Israël en guerre - Jour 431

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Le dernier match de futsal entre les États-Unis et l'Australie dans le cadre des Maccabiades à Jérusalem, le 22 juillet 2022. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)
Le dernier match de futsal entre les États-Unis et l'Australie dans le cadre des Maccabiades à Jérusalem, le 22 juillet 2022. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)
Commentaire

Réflexion sur les Maccabiades et ce qu’elles représentent en Israël et dans le sport

Ces festivités sportives étaient autrefois synonymes de « judaïsme du muscle » ; aujourd’hui, elles sont plus axées sur le plaisir, les amis et pourquoi pas une éventuelle alyah

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Les Maccabiades, qui se sont achevées le 26 juillet, ont depuis longtemps dépassé leur objectif initial, et ont depuis trouvé un nouveau sens.
Le mouvement Maccabi était l’extension institutionnelle de ce que le penseur sioniste Max Nordau a surnommé le « judaïsme du muscle » il y a plus de 120 ans, une croyance selon laquelle pour que le peuple juif se construise en tant que nation, il devait d’abord développer ses biceps, triceps et deltoïdes.

Dans l’esprit de Nordau, les Juifs de l’époque étaient des gringalets, des étudiants de yeshiva au dos voûté et aux lunettes épaisses – pas le type de personnes dont on a besoin pour établir une patrie nationale. Pour cela, il fallait un « nouveau Juif ». Il se languissait d’une histoire imaginée dans laquelle les Juifs étaient un peuple athlétique.

« Redevenons des hommes au torse saillant, avec des corps d’athlète et au regard hardi… Pour aucun autre peuple, la gymnastique ne remplira un but plus éducatif que pour le nôtre, le peuple juif. Elle redressera notre corps et notre caractère… Nous devons élever une jeunesse agile, souple et musclée qui doit se développer à l’image de nos ancêtres, les Hasmonéens, les Maccabées et Bar Kokhba. Elle doit parfaitement être à la hauteur des combats héroïques de toutes les nations », a déclaré Nordau dans un discours prononcé lors du deuxième congrès sioniste en 1898, à Bâle.

Pour passer sous silence et simplifier une histoire fascinante – y compris celle d’un club d’escrime juif turc formé des années avant le discours de Nordau – ce discours a conduit à la création de plusieurs clubs d’athlétisme juifs dans le monde entier et finalement à la formation de l’Union Mondiale du Maccabi en 1921 et aux premières Maccabiades, il y a 90 ans.

L’organisateur de ces jeux, Yosef Yekutieli, fondait de grands espoirs.

« Ils étaient destinés à présenter au monde le développement du corps juif », a écrit Haim Kaufman, professeur à l’Institut Wingate d’Israël, dans un article de 2013 sur les Maccabiades.

Max Nordau (photo credit: Wikimedia Commons)
Max Nordau (Crédit : Wikimedia Commons)

Yekutieli avait également d’autres aspirations : la tenue des jeux dans la Palestine mandataire de l’époque renforcerait la centralité de la terre d’Israël et le concept même de peuple juif ; les concurrents « ne faisaient pas seulement partie de leur pays d’origine mais faisaient partie du peuple juif dans sa globalité ».

Ces derniers objectifs sont restés fermement en place pour les jeux – les organisateurs vantent d’ailleurs le grand nombre d’athlètes qui immigrent en Israël à la suite des jeux – mais l’objectif premier du « judaïsme du muscle » de Nordau est depuis longtemps tombé en désuétude.

« De nos jours, il s’agit moins d’une compétition sportive, et plus de culture et d’un rassemblement des Juifs du monde entier », a déclaré Yair Galily, professeur à l’université Reichman, au Times of Israel. « Le judaïsme du muscle a perdu son sens premier au fil des années ».

Du judaïsme du muscle à Taglit

Au lieu de cela, les jeux sont devenus pour la plupart des participants un voyage sportif type « Birthright », même s’ils sont loin d’être gratuits. (À titre d’exemple, les athlètes des États-Unis et du Canada ont chacun déboursé 8 000 dollars pour avoir la chance de concourir).

« C’est une occasion de rencontrer d’autres Juifs, peut-être même de se marier avec l’un d’entre eux, et de montrer qu’il existe un autre endroit où aller si les choses tournent mal là d’où l’on vient », a déclaré Galily.

En effet, la plupart des événements des Maccabiades auxquels le Times of Israel a assisté au cours de ces deux semaines ont été extrêmement conviviaux, les membres des différentes délégations se mélangeant et discutant les uns avec les autres.

À l’exception de quelques sports – basket-ball, football, et volley-ball – pour lesquels l’intérêt est suffisant dans presque tous les pays pour que toutes les équipes aient un niveau similaire, la plupart des événements comprenaient un large éventail de participants, des amateurs aux athlètes olympiques, ce qui signifie que de nombreux matchs n’étaient pas particulièrement compétitifs.

Chelsey Goldberg, à droite, capitaine de l’équipe féminine de hockey sur glace des Maccabiades panaméricaines. (Crédit : Capture d’écran/Twitter)

Alors que certains athlètes, en particulier les amateurs, ont exprimé leur frustration face à ce déséquilibre – imaginez dépenser autant d’argent pour voyager à l’autre bout du monde et vous faire « massacrer » par des athlètes qui ont participé aux Jeux olympiques de Tokyo l’année d’avant – cela signifie également que les jeux eux-mêmes étaient quelque peu « hors cadre ».

« Lors de certains événements, les jeux étaient vraiment compétitifs », a déclaré Galiliy. « Mais pour la plupart des événements, il s’agissait plus de rencontres sociales à l’occasion des jeux ».

À titre d’exemple, Michael Fiss de Genève, était l’un des rares joueurs de badminton à s’être rendu en Israël cette année. Lui et sa partenaire Shirly Nahmani ont tous deux été battus à plates coutures par des joueurs bien, bien plus expérimentés.

« Les Maccabiades sont plus un divertissement amical qu’une véritable compétition », a déclaré Fiss au Times of Israel en marge du tournoi de badminton, peu après avoir perdu un match en double. « C’était une occasion de participer à un tournoi, de juger mon niveau et d’apprendre des autres joueurs ».

Mais si le jeu n’est pas forcément au centre des préoccupations, les Maccabiades n’en sont pas moins un événement sportif majeur, l’un des plus importants au monde et sans doute le plus grand événement sportif d’Israël.

La cérémonie d’ouverture des Maccabiades où des milliers de concurrents venus du monde entier pour participer aux Maccabiades, surnommés les « Jeux olympiques juifs », à Jérusalem, le 14 juillet 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Les chiffres sont en effet impressionnants – des milliers de participants venus du monde entier – bien que quelque peu gonflés. Pour la promotion, les organisateurs des Maccabiades ont affirmé que « plus de 10 000 athlètes »participent aux jeux. (À titre de comparaison, environ 11 000 athlètes ont pris part aux Jeux olympiques de Rio de 2016 – avant la pandémie). Cependant, le nombre de concurrents réels était de 3 000. Les 7 000 autres personnes étaient des entraîneurs, du personnel et des membres de la famille des athlètes.

« Compte tenu de l’énorme quantité de personnes qui viennent du monde entier et du nombre de personnes qui sont impliquées sur place, c’est un exploit, malgré la pandémie, malgré l’économie. Ces chiffres sont vraiment impressionnants », a déclaré Galily.

Les jeux ont également eu un effet durable, puisqu’ils se sont poursuivis presque sans interruption pendant 90 ans. Ce n’est que pendant la Seconde Guerre mondiale qu’ils ont été purement et simplement annulés ; l’édition de cette année devait avoir lieu l’année dernière mais a été reportée en raison de la pandémie de la COVID-19.

L’Israélien Yoel Slutzky soulevant une barre d’haltère pendant le segment de l’arraché de la compétition d’haltérophilie des Maccabiades à Jérusalem, le 19 juillet 2022. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)

Shayna Weiss, directrice associée du Schusterman Center for Israel Studies de l’université Brandeis, a déclaré que les Maccabiades s’étaient effectivement éloignés de leur objectif idéologique initial.

« C’est maintenant Birthright-esque », a déclaré Weiss, en précisant rapidement : « Je ne dis pas ça comme une critique ».

Bien que des stéréotypes négatifs circulent encore sur les Juifs et le sport, à bien des égards, dit-elle, ces concepts de « nouveaux Juifs » ont pris racine. Des décennies d’athlètes juifs très en vue – de Sandy Koufax et Mark Spitz à Omri Casspi et Julian Edelman – en ont témoigné.

« Il y a toujours de mauvaises blagues sur les Juifs qui ne font pas de sport, sur les Juifs qui possèdent une équipe mais qui ne jouent pour aucune équipe », a déclaré Weiss. « Raison pour laquelle je ne pense pas que l’on puisse totalement faire abstraction de cet aspect, mais je ne pense pas qu’il soit aussi dominant qu’autrefois. »

Pays juif, grand pays, petit pays

Les Maccabiades n’ont pas nécessairement la même signification pour tous les participants. Pour les participants d’Israël – de loin la plus grande délégation – l’événement signifie une chose ; pour ceux qui viennent de pays ayant de grandes communautés juives comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, cela signifie autre chose ; enfin, pour ceux qui viennent de pays ayant de petites communautés juives, parfois même extrêmement petites, les Maccabiades représentent quelque chose de complètement différent.

« Il y a une différence entre les délégations des grands pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, qui viennent montrer leur force et leurs liens avec la société israélienne, et les petites communautés du reste du monde », a déclaré Galily.

« Pour eux, c’est le point culminant de leur activité à l’internationale. Ils cherchent à maintenir des liens avec Israël et avec des pays plus établis ; et les Maccabiades sont une excellente occasion de le faire », a-t-il ajouté.

Le dernier match de futsal entre les États-Unis et l’Australie dans le cadre des Maccabiades à Jérusalem, le 22 juillet 2022. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)

Pour ces petites communautés juives, en particulier les communautés pauvres d’Asie centrale et de certaines régions d’Amérique du Sud, les Maccabiades ont été l’occasion d’interagir avec un grand nombre d’autres Juifs et de se considérer comme faisant partie d’un plus grand peuple, à un niveau mondial.

Bien qu’Israël soit toujours le siège officiel de l’Union Mondiale Maccabi et qu’il ait été le cœur battant du mouvement sportif juif, pour les Israéliens, les Maccabiades ont perdu une grande partie de leur signification.

Au lieu de représenter l’un des sommets du peuple juif, les jeux ont fini par être considérés comme étant de « second ordre » : les « Jeux olympiques juifs », pas les vrais Jeux olympiques.

« Les gens sont devenus cyniques à propos des Maccabiades. Ils considèrent que c’est ridicule, que le niveau athlétique des jeux n’est pas suffisant. Elles ont perdu de leur gloire », a déclaré Galily.

Galily, qui fait des recherches sur le lien entre le sport et la société, a déclaré que la vision israélienne actuelle des Maccabiades est représentative d’un changement plus large qui s’éloigne des idéologies collectives du passé pour aller vers une vision plus individualiste du monde.

« Il y a eu un changement dans la société israélienne, passant d’une attitude très sioniste à une attitude très cynique. Nous sommes dans la phase suivante du sionisme. La société israélienne est devenue égocentrique et individualiste. L’idéalisme collectif s’est perdu », a-t-il déclaré.

Kaufman, l’un des autres grands chercheurs sur le mouvement Maccabi, l’a également noté dans son article en 2013 : « Le public en Israël s’est désintéressé de l’événement, et les Maccabiades ne recueillent qu’une faible couverture dans les médias israéliens. À part la cérémonie d’ouverture, qui est retransmise en direct, il n’y a presque pas d’émissions ou de reportages sur les événements sportifs qui se déroulent dans le cadre des Maccabiades, et les compétitions qui s’y déroulent ne sont, la plupart du temps, suivies que par un très petit nombre de supporters. »

C’était effectivement le cas cette année, la plupart des reportages dans la presse israélienne se sont arrêtés après la cérémonie d’ouverture (Joe Biden était là ! Les lumières se sont éteintes !) ; la plupart des événements ont eu des audiences extrêmement faibles, à l’exception de quelques disciplines très médiatisées, comme le hockey sur glace et le basket-ball.

Le président américain Joe Biden, le premier ministre Yair Lapid et le président Isaac Herzog à la cérémonie d’ouverture des Maccabiades à Jérusalem, le 14 juillet 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Galily, qui a tout de même regardé quelques matchs de squash, a déclaré que cela n’était pas seulement dû à un désintérêt national, mais également à une raison pratique : les jeux se déroulent pendant les vacances d’été de la plupart des Israéliens.

« Beaucoup de gens ne sont pas là – ils sont hors du pays en ce moment », a-t-il dit.

Qui a gagné ? Israël, bien sûr

Malgré le désintérêt général, les Israéliens ont été de loin les plus grands gagnants des Maccabiades de cette édition, la délégation israélienne ayant remporté un total de 1 468 médailles : 592 médailles d’or, 472 d’argent et 404 de bronze. Cela représente cinq fois plus de médailles que la délégation américaine, arrivée en deuxième position, qui a remporté 87 médailles d’or, 109 d’argent et 78 de bronze, et 15 fois plus que la délégation argentine, arrivée en troisième position, avec 35 médailles d’or, 25 d’argent et 33 de bronze.

Toutefois, ce résultat n’est pas nécessairement aussi impressionnant qu’il n’y paraît pour Israël, car il est moins dû au niveau des concurrents israéliens qu’au fait que les Israéliens ont participé à presque toutes les disciplines. Dans certaines disciplines, plus d’un athlète israélien participait à l’épreuve, tandis que certaines grandes délégations étrangères n’avaient aucun concurrent voire même aucune équipe.

C’était particulièrement vrai pour l’athlétisme, qui était lui-même composé de 28 épreuves individuelles. Dans beaucoup d’entre elles, plus de la moitié des concurrents faisaient partie de la délégation israélienne, ce qui donnait à Israël, rien que par le nombre, une plus grande chance de remporter une médaille. Le concours du lancer du marteau chez les hommes, par exemple, ne comptait que des concurrents israéliens, ce qui garantissait à la délégation israélienne trois médailles, quelle que soit sa performance. (Victor Zagynayko a remporté l’or avec un lancer de 51,5 mètres).

L’équipe de football argentine des 35 ans -et plus- célébrant sa médaille d’or aux Maccabiades en Israël. (Crédit : Avec l’aimable autorisation de la FACCMA/via JTA)

Les États-Unis ont remporté l’or au basket-ball, tant chez les hommes que chez les femmes. L’équipe masculine de l’Uruguay et l’équipe féminine des États-Unis ont chacune remporté l’or au football. L’équipe masculine des États-Unis a remporté l’or au hockey sur glace, écrasant les Canadiens en finale. L’équipe féminine canadienne leur a rendu la pareille dans le tournoi de hockey sur glace féminin, qui s’est tenu pour la première fois cette année, en battant les Américains 6 à 2.

Il ne s’agit bien sûr que d’une liste très partielle des résultats des dizaines d’épreuves et des milliers de compétitions individuelles qui ont eu lieu. La liste complète peut être consultée sur le site web des Maccabiades.

À l’heure actuelle, presque toutes les délégations sont rentrées dans leur pays. Mais si l’on se base sur les statistiques des années précédentes, il est probable que quelques centaines de participants reviendront bientôt pour s’installer (selon les organisateurs, environ 5 % des participants immigrent en Israël dans les mois qui suivent les jeux).

Aucun record du monde n’a été pulvérisé cette année, mais quelques amitiés ont été nouées – peut-être même quelques romances. Et dans trois ans, les Maccabiades seront de retour.

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