Cette interview a été publiée en anglais le 16 avril dernier.
Depuis 1997, Sami Obeid, 65 ans, a fait des apparitions fréquentes dans les médias israéliens en tant que commentateur politique, une source rare d’informations privilégiées sur la situation à Gaza. Après avoir passé huit ans de sa vie à Tel Aviv, dans les années 1980, il maîtrise par ailleurs parfaitement l’hébreu.
Dans sa carrière de journaliste, il a aussi travaillé pour une station de radio de l’enclave côtière. Mais il a aussi occupé un certain nombre d’autres emplois – il a notamment été moniteur d’auto-école et expert dans le secteur de l’immobilier.
Obeid appartient à cette génération de Gazaouis qui étaient autorisés à voyager librement en Israël et en Cisjordanie. C’était dans la période qui s’était écoulée entre la capture de la bande par Israël, restée entre les mains de l’Égypte jusqu’à la guerre de 1967, et la liberté de déplacement pour les Palestiniens qui avait été accordée en 1972. Une situation aux antipodes de celle qui a ensuite prévalu lors de l’imposition, par Israël, des restrictions mises en œuvre lors de la Seconde intifada, en l’an 2000, des restrictions dont l’objectif était d’empêcher d’éventuels attentats terroristes.
Avec le coup d’état du Hamas en 2007, deux ans après le retrait israélien, et avec l’embargo qui a été mis en place par Israël et l’Égypte pour prévenir toute importation d’armement au sein de l’enclave, les déplacements à l’étranger sont devenus compliqués et coûteux et la bande de Gaza a presque été coupée du reste du monde. Sa population a fortement augmenté (passant de 1,4 million en 2007 à 2,3 millions en 2023) et aujourd’hui, la moitié des résidents sont âgés de moins de 18 ans.
Obeid s’est récemment entretenu avec le Times of Israel pour évoquer les difficultés de la vie dans l’enclave côtière déchirée par la guerre, depuis six mois. Il a aussi parlé de la façon dont la population perçoit le Hamas et ce qu’elle continue malgré tout à espérer pour son avenir.
L’espoir que nourrissent aujourd’hui les Gazaouis est une annexion de la bande par Israël – ils deviendraient alors les citoyens d’un seul État comprenant Juifs et Palestiniens, maintient Obeid.
« Bien sûr, l’Autorité palestinienne pourrait prendre le contrôle mais je pense que si les Juifs [c’est-à-dire les Israéliens] se montrent judicieux, ils annexeront Gaza », déclare-t-il lors d’un entretien téléphonique [une telle perspective est soutenue par certains membres de l’extrême-droite israélienne, qui soutient également l’annexion de la Cisjordanie, mais sans nécessairement accorder la citoyenneté et le droit de vote aux Palestiniens. L’annexion de Gaza et/ou de la Cisjordanie, lourdement peuplée, est une option généralement décriée par les Israéliens mainstream dans la mesure où elle pourrait mettre un terme à un Israël en tant qu’État à majorité juive ou en tant que démocratie, voire les deux].
« Il n’y aura jamais deux États de toute manière. Créons donc un pays et nous, les Palestiniens, nous vivrons à vos côtés, avec vous », dit Obeid avec conviction. « Il n’y a pas d’autre solution. L’alternative, c’est une guerre sans fin, un musulman qui tue un Juif, un Juif qui tue un musulman ».
Obeid offre aussi son propre point de vue, en tant qu’habitant de Gaza, sur le massacre qui a été commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – 3 000 hommes armés placés sous l’autorité du groupe terroriste avaient assassiné près de 1 200 personnes et kidnappé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.
« Le Hamas savait qu’il est détesté [par la population de Gaza], que les Gazaouis ne le veulent pas à la tête de la bande. Il a donc commis le 7 octobre pour se venger de nous, s’attendant à ce que Netanyahu riposte et à ce qu’il dévaste Gaza. Qu’est-ce que le Hamas en a à faire de toute manière ? Ils sont tous à l’étranger », s’exclame-t-il.
Notre entretien a été légèrement révisé à des fins de clarté.
Le Times of Israel: Bonsoir, Sami. Où êtes-vous actuellement ?
Sami Obeid: A l’origine, je vis dans le nord de la bande. Dès les premiers jours de la guerre, le 11 octobre, ma famille et moi-même nous sommes installés dans la maison de mon beau-frère, à Rafah, et nous sommes donc chez lui. Nous nous trouvons à proximité de Mawasi [une zone déclarée sûre par Israël au début du conflit].
Tout de suite après le 7 octobre, j’ai entendu le Premier ministre [Benjamin] Netanyahu et le chef de l’état-major israélien Herzi Halevi dire qu’ils allaient détruire Gaza et je me suis dit qu’il n’y avait pas d’autre choix que de fuir vers le sud.
A deux cent mètres de là où je vivais, il y avait 15 tours résidentielles qui ont été complètement détruites en l’espace de quarante-huit heures. Je regardais les bombardements et à chaque bruit d’explosion, je désespérais davantage. Ils étaient vides – tout le monde avait déjà pris la fuite. La dernière personne qui restait là-bas était une vieille femme, une femme malade qui ne pouvait pas se déplacer. Elle a finalement été également secourue et évacuée, emmenée loin des tours.
Comment décririez-vous la situation actuelle à Rafah ?
La population de Rafah est habituellement de 300 000 personnes mais un million et demi de personnes s’y réfugient actuellement. Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de liquidités, il n’y a pas de carburant. Il n’y a même pas de cigarettes. Tout est difficile à trouver.
Les gens s’efforcent de survivre : il n’y a pas d’autre choix. La majorité d’entre eux viennent de Gaza City. Ceux qui vivent dans des maisons tentent de s’assurer un approvisionnement en électricité, pour faire la cuisine, à l’aide de panneaux solaires, ni Israël, ni l’Égypte ne permettant l’entrée de carburant. Les réfrigérateurs ne fonctionnent pas, les éclairages ne fonctionnent pas.
L’aide humanitaire entre-t-elle sur le territoire ?
Oui, elle entre – mais ce n’est pas comme quand on va au supermarché pour y trouver ce qu’on veut. Ici, l’aide alimentaire est distribuée dans les camps de personnes déplacées.
La situation est particulièrement dure pour ceux qui vivent dans ces camps, sans eau potable, sans structures sanitaires. Ils creusent souvent des trous dans le sol pour se soulager, puis ils les recouvrent de terre.
Avant le début de la guerre, j’avais quelques économies. Quand nous nous sommes installés à Rafah, il n’y a plus eu d’argent. Mais on fait avec. Personne ne travaille dans la famille, pas un seul de mes cinq fils – l’un d’entre eux est marié. Mon épouse est directrice d’un établissement scolaire et elle reçoit un salaire de la part de l’Autorité palestinienne, un salaire qui lui est encore versé.
[Depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza qui se trouvait jusque là entre les mains de l’Autorité palestinienne (AP) en 2007, Ramallah rémunère des dizaines de milliers de fonctionnaires de la bande, et notamment le corps enseignant, tentant ainsi de conserver leur loyauté].
De plus, il n’y a plus que deux banques qui fonctionnent encore à Rafah et elles sont dorénavant au service de plus d’un million de personnes. Elles n’ouvrent plus leurs portes aux clients toutefois ; nous ne pouvons prendre de l’argent qu’au distributeur, c’est tout.
La plus grande partie des Palestiniens que je côtoie, à Rafah, vivent à partir d’un argent qui provient de l’extérieur de Gaza, de l’argent qui est envoyé par la famille ou par des amis. Personne ne travaille et tout est devenu si cher !
Un paquet de cigarettes coûte aujourd’hui 500 shekels. Avant le 7 octobre, je fumais un paquet par jour. Aujourd’hui, j’achète une cigarette, c’est tout, au prix de 27 shekels – c’était le prix du paquet avant la guerre. Israël n’autorise pas l’entrée de cigarettes à Gaza. (Sarcastique) Les Israéliens pensent que nous fabriquons des roquettes avec.
Avez-vous une idée du moment où vous pourrez retourner chez vous ?
J’espère qu’Israël et le Hamas trouveront un accord au mois d’avril et que les otages seront libérés. Nous, à Gaza, nous vivons également comme si nous étions otages du Hamas.
Après la conclusion d’un accord, nous retournerons chez nous et nous commencerons à réfléchir à la reconstruction de notre habitation. J’ai payé 550 000 dollars ma maison dans le nord de Gaza et aujourd’hui, je n’ai plus d’argent et je mène une vie de déplacé à Rafah. Il y a des milliers de personnes qui sont dans la même situation que la mienne.
Nous, à Gaza, nous vivons également comme si nous étions otages du Hamas
Et pour couronner le tout, il n’y a plus d’hôpitaux, il n’y a plus de mosquées, il n’y a plus d’écoles et plus d’universités, il n’y a plus d’électricité. Ma maison est encore debout mais les murs ont été détruits et tout a brûlé à l’intérieur.
Cela fait 30 ans que j’y vis, j’ai dépensé 550 000 dollars pour l’acheter et elle a été détruite. Même si je réussis à avoir l’argent nécessaire pour la reconstruire, combien de temps cela prendra-t-il ? Combien d’années de plus devrais-je vivre ?
Elle est située à 170 mètres de la plage. Vous savez, Gaza, c’est un bel endroit. Mais ce sera invivable tant qu’il y aura des « organisations » [terroristes], qu’il y aura la guerre et la pauvreté. La pauvreté est un terreau fertile pour le terrorisme et le terrorisme mène à la guerre. Et il n’y a jamais de gagnant dans la guerre.
Personne n’avait pensé que ces destructions totales pourraient survenir. Nous sommes revenus à l’âge de pierre. Mais je pense que maintenant, « la guerre de Netanyahu » est terminée.
Alors où les habitants vont-ils retourner ? Nous avons vu que certains sont revenus à Khan Younès, au début de la semaine, et qu’ils ont découvert que leurs maisons avaient été anéanties.
Oui, en effet. Mais les gens continuent à se dire qu’au lieu de rester à errer à Rafah et dans ses environs, c’est toujours préférable de repartir à Khan Younès et de dresser une tente à côté des ruines de leurs habitations, dans l’espoir que quelqu’un viendra les remettre en état un jour, que quelqu’un viendra réparer les routes détruites.
Quelle est actuellement la situation en matière de sécurité dans les rues de Rafah ? La police du Hamas patrouille-t-elle dans le secteur ? Le Hamas est-il présent dans la ville ?
Il n’y a presque plus de police. Il y a un commissariat de police pour plus d’un million de personne alors qu’il y en avait six, dans le passé. Les gens se sont habitués à vivre sans police, sans dirigeants, sans aucune règle.
Les gens se sont habitués à vivre sans police, sans dirigeants, sans aucune règle
Bien sûr, il y a des hommes du Hamas – ils sont venus ici depuis Gaza City avec le reste de la population. Les rares forces de police qu’il y a, elles sont du Hamas. Ils effectuent aussi des patrouilles sur le poste-frontière de Rafah, ils reçoivent tous les produits qui pénètrent sur le territoire, ils contrôlent les gens qui entrent et qui sortent.
Ceux qui quittent Gaza doivent passer par le ministère de l’Intérieur qui est géré par le Hamas. Mais bien entendu, chaque personne doit payer une somme d’au moins 5 000 dollars pour pouvoir partir.
[Selon de multiples informations, les Gazaouis qui ne sont pas en possession d’un passeport étranger doivent verser une somme allant de 5 000 à 10 000 dollars à un courtier égyptien pour pouvoir franchir la frontière vers le Sinaï].
Ceux qui ont l’argent nécessaire peuvent entamer « un voyage » vers l’Égypte où ils resteront deux ou trois mois, jusqu’à la fin de la guerre.
Craignez-vous une invasion de l’armée israélienne à Rafah ?
Même si ça arrive, même si je meurs, et alors ?… Je serai entre les mains de Dieu.
Nous voudrions que Biden nous accorde des visas pour aller en Amérique. S’il le faisait, un million et demi de Gazaouis partiraient du jour au lendemain. Si Biden ne veut pas exercer de pressions sur Israël pour résoudre le problème, il devrait nous accueillir
Où pourrions-nous aller de toute façon ? L’Égypte ne veut pas de nous. Et nous ne voulons pas aller dans les autres pays arabes.
Nous voudrions que Biden nous accorde des visas pour aller en Amérique. S’il le faisait, un million et demi de Gazaouis partiraient du jour au lendemain. Si Biden ne veut pas exercer de pressions sur Israël pour résoudre le problème, il devrait nous accueillir.
Mais si le Hamas ne revient pas au pouvoir, nous resterons ici, Gaza est un bon endroit pour vivre. Nous espérons simplement que ce désastre avec Israël va se terminer. Gaza possède des réserves de gaz valant des milliards dont la bande pourrait vivre.
[Obeid fait ici référence au gisement de gaz de la Marine de Gaza qui a été découvert en l’an 2000 par British Gas mais dont le développement a été reporté pour des raisons sécuritaires et politiques jusqu’à une date récente. Le gouvernement israélien a donné son approbation préliminaire à son développement en date du 18 juin 2023.]
Pensez-vous que le Hamas puisse être chassé du pouvoir ?
Israël déclare qu’il faudra un an ou deux pour s’assurer que le Hamas ne reviendra pas au pouvoir. Je l’espère, j’espère qu’il ne gouvernera plus Gaza à l’avenir mais je prédis, pour ma part, qu’il fera son retour.
Après tout, qui peut gouverner Gaza? Mahmoud Abbas? Il est vieux et il est malade. Est-ce que vous pensez vraiment que le Hamas va renoncer à Gaza, même si tous ses résidents devaient être morts ?
Bien sûr, ils annonceront qu’ils ont vaincu Israël, même s’ils ont causé la mort de 70 000 Palestiniens et qu’ils ont entraîné la destruction complète de la bande.
[Le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l’autorité du Hamas, affirme que plus de 33 000 personnes ont été tuées dans les combats en cours au sein de l’enclave côtière jusqu’à présent – un chiffre invérifiable et qui comprend les 13 000 hommes armés du groupe terroriste qui, affirme Tsahal, ont été tués par Israël].
Est-ce que vous pensez vraiment que le Hamas va renoncer à Gaza, même si tous ses résidents devaient être morts ?
Personne ne veut du Hamas mais les gens ne voient aussi aucune autre alternative.
Netanyahu a été interrogé de manière répétée sur la question de savoir qui prendra les rênes de Gaza et il n’a jamais apporté de réponse. Il pense que toute la population de Gaza a commis le 7 octobre avec le Hamas. Mais nous sommes des victimes. Si le Hamas revient au pouvoir, je ne resterai pas un jour de plus ici.
Mais que préféreriez-vous ? Vivre sous le Hamas, sous l’Autorité palestinienne ou sous Israël ?
Quatre-vingt dix pour cent des gens, à Gaza, ne veulent pas du Hamas d’aucune façon [Une estimation personnelle d’Obeid]. Ils savent qu’Israël considère le Hamas comme terroriste et que le pays imposera des nouvelles limitations à Gaza s’il reste au pouvoir.
Les gens préféreraient largement l’Autorité palestinienne au Hamas mais qu’est-ce que le Hamas va donc faire si l’Autorité palestinienne revient ici ? Il ira au Qatar ? Le Hamas ne permettra pas à l’Autorité palestinienne de gouverner sans encombre. Les terres du Hamas, les terres des Frères musulmans, elles sont ici, à Gaza – et leurs milliards sont au Qatar. Ils vont se battre.
Le Hamas est en ce moment même en train de mener des négociations avec Israël. Pensez-vous que lorsqu’elles seront terminées, [le leader du Hamas, Ismail] Haniyeh va dire à Israël : « Venez donc prendre le relais, je vous en prie ? »
Ce que le Hamas a fait le 7 octobre, il l’a fait parce qu’il sait parfaitement qu’il est haï par la population de Gaza. Le Hamas a eu peur de la population, le sentiment anti-Hamas y est croissant.
S’il n’y a plus de Hamas à Gaza, alors je resterai ici. J’ai 65 ans, j’ai voyagé dans le monde entier mais j’adore cet endroit. Il y a des gens bien ici mais ils ne parviennent pas à se gérer. Ils ont besoin de quelqu’un provenant de l’extérieur pour les contrôler. Bien sûr, l’Autorité palestinienne pourrait prendre la suite mais je pense que si les Juifs [c’est-à-dire les Israéliens] se montrent judicieux, alors ils annexeront Gaza.
Annexer Gaza ? Après le désengagement d’il y a dix-sept ans ? Avec la reconstruction des implantations ?
Oui, ils peuvent reconstruire Netzarim [une implantation israélienne de la bande qui avait été évacuée lors du retrait d’Israël en 2005] et ils peuvent, en parallèle, accorder la citoyenneté aux Gazaouis. Leur donner un « droit du retour ». Quoi qu’il arrive, il n’y aura jamais de solution à deux États.
Alors créons donc un pays et nous, les Palestiniens, nous vivrons à vos côtés, avec vous. Il n’y a pas d’autre solution. L’alternative, c’est une guerre sans fin – des veuves, le déchirement.
Je me le demande : Qui les Juifs prient-ils, qui les musulmans prient-ils ? Ils prient Dieu. Combien y a-t-il de Dieu ? Il n’y en a qu’un seul. Nous prions donc le même Dieu. Les musulmans sont les enfants d’Ismaël et les Juifs sont les enfants d’Isaac.
En Irak, au Maroc, au Yémen, les Juifs et les musulmans ont vécu côte à côte pendant des siècles, sans guerre. Les problèmes n’ont commencé qu’avec [le fondateur du mouvement sioniste, Theodor] Herzl et la création de l’État d’Israël.
En Irak, au Maroc, au Yémen, les Juifs et les musulmans ont vécu côte à côte pendant des siècles, sans guerre. Les problèmes n’ont commencé qu’avec Herzl et la création de l’État d’Israël
[S’il est vrai que les Juifs ont vécu sur des terres arabes pendant des milliers d’années – et qu’un grand nombre des membres de la communauté ont précédé là-bas l’avènement de l’Islam – les Juifs étaient généralement soumis au paiement d’un impôt spécial versé aux gouvernants musulmans et ils ne bénéficiaient pas des mêmes droits que les musulmans. Au 20e siècle, avec l’essor du nationalisme arabe et le conflit en Palestine, les régimes arabes ont lancé une campagne de violation massive des droits de leurs citoyens juifs, les expropriant de leurs biens, les dénaturalisant, les expulsant, les arrêtant ou assassinant un grand nombre d’entre eux].
Je pense que l’écrasante majorité de la population de Gaza veut vivre comme les Palestiniens de 1948 [un terme commun, en arabe, pour évoquer les Arabes israéliens].
Pensez-vous alors qu’Israéliens et Palestiniens peuvent vivre ensemble ? Quels sont vos souvenirs des huit années que vous avez passées à vivre parmi les Israéliens à Tel Aviv ?
Je connaissais de nombreux Juifs et jamais je n’ai eu de problème avec eux. Je sortais avec eux en permanence, hommes et femmes ensemble. J’ai toujours éprouvé du respect à leur égard.
Cela a été une erreur de ne pas enseigner l’hébreu à toute la population de Gaza. Quand le Hamas a commencé son ascension vers le pouvoir et qu’il a commencé son lavage de cerveau concernant sa mission divine de combat contre les Juifs et de libération de la Palestine, j’ai commencé à me demander : « Mais où entraîneront-ils tous ces pauvres gens, avec leurs mensonges et avec leurs guerres ? Je ne veux pas mourir pour leur cause, qu’ils aillent mourir seuls ».
@sami.obiedרפיח היום אחריא 178 ימי מלחמ♬ الصوت الأصلي – sami Obied
Pour moi, Tel Aviv est la plus belle ville de toute la Palestine. Jérusalem a son Histoire et c’est le cas également de Bethléem, de Nazareth, de Hébron ou de Naplouse – mais Tel Aviv est la plus belle. Elle est plus belle que Netanya ou que Herzliya. J’adore la manière dont la ville se fond avec la mer.
Gaza est également sur la côte, non ?
Oui, c’est vrai et c’est également très beau. Écoutez, la Palestine a une côte de 270 kilomètres de long et chaque centimètre a sa propre Histoire.
J’adore la mer : elle me maintient en vie. Chaque jour, je marche dix à douze kilomètres pour aller à la plage et pour simplement me promener en bord de mer. Avant la guerre, je pesais 88 kilos ; aujourd’hui, je pèse 65 kilos à la fois en raison de tout cet exercice physique et de la pénurie alimentaire.
Une dernière question : Où se trouve [le leader du Hamas] Yahya Sinwar?
Je ne suis pas son ami, je l’ignore. Je suis presque sûr qu’il n’est pas à Gaza. Si j’avais tout l’argent qu’il a, je serais dès demain au Maroc. Ce qui me préoccupe à l’heure actuelle, en ce qui me concerne, c’est que moi-même et mes enfants puissions vivre notre vie. Sans la guerre.