Israël en guerre - Jour 366

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Ramy (Ramy Youssef), à gauche, et Yuval (Julian Sergi) se rendent en Israël ensemble pour affaires dans la troisième saison de la série Hulu "Ramy." (Avec la permission de Jon Pack/Hulu via la JTA)
Ramy (Ramy Youssef), à gauche, et Yuval (Julian Sergi) se rendent en Israël ensemble pour affaires dans la troisième saison de la série Hulu "Ramy." (Avec la permission de Jon Pack/Hulu via la JTA)

Ramy Youssef parle de son tournage en Israël et de l’écriture des personnages juifs

Le créateur de la série « Ramy » évoque la mort de Shireen Abu Akleh, qui a compliqué son séjour au Moyen-Orient, le casting des Juifs et du rabbin qui l’a inspiré

Ramy (Ramy Youssef), à gauche, et Yuval (Julian Sergi) se rendent en Israël ensemble pour affaires dans la troisième saison de la série Hulu "Ramy." (Avec la permission de Jon Pack/Hulu via la JTA)

SPOILER ! Cet article contient des détails sur la troisième saison de « Ramy », sur Hulu.

JTA – Ramy Youssef s’attendait à quelques difficultés au moment de produire la troisième saison de « Ramy », série plusieurs fois récompensée qui raconte l’histoire d’un millenial musulman américain et qui, étonnamment, a remporté un grand succès chez les Juifs américains.

Mais il ne s’attendait certainement pas à un incident international comme la mort de la journaliste palestino-américaine, Shireen Abu Akleh, lors d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie, au moment où « Ramy » tournait en Israël.

Dans cette saison, Ramy se rend en Israël avec son associé, un juif orthodoxe, pour se lancer dans le commerce des diamants et conclure un accord. Il en profite pour se rendre en Cisjordanie, où il se trouve confronté à un mélange de banalité et de violence.

Des membres de l’équipe locale de tournage avaient travaillé avec Abu Akleh par le passé, et Youssef et ses camarades de casting, parmi lesquels des Juifs américains et israéliens, se sont joints à la foule rassemblée près d’une église de Jérusalem pour ses obsèques.

Ils ont dû renoncer à leur projet de tourner en Cisjordanie, à cause des tensions qui couvaient. « Cela a eu des conséquences sur l’ensemble de notre tournage », explique Youssef à la Jewish Telegraphic Agency à propos de la mort d’Abu Akleh.

« Nous sommes finalement restés du côté de Jérusalem/Haïfa, et nous avons davantage tourné à Haïfa à cause de cela. »

Il n’est pas rare que des séries consacrées à des Juifs américains incluent une partie “Voyage en Israël”, que ce soit « Transparent » d’Amazon ou un épisode à venir de « The Marvelous Mrs. Maisel ».

Mais le voyage de « Ramy » est plus singulier et sa vision d’Israël est celle de ses personnages arabo-américains.

Youssef n’a pas hésité à mettre un peu de lui et de ses précédents séjours en Israël dans l’intrigue, mais pour Julian Sergi, l’acteur juif qui incarne l’associé et ami de Ramy, Yuval, il s’agissait bel et bien d’une première.

« C’était une version très bizarre de Taglit, avec les acteurs et l’équipe de Ramy. Mais c’était merveilleux et très riche d’enseignements », confie Sergi à la JTA.

« Je n’étais jamais venu avant », ajoute Sergi, qui précise avoir grandi dans une famille interconfessionnelle de la banlieue de Chicago. « On nous dit que c’est peut-être un peu dangereux … Les tensions sont fortes. Il y a un conflit. Et c’est vrai, la tension était forte. A deux pas de mon hôtel, il y a eu des manifestations et des incidents. »

Dans cette saison, le voyage en Israël a lieu au moment où Ramy (le personnage principal) est un peu perdu entre ses croyances religieuses, son mariage raté et la relation gâchée avec son mentor, un cheikh.

Alors que peu de choses le relient encore à sa spiritualité, Ramy est bien décidé à se faire une place dans l’industrie des bijoux en travaillant pour son oncle, le très sectaire Naseem, un « ennemi de l’égalité des chances » comme Youssef le dit, dans le quartier des diamantaires de New York, aux côtés de nombreux Juifs orthodoxes.

« Nous sommes une équipe maintenant », dit Yuval à Ramy. « Comme Moïse et les Égyptiens. »

« Tu sais que c’était une relation totalement malsaine ? » lui rappelle Ramy.

Les propos de Ramy sonnent comme l’avant-propos de ce qui va lui arriver tout au long de cette saison.

Dans le cadre de ses débuts dans la profession avec des partenaires israéliens, Ramy doit rencontrer à Jerusalem la grande cheffe, Ayala, fille d’un survivant de la Shoah, avec laquelle il a un échange embarrassant, fait de douleur et de tendresse.

« J’espère que ce sera vu comme quelque chose de positif et constructif », confie Youssef à la JTA à propos des histoires arabo-israéliennes et judéo-musulmanes qui émaillent la série, lui dont les parents ont immigré aux États-Unis depuis l’Égypte.

« J’espère que cela montre ce que nous avons en commun, plutôt que ce qui nous divise. »

« Voir à l’écran des juifs et des musulmans amis est une excellente chose », confirme Sergi. « En tant que juif américain, je suis fier d’avoir joué le rôle d’un Juif américain dans cette série qui parle finalement beaucoup de religion. »

La JTA s’est entretenue avec Youssef lors du tournage en Israël et a évoqué avec lui ce qui fait l’identité arabe américaine, les relations de Ramy avec les personnages juifs et la manière dont un célèbre rabbin l’a accompagné dans sa propre quête spirituelle.

Cet entretien a été légèrement remanié pour des motifs liés à la longueur du texte et à sa clarté.

JTA : Quel effet cela fait de filmer en Israël ?

Youssef : Il se passe toujours quelque chose d’inattendu. La journaliste Shireen Abu Akleh a été tuée pendant que nous étions là-bas. Et cela a naturellement affecté tout notre programme de tournage.

Nous avons fini par rester du côté de Jérusalem/Haïfa, et nous avons davantage tourné à Haïfa à cause de cela. Les équipes ont été géniales. Nous avions de très bons acteurs. L’un d’entre eux, qui n’avait jamais quitté Jénine, n’avait pas de permis. Il fait partie d’une troupe de théâtre appelée Freedom Theatre [Le Théâtre de la Liberté]. Nous lui avons obtenu un permis pour qu’il puisse venir tourner : c’est vraiment cool. Non seulement nous avons pu le faire venir et il a tourné dans la série, mais en plus il a pu aller à la plage.

Des Palestiniens agitent des drapeaux au passage du cortège portant le cercueil de la journaliste d’Al-Jazeera, Shireen Abu Akleh, près de la porte de Jaffa, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 13 mai 2022. (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

Une fois arrivé en Israël pour le tournage, avez-vous dû changer des choses dans le script ?

L’épisode était très écrit. L’équipe de scénaristes est composée d’Américains, pour la plupart, un joyeux mélange d’Américains musulmans et d’Américains juifs.

Nous voulions évoquer ce qui est le plus pertinent du point de vue américain. Je pense que l’essentiel est dit lors des échanges entre Ramy et Ayala.

Lors d’un festival d’humour palestinien, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs personnes et ce qui revenait, c’était : « Je veux juste pouvoir voter comme tout le monde dans la région, la Palestine, Israël – je veux juste voter et je veux juste être entendu. » Je n’ai pas perçu d’obsession quant à la manière dont on appellerait le pays. Ils veulent simplement un endroit à eux.

On a rapidement su que c’était ce que nous voulions dire : quel est le prix à payer pour avoir un État-nation ?

J’aimerais revenir sur la scène dans laquelle on voit les diamantaires atterrir à Tel Aviv. L’oncle de Ramy, Naseem, qui est Palestinien, est interpellé et ne quitte pas l’aéroport. Les spectateurs ne savent pas pourquoi il est interpellé. Quelles peuvent en être les raisons ?

Nous ne sommes pas entrés dans les détails, c’est vrai. Cela m’arrive à chaque fois que je vais en Israël. Je m’y suis rendu à plusieurs reprises. Cette fois, on m’a retenu pendant environ trois heures et demie. La fois d’avant, sept heures et demie. Les gens sont souvent expulsés. Nous avons eu le sentiment que la raison, en soi, n’avait pas d’importance. Il s’agit plus d’un symbole : il est difficile d’y aller et il est difficile d’y entrer.

Ramy Youssef dans la saison 3 de « Ramy », sur Hulu. (Capture d’écran/YouTube ; utilisé conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Passons aux relations de Ramy. Compte tenu de son histoire amoureuse, ses relations avec les Juifs sont-elles toujours basées sur l’argent ? Ou toutes ses relations avec tout le monde tournent-elles toujours autour de l’argent ?

Si vous regardez bien la série, il est clair que ses relations avec tout le monde relèvent de la transaction.

Notre manière de faire rire et le regard que nous portons sur nos personnages montre que nous faisons avec leurs défauts et leurs motivations.

C’est une série qui évoque la personnalité plus ou moins élevée de ses personnages. Il y a les grands et bons côtés, et les côtés plus sombres, moins reluisants. J’ai le sentiment que nous exploitons pour l’essentiel ces derniers traits de caractère. Si l’on se penche en arrière et que l’on essaie de retrouver la voix de la raison de Ramy, on retombe sur cette scène où Yuval lui dit, après cette conférence musulmane où il s’est vendu spirituellement : « Ce n’est pas bien. »

Je voulais que l’on parvienne au point où Yuval se dise : « Mec, je pensais que nous essayions tous les deux de trouver le salut, ou quelque chose d’approchant. Mais je me rends compte que je n’ai rien à voir avec tout ça. » Et c’est comme si Yuval était ému de se sentir ainsi sorti de cette aspiration. Ce qui filtrait doucement depuis la première saison et apparaît clairement dans la troisième est que le capitalisme est un énorme obstacle à l’amour et à l’épanouissement spirituel. Le capitalisme, pour moi, éradique toute chance de salut spirituel pour qui que ce soit. Pour moi, la relation Ramy-Yuval en est une preuve. Et je pense que Yuval s’en aperçoit bien avant Ramy.

Yuval, tout comme Ramy, est imparfait et parfois incohérent avec ses propres règles, mais il se soucie vraiment de lui.

Dans une interview à NPR, vous avez utilisé le terme « Allah carte musulmane » pour décrire votre pratique religieuse. Lors d’un dîner la semaine dernière, j’ai entendu quelqu’un utiliser le terme « juif a la carte », pour désigner quelqu’un qui choisit les traditions ou les règles qu’il respecte. Voulez-vous dire que Yuval et Ramy ont cela en commun ?

J’ai toujours beaucoup adoré l’expression « mazel tov ». Tout le monde dit mazel tov. Je pense qu’il y a quelque chose de vraiment très beau la-dessous. Et j’aime aussi l’idée de pouvoir dire « Inshallah ». J’aime l’idée de faire les deux.

Un de mes passages préférés de la série est celui du « non-Noël », que j’ai partagé avec les enfants juifs de ma ville. Je me souviens d’avoir grandi ainsi. Mon père me disait d’eux, également privés de Noël : « Oui, ce sont nos cousins. »

Pour orienter les personnages dans l’industrie de la bijouterie, je me suis inspiré d’un de mes amis, dont la famille est l’une des rares familles libanaises du Quartier des Diamantaires. C’est quelque chose d’y aller, d’écouter les blagues qui s’échangent d’un stand a l’autre, tristes, nulles, un peu lestes… et à la fin « Très bien mec, à demain. »

Il y a un passage un peu comme ça au début du premier épisode, quand Naseem parle à son collègue et son collègue lui dit : « Oui, tu es antisémite » et il dit : « Non, je déteste tout le monde ! Allez, mec! »
Et ils vont s’installer dans le même bureau. Il y a une vraie énergie dans le fait de savoir « nous pouvons ne pas être d’accord, mais on se revoit demain » que j’aime particulièrement dans ce quartier, qui est vrai également dans tout New York.

C’est cette énergie qui baigne la série et les dialogues, les situations.

La plupart, sinon tous les personnages juifs sont joués par des acteurs juifs. De la même manière que la plupart des personnages musulmans et arabes sont joués par des acteurs musulmans et arabes. Est-ce voulu ?

Le plus important, pour moi, c’est le talent d’acteur. Toujours. Et tout de suite après, j’ai à cœur que le rôle soit tenu par quelqu’un qui le représente bien, parce qu’il aura les bons réflexes, le bon vécu.
Même s’ils n’influencent pas le dialogue, ces facteurs déterminent quelque part la crédibilité et la conviction. Si nous avions pris quelqu’un qui n’est pas israélien pour jouer Ayala, je pense que cela aurait sonné faux. Même si elle n’incarne pas tous les Israéliens, elle m’évoque beaucoup d’Israéliens que j’ai rencontrés, que ce soit en Israël ou aux États-Unis.

Nous ne faisons pas « Mrs. Maisel ». Ces scénaristes ont a l’évidence de très bonnes bandes dessinées juives. Et le stand-up de cette série est très réaliste. Mais j’ai découvert, il y a tout juste deux mois, que personne dans le casting n’était juif. [En effet, la plupart des acteurs de premier plan ne sont pas juifs.] Et je n’en savais rien.

Comment écrire sur des personnages juifs complexes, parfois antipathiques, comme Ayala, sans dévier dans ce que certains pourraient qualifier de stéréotype antisémite ? Comment raconter l’histoire sans vous pencher sur des choses qui ont été faites auparavant et qui sont potentiellement nuisibles ?

La conversation que Ramy a avec elle quand il vit ce qu’il vit dans cet épisode est très humaine.

Cette saison est très ancrée à Yuval. Si vous regardez notre deuxième saison, Ramy va faire des affaires avec ce gars émirati qui pourrait clairement être considéré comme un méchant, comme un stéréotype. Je pense que la dynamique est plus autour des efforts capitalistes, ce que nous avons fait avec un Émirati très riche dans la saison deux, et dans cette saison nous le faisons dans le Diamond District.

Ramy Youssef avec le prix de la meilleure performance d’un acteur dans une série télévisée, musicale ou comique, pour « Ramy » lors de la 77e cérémonie annuelle des Golden Globe Awards au Beverly Hilton Hotel le 5 janvier 2020 à Beverly Hills, en Californie (Crédit : AP/Chris Pizzello)

Je vois les choses de façon holistique. Je le vois comme un spectacle entier. Et je pense que nous voyons des côtés vraiment complexes de chacun.

Dans la première saison, Sarah [l’ancienne amoureuse juive de Ramy] est peut-être la personne la plus aimante de sa vie. Et je pense que dans la saison trois, encore une fois, Yuval est vraiment une voix de raison pour lui.

C’est donc juste une question d’équilibre. Je ne voulais pas avoir peur de faire en sorte qu’un personnage dans le monde du diamant ou en Israël ait un avantage. Parce que je pense qu’avoir aucun avantage serait presque un mauvais service aussi, parce que c’est la réalité de ce monde. Cela va dans les deux sens. Et je ne pense pas que cela ait quelque chose à voir avec le judaïsme.

Dans la série, Ramy dit à Ayala : « Je sais que nous avions l’habitude de nous entraider. Pourquoi ne pourriez-vous pas m’aider avec cette chose ? » Et elle est juste un peu comme, « Je ne suis pas la présidente. C’est tellement plus grand que moi. Et j’ai essayé. Et il se demande – avez-vous essayé ? N’est-ce pas ? Et il ne sait pas. Et je pense que nous laissons cela ouvert pour ce que nous espérons pouvoir construire pour une saison quatre.

Mais écoutez, personnellement, je prends cela très au sérieux, en termes de tout ce qui se sent antisémite, tout ce qui se sent islamophobe. C’est quelque chose dont nous avons parlé dans la salle, évidemment. Encore une fois, nous avons une salle diversifiée entre les écrivains musulmans et juifs et mon co-créateur Ari Katcher et moi en avons beaucoup parlé. Et s’assurer de ce que nous voulons dire. Et je pense que nous nous attaquons au capitalisme ici.

Dans le judaïsme, nous avons ce terme « kavanah », qui est utilisé pour décrire l’intention dans la prière. Quand je regardais la dernière scène du dernier épisode, je pensais que c’était ce que votre personnage vivait. Y a-t-il un terme pour cela dans l’islam ?

Abraham Joshua Heschel (Crédit : Domaine public)

Je ne sais pas s’il y a un terme spécifique. C’est possible, mais c’est peut-être au-dessus de ma tête. Mais quand j’ai commencé à étudier l’arabe ces dernières années, à apprendre la langue et à apprendre les prières, le livre que mon professeur m’a donné sur l’intention dans la prière est « La quête de Dieu de l’homme », par Abraham Joshua Heschel. Et mon professeur a dit : « C’est le meilleur livre sur l’intentionnalité de la prière en langue anglaise. »

Et la façon dont Heschel parle de l’intention par la prière est l’une des choses les plus universelles que j’ai jamais lues, dans la façon dont Rumi – et Rumi a été dépouillé de son sens islamique – mais dans la façon dont la poésie de Rumi autour de l’amour et de l’islam est un phénomène mondial.

Je pense que les pensées de Heschel sur la prière sont très pertinentes pour toute personne qui cherche à se connecter avec l’invisible. Et je pense que cette scène finale n’est qu’une prière vraiment intentionnelle.

C’était aussi par cette conception aussi, où Ramy est au téléphone avec Yuval et c’est la relation qui était censée être la relation spirituelle pour lui, puis il va faire cette prière. Nous avons aussi beaucoup réfléchi à cette relation. Qu’est-ce que c’est que cette fissure ouverte ? Et je pense qu’il y a beaucoup plus pour cette relation, j’espère dans la saison quatre.

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