JTA — Rachel Dallet était en train de s’entraîner au football quand les sirènes d’alerte ont retenti.
C’était le 1er octobre et l’Iran tirait environ 200 missiles balistiques en direction d’Israël.
C’était la deuxième attaque de ce type cette année, mais la première pour Dallet, 22 ans, qui avait déménagé en Israël en juillet pour rejoindre le club de football Hapoel Jerusalem, actuellement en tête de la première ligue féminine d’Israël.
« Il y avait deux abris dans le centre d’entraînement alors nous avons toutes fait un sprint ; nous étions en sueur, avec nos chaussures à crampons et tout le reste », s’est souvenue Dallet. « Nous sommes restées là pendant environ une heure, je crois, parce qu’il y a eu de multiples sirènes. En réalité, un missile avait été détruit par un missile intercepteur juste au-dessus de notre terrain. »
La basketteuse Nikki Bick, 27 ans, a vécu une expérience similaire. Elle était arrivée en Israël seulement deux semaines auparavant et s’entraînait avec l’équipe féminine professionnelle Ironi Ness Ziona, une équipe de deuxième division. « C’était effrayant parce que c’était la première fois que j’entendais des détonations », a-t-elle raconté. « Des explosions, encore des explosions, toujours des explosions. Avec les sirènes qui retentissaient toutes les cinq minutes. »
Cette expérience est l’une des façons évidentes dont le vécu des athlètes a changé depuis qu’ils ont choisi de poursuivre leur carrière sportive en Israël plutôt qu’aux États-Unis. Les entraînements, là-bas, ne sont généralement pas interrompus par les sirènes d’alerte avertissant de l’arrivée imminente de missiles. Mais pour les deux jeunes femmes – comme pour Ryan Turell, ancien joueur de la G League de la NBA – Israël était un pays invitant à jouer professionnellement en dépit de la guerre sur plusieurs fronts.

Tous les trois ont posé leurs bagages en Israël après le pogrom commis par le Hamas dans le sud du pays, le 7 octobre 2023 – les terroristes palestiniens avaient massacré plus de 1 200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Ces sportifs d’origine américaine affirment avoir été attirés par la vie en Israël, ainsi que par l’écosystème sportif – plutôt européen – du pays, un écosystème susceptible de leur offrir un plan de carrière plus fiable que ce n’est le cas des ligues professionnelles américaines (très) compétitives.
« Ça a toujours été mon rêve de jouer au basket-ball au niveau professionnel en Israël, c’est le cas depuis que je suis au lycée et que je me dis que c’est possible », a dit Turell, 25 ans, ancienne star du basket-ball de la Yeshiva University (YU). Il s’est installé en Israël au mois de septembre après deux saisons passées en G League qui est, entre autres, la pépinière des futurs talents de la NBA. « J’ai toujours voulu le faire. »
Turell a signé avec l’équipe masculine de Ness Ziona, qui joue en première ligue israélienne de basket-ball. Ce natif de Los Angeles, qui a été le meilleur marqueur de la NCAA lors de sa dernière année en troisième division de la YU, était entré dans l’histoire en 2022 en devenant le premier joueur juif orthodoxe à jouer en G League.
Mais ses chances d’accéder à la NBA étaient faibles. En 54 matchs au sein de l’équipe Motor City Cruise, affiliée aux Detroit Pistons en G League, Turell n’a joué en moyenne que 13,3 minutes et il n’a marqué que 4,4 points par match. Il a expliqué avoir cherché un contrat d’un an avec une équipe qui lui permettrait « d’être vraiment exposé sur le terrain, mais qui me donnera aussi l’occasion d’acquérir de l’expérience en jouant un style de basket européen ».
Dallet, qui a joué en première division à l’Université du Wisconsin, estime de son côté que sa carrière de footballeuse aurait pu être interrompue si elle était restée aux États-Unis.
« Honnêtement, je ne prévoyais pas de jouer au football après l’université, comme le font la plupart des athlètes féminines car il est très difficile de devenir joueuse professionnelle aux États-Unis », a-t-elle dit. « J’avais déjà l’intention de partir en Israël et de faire mon alyah, c’était donc l’occasion rêvée de ne pas abandonner le football pour le moment. »
Pour sa part, Bick, qui est originaire du New Jersey et qui a joué au basket-ball au Stern College de l’Université de New York, a expliqué que c’est aussi la possibilité de poursuivre sa carrière professionnelle qui l’a déterminée à venir en Israël.
« Je me suis dit que si je m’installais là-bas, je pourrais peut-être aussi y jouer au basket et avoir l’occasion de me produire au niveau professionnel », a indiqué Bick. « Parce qu’aux États-Unis, si vous ne jouez pas en WNBA alors vous vous contenterez de jouer juste pour le plaisir – et jouer au basket-ball professionnellement [en Israël] est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. »
Poser ses valises en temps de guerre n’a pas été évident – mais les trois sportifs indiquent avoir voulu essayer de vivre l’aventure dans le pays également pour d’autres raisons que leur carrière. Comme la majorité des Juifs d’Amérique du Nord qui immigrent en Israël, ils ont fait leur alyah – le mot désignant l’immigration au sein de l’État juif en hébreu – par l’intermédiaire de Nefesh B’Nefesh, qui aide les Juifs américains et canadiens qui se décident à faire le grand saut.
Malgré les violences, Turell affirme qu’il considère toujours Israël comme un havre de paix pour les Juifs. « En tant que juif, si vous n’êtes pas en sécurité en Israël, vous n’êtes en sécurité nulle part dans le monde. C’est ce que je ressens », a-t-il expliqué. Il a ajouté avoir fait l’objet de menaces antisémites sur les réseaux sociaux.
« Vous entendez vos grands-parents et vos parents en parler, et vous vous dites : ‘Oui, mais ça ne peut pas nous arriver, ça n’existe plus aujourd’hui' », a-t-il déclaré en évoquant le problème de l’antisémitisme. « Et puis soudainement, il y a le 7 octobre et on se rend compte que ça existe, et c’est assez évident. »
Dallet reconnaît que l’essor de l’antisémitisme a joué un rôle dans sa décision de quitter les États-Unis. Elle se souvient d’être rentrée, en compagnie de quelques amis, d’une veillée pro-Israël, le 7 novembre 2023. Elle tenait à la main un drapeau de l’État juif quand un groupe d’hommes leur a jeté une pierre depuis un toit en criant « Libérez la Palestine », les traitant de « putains de fascistes ». La jeune femme et ses amis ont signalé l’incident à la police.

Dallet a grandi en fréquentant la Milwaukee Jewish Day School et le camp d’été OSRUI du mouvement réformé. Elle a participé à trois tournois internationaux avec l’organisation sportive Maccabiah et s’est rendue trois fois en Israël avant de faire son alyah. Elle a pris contact pour la première fois avec l’Hapoel Jerusalem lorsqu’elle était en Israël pour les Maccabiades de 2022, et le club a suivi la dernière partie de sa carrière universitaire et a commencé à discuter d’un contrat alors qu’elle approchait de la fin de ses études.
« Depuis les Maccabiades, honnêtement, je me suis dit que je voulais vivre ici », a déclaré Dallet peu de temps après son déménagement. « J’ai passé le meilleur moment de ma vie. Les gens ici, la nourriture, tout est si amusant. J’adore être entourée de personnes juives. C’est un sentiment différent quand on vient du Wisconsin, où l’on est minoritaire en tant que juif. »
Elle a été surprise par la normalité du quotidien en dépit de la guerre en cours.
« Tout le monde vit sa vie, et c’est ce qu’il y a de plus fou », a déclaré Dallet. « Parce qu’il y a cette guerre folle, mais tout le monde va au travail, s’amuse, passe du temps avec ses amis. C’est comme une vie normale ici, tout le monde continue à vivre. »
Bick, qui est également kinésithérapeute, est arrivée en Israël le 19 septembre en provenance de New York. Elle a dit qu’elle savait qu’elle voulait quitter New York et qu’elle avait toujours pensé que Tel Aviv serait un endroit idéal pour vivre. Son bail à New York arrivant à échéance, elle a décidé de faire le grand saut.
Bick a raconté qu’au moment où elle a décidé de faire son alyah, elle a contacté plusieurs équipes de basket-ball. Ness Ziona a été la seule équipe à accepter de la recruter sans lui faire passer d’essai.
Aujourd’hui, elle jongle entre son emploi à plein temps de kinésithérapeute et ses obligations en matière de basket-ball. Trois soirs par semaine, elle rentre chez elle après une journée de travail de huit heures et demie, mange un morceau et se rend à l’entraînement. Elle a indiqué que la dynamique sociale en Israël est sensiblement différente, se souvenant d’une fois où, alors qu’elle portait des meubles, un étranger s’est approché d’elle, sans être sollicité, pour l’aider.
« Aux États-Unis, on ne ressent pas cela », a-t-elle dit. « On n’a pas l’impression d’avoir des gens autour de soi qui nous soutiennent en permanence. Ici, on a l’impression qu’il y a toujours quelqu’un pour nous aider et nous encourager. Je ne me sens pas seule. »

Selon Dallet, ce sentiment de camaraderie s’étend à son équipe. Une grande partie de l’équipe vit dans le même immeuble à Jérusalem et passe beaucoup de temps ensemble en dehors des entraînements.
« Lorsqu’il est question de football, nous parlons tous à peu près la même langue », a-t-elle déclaré.
« Nous voulons tous gagner. Tout le monde a le même objectif en tête : remporter le championnat. Dans les vestiaires, c’est donc plutôt normal, standard, comme à l’université ou dans un club. »
Parler la même langue a été plus difficile. Alors que de nombreux Israéliens parlent anglais, les équipes sportives professionnelles utilisent l’hébreu. Dallet a expliqué avoir trouvé un emploi à temps partiel dans un café, en partie pour améliorer son hébreu.
« La barrière de la langue rend parfois difficile l’établissement de liens plus profonds », a-t-elle noté. Cependant elle a ajouté que « lorsqu’il s’agit de football, nous sommes tous sur la même longueur d’onde ».
Les trois athlètes ont expliqué avoir dû s’adapter à un style de jeu différent de celui qu’ils avaient l’habitude de pratiquer aux États-Unis.
« Ils ont beaucoup de jeux fixes et d’endroits où vous devez être en attaque, comme chaque fois que vous descendez le terrain, c’est un jeu fixe », a indiqué Bick. « Aux États-Unis, c’est plus comme un jeu libre, plus en mouvement. On a l’impression d’être dans le jeu. Ici, c’est plus structuré. »
Turell a également déclaré avoir remarqué une différence directe dans le style, qui est, selon lui, plus stratégique et moins athlétique qu’aux États-Unis.
« On pense vraiment au jeu plus qu’on ne le joue. Il y a beaucoup de stratégie, beaucoup plus que dans le jeu de style NBA. »
Les enjeux sont également différents pour Turell. Il a expliqué qu’en G League, qui existe pour servir de tremplin vers la NBA, l’accent était davantage mis sur l’amélioration personnelle. En Israël, où il évolue dans la ligue la plus prestigieuse, il s’agit avant tout de gagner.
« En G League, il y a 52 matchs, vous pouvez en laisser passer quelques-uns », a déclaré Turell. « Ici, il est question de gagner, d’essayer de faire progresser l’organisation. »
Dallet, elle aussi, a déclaré qu’elle avait dû adapter son approche au style de football pratiqué en Israël et dans toute l’Europe. Mais son constat est contraire à celui des joueuses de basket-ball : le jeu israélien est, selon elle, moins stratégique.

« Ici, le jeu est beaucoup plus physique et moins tactique », a-t-elle noté. « Nous venons de l’université, où il n’y a que des tactiques et je dirais que le football est plus beau. Ici, c’est plus physique et plus agressif, ce qui a été un grand défi au début. »
Concernant l’avenir, les trois athlètes ont déclaré qu’ils prenaient les choses une année à la fois.
Bick a déclaré qu’étant donné son historique en matière de blessures, « le fait que je sois encore capable de jouer à ce niveau est incroyable ». Dallet a dit qu’elle envisageait de faire des études supérieures.
Pour Turell, l’objectif est « d’atteindre mon maximum en tant que joueur de basket », quel qu’il soit.
« Si on m’avait dit au lycée que j’allais jouer en G League, j’aurais dit : ‘Ouais, de quoi tu parles ? Tu ne sais pas de quoi tu parles’ », a souligné Turell.
« À l’université, si on m’avait dit que des équipes de la NBA allaient commencer à venir à mes matches, j’aurais dit : ‘Mec, de quoi tu parles’ ? »
« Il s’agit donc de prendre un jour à la fois, de travailler et de laisser le travail me mener là où il me mènera », a-t-il ajouté.
Une carrière professionnelle en Israël pourrait-elle être une voie d’accès à la NBA, où Turell deviendrait le tout premier joueur orthodoxe de la ligue ? Il ne serait pas le premier à faire ce saut : Omri Casspi, le premier Israélien à jouer en NBA, et Deni Avdija, actuellement le seul Israélien de la NBA, ont tous deux rejoint la NBA après avoir joué professionnellement en Israël. D’autres, comme Amare Stoudemire et Patrick Beverley, ont joué en Israël après une carrière couronnée de succès en NBA.
« C’est sûr, oui, ce serait un rêve », a déclaré Turell.
« Ce serait incroyable. »