Israël en guerre - Jour 489

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Le rabbin Rick Jacobs, à la tête de l'Union pour le Judaïsme réformé, dans son bureau de New York au mois de mai 2022. (Crédit :  Judah Ari Gross/Times of Israel)
Le rabbin Rick Jacobs, à la tête de l'Union pour le Judaïsme réformé, dans son bureau de New York au mois de mai 2022. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)
Interview

Rencontre avec le rabbin Rick Jacobs, le chef du mouvement réformé aux États-Unis

Dans un entretien fleuve, Jacobs, à la tête du plus grand mouvement juif nord-américain, évoque son attachement au sionisme et les efforts visant à améliorer les liens avec Israël

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Les courants progressistes du judaïsme nourrissaient de grands espoirs lors de la formation de la coalition au pouvoir en Israël, l’année dernière. Les partis ultra-orthodoxes ou issus du mouvement nationaliste-religieux conservateur, qui s’opposent depuis longtemps à une vision pluraliste du judaïsme non-orthodoxe, siégeaient dorénavant dans l’opposition. Et à leur place était arrivé un rabbin réformé, avec également l’intention proclamée par l’alliance au pouvoir de redonner vie au compromis du mur Occidental – qui prévoit d’accorder un rôle aux Juifs progressistes dans la gestion du lieu saint.

Mais, un an plus tard, la coalition s’est effondrée. Le compromis du mur Occidental n’a jamais été mis en œuvre et le seul judaïsme reconnu par l’État d’Israël est encore orthodoxe.

Ce qui n’empêche pas le rabbin Rick Jacobs, qui dirige l’URJ (l’Union du Judaïsme Réformé), le mouvement juif le plus important de toute l’Amérique du nord, de se montrer optimiste. Ce mois-ci, cela fera une décennie que Jacobs est à la barre de l’URJ, après une longue carrière où il a officié comme rabbin responsable d’une synagogue des environs de New York.

Si peu de choses ont changé au niveau législatif pour permettre une réelle reconnaissance des courants non-orthodoxes du judaïsme en Israël, Jacobs estime qu’un glissement s’est toutefois amorcé. Après avoir eu le sentiment, pendant des années, que le gouvernement israélien marginalisait la Diaspora, Jacobs dit avoir l’impression d’assister à une acceptation nouvelle, de la part d’Israël, des communautés juives du monde entier – ainsi qu’à une prise de conscience de leur importance pour le pays.

Selon Jacobs, le gouvernement actuel est un catalyseur de ce changement dans la mesure où il s’est éloigné des politiques de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui ne se concentrait guère sur les communautés juives qui vivent à l’étranger. Il souligne néanmoins que cette nouvelle orientation va au-delà de cette administration et au-delà aussi de la sphère politique israélienne.

Le Times of Israel s’est longuement entretenu avec Jacobs dans son bureau de New York, évoquant les relations entre Israël et la Diaspora mais aussi ce qui signifie être un sioniste libéral aux États-Unis en 2022. Nous avons aussi parlé de l’orientation prise par son mouvement dans le sillage de la pandémie de coronavirus.

Peu après notre interview, Jacobs est parti en Israël en compagnie de dizaines de responsables de l’URJ. Là-bas, ces représentants américains ont rencontré des politiciens et des leaders israéliens, notamment des ministres du gouvernement, le président Isaac Herzog et des députés de la Knesset. Ils ont assisté à la conférence du mouvement réformé israélien qui, d’habitude, a lieu deux fois par an – la dernière avait été reportée en raison de la crise sanitaire – et qui a été organisée ce week-end au Kibboutz Shefayim, aux abords de Tel Aviv.

Cet entretien, réalisé avant la dissolution de la 24e Knesset, a été révisé à des fins de clarté et de brièveté.

Vous aviez accordé une interview au Times of Israel il y a environ quatre ans, lors de l’Assemblée générale des Fédérations juives d’Amérique du nord. J’ai relu l’entretien et vous pourriez m’accorder pratiquement la même interview, aujourd’hui, sur la majorité des sujets qui avaient été soulevés alors : le compromis sur le mur Occidental est toujours en suspens ; il y a toujours un manque de reconnaissance des courants non-orthodoxes du judaïsme en Israël. Je vous demande donc : comment voyez-vous maintenant les relations entre les courants plus progressistes du judaïsme et l’État d’Israël ? Les relations stagnent-elles ? Ou percevez-vous du changement ?

Puis-je commencer par une anecdote qui, je le pense, pourra peut-être aider à poser le contexte pour l’entretien que nous allons avoir ? Je ne sais pas si vous êtes suffisamment âgé pour vous rappeler de l’ancien musée de la Diaspora qui se trouvait à l’université de Tel Aviv. On y faisait venir des groupes, et on arrivait à cette section du musée consacrée aux synagogues de la Diaspora. Vous arriviez, et cette section du musée était lugubre. Avec de la poussière partout. Une expérience triste, véritablement. Vous entriez et vous disiez : ‘On, mon Dieu, pauvres gens. C’est fini. C’est mort. Il n’y a plus personne. Et ce qu’on vient observer maintenant, c’est le passé, ça n’existe plus’.

Aujourd’hui, lorsque vous allez à ANU [le Musée du peuple juif de Tel Aviv], vous avez là un musée qui présente, selon moi, une vision vibrante, très exacte et fascinante de la vie des Juifs de la Diaspora, une communauté qui n’est pas sans lien avec Israël, qui est au contraire très connectée avec le pays. Et je pense que ce changement, au musée, reflète le changement en cours au sein de l’État d’Israël – cette prise de conscience que la Diaspora est importante.

Des portraits de Juifs et de familles juives grandeur nature du monde entier saluent les visiteurs dans la première galerie du musée du peuple juif-ANU de Tel Aviv. (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

J’ai amené un groupe avec moi en Israël au mois de février. On était là-bas et on a rencontré pratiquement tous les plus hauts responsables de l’État d’Israël – avec une vraie chaleur de leur part. Ce n’était pas arrivé depuis plusieurs années. Notre dernière rencontre avec un Premier ministre remontait à six ans en arrière, et j’ai eu le sentiment, lors de ce dernier voyage, qu’il y avait une réelle reconnaissance de l’importance des communautés juives de la Diaspora. Ce qui compte pour nous – parce que c’est comme un baromètre du statut accordé par Israël aux Juifs du monde entier, et ce qui est important aussi pour Israël. A ce propos, il y a une anecdote que je raconte toujours au sujet d’une rencontre qu’il m’avait été donné de faire.

J’étais en Israël, et l’un des ministres les plus importants du Likud avait tenu des propos qui disaient fondamentalement que le judaïsme dans la Diaspora n’existait plus. Que les mouvements non-orthodoxes encourageaient et renforçaient l’assimilation. Et j’avais rencontré cette personnalité, le lendemain, à la Knesset. Nous n’avions pas programmé d’entretien, mais je l’avais croisée et je m’étais arrêté pour me présenter. Et le ministre m’avait dit : « Je sais qui vous êtes ». J’avais répondu : « Eh bien, je vous ai entendu aux informations hier soir et je pense qu’il vous manque un détail important. Vous avez dit que nous nous tenons sur le seuil du judaïsme, et que nous aidons à faire sortir les Juifs du judaïsme. Alors oui, nous nous tenons sur le seuil du judaïsme, mais nous aidons les gens à y entrer. Ce qui est une différence significative ».

Je pense que les leaders israéliens, aujourd’hui, s’inquiètent également du statut délégué aux communautés juives dans le monde – comme il doivent le faire et comme nous nous en inquiétons aussi. Ils veulent construire une relation plus respectueuse et, c’est sincère, ils veulent construire une relation plus approfondie et plus stable dans le temps avec la communauté juive qui habite l’Amérique du nord. Je veux dire qu’ils ont sûrement conscience que si c’est formidable que la communauté évangélique chrétienne soutienne l’État d’Israël, leur relation première, c’est celle qu’ils entretiennent avec la communauté juive.

Le compromis du mur Occidental – grâce auquel les courants du judaïsme non-orthodoxes pourraient être représentés dans l’administration du lieu saint – n’a pas été mis en œuvre et il est improbable qu’il le soit rapidement.

Avec le Kotel, aujourd’hui, on peut avoir l’impression que le compromis n’est pas près d’être appliqué. Je peux vous dire que pourtant, le discours actuellement tenu est très différent et qu’il y a un soutien authentique qui lui est apporté au sein du gouvernement. Et pas seulement par le parti Travailliste auquel appartient mon collègue, le rabbin Gilad Kariv. Il y a des soutiens qui viennent de partout : de Gideon Saar, du Meretz, évidemment, mais aussi de Benny Gantz et de Yair Lapid.

Si le Kotel est déterminant au niveau symbolique, le problème réel est celui de l’égalité. L’égalité dans le financement, l’égalité dans le statut, dans la conversion

L’un des facteurs d’union autour du compromis, c’est cette conviction qu’en matière de symbole, le Kotel est l’un de ces endroits où peut s’incarner très concrètement la déclaration que tous les Juifs ont une place à occuper – pas seulement au mur Occidental, mais dans l’État d’Israël.

Mais ce n’est évidemment pas seulement ça. Je veux dire que si le Kotel est déterminant au niveau symbolique, le problème réel est celui de l’égalité. L’égalité dans le financement, l’égalité dans le statut, dans la conversion. Un jour – et bientôt, si Dieu le veut – il faut espérer que le mariage civil sera enfin instauré afin que nous ne soyons plus la seule démocratie sur la planète à ne pas accorder aux Juifs la liberté de se marier.

La dirigeante du mouvement des Femmes du mur, Arat Hoffman, et le président de l’URJ, le rabbin Rick Jacobs, avec des rouleaux de Torah au mur Occidental, le 4 mars 2022. (Crédit : Rick Jacobs/Twitter)

Je pense qu’il y a des changements significatifs et je pense qu’il se passe des choses fortes. Non, toutes les questions complexes n’ont pas disparu – elles sont encore là. Mais je pense qu’il il y a actuellement cette prise de conscience fondamentale que les relations entre nous sont déterminantes, et cette prise de conscience s’affirmera à l’avenir de manière très concrète des deux côtés, ce que je trouve très encourageant.

Alors que vous dites que vous constatez un soutien à ce type de pluralisme et de tolérance de la part des deux côtés du gouvernement, ces propos et ce constat ne s’appliquent manifestement pas au parti Sionisme religieux ou aux ultra-orthodoxes, qui ne sont pas nécessairement d’accord avec ce que vous décrivez. Et ils pourraient revenir au pouvoir d’ici seulement quelques mois.

C’est tout à fait vrai. Ce gouvernement durera le temps qu’il durera. Mais je pense que cette idée, ce sens de l’appartenance à un peuple est bien vivant, qu’il se porte bien et que l’un des moyens permettant de renforcer ce sentiment d’appartenance au peuple Juif dans le monde est d’apprendre à mieux nous connaître les uns les autres.

Nous nous efforçons d’aider les Israéliens et les élèves des écoles israéliennes à mieux comprendre ce qu’est le judaïsme non-orthodoxe, et en particulier le judaïsme non-orthodoxe dans la Diaspora, et plus spécialement encore en Amérique du nord. J’ai rencontré, au cours des six dernières semaines, des délégations d’éducateurs israéliens qui se sont succédées les unes aux autres et qui sont venues pour réfléchir à la meilleure manière d’enseigner, avant tout, le pluralisme du peuple Juif, le pluralisme du judaïsme, pour déterminer comment donner une image la plus exacte possible de la vie juive en Amérique du nord. Et honnêtement, ce genre de rencontre est bien plus fréquente aujourd’hui qu’elle ne l’a été, dans mes souvenirs, depuis des décennies.

Et les choses changent aussi au sein de l’État d’Israël. Le mouvement réformé est florissant là-bas. Je veux dire que nous sommes très fiers que le rabbin Gilad Kariv siège dorénavant à la Knesset, qu’il préside la Commission de la constitution, du droit et de la justice. Mais la réalité est que le mouvement qu’il dirige depuis plus d’une décennie ne cesse de croître pas seulement en nombre, mais aussi en force et en influence.

Ainsi, sur le front israélien et en ce qui concerne le mouvement réformé, vous y intégrez la plateforme de Jérusalem. Mais il y a, de manière générale, une certaine déconnexion entre le mouvement et la population. Et sur ce front, il y a un grand nombre de sondages qui montrent que ceux qui s’identifient aux sionistes les plus affirmés, aux soutiens les plus fervents d’Israël sont issus de la communauté orthodoxe aux États-Unis, et que c’est moins le cas parmi les Juifs réformés.

Nous sommes le mouvement sioniste le plus important ici, en Amérique du nord, et nous en sommes fiers. Il y a un grand nombre de manière de le comprendre et de le mesurer. Et j’ai envie d’ajouter que l’été prochain, nous allons envoyer, comme l’année dernière, de nombreux adolescents juifs, de nombreux adolescents du mouvement réformé en Israël. Nous tentons de faire naître chez eux un sentiment plus profond de ce que représente Israël.

Israël est un pays bien vivant et nous forgeons cette relation, non pas avec le parti politique qui aurait le dessus à une période donnée, mais avec la population israélienne, avec les idéaux de l’État d’Israël. C’est une fondation bien plus solide pour ancrer cette relation.

Mais notre sionisme est un sionisme libéral. Nous amenons avec nous nos valeurs, les valeurs de justice sociale, les valeurs d’inclusivité partout où nous allons.

Les bonnes fortunes politiques vont et viennent et il y aura des moments où le Premier ministre aura une personnalité qui pourra résonner véritablement auprès de la communauté libérale, et il y aura des moments où ce sera moins le cas. Mais nous voulons construire cette relation de manière à ce qu’elle puisse résister, quelles que soient les circonstances.

Les gens doivent comprendre quelles sont les valeurs, les questions qui sont les plus chères à leur cœur. Et pour nous, Israël fait partie des questions les plus chères. A cause de cette idée que nous appartenons à un peuple qui est plus large que ce que nous pourrions imaginer de prime abord, à cause de cette réalité qui est que la majorité des Juifs qui vivent sur cette planète Terre vivent actuellement au sein de l’État d’Israël. Ce qui, en soi, nous donne des obligations à l’égard de cette relation.

Le rabbin du mouvement réformé américain Zachary Shapiro, au centre gauche, avec d’autres rabbins israéliens et américains du mouvement réformé prient au mur Occidental, le 25 février 2016. (Crédit : AP Photo/Sebastian Scheiner)

Nous travaillons sans relâche dans le but de trouver la meilleure manière d’enseigner cela à nos jeunes et à leurs familles, et de les préparer aussi à mieux comprendre Israël, à davantage s’identifier à Israël, à s’ouvrir à toutes les choses différentes qui se présentent – pas seulement quand il y a un vote au congrès sur le Dôme de fer mais aussi à ces questions identitaires qui sont également importantes. Ainsi, lorsqu’il y a, par exemple, une victoire arrachée autour de la question de la conversion à la Cour suprême, on le ressent très vivement.

J’ai eu une étudiante qui a récemment fait son Alyah. Elle avait été convertie quand elle était toute petite par un rabbin réformé et elle avait pu faire son Alyah grâce à la Loi du retour. Mais quand elle va vouloir se marier au sein de l’État d’Israël, cela ne va pas être une partie de plaisir. Elle en est consciente. Ce n’est pas un sujet dont on peut se contenter de dire : « Ca alors, quel dommage » et botter en touche. Cela vaut le coup de se battre.

Quand l’État d’Israël fait quelque chose qui, d’une manière ou d’une autre, enlève de la légitimité au judaïsme non-orthodoxe, cela affecte également notre identité ici. Alors sur ces sujets, il ne s’agit pas seulement de se battre pour l’égalité et pour une reconnaissance de la part d’Israël. Ces sujets sont également importants parce qu’ils nous renvoient à la question : Que signifie être Juif dans notre monde ?

Tandis que le judaïsme réformé, en tant qu’institution, épouse très certainement le sionisme ainsi que l’idée d’un peuple juif, il y a eu cette lettre signée par un certain nombre d’étudiants rabbiniques – un grand nombre d’entre eux issus du mouvement réformé – pendant la guerre qui a opposé Israël et le Hamas, au mois de mai dernier, et qui était très critique, frôlant l’anti-sionisme – elle n’était pas sioniste, en tout cas. Et c’est un phénomène et un état d’esprit qui existent, assurément. Un tel positionnement a-t-il sa place dans la communauté juive américaine ? A-t-il sa place dans le mouvement réformé ?

Je pense qu’il y a une grande diversité au sein de notre mouvement en ce qui concerne Israël. Vous savez quoi ? Il y a une diversité dans cette coalition autour d’Israël, et cette diversité ne doit pas être nécessairement une faiblesse. Je pense vraiment que pendant très longtemps, il a été dit aux Juifs américains que « Si vous faites partie de ce groupe de personnalités fortement pro-israéliennes, cela veut dire que vous êtes pro-Likud, que vous êtes pro-ci, que vous êtes pro-ça. »

L’idée qu’il faille que je sois, d’une certaine façon, anti-Palestinien pour être fermement pro-israélien, je pense que c’est un élément qui est susceptible de couper le lien établi avec les jeunes, mais aussi avec leurs parents et même avec leurs grands-parents.

Le candidat démocrate Bernie Sanders à la présidence en 2020 pose avec des bénévoles du groupe IfNotNow dans le New Hampshire, le 29 juin 2019. (Autorisation : IfNotNow via JTA)

Et je pense que la question est de savoir comment pouvoir être un Juif progressiste libéral, avec des engagements libéraux ici, en Amérique du nord, en étant également un sioniste déterminé. Cela fait partie de l’éducation que nous donnons à nos jeunes, nous leur disons que les choses ne sont pas binaires, que ce n’est pas ou l’un ou l’autre, que les choses peuvent s’ajouter en ce qui concerne l’identité. Et si le gouvernement d’Israël ou les politiques de la Knesset s’alignent avec nos convictions, tant mieux, mais si ce n’est pas le cas, cela ne signifie pas pour autant que tout est terminé. Cela signifie que nous devons travailler plus dur, que nous devons nous affirmer davantage.

Je voudrais insister un petit peu là-dessus. Vous décrivez ici un sionisme libéral susceptible de s’accorder avec certaines opinions politiques en cours ici, aux États-Unis. Mais ma question est la suivante : Y a-t-il une place pour le non-sionisme ou pour l’antisionisme au sein du mouvement réformé, ou est-ce que ce sont des idées inadmissibles ?

Eh bien, le mouvement officiel est clair à 100 %. Nous sommes un mouvement sioniste. Nous n’avons pas d’excuse à présenter pour cela. Nous en sommes fiers.

Il y a des gens, au sein de la communauté juive américaine, qui ne se définissent pas comme sionistes. Je pense qu’ils ne forment qu’un petit groupe. Je ne pense pas qu’ils soient pour autant excommuniés.

Je pense que vous pouvez comprendre qu’il y a cette diversité mais qu’il ne s’agit pas non plus d’une communauté qui serait d’une taille significative. Nous n’en sommes pas au point de nous dire qu’il vaudrait mieux que nous taisions notre sionisme de notre côté. Ce n’est pas du tout le cas.

L’idée qu’il faille que je sois, d’une certaine façon, anti-Palestinien pour être fermement pro-israélien, je pense que c’est quelque chose qui est susceptible de couper le lien établi avec les jeunes, mais aussi avec leurs parents et même avec leurs grands-parents

Je pense que c’est ça, l’important. Et est-ce que cela signifie que tous les Juifs américains vont devoir emmener avec eux leur drapeau israélien à chaque fois qu’ils se rendent quelque part ? Non. Notre mission, en partie, c’est d’inculquer cela, de le cultiver, de le nourrir, et aussi de démontrer que cela ne signifie pas qu’il faudra être en permanence favorable aux politiques du gouvernement. Vous pouvez être en désaccord. C’est d’ailleurs très sain. Ce lien est plus profond qu’une nouvelle loi adoptée à la Knesset ou qu’un jugement rendu sur la prière sur le mont du Temple par la Cour suprême.

Le phénomène auquel il faut prêter attention, ce sont ces segments, dans la communauté juive américaine, qui n’ont pas de connexion du tout avec Israël. Je m’inquiète de l’apathie de certains. Je pense que cela pourrait bien être la catégorie la plus importante dans la vie juive américaine – pas ces gens férocement « pour » ou férocement « contre », mais pour qui cela n’a pas de sens dans la vie personnelle. C’est à ce phénomène que je souhaite consacrer toute mon attention. Je pense que c’est un groupe de taille significative et c’est la raison pour laquelle amener des Juifs en Israël est aussi déterminant. Et ça a été très dur pendant la pandémie de COVID-19.

Le rabbin Rick Jacobs, à gauche, rencontre Mahmoud Abbas à Ramallah le 9 mars 2017 (Crédit : WAFA)

Et que faites-vous concrètement à cet égard ?

Ce que nous constatons déjà ce mois-ci – et c’est un phénomène qui s’annonce aussi le mois prochain – c’est le nombre de voyageurs à destination d’Israël qui grimpe comme ça [il lève la main à 45 degrés]. Au cours des trois mois qui se profilent, nous allons voir le pays complètement pris d’assaut par des gens dont les nombreux voyages prévus avaient été reportés et c’est une chance pour eux de vraiment découvrir Israël et toute sa beauté, de découvrir toutes ces choses qui ne font pas les gros titres quotidiens des journaux – pas même si vous lisez le Times of Israel. Ils vont découvrir ce qu’il y a de bon en Israël, ce qu’il y a de difficile, ce qu’il y a de douloureux et de joyeux. Et ils reviendront en ayant le sentiment d’avoir vécu un moment extraordinaire et ils auront en eux cette affinité profonde avec le pays, avec sa population, avec ses idéaux.

Nous faisons également venir un groupe tout entier de 300 émissaires israéliens chaque été aux États-Unis. Ils apportent avec eux cet amour d’Israël et ils ont la chance, ici, de le partager. Mais ils ont aussi l’opportunité de découvrir ce que veut dire « être Juif » aux États-Unis, une expérience qui est une surprise absolue pour eux.

J’adore l’idée qu’il y ait cette sorte de réciprocité. Ils apportent quelque chose, mais il repartent aussi avec quelque chose qu’ils ramèneront en Israël. Je pense que c’est aussi l’une des forces formidables de cette relation. Ce n’est pas une relation unilatérale. Dans le passé, les Juifs américains pouvaient penser qu’ils venaient en aide à leurs pauvres cousins israéliens. La vérité est que l’État d’Israël nous renforce, que la vie juive qui fleurit en Israël nous renforce. Et je veux aussi croire qu’Israël peut s’inspirer de certaines de nos expériences en matière de pluralisme.

Sommes-nous différents dans notre vision du judaïsme ? La réponse est oui. Avons-nous peut-être des expressions différentes quand il s’agit d’afficher notre sionisme ? La réponse est oui. Mais partageons-nous des similitudes qui ont pour conséquence que nous ressentons un sentiment de responsabilité très fort les uns à l’égard des autres ? A 100 %, oui !

[En Amérique], vous et moi pouvons nous rendre directement dans des endroits où des rabbins orthodoxes, des rabbins Massorti et des rabbins réformés se rassemblent, étudient ensemble, prévoient des choses les uns avec les autres avec une grande facilité. Dites cela à un Israélien – là-bas, ça ne se fait tout simplement pas. Tel rabbin orthodoxe serait interdit. Ici, c’est plutôt : « Bah ! Nous sommes une communauté, non ? ».

Sommes-nous différents dans notre vision du judaïsme ? Oui. Avons-nous peut-être des expressions différentes de notre sionisme ? Oui. Mais partageons-nous des similitudes qui ont pour conséquence que nous ressentons un sentiment de responsabilité très fort les uns à l’égard des autres ? A 100 %, oui !

Le fait que nous soyons tous à armes égales est une donnée très puissante, ici. Personne ne détient de pouvoir politique. Je n’ai pas de pouvoir politique. Les rabbins orthodoxes non plus. Nous avons le judaïsme, nous avons la communauté juive et nous faisons ce que nous avons à faire avec le maximum de créativité et d’inspiration.

Ce n’est pas pour rendre les choses trop politiques mais si vous ôtez le pouvoir politique, vous enlevez un million de dollars ou plus de budget gouvernemental qui sert à financer une seule expression du judaïsme en Israël – et cela change les choses. Et pas qu’un peu. Cela les change beaucoup.

Comment se porte le mouvement réformé dans le sillage de la pandémie de coronavirus ?

Nous n’oublierons jamais ce million de personnes qui sont mortes. J’ai vécu cela dans ma famille proche. Ma maman est décédée au début de la pandémie. Et je sais que cette réalité a touché toutes les communautés.

Mais il y a aussi du positif. Un plus grand nombre de personnes se sont présentées pour les prières du Shabbat, pendant la COVID, alors qu’elles ne venaient pas dans les synagogues. Et certaines parmi elles n’avaient jamais été liées à la communauté mais elles avaient un besoin désespéré de ressentir le soutien apporté par une communauté spirituelle et de se nourrir spirituellement, j’ai envie de dire. Et ça leur a permis de mettre un pied dans la communauté. Vous voyez ce que je veux dire ? Parce que si j’entre dans un bâtiment, je ne sais pas comment je vais être reçu. Peut-être que je ne ressemble pas aux autres, peut-être que ne vais rien connaître. En revanche, je peux me présenter sur Facebook Live à l’occasion de l’office du vendredi soir. Je peux m’y présenter pour une étude sur la Torah, pour une conférence. La pandémie nous a aidés, en définitive, à rencontrer ceux qui n’entretenaient encore aucun lien avec la communauté.

Certaines congrégations luttaient avant la pandémie. Et devinez quoi ? Elles sont nombreuses à lutter aujourd’hui. Mais les responsables juifs ont toujours été en lutte pour instiguer le changement

La question est : pouvons-nous construire sur ce qui s’est passé, en faire une relations plus continue, plus solide ? Cela ne dépend dorénavant que de nous. Mais nous avons assisté, pendant les deux dernières années de la COVID, à une prolifération de nouvelles réflexions, de nouvelles expériences sur la manière de construire de nouvelles passerelles, sur cette prise de conscience qu’un bâtiment n’est peut-être pas au cœur de notre communauté juive. Les relations, les liens, les foyers, les familles, les quartiers… Notre judaïsme ne s’arrête pas à quatre murs. Il se positionne dans un contexte bien plus large. Et je pense que réaliser ça a été enthousiasmant.

Certaines congrégations étaient mal en point avant la pandémie. Et devinez quoi ? Elles sont nombreuses à être mal en point aujourd’hui. Mais les responsables juifs ont toujours lutté pour instiguer le changement. Regardez l’histoire qui est la nôtre. Certains changements qui nous avaient été imposés par des catastrophes, comme la destruction du Premier et du Second Temple, ont entraîné des ruptures.

Après la Seconde guerre mondiale, après la Shoah, nous avons constaté une multiplication de la vie juive ici, en Amérique du nord, et dans de nombreux autres endroits. Nous avons assisté à la naissance de l’État d’Israël. Alors comment répondre aux événements, même à des événements tels qu’une pandémie mondiale ? Je pense que nous pouvons nous montrer plus utiles encore dorénavant et, avec un peu de chance, nous serons capables de prospérer encore davantage dans les années à venir – et c’est là-dessus que nous devons nous focaliser.

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