zones de guerre de l’Ukraine à leur arrivée à l’aéroport Ben Gurion, près de Tel Aviv, le 15 mars 2022. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Il y a des réfugiés juifs ! De mon vivant ! Jamais je n’aurais pu imaginer une telle chose. Je pensais que les réfugiés juifs, comme ma famille, avaient cessé d’exister après la Seconde Guerre mondiale. Apparemment non ! Une fois encore, il y a des réfugiés juifs qui traversent l’Europe. La différence est qu’aujourd’hui, ils ont un endroit où aller.

Nous venons tout juste de faire une étude sur les réfugiés juifs d’Ukraine, sur ceux qui ont décidé de rester en Europe. Nous ne voulons pas les perdre. Les communautés juives d’Europe de l’Est n’étaient pas prêtes à les recevoir. Ces gens sont tombés sur eux, faisant l’effet d’une bombe. Alors nous leur venons en aide.

Même si vous considérez que vous n’êtes resté à la tête du ministère que trop peu de temps, avez-vous le sentiment d’avoir réussi dans certains domaines ? Dans le renforcement des communautés de la Diaspora, dans la nécessité, pour les Israéliens, de penser aussi à la Diaspora – d’y penser pas seulement comme une réalité qui existe, mais aussi comme à une réalité qui compte ?

Nous avons un institut de sondage auquel nous faisons appel pour mesurer nos activités et évaluer nos réussites. Selon ce baromètre, oui, nous avons eu une influence sur les choses.

Mais est-ce que j’ai réussi ? Je vais vous dire quelque chose : Nous nous préoccupons majoritairement de processus d’influence, de planification à long-terme. Si je forme une génération d’activistes juifs sur des campus à l’étranger, s’ils retournent au sein de leur communauté, qu’ils entreprennent des actions et qu’ils mobilisent autour d’eux pour les accompagner dans leurs actions – c’est une réussite. Si je ne parviens pas à les sensibiliser, qu’ils sortent de la communauté, qu’ils font un mariage mixte – ce qui est leur droit – et que de manière très naturelle, nous commençons à les perdre après deux ou trois générations, cela me fera de la peine.

Même avant la formation du nouveau gouvernement, il y a d’ores et déjà des réactions hostiles des groupes de la Diaspora face à des propositions et à des initiatives avancées par les partis qui devraient intégrer la coalition au pouvoir. Comment vont réagir les Juifs de la Diaspora à l’avenir, selon vous ? Comment vont-ils réagir aux changements proposés dans la Loi du retour, à la fin de la reconnaissance des conversions non-orthodoxes ?

Je m’attends à ce qu’ils s’expriment haut et fort.

« J’ai dit depuis le début aux Juifs de la Diaspora qu’ils ne devaient pas hésiter à faire part de leur opinion sur ce qui se passe en Israël. Je leur ai dit qu’ils avaient le droit de ne pas tout accepter, que les décisions prises en Israël n’étaient pas l’équivalent des commandements remis par Dieu sur le mont Sinaï, qu’elles n’étaient pas intouchables. »

J’ai dit depuis le début aux Juifs de la Diaspora qu’ils ne devaient pas hésiter à faire part de leur opinion sur ce qui se passe en Israël. Je leur ai dit qu’ils avaient le droit de ne pas tout accepter, que les décisions prises en Israël n’étaient pas l’équivalent des commandements remis par Dieu sur le mont Sinaï, qu’elles n’étaient pas intouchables.

Nous sommes tous sur le même bateau. Nous avons le droit d’exprimer notre opinion, et nous sommes même appelés à le faire. Si on est défavorable à quelque chose, alors disons-le. Si on est favorable à quelque chose, disons-le aussi. Entrons dans le débat. Et je me permets de dire aux responsables israéliens : Ne faites rien sans en parler avec les Juifs de la Diaspora.

Quelles actions attendez-vous du gouvernement ?

Ce que je veux, c’est émettre la mise en garde la plus claire possible : Ne faites rien d’irréfléchi, d’infondé et d’unilatéral dans la relation entre eux et nous. Cela réouvrirait des blessures et j’ignore comment elles pourront à nouveau guérir.

Ariel Sharon au Mur occidental en 2001 (Crédit : Nati Shohat, Flash90)

Et je le dis aux Haredim qui attendaient ce moment de pouvoir enfin élever de nouvelles barrières, mais j’ai aussi quelque chose à dire au futur Premier ministre : Ne cédez pas aux pressions. Comme l’avait dit Ariel Sharon en évoquant ce genre de sujet : « Ce n’est pas une question brûlante. On a attendu 2000 ans, on pourra encore attendre ». Il ne faut rien faire d’irréfléchi parce que les choses peuvent être irréversibles. Nous n’avançons pas sur un terrain stable. Le terrain est fragile, à l’heure actuelle.

Netanyahu est mon seul espoir. Il devra se poser en défenseur et dire aux ultra-orthodoxes : Vous n’allez pas exploiter cette situation en éloignant de moi le monde juif. Je ne vous laisserai pas faire. Le monde juif n’est pas votre propriété.

« Netanyahu est mon seul espoir. Il devra se poser en défenseur et dire aux ultra-orthodoxes : Vous n’allez pas exploiter cette situation en éloignant de moi le monde juif. Je ne vous laisserai pas faire. Le monde juif n’est pas votre propriété »

Il doit leur dire : « Nous ne vous laisserons pas adopter ces amendements ». Il n’est pas nécessaire de fâcher le monde juif tout entier. Il ne touchera pas à la Loi du retour. La Loi du retour est en place depuis 70 ans. Et soudainement, il y a une configuration nouvelle et on veut faire supprimer « la clause des petits-enfants » ? Mais pourquoi ?! Donnez une chance à ceux qui ne sont pas Juifs ! Ils veulent venir en Israël. Ils veulent vivre ici. Peut-être que nous pourrons les amener à se convertir. Dans ce but, nous avons besoin d’un programme de conversion plus accueillant. Mais ils veulent vivre ici. Nous avons besoin des gens ! Et nous avons juré que cet État serait l’État du peuple juif.

Ne touchez pas à ce genre de choses. C’est interdit de toucher à ce genre de choses.

Et quels sont vos projets pour l’avenir ?

Je vais devenir le prochain rédacteur-en-chef du Times of Israel. Non, plus sérieusement, je n’ai aucun projet. Je n’ai pas encore eu le temps d’y réfléchir.

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