Une profonde appréciation pour une collection de photographies retraçant les premières années d’Israël a poussé Ben Peter à essayer de restaurer The Photo House, la boutique de ses grands-parents à Tel-Aviv avec des archives constituées d’environ un million de photos prises dans l’Israël d’avant l’instauration de l’Etat.
Aujourd’hui, un déménagement coûteux vers son site d’origine de 1936, associé à la pandémie de coronavirus, a poussé cette entreprise historique à la limite de ses possibilités, et Ben Peter est à la recherche d’une aide financière pour restaurer l’entreprise familiale.
« Quand je regarde la collection de mon grand-père, je pense à un homme qui a quitté sa famille en Europe et qui est venu dans un endroit au nom d’une idée et a documenté toutes les choses qui l’intéressaient », raconte Ben Peter.
Le photographe Rudy Weissenstein, le grand-père, a capturé des milliers de moments personnels avec son appareil photo – dont une célèbre photo de sa femme, Miriam Weissenstein, sautant en l’air dans ce qui ressemble à une pose de yoga assise – et des événements majeurs, comme la signature de la déclaration d’indépendance israélienne.

« C’est incroyable pour moi de… voir tous ces gens dans leurs petits moments, et de ne pas effacer cela mais de le protéger tel quel », confie Ben Peter.
Il n’a pas toujours pensé aux affaires de ses grands-parents de cette façon.
Son amour et son besoin de liens plus étroits avec sa grand-mère maternelle l’ont amené au magasin pour la première fois lorsqu’il avait 26 ans et qu’il émergeait des profondeurs douloureuses d’une tragédie familiale.
Le père de Ben Peter a assassiné sa mère, puis s’est suicidé. Sa grand-mère était accablée de chagrin et de colère, mais elle dirigeait toujours le magasin, espérant qu’une troisième génération reprendrait l’affaire. Son grand-père était mort 11 ans plus tôt.

La mère de Ben Peter, Michal, avait aidé sa mère à gérer le magasin, et ils avaient écrit aux collectionneurs et aux musées pour leur demander d’acheter la collection, quelque un million de négatifs de valeur retraçant l’histoire d’Israël.
Lorsque plusieurs opportunités se sont présentées, le duo mère-fille a monté une exposition des archives du magasin pour le 100e anniversaire de Tel-Aviv.
« Tout Tel-Aviv est venu voir cette exposition et ma mère et ma grand-mère ont fait cela ensemble », commente Ben Peter.
Moins d’un an plus tard, ses parents étaient tous deux décédés et il a commencé à rendre visite à sa grand-mère dans le magasin, poursuivant ainsi ce que sa mère avait commencé.
Le magasin était « bien comme il était », indique Ben Peter. « Il ressemblait à un magasin où personne n’entrerait jamais. Il était démodé ».
Il a apporté un ordinateur au magasin, numérisant les archives et organisant la collection, et a découvert que cette entreprise familiale poussiéreuse était plus intéressante pour lui qu’il ne l’avait imaginé. Cela l’a également reconnecté à sa grand-mère.
« Mon lien avec ma grand-mère était lié à la perte de ma mère et nous nous sommes retrouvés tous les deux », raconte-t-il. « Nous sommes devenus amis et partenaires. Nous étions ensemble tout le temps ».
Leur couple a été examiné en profondeur dans le documentaire primé en 2011 « Life in the Stills » de Tamar Tal, produit par l’équipe des frères Heymann, qui les montre se débattant pour sauver le magasin en raison de la construction d’une tour résidentielle de luxe et essayant de définir leur relation à la suite de leur tragédie commune.
Dans le film, Ben Peter fait déjà partie de la Photo House et est présent au quotidien dans la vie de sa grand-mère âgée, travaillant côte à côte avec elle dans le magasin et mangeant de la soupe avec elle dans son appartement. Il la convainc de l’accompagner à Francfort pour une exposition, fait une sieste à ses côtés et pousse son fauteuil roulant.
Elle est morte en 2011 à l’âge de 98 ans, juste après que le magasin a été délogé par la ville et transféré dans son emplacement temporaire.
Alors qu’ils se disputaient à propos de certains changements apportés au magasin, leurs personnalités se sont mêlées, commente Ben Peter, qui affiche dans le film une attitude bienveillante, respectueuse et aimante envers sa grand-mère. Il est clair qu’ils étaient de bons amis.

« Nous nous disputions rarement, et quand nous le faisions, nous nous réconcilions immédiatement », dit-il.
Des sept petits-enfants de Rudy Weissenstein, Ben Peter était le seul à s’intéresser à la Photo House, et il lui a dit qu’il en prendrait soin et y consacrerait sa vie.
« Elle savait que je m’en occuperais et me l’approprierais », rapporte-t-il. « C’est mon travail, comme tous ceux qui ont un travail qui leur tient à cœur. »
Il voulait faire revivre le studio dans son emplacement d’origine, avec des projets pour les expositions et la marchandise. Il voulait également créer un lieu où les gens pourraient se faire photographier de manière formelle, ainsi qu’une galerie avec des conférences et des ateliers accueillant d’autres photographes, poursuivant le travail que la Photo House originale avait réalisé.

« C’est une sorte de célébration permanente de la photographie », a déclaré Peter. « Cela peut être numérique ou physique, petit ou grand, notre but est de publier les photos et de faire en sorte que les gens les reconnaissent et s’enthousiasment ».
Le retour au site d’origine a eu lieu ce printemps, dix ans après le déménagement forcé.
Mais aujourd’hui, Ben Peter est à court de fonds et a mis en place une campagne de financement participatif Headstart pour collecter 300 000 shekels d’ici le 18 septembre afin de réaliser les rénovations et les projets nécessaires.
« C’est une responsabilité pour moi de poursuivre cette expérience nostalgique et visuelle », souligne-t-il « Nous donnons un foyer à cela, c’est notre intention. »
