Israël en guerre - Jour 346

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  • Œuvre vue dans une exposition à l’école de filles Ulpanit Elisheva à Pardes Hannah-Karkur. (Autorisation)
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Les dilemmes du système scolaire pour aider les élèves face au 7 octobre et aux horreurs de la guerre

Le conflit entre Israël et le Hamas aura marqué de son empreinte la quasi-totalité de l’année scolaire, qui se termine fin juin. Pour certains enseignants, c’est l’occasion de « repartir de zéro »

En préparant avec ses élèves l’exposition de leurs œuvres dans leur lycée religieux pour filles, en début d’année, la professeure d’art Leah Gottlieb s’est heurtée à un problème : le thème était la guerre entre Israël et le Hamas ou les événements du 7 octobre, et les œuvres de plusieurs de ses élèves présentaient des scènes d’une grande violence ou des images très chargées, émotionnellement parlant.

« La plupart des élèves ont eu un parti-pris conceptuel, symbolique, et d’autres, nettement plus littéral. Au final, il y a des œuvres violentes. Qui remuent beaucoup de choses. On est loin d’un sujet neutre comme un paysage », confie Gottlieb au Times of Israel.

Après avoir consulté le directeur du département d’art, le directeur et les thérapeutes de l’école, il a été décidé de maintenir le principe de l’exposition, mais de placer les pièces les plus difficiles dans une zone spéciale. Cela a permis à tous les élèves de « s’exprimer » tout en soulignant le caractère difficile de certaines œuvres. C’est ce qu’il fallait, assure Gottlieb.

Ce type d’interrogation est plutôt courant, dans les écoles israéliennes cette année, à un moment où enseignants et directeurs ont la lourde tâche de faire fonctionner un système éducatif en temps de guerre. Les problèmes liés au massacre du 7 octobre et au conflit qui s’en est suivi à Gaza se sont immiscés dans la quasi-totalité de la scolarité des élèves, et ce, à tous les niveaux.

Le système a dû prendre en charge des élèves traumatisés, de nombreux enseignants et parents ont été rappelés au titre de la réserve de Tsahal, et des communautés entières du sud et du nord d’Israël ont été déplacées.

Personne n’est épargné par cette période « très compliquée » de « traumatisme collectif », explique Einav Luke, cheffe des services de psychologie et de conseil au ministère de l’Éducation. « Dans les situations d’urgence, les adultes doivent aider les enfants à gérer leurs émotions, de façon à leur donner un sentiment d’utilité. »

Dans la pratique, cela passe par le fait de laisser aux écoles et aux enseignants suffisamment de marge de manœuvre pour aborder ces complexités en classe, afin que les élèves aient le sentiment de faire quelque chose vis-à-vis de la situation et ne se sentent pas dépassés par les événements, analyse-t-elle. Cela peut consister à aborder la question de la guerre en histoire ou en littérature, ou à inciter les élèves à faire du bénévolat, tout en faisant en sorte que des matières par essence plus neutres, comme les mathématiques, ne donnent pas lieu à des considérations sur la guerre.

Oeuvre d’art montrant des soldats de Tsahal aux côtés de super-héros, provenant d’une exposition du lycée de filles Ulpanit Elisheva à Pardes Hannah-Karkur. (Autorisation)

« Nous pensons qu’il convient de proposer plusieurs activités et de voir ce que chaque élève souhaite et peut faire. Rédiger quelque chose à propos de ce qui se passe peut être mauvais pour un élève mais bon pour un autre, que cela va aider à prendre des responsabilités. C’est aux enseignants, en collaboration avec les conseillers, de voir ce qui est le mieux. Il faut faire preuve de beaucoup de sensibilité et de prudence », résume Luke.

Des résultats mitigés

Cette sensibilité semble avoir fait défaut dans le cas de la fille, âgée de 13 ans, de Shachar Larry, élève d’une école laïque de Kfar Saba. Ayant remarqué que sa fille était déprimée, Larry a découvert la rédaction écrite par sa fille aux alentours du 7 octobre.

La consigne était de rédiger quelques paragraphes au sujet du 7 octobre, avec le point de vue d’un historien du futur, 50 ans plus tard, explique-t-il.

« En gros, l’enseignant a demandé à des élèves de quatrième, avec accès à Internet, de revenir sur la chronologie du 7 octobre. Ma fille y a parlé des viols, des morts, des bébés… c’est totalement fou. J’étais horrifié », confie Larry.

Cette « exposition globale » aux événements et aux détails traumatisants n’est pas neutre, estime Larry, qui pense que ce devoir scolaire a poussé sa fille aux confins de la dépression. « C’est épouvantable et d’une infinie tristesse. Hélas, lorsque je m’en suis rendu compte, c’était déjà fait. Je ne pense pas que l’enseignant ait voulu mal faire, mais ils auraient dû être plu vigilants », dit-il.

Larry indique avoir contacté les services psychologiques du ministère de l’Éducation pour leur parler de cet incident. Ils auraient convenu que ce devoir était « une erreur de jugement », sans plus de suites.

L’accès des élèves à des contenus traumatisants est un souci que partagent parents et enseignants depuis le début du conflit, mais pour la professeure d’art Gottlieb, la guerre « n’a pas vraiment été abordée à l’école ».

L’organisation d’une exposition artistique a été l’occasion pour les élèves de réagir au « changement profond qui se produit dans le pays » et d’évoquer ce à quoi ils auraient pu être exposés dans les médias.

Gottlieb enseigne à Ulpanit Elisheva, une école religieuse pour filles située dans la ville de Pardes Hannah-Karkur, dans le nord d’Israël, loin de Gaza et de la frontière libanaise.

« C’est une partie calme du pays et l’école a été relativement épargnée. Pas d’alertes [aux roquettes] pour nous… Nous avons pu reprendre le chemin de l’école immédiatement après le 7 octobre. Bien sûr, nous avons des élèves dont les pères font leur période de réserve ou sont à Gaza, mais la plupart de ce qu’ils savent vient d’Internet », explique Gottlieb.

Elle ajoute que la philosophie de ce projet est de « faire en sorte que les élèves puissent s’exprimer. Nombre de parents se sont réjouis qu’un tel endroit existe, certains d’entre eux ayant même pleuré devant les œuvres.

Une école sur le pied de guerre

D’autres écoles sont, elles, plus directement touchées, même si elles se situent relativement loin des lignes de front. À Ohel Shiloh, école primaire pour garçons située dans l’implantation de Shiloh, en Cisjordanie, le directeur Rafael Maaman explique que la quasi-totalité des activités scolaires sont affectées par la guerre.

« Il va sans dire que la situation a une grande influence sur nous. Plus de 50 % des parents ont été en service de réserve, comme nombre de nos enseignants. Quand des enseignants reviennent de Gaza, les élèves leur posent des questions », ajoute Maaman.

L’implantation israélienne de Shiloh, le 17 novembre 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

En raison de son positionnement géographique à Shiloh, dans une communauté gardée avec des voisins palestiniens parfois hostiles, et de sa population sioniste religieuse bien représentée dans la haute hiérarchie de Tsahal, « nous vivons cette guerre en temps réel », affirme-t-il.

Même s’ils sont bien trop jeunes pour cela, la plupart des garçons se disent prêts à partir se battre à Gaza « dès demain », ajoute-t-il. Ils voient bien que certains de leurs professeurs viennent à l’école avec leur arme en raison des problèmes de sécurité à Shiloh.

Chaque jour, en cours d’hébreu, les étudiants écrivent des lettres aux soldats blessés, poursuit Maaman, et le journal des élèves, « très patriotique », parle de la guerre et de la résilience du pays.

Les élèves ont par ailleurs pris part à plusieurs projets bénévoles, comme l’envoi de colis de produits de soin pour les soldats.

En cours d’histoire et de géographie, surtout dans les plus grandes classes, les enseignants se sont fait un devoir de parler du « passé récent de Gaza, du Gush Katif, de ce qui s’est passé alors et de la manière dont nous en sommes arrivés là, maintenant », témoigne Maaman en parlant de l’expulsion forcée de plus de 8 000 résidents d’implantation juifs de Gaza en 2005 et du retrait des forces israéliennes qui a suivi.

Cet événement, qui a profondément traumatisé la communauté sioniste religieuse, est considéré par beaucoup comme une erreur nationale qui a ouvert la voie à la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, quelques années plus tard.

Des écoles en temps de guerre

La guerre entre Israël et le Hamas – déclenchée le 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont massacré près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et enlevé 252 otages dans la bande de Gaza – aura donc marqué de son empreinte la quasi-totalité de l’année scolaire, depuis la rentrée le 1er septembre dernier.

Dans les jours qui ont suivi le 7 octobre, face à l’intensité des tirs de roquettes depuis Gaza et du Liban et au rappel massif de réservistes de Tsahal, la plupart des écoles israéliennes ont fermé leurs portes et certaines ont donné leurs cours à distance. Au fil du temps, lorsque Tsahal a pu neutraliser les tirs de roquettes gazaouis, certains établissements ont rouvert puis refermé, au gré des consignes forcément mouvantes données par le commandement du front intérieur.

Un cours dans une école temporaire à Eilat, sur une photo non datée (avec la permission du ministère de l’Éducation)

Fin novembre, la plupart des écoles ont rouvert, à l’exception de celles situées dans les zones proches de Gaza ou le long de la frontière libanaise, qui avaient été évacuées.

Ces évacués, dont on a estimé à un moment donné le nombre à plus de
250 000, se sont retrouvés dispersés dans des hôtels ou des communautés un peu partout en Israël, et particulièrement à Eilat ainsi que dans la région de la mer Morte. Le ministère de l’Éducation a réagi en collaborant avec plusieurs organisations pour mettre sur pieds établissements temporaires et « écoles éphémères » pour les plus de 50 000 enfants déplacés.

Aujourd’hui, la plupart des habitants du sud ont été autorisés à rentrer chez eux, mais pas tous, et les écoles de Sderot ont pu rouvrir le 1er mars dernier, avec 70 % de leurs effectifs normaux, estiment les autorités. En revanche, les communautés évacuées du nord n’ont pas été autorisées à rentrer chez elles, et selon les informations les plus récentes, le gouvernement ne l’envisage pas dans un avenir proche.

Dans le même temps, en raison du rappel sans précédent de réservistes, qui a concerné un grand nombre d’enseignants et de directeurs d’écoles, nombreuses sont les écoles à avoir dû revoir leurs horaires, matières et programmes, en plus du renforcement de l’accompagnement psychologique par le ministère.

Les fêtes de Yom HaZikaron et Yom HaAtsmaout, célébrées il y a peu avec solennité par les Israéliens, donnent le signal du « début de la fin » de l’année scolaire, qui se termine officiellement fin juin.

Pour Yom HaZikaron, cette année, l’accent a été mis sur l’hommage aux victimes du 7 octobre et du conflit qui a suivi, a expliqué le ministère par voie de communiqué. De nombreuses écoles ont parlé des enseignants, parents ou anciens élèves tués, ou encore des familles des élèves blessés.

Des lycéens, ainsi que des familles endeuillées et des soldats de Tsahal, assistent à une cérémonie commémorative en mémoire des soldats morts au combat, en surplomb de l’ancienne Gamla et de la mer de Galilée, sur le plateau du Golan, le 13 mai 2024. (Michael Giladi/Flash90)

Un nouveau monde

L’intégration des événements actuels au programme a été l’un des principaux sujets de discussion avec les enseignants de son département, au début de la guerre, explique le Dr Adar Cohen, directeur du département de formation des enseignants à la Seymour Fox School of Education de l’Université hébraïque.

« Nous avons décidé que les enseignants feraient une place, dans leur matière, pour les événements de l’actualité. Il est ainsi possible de parler de la libération des otages de manière générale, mais aussi d’étudier des textes historiques ou juifs. On peut parler des héros d’aujourd’hui en faisant des parallèles en littérature, dans la Bible hébraïque ou encore dans l’histoire, toutes ces matières traitant également de ce sujet qui se rapporte au présent », analyse Cohen.

Dr Adar Cohen (avec l’aimable autorisation de Gilad Bar-Shalev)

Les écoles servent à trois choses, explique Cohen : enseigner (connaissances, programme), éduquer (comportement, morale, développement personnel) et accompagner (aider les élèves ayant des difficultés).

Tout au long de cette année scolaire en temps de guerre, « l’équilibre entre ces trois facettes a été considérablement rebattu », confie Cohen. Au début, tout de suite après le 7 octobre, on a mis l’accent sur
« l’apprentissage et l’accompagnement socio-
émotionnel », avec « le désir de revenir à une routine, très importante pour la bonne santé mentale ». Les écoles ont fait de leur mieux pour enseigner le plus normalement du monde, tout en faisant la place qui lui revient, dans les programmes et projets, à ce nouveau monde.

En charge de la formation des enseignants, Cohen estime que ces bouleversements pourraient « idéalement » constituer une opportunité.

A la prochaine rentrée universitaire, « il est impensable de revenir à l’enseignement d’antan… Il y a en ce moment énormément de questions qui tournent, au sujet de ce qui est le plus important en matière d’éducation. Dans les écoles éphémères, construites du jour au lendemain pour des populations déplacées, il n’est pas possible d’enseigner beaucoup de matières, d’où ce questionnement sur ce qui est essentiel.

« Si je me projette dans l’avenir, disons à 10 ans, il est clair que la société israélienne a avant tout besoin de guérir, de se réparer et de digérer ce qui s’est passé », analyse-t-il, un peu comme ce qui s’est passé dans les années suivant la guerre du Kippour, en 1973.

La communauté enseignante va jouer un rôle de tout premier plan dans ces « questions essentielles », estime Cohen.

« Nous parlons depuis des années du besoin de réformer le ministère de l’Éducation. Le bon moment, ce sera à la fin de la guerre », conclut Cohen.

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