Israël en guerre - Jour 596

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  • Le président américain Richard Nixon dans le bureau Ovale aux côtés de la Première ministre  Golda Meir et Henry Kissinger, le 1er mars 1973. (Crédit : Karl Schumacher/The Richard Nixon Presidential Library and Museum/ National Archives and Records Administration)
    Le président américain Richard Nixon dans le bureau Ovale aux côtés de la Première ministre Golda Meir et Henry Kissinger, le 1er mars 1973. (Crédit : Karl Schumacher/The Richard Nixon Presidential Library and Museum/ National Archives and Records Administration)
  • Le déjeuner d'ouverture des dernières négociations israélo-palestiniennes sur le statut final dans la salle à manger du secrétaire d'État. Du côté américain, le secrétaire d'État John Kerry, avec Martin Indyk à sa droite, et de l'autre côté de la table, Tzipi Livni  et Saeb Erekat à sa gauche, le 29 juillet 2013. (Crédit : US State Department)
    Le déjeuner d'ouverture des dernières négociations israélo-palestiniennes sur le statut final dans la salle à manger du secrétaire d'État. Du côté américain, le secrétaire d'État John Kerry, avec Martin Indyk à sa droite, et de l'autre côté de la table, Tzipi Livni et Saeb Erekat à sa gauche, le 29 juillet 2013. (Crédit : US State Department)
  • Le secrétaire d'État Kissinger avec Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yigal Allon paraphent l'accord Sinaï II à Jérusalem, le 1er septembre 1975. (Crédit : GPO/Moshe Milner)
    Le secrétaire d'État Kissinger avec Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yigal Allon paraphent l'accord Sinaï II à Jérusalem, le 1er septembre 1975. (Crédit : GPO/Moshe Milner)
  • Henry Kissinger avec le président égyptien Anwar Sadat dans le jardin de sa villa d'été à  la Mamoura, à Alexandrie, le 25 août 1975. (Crédit : David Hume Kennerly White House Photographs/Kissinger Papers at Yale University)
    Henry Kissinger avec le président égyptien Anwar Sadat dans le jardin de sa villa d'été à la Mamoura, à Alexandrie, le 25 août 1975. (Crédit : David Hume Kennerly White House Photographs/Kissinger Papers at Yale University)
  • Le ministre de la Défense Moshe Dayan dans la salle de guerre au siège de l'armée israélienne à Tel Aviv, le 8 octobre 1973. A ses côtés, à droite, le général Rehavam Zeevi, le général Shmuel Gonen et le général Uri Ben-Ari. (Crédit : GPO/Arad Shlomo)
    Le ministre de la Défense Moshe Dayan dans la salle de guerre au siège de l'armée israélienne à Tel Aviv, le 8 octobre 1973. A ses côtés, à droite, le général Rehavam Zeevi, le général Shmuel Gonen et le général Uri Ben-Ari. (Crédit : GPO/Arad Shlomo)
  • Le président Nixon et le président Sadate sont salués par des millions d'Égyptiens sur la route qui les mène de l'aéroport international du Caire au palais Qubba, le 12 juin 1974. (Crédit :Karl Schumacher/The Richard Nixon Presidential Library and Museum/ National Archives and Records Administration)
    Le président Nixon et le président Sadate sont salués par des millions d'Égyptiens sur la route qui les mène de l'aéroport international du Caire au palais Qubba, le 12 juin 1974. (Crédit :Karl Schumacher/The Richard Nixon Presidential Library and Museum/ National Archives and Records Administration)
  • Le président Shimon Peres avec l'envoyé spécial pour les négociations israélo-palestiniennes et ancien ambassadeur américain en Israël Martin Indyk à Jérusalem, le 11 août 2013. (Crédit : Mark Neyman/GPO/FLASH90)
    Le président Shimon Peres avec l'envoyé spécial pour les négociations israélo-palestiniennes et ancien ambassadeur américain en Israël Martin Indyk à Jérusalem, le 11 août 2013. (Crédit : Mark Neyman/GPO/FLASH90)
  • Le temps, à Alexandrie, avait été si clément que les Égyptiens avaient organisé les négociations dans le jardin, où Fahmy et el-Gamasy avaient déploré les arrangements du Sinaï. Finalement, Henry Kissinger avait pris à l'écart le président Anwar Sadat, faisant appel au meilleur de lui-même . (Crédit : David Hume Kennerly White House Photographs/Kissinger Papers at Yale University)
    Le temps, à Alexandrie, avait été si clément que les Égyptiens avaient organisé les négociations dans le jardin, où Fahmy et el-Gamasy avaient déploré les arrangements du Sinaï. Finalement, Henry Kissinger avait pris à l'écart le président Anwar Sadat, faisant appel au meilleur de lui-même . (Crédit : David Hume Kennerly White House Photographs/Kissinger Papers at Yale University)

Les tactiques machiavéliques de Kissinger qui ont aidé à stabiliser le Moyen-Orient

Dans ‘Master of the Game,’ sa nouvelle biographie sur l’ancien secrétaire d’État US, Martin Indyk analyse comment les puissances régionales ont été amenées à vivre ensemble

Martin Indyk a passé une partie significative de sa carrière professionnelle au poste de médiateur diplomatique entre l’État juif et les États-Unis. Sous l’administration Clinton, Indyk a été d’abord conseiller sur la question du Moyen-Orient au Conseil de sécurité nationale avant d’être nommé ambassadeur américain en Israël.

Au cours du second mandat du président Barack Obama, Indyk a été envoyé spécial au Moyen-Orient, chargé de la reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes, et il a démissionné après neuf mois frustrants de négociations intransigeantes qui ne menaient nulle part.

Témoin de décennies de pourparlers dans l’impasse qui n’ont finalement débouché que sur des résultats médiocres, Indyk dit avoir fait son introspection et avoir réfléchi – il y réfléchit encore – à deux questions importantes. Les États-Unis sont-ils réellement capables d’arbitrer avec neutralité le conflit israélo-palestinien ? Et, lorsqu’ils tentent d’endosser le costume de gendarme du monde, n’auraient-ils pas plutôt intérêt à adopter une approche plus équitable de la diplomatie internationale, en particulier dans une région aussi volatile, imprévisible et hostile que le Moyen-Orient ?

En s’efforçant de trouver une réponse plausible aux deux questions, Indyk dit avoir ressassé les initiatives américaines qui avaient permis de faire avancer – avec succès – le processus de paix, il y a cinq décennies. A la barre de ces négociations diplomatiques se trouvait alors un maître machiavélique de la realpolitik, le docteur Henry Kissinger.

« Si la diplomatie est l’art de faire avancer les responsables politiques dans la direction où ils rechignent à aller, alors Kissinger a été un maître du jeu sans égal », écrit Indyk dans l’introduction de son nouveau livre, judicieusement intitulé Master of the Game: Henry Kissinger and the Art of Middle East Diplomacy.

Au sein de l’administration de Richard Nixon, Kissinger avait servi aux postes de Conseiller à la sécurité nationale et de Secrétaire d’État. Kissinger était resté Secrétaire d’État sous le successeur de Nixon, Gerald Ford.

Le président américain Richard Nixon dans le bureau Ovale aux côtés de la Première ministre Golda Meir et Henry Kissinger, le 1er mars 1973. (Crédit : Karl Schumacher/The Richard Nixon Presidential Library and Museum/ National Archives and Records Administration)

La présentation mielleuse, par Kissinger, de la politique étrangère américaine sous les administrations Nixon et Ford avaient fait de lui une célébrité mondiale. Une multitude de succès diplomatiques lui avait été attribuée, notamment son plaidoyer en faveur de la politique de la Détente qui avait amené les États-Unis à développer des relations empreintes de cordialité avec l’Union soviétique et la Chine pendant la période particulièrement hostile de la Guerre froide.

Facilitateur du compromis

Indyk, membre éminent du Conseil des relations étrangères, déclare que « pendant les quatre années où il a été secrétaire d’État, Kissinger n’a, pour l’essentiel, rien fait d’autre que de promouvoir la paix et l’ordre au Moyen-Orient ».

Mais, affirme-t-il, les résultats impressionnants obtenus par Kissinger dans l’instauration de la paix au Moyen-Orient ont été largement oubliés par la majorité des historiens.

« L’objectif poursuivi par ce livre est d’examiner réellement la manière dont il a travaillé et réussi – ce n’est pas seulement une étude historique mais aussi l’occasion, pour nous, d’apprendre comment faire la paix, comment établir l’ordre dans une région qui est aussi troublée aujourd’hui, quoique de façon différente, qu’elle l’était hier », explique ce diplomate chevronné et analyste en relations étrangères au Times of Israel depuis son domicile de New York.

Le livre commence quinze jours après l’arrivée au poste de secrétaire d’État de Kissinger – un poste auquel il ne devait faire qu’une brève apparition. Le tout premier défi diplomatique majeur, pour Kissinger, s’était présenté en date du 6 octobre 1973, quand les armées égyptienne et syrienne avaient lancé une attaque coordonné contre Israël lors de Yom Kippour, le jour le plus solennel du calendrier juif. Les deux nations arabes espéraient alors regagner les territoires perdus à l’issue de la guerre des Six jours au mois de juin 1967, des territoires qui avaient été alors saisis par l’État juif.

Le ministre de la Défense Moshe Dayan dans la salle de guerre au siège de l’armée israélienne à Tel Aviv, le 8 octobre 1973. A ses côtés, à droite, le général Rehavam Zeevi, le général Shmuel Gonen et le général Uri Ben-Ari. (Crédit : GPO/Arad Shlomo)

Le 19 octobre 1973, alors que la guerre faisait rage et que les forces israéliennes menaçaient Damas et Le Caire, Kissinger s’était embarqué dans une mission à Moscou et à Tel Aviv pour négocier le cessez-le-feu qui mettrait un terme au conflit et qui allait donner aux États-Unis son nouveau rôle de négociateur de la paix entre Israël et les pays arabes.

Indyk déclare que Kissinger avait su négocier avec habileté pour atteindre simultanément quatre objectifs ambitieux et quelque peu contradictoires dans les négociations qui devaient mettre le point final à la guerre de Yom Kippour.

Il avait dû d’abord garantir la victoire d’Israël, pays allié des États-Unis, face aux forces syriennes et égyptiennes qui étaient soutenues par les Soviétiques. Il avait voulu également empêcher une défaite humiliante de l’armée égyptienne de manière à ce que le président égyptien Anwar Sadat puisse entrer dans le processus des négociations de paix en ayant conservé toute sa dignité. En même temps, il avait dû prouver aux Arabes que seuls les États-Unis pouvaient tenir un rôle favorable pour eux à la table des négociations en apportant des résultats concrets, tout en maintenant la Détente avec Moscou – alors même que Kissinger œuvrait, en fin de compte, à saper l’influence des Soviétiques au Moyen-Orient.

« Au moment où Kissinger s’était impliqué dans les efforts de paix au Moyen-Orient, les États-Unis et l’Union soviétique avaient d’ores et déjà trouvé un accord », explique Indyk. « Contrairement aux autres régions du monde, ils avaient convenu de coopérer concernant le maintien du calme dans la région. »

« Cela avait été un élément important dans la Détente mais tout avait changé en 1973 où Kissinger avait renoncé à la coopération avec l’Union soviétique en se plaçant sur le plan de la concurrence avec l’URSS », poursuit Indyk. « Il avait découvert que tout ce que les Soviétiques étaient en mesure d’offrir aux Arabes, c’était des armes ».

Le secrétaire d’État Kissinger avec Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yigal Allon paraphent l’accord Sinaï II à Jérusalem, le 1er septembre 1975. (Crédit : GPO/Moshe Milner)

Indyk précise que Kissinger était convaincu que les États-Unis seraient toujours capables de garantir qu’Israël ne serait jamais vaincu par les armes soviétiques. Et que si les Arabes voulaient regagner des territoires, ils devraient alors se tourner vers les États-Unis et être désireux de négocier, Washington ayant une influence diplomatique sur Israël.

Pendant ces pourparlers, explique Indyk, Kissinger avait toujours compris les angoisses israéliennes – nées à la fois de l’Histoire des Juifs et des circonstances particulières du conflit – au vu de la vulnérabilité des frontières de l’État juif et de l’hostilité des pays voisins. Il note que l’approche graduelle qui avait été adoptée par Kissinger en termes de diplomatie internationale avait été établie partiellement pour éviter de briser psychologiquement Israël en tentant d’obliger le jeune État à se retirer en une seule fois des territoires gagnés et à retourner aux fragiles frontières pré-1967.

« Kissinger avait compris que les États-Unis avaient des atouts dans ces négociations en raison de la relation qu’ils entretenaient avec Israël », continue Indyk. « Et une fois que Kissinger a pu prouver qu’il pouvait influencer Israël et que l’Union soviétique n’avait rien à offrir aux Arabes, les Arabes se sont tournés vers les États-Unis, les uns après les autres ».

Le président Nixon et le président Sadate sont salués par des millions d’Égyptiens sur la route qui les mène de l’aéroport international du Caire au palais Qubba, le 12 juin 1974. (Crédit :Karl Schumacher/The Richard Nixon Presidential Library and Museum/ National Archives and Records Administration)

Un ordre sous l’ombre américaine au Moyen-Orient

Le livre d’Indyk raconte aussi les relations et les négociations diplomatiques complexes de Kissinger avec un certain nombre de politiques et de chefs de l’État éminents sur une période de quatre ans, à partir de 1973. Parmi les personnalités majeures évoquées dans le livre, Anwar Sadat, Golda Meir, Hafez al-Assad, King Hussein of Jordan, King Faisal of Saudi Arabia, Moshe Dayan, Shimon Peres et Yitzhak Rabin.

Indyk souligne les succès diplomatiques obtenus par Kissinger pendant cette période abordée dans le livre, entre 1973 et 1977. Ces pourparlers épuisants et effrénés étaient régulièrement évoqués sous le terme de shuttle diplomacy – diplomatie de la navette – en raison des déplacements apparemment sans fin du secrétaire d’État entre le Caire, Jérusalem, Damas et d’autres capitales arabes.

De façon cruciale, les négociations lancées par Kissinger devaient aboutir sur trois accords : Deux sur le Sinaï entre Israël et l’Égypte et un accord de désengagement du plateau du Golan conclu entre l’État juif et la Syrie. Dans les trois cas, Israël avait cédé les territoires en échange de frontières provisoires stables.

Indyk remarque que Kissinger était ainsi parvenu à poser les fondations des initiatives américaines de négociations de paix dans le conflit israélo-arabe. Ce qui a inclus le traité de paix entre Israël et l’Égypte négocié par le président américain Jimmy Carter – un traité qui devait être déterminant dans la conclusion ultérieure des Accords d’Oslo, entre Israéliens et Palestiniens, et dans le Traité de paix israélo-jordanien signé sous l’administration du président américain Bill Clinton.

Henry Kissinger rencontre le roi Hussein au palais Rabda d’Amman, en Jordanie, le 16 décembre 1973. (Crédit : David Hume Kennerly/White House Photographs)

« L’objectif de Kissinger n’était pas tant de faire la paix que d’établir un nouvel ordre au Moyen-Orient sous l’œil vigilant des États-Unis, ce qui a eu un profond impact sur le conflit israélo-arabe et sur la survie et le bien-être d’Israël dans ce contexte », continue Indyk.

« Kissinger était convaincu, pendant ce temps-là, que les Arabes n’étaient pas prêts à se réconcilier avec l’idée de l’existence d’Israël », ajoute Indyk, « et que de son côté, Israël n’était pas prêt ou n’était pas en capacité de faire le type de concessions qui auraient été nécessaires pour mettre un terme aux conflits, pour mettre un terme aux revendications, pour faire la paix ».

Indyk note que les performances de Kissinger, en termes de diplomatie, étaient cependant loin d’être parfaites. Il déclare que Kissinger portait souvent des œillères dans sa poursuite de l’ordre et de la stabilité et qu’il n’avait pas su détecter les signaux d’avertissement annonçant une guerre, ou des opportunités de paix. Ces erreurs avaient entraîné un coût humain élevé et des conséquences stratégiques qui continuent d’avoir un impact sur les tentatives de pacification régionales à ce jour.

L’auteur remarque que si Kissinger avait pris plus au sérieux les menaces proférées par Sadate dès le début de l’automne 1973, la guerre de Yom Kippour aurait pu peut-être être évitée. Et si Kissinger avait permis au roi Hussein de Jordanie de regagner un bastion en Cisjordanie au moment où il avait eu l’opportunité de le faire, la question palestinienne pourrait être aujourd’hui très différente.

Le temps, à Alexandrie, avait été si clément que les Égyptiens avaient organisé les négociations dans le jardin, où Fahmy et el-Gamasy avaient déploré les arrangements du Sinaï. Finalement, Henry Kissinger avait pris à l’écart le président Anwar Sadat, faisant appel au meilleur de lui-même. (Crédit : David Hume Kennerly White House Photographs/Kissinger Papers at Yale University)

Au lieu de la paix, un équilibre du pouvoir

Dans sa propre carrière de diplomate, Indyk a marché sur les pas de Kissinger. Il a pris part à des réunions du Conseil national de sécurité dans la Situation Room de la Maison Blanche, où il a convoqué le Groupe d’action spéciale de Washington, et il a rencontré des leaders israéliens et arabes dans le bureau Ovale.

Dans ses recherches sur les négociations menées par Kissinger au Moyen-Orient et dans l’élaboration de son récit, Indyk a été aidé par le fait qu’en tant que membre de l’équipe de paix de Clinton, il a eu l’opportunité de s’engager de manière intensive aux côtés de trois acteurs politiques déterminants de l’époque de Kissinger – le Premier ministre Yitzhak Rabin, le roi Hussein et Hafez al-Assad, l’ancien président de la Syrie.

Martin Indyk, ancien diplomate et auteur du livre ‘Master of the Game.’ (Autorisation/Michael Lionstar)

Le livre a aussi été écrit avec la coopération extensive de celui auquel il est consacré, Henry Kissinger. Dans le cadre de ses recherches, Indyk a discuté à de nombreuses occasions et en profondeur d’exemples diplomatiques concrets avec Kissinger lui-même, au cours de longs entretiens. Kissinger a même accordé à Indyk l’accès à ses documents personnels.

« L’une des principales choses que j’ai pu apprendre en parlant à Kissinger, c’est qu’il peut cacher son jeu et rester très vague », commente Indyk. « Kissinger s’est toujours focalisé avant tout sur l’ordre, pas sur la paix. Il était sceptique sur l’instauration d’une paix véritable et il s’intéressait davantage à la possibilité de gagner du temps en mettant en place un processus graduel qui permettait d’atteindre un équilibre des pouvoirs, parce qu’il croit en la hiérarchie du pouvoir ».

Au cours de ces longs entretiens, Kissinger a aussi confirmé à l’auteur que même s’il avait conservé son rôle de secrétaire d’État, il aurait continué à faire la promotion de pactes de non-belligérance avec les voisins arabes d’Israël, les préférant à des traités de paix. Parce que Kissinger craignait que le processus de paix ne s’effondre s’il poussait trop les parties en opposition vers un accord de paix final.

« C’est ce scepticisme qui l’a amené à se montrer très prudent, très conservateur, vigilant – ce qui a été la marque de fabrique de son approche de la diplomatie au Moyen-Orient », précise Indyk.

Historien et étudiant

Indyk explique qu’en écrivant son ouvrage, il a voulu raconter l’histoire de Kissinger à partir de deux points de vue – celui de l’historien d’abord, et celui d’un étudiant en master-class qui tente de comprendre et de tirer les leçons des efforts de paix livrés par Kissinger, le diplomate accompli, au Moyen-Orient.

Au fil de l’écriture, dit l’auteur, il a tenté d’éclairer les expériences vécues par Kissinger à la lumière des siennes. Il se souvient aujourd’hui des réussites et des échecs historiques qu’il a connus pendant sa propre carrière.

‘Master of the Game,’ de Martin Indyk. (Autorisation)

Indyk se rappelle ainsi d’une conversation privée déterminante avec le président américain Bill Clinton, au début des années 1990.

« Au cours de notre première discussion au sujet du Moyen-Orient, j’ai dit que nous pouvions mettre un terme au conflit israélo-arabe. Clinton m’a regardé et il m’a dit : ‘Je veux le faire’, » dit Indyk avec un gloussement teinté d’auto-dérision. « Nous avons connu finalement un succès considérable, quand tout nous a explosé au visage ».

Initialement, ces tout premiers efforts de réconciliation pacifique entre Israéliens et Palestiniens avaient été prometteurs. Au mois de septembre 1993, les accords d’Oslo avaient donné lieu à un moment prodigieux de l’Histoire, lorsque le Premier ministre Yitzhak Rabin avait serré la main de Yasser Arafat, chef de l’OLP, à la Maison Blanche, tandis que Clinton se tenait entre les deux hommes, médiateur de la paix. Deux ans plus tard, Arafat et Rabin étaient retournés à Washington pour la signature d’Oslo II.

Indyk avait travaillé en coulisses au poste de fidèle conseiller et négociateur de Clinton à ces deux occasions. Il était également présent à la Maison Blanche, au mois d’octobre 1998, pour observer la signature d’un accord qui avait renforcé la sécurité d’Israël tout en élargissant les secteurs contrôlés par les Palestiniens en Cisjordanie.

A cette occasion, Indyk était l’assistant de Madeleine Albright, secrétaire d’État aux Affaires du Proche-Orient. Mais il était peu probable que Yasser Arafat et Benjamin Netanyahu parviennent à faire la paix dans cette période incertaine, où le processus de paix battait de l’aile suite à l’assassinat d’Yitzhak Rabin.

Même après la mort de Rabin, il avait semblé y avoir encore de l’espoir pour la conclusion d’une paix durable sur la base des Accords d’Oslo. Mais quand la Seconde intifada palestinienne avait éclaté à Gaza et en Cisjordanie, dans les années 2000, le processus de paix israélo-palestinien avait été, une fois encore, réduit à néant.

« Tout s’est dissous dans l’Intifada », se souvient Indyk. « Et nous ne sommes jamais parvenus à revenir sur les rails, malgré les tentatives de quatre présidents américains ».

Regardant la carte du désengagement, de gauche à droite : le chef d’État-major Motta Gur, Harold Saunders (accroupi), Simcha Dinitz, Henry Kissinger, Shimon Peres, et Joe Sisco. (Crédit : David Hume Kennerly White House Photographs/Kissinger Papers at Yale University)

« Après Rabin et Arafat, nous n’avons plus eu de leaders capables d’amener les populations à soutenir le type de concessions que devaient faire les deux parties », explique Indyk.

Évoquant l’avenir, Indyk dit penser que les diplomates, à Washington – notamment les principaux acteurs au sein de l’administration Biden – doivent adopter une approche plus nuancée et plus réaliste s’ils veulent réussir à instaurer une stabilité politique durable dans la région dans un avenir proche.

Indyk note que la leçon de base de son livre est que pour apporter la paix au Moyen-Orient, il faut reprendre « le concept de Kissinger d’ordre légitime où l’équilibre, dans la balance du pouvoir, est du côté d’une force susceptible de maintenir la stabilité ».

« Mais ce n’est pas suffisant et Kissinger avait toujours su que ce n’était pas suffisant », continue-t-il. « Il est déterminant également de mettre en place un processus graduel doté d’une composante économique [pour la paix], mais qui doit aussi ouvrir un horizon politique ».

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