Israël en guerre - Jour 470

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Des enfants de migrants et de demandeurs d'asile africains nés en Israël manifestent contre la ségrégation scolaire à Tel Aviv, le 1er septembre 2021, Tel Aviv. (Crédit : Levinsky Garden Library)
Des enfants de migrants et de demandeurs d'asile africains nés en Israël manifestent contre la ségrégation scolaire à Tel Aviv, le 1er septembre 2021, Tel Aviv. (Crédit : Levinsky Garden Library)

Tel Aviv : Une immersion réussie d’enfants de migrants dans des écoles israéliennes

Le projet pilote d’intégration pour les enfants de 1ère année a été annoncé par la municipalité et l’Éducation juste avant l’examen par la Haute Cour d’une requête contre la ségrégation

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Il est 6 heures 30 du matin dans le quartier Hatikva, situé au sud de Tel Aviv. Mis à part un homme qui promène son chien dans le parc, les rues sont presque désertes.

À proximité du parc, un minibus surgit. Le petit Isak, âgé de 6 ans, arrive, habillé soigneusement pour une nouvelle journée à l’école A. D. Gordon, au nord de Tel Aviv.

Emanuel et Osana, également âgés de six ans, sont déjà à bord du bus.

Leurs mères, Loam, Mitzlal et Rashan, sont sur le trottoir pour les voir partir.

Le programme pilote de deux ans qui vise à intégrer plusieurs dizaines d’enfants de migrants et de demandeurs d’asile en CP a été approuvé par la municipalité et le ministère de l’Éducation l’année dernière, quelques jours seulement avant que la Haute Cour n’examine une requête contre la ségrégation.

Isak, le fils de Loam, âgé de six ans, photographié à l’extérieur du parc dans le quartier de HaTikva, au sud de Tel Aviv, le 13 juin 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Plusieurs villes abritant des communautés de migrants, telles que Netanya et Petah Tikva dans le centre ou Eilat dans le sud, ont depuis longtemps accepté de les intégrer à la suite de recours en justice.

Tel Aviv-Jaffa est la dernière ville à le faire, même si elle préfère ne pas utiliser le mot « ségrégation » et insister sur le fait que l’inscription à l’école se fait sur la base de l’adresse résidentielle, conformément à la loi.

Les trois mères présentes à l’arrêt de bus ce jour-là ont d’autres enfants qui fréquentent l’école locale appelée ironiquement Gvanim – le mot hébreu pour nuances, comme dans la couleur.

Les trois mères ont confié au Times of Israel que le projet pilote d’intégration avait été un énorme succès.

Loam a croisé ses doigts pour souligner à quel point « ils nous accueillent avec amour ». Les élèves, les parents israéliens, les enseignants – c’est comme une grande famille.

Mitzlal a déclaré que le niveau d’hébreu de son fils Emanuel, âgé de six ans, était meilleur que celui de son fils Netanel, âgé de 11 ans, qui étudie à Gvanim. Elle a ajouté que le vendredi (la journée étant courte à l’école), les parents israéliens prenaient souvent les enfants africains chez eux pour jouer et les ramenaient ensuite au quartier Hatikva. (La plupart des migrants n’ont pas le droit de conduire).

De gauche à droite : Rashan, Loam et Mitzlal, trois mères érythréennes d’enfants de 6 ans scolarisés avec leurs pairs israéliens à Tel Aviv, photographiées à l’extérieur du parc dans le quartier de HaTikva, au sud de Tel Aviv, le 13 juin 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Dafna Lichtman, directrice de la bibliothèque Levinsky Garden dans le sud de Tel Aviv, qui soutient la communauté, fait depuis longtemps campagne à ses côtés contre la ségrégation.

« Je savais que ce projet [pilote] serait couronné de succès et que les parents israéliens le soutiendraient, mais j’ai été surprise de voir à quel point ils étaient prêts à accepter les enfants », a-t-elle déclaré.

Selon les derniers chiffres officiels (en hébreu), les Érythréens représentent 17 380 personnes des 23 000 migrants et demandeurs d’asile. Ce dernier chiffre comprend également 3 231 Soudanais.

La grande majorité d’entre eux n’ont pas de statut. Ils disposent de visas temporaires leur permettant de rester en Israël pour une période déterminée. Mais ils n’ont droit à aucune prestation et ne sont pas autorisés à travailler, bien que l’État soit généralement enclin à fermer les yeux sur ce dernier point.

Selon un rapport publié en avril par l’ASSAF (l’organisation d’aide aux réfugiés et aux demandeurs d’asile en Israël), 8 200 membres de la communauté sont des enfants, soit 0,27 % de l’ensemble de la population infantile du pays.

Un long chemin à parcourir

Après plusieurs années de lutte contre la ségrégation à Tel Aviv, la communauté de migrants et de demandeurs d’asile, soutenue par des organisations non gouvernementales, a porté l’affaire devant le tribunal de district de Tel Aviv. En 2021, ce tribunal a jugé que la ville respectait la loi en inscrivant les enfants dans les écoles en fonction de l’adresse du domicile, sans tenir compte de la ségrégation de facto présente dans les quartiers où les migrants formaient une majorité écrasante.

Un père et son fils devant un magasin de vélos, dans le quartier de HaTikva, au sud de Tel Aviv, le 14 février 2024. (Crédit : Dor Pazuelo/Flash90)

Suite à cette décision, les plaignants ont porté l’affaire devant la Haute Cour de Justice. L’affaire est actuellement en cours.

Les enfants – environ 80 sur un total initial de 95 – ont été répartis dans 11 écoles pilotes pour cette année, à raison de trois à quatre élèves africains par classe intégrée.

Pour la majorité des enfants qui continuent à être scolarisés dans des cadres séparés, le ministère a promis un « programme d’apprentissage adapté », avec des enseignants supplémentaires en mathématiques, en hébreu et en sciences de la première à la sixième année d’école.

Sur les quelque 160 enfants migrants qui entreront en première année l’année prochaine, 80 se sont déjà inscrits pour bénéficier de ce programme.

Un retard dans le développement

Selon les associations travaillant avec la communauté, les progrès éducatifs des enfants sont entravés par le fait que la plupart d’entre eux suivent des programmes séparés et distincts avant la première, que ce soit dans les maternelles municipales pour les enfants de 4 à 6 ans ou dans les structures non réglementées pour les tout-petits, dont beaucoup n’offrent que peu ou pas d’éducation préscolaire.

Des membres de la communauté des migrants et des demandeurs d’asile assistant à une session de la Haute Cour, à Jérusalem, le 11 juin 2024. (Crédit : Levinsky Garden Library)

Les enfants qui ont de la chance vont à l’organisation communautaire UNITAF, soutenue par des fonds privés et par le ministère de la Protection sociale. L’UNITAF travaille avec des femmes sans statut pour offrir des programmes d’aide à la petite enfance.

Selon le rapport d’ASSAF, au moins la moitié des enfants en bas âge sans statut fréquentent encore des structures de garde d’enfants non réglementées, appelées péjorativement des « entrepôts à bébés », où ils passent de longues heures parce que leurs parents qui travaillent n’ont pas les moyens de s’offrir mieux.

Ces services sont gérés par des femmes immigrées, dont la plupart ne sont pas formées pour s’occuper d’enfants en bas âge. Le rapport indique que les conditions matérielles, sécuritaires et éducatives sont souvent médiocres, et le ratio enfants/personnel d’encadrement ne répond pas aux normes requises.

Lorsque ces enfants entrent à l’école, ils ont déjà deux à trois ans de retard sur leurs camarades israéliens, selon le rapport de l’ASSAF, et leur maîtrise des langues qu’ils ont entendues – un mélange d’hébreu, d’arabe, d’anglais et de tigrinya (de l’Érythrée) – est médiocre.

Ces difficultés, combinées aux problèmes culturels rencontrés par les enseignants israéliens, se traduisent souvent par de la frustration et un mauvais comportement de la part des élèves, ainsi que par des orientations disproportionnées et inappropriées vers des écoles spéciales, indique le rapport.

Une communauté en perte de vitesse à Tel Aviv

Entre 2006 et 2013, de nombreux migrants et demandeurs d’asile originaires d’Afrique sont entrés illégalement en Israël depuis l’Égypte, jusqu’à ce qu’Israël achève la construction d’un mur le long de la frontière. La plupart d’entre eux se sont installés dans le sud de Tel Aviv.

Les Érythréens fuyaient le régime dictatorial d’Isaias Afwerki, qui exigeait un enrôlement militaire à durée indéterminée.

Comme d’autres villes où vivent d’importantes communautés érythréennes, Tel Aviv est devenu un champ de bataille entre partisans et opposants du gouvernement érythréen.

Plusieurs membres de la communauté, des deux côtés, ont été tués dans ces luttes intestines. La dernière en date a eu lieu en mai, au cours d’une rixe qui a fait un mort et cinq blessés, dont trois grièvement.

Des demandeuses d’asile érythréennes pleurant après qu’un membre de leur communauté a été tué lors d’émeutes entre partisans et opposants du régime érythréen, à Tel Aviv, 28 mai 2024. (Crédit : Itaï Ron/Flash90)

Les demandeurs d’asile originaires d’Afrique et ceux qui les soutiennent en Israël expliquent qu’ils ont dû fuir pour sauver leur vie et qu’ils risquent gros s’ils devaient revenir dans leur pays.

Ceux qui s’opposent à leur présence, et notamment de nombreux élus des gouvernements de droite qui dominent la politique israélienne depuis 20 ans, soutiennent que ces personnes ne cherchent qu’à améliorer leur situation socio-économique, qu’elles menacent le caractère juif d’Israël et qu’elles ont entraîné la criminalité dans le sud de Tel-Aviv.

Les autorités de l’État les définissent comme des « infiltrés » et nombre d’entre eux font l’objet d’abus racistes de la part des Israéliens.

Selon une réponse du ministère de l’Intérieur à une demande présentée en vertu de la loi sur la liberté de l’information, entre 2006 et la mi-avril de cette année, 7 361 Érythréens et 4 636 Soudanais ont fait une demande d’asile. Le statut a été accordé à une trentaine d’Érythréens et à un seul Soudanais.

Les enfants nés de parents sans statut ne reçoivent pas le numéro d’identité dont bénéficient tous les Israéliens et les résidents permanents. Ce numéro est essentiel pour bénéficier des droits et des services dans le pays.

Un enfant né d’une mère sans statut reçoit des numéros différents pour l’éducation et les services de santé de la petite enfance. Il n’existe pas de système central pour conserver les données relatives à la résidence, au placement dans un établissement d’enseignement, etc.

Des résidents du sud de Tel Aviv et des militants protestant suite aux violents affrontements entre les partisans et les opposants au régime érythréen, à Tel Aviv, 2 juin 2024. La pancarte indique « Danger, infiltrés ». (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Alors que les adolescents israéliens obtiennent leurs papiers d’identité à l’âge de 16 ans, les jeunes sans statut reçoivent un « permis de séjour temporaire » (Visa 2/A/5) indiquant qu’ils sont des infiltrés autorisés à vivre temporairement en Israël. Ils n’ont plus aucun droit à l’éducation ou à l’assurance maladie, ils ne peuvent pas effectuer de service militaire ou de service national, ils ne peuvent pas obtenir de permis de conduire ou exercer une profession nécessitant une licence gouvernementale. Les frais de scolarité pour les études universitaires sont plus élevés que pour les Israéliens et les résidents permanents.

Dans son rapport, l’ASSAF cite le professeur Shlomo Mor-Yosef, ancien directeur de l’Autorité de la population et de l’immigration, qui a averti que « dans ces conditions, ces jeunes sont mis en marge de la société… au lieu de devenir des adolescents dans une société où ils peuvent être utiles, ils entrent dans une société où ils resteront en marge, par définition ».

Les problèmes du pays d’origine ont également migré

Le mois dernier, selon les trois mères, les partisans du régime (qui portent du rouge) ont distribué des tracts dans le quartier Hatikva pour avertir les opposants au régime (qui portent du bleu) qu’ils avaient 24 heures pour partir.

Loam, qui vit dans le pays depuis 14 ans et travaille comme femme de ménage, vient de quitter le quartier pour s’installer dans la ville voisine de Rishon Lezion. Elle doit désormais quitter la maison à 5 heures du matin pour emmener Isak à l’heure au minibus de l’école, dans le quartier Hatikvah.

Un garçon africain lors d’un dîner de Pessah organisé par une coalition de groupes d’action sociale travaillant au nom des réfugiés et par le New Israel Fund pour les migrants et les demandeurs d’asile du Darfour, du Soudan et de l’Érythrée, à Tel Aviv, le 17 avril 2008. (Crédit : Michal Fattal/Flash90)

« [Les querelles] donnent une mauvaise réputation à notre communauté », dit-elle. « Écrivez que tout ce que nous souhaitons, c’est une [bonne] vie pour nos enfants. Nous ne voulons pas de ce balagan« , en utilisant le mot hébreu pour désigner la pagaille ou le désordre.

Elle a ajouté qu’Isak pleurait souvent lorsqu’il pensait à son changement d’école l’année prochaine.

La mère d’Osana, Rashan, a indiqué qu’elle et son mari cherchaient un appartement à Bat Yam, également près de Tel Aviv. Comme Loam, Rashan est femme de ménage. Elle vit dans le même appartement du quartier Hatikva en Israël depuis 13 ans.

Mitzlal, caissière dans une blanchisserie, qui vit en Israël depuis 12 ans, a dit qu’elle n’était pas prête à déménager.

Mais, a-t-elle ajouté, elle contrôlait soigneusement la zone pour vérifier qu’il n’y avait pas de partisans du régime avant que son mari ne sorte ou ne rentre à la maison le soir. « La police pourrait y mettre fin en une minute, mais elle n’intervient que lorsque quelqu’un meurt », a-t-elle affirmé.

D’autres Érythréens partent s’installer au Canada, un pays qui a accueilli des milliers de ces migrants en provenance d’Israël.

Des enfants de migrants africains et de demandeurs d’asile d’Erythrée et du Darfour, au Soudan, participant à un dîner de Pessah organisé par des groupes d’action sociale travaillant au nom des réfugiés africains et du New Israel Fund, à Tel Aviv, le 17 avril 2008. (Crédit : Michal Fattal/Flash90)

Aucune de ces femmes n’a pu expliquer pourquoi les partisans du régime érythréen n’étaient pas rentrés chez eux. « En tant qu’opposante au gouvernement, je serais emprisonnée si je retournais en Érythrée », a expliqué Mitzlal.

On ignore encore combien d’enfants de la communauté seront encore à Tel Aviv lorsque les cours reprendront en septembre.

« Il n’y aura plus d’enfants ici l’année prochaine. Les gens ont peur. Les rouges peuvent les attendre armés de couteaux », a déclaré Loam.

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