Un an jour pour jour après que le ministre de la Santé de l’époque, Yaakov Litzman, a visité l’hôpital de Sheba et déclaré « nous sommes prêts à faire face au virus », Israël a enregistré jeudi soir son 5 000e décès dû au coronavirus.
Le deuil de ceux qui meurent de la COVID-19 est un rituel chargé de complications. Les funérailles sont limitées pendant les confinements. La shiva d’une semaine, au lieu d’être un moment où les gens visitent et réconfortent les endeuillés, est limitée ou forcée de se dérouler via Zoom.
Au début de la pandémie, des articles étaient publiés quotidiennement sur chaque personne qui succombait à la maladie. Mais à mesure que les décès se sont accumulés, et multipliés, les nécrologies ont ralenti, puis ont disparu.
« Lentement, il y a eu moins d’histoires et plus de données en chiffres », a déclaré Amit Yizraeli, un enseignant qui a participé à la création de Rikma, un site Web dédié à la mémoire des Israéliens morts du virus.
« Nous avons senti que nous devions pleurer avec les familles, pour les victimes elles-mêmes. Dans la tradition juive, personne n’est juste un chiffre, c’est un monde entier à lui tout seul. »

Rikma, We Are All One Human Tapestry, est un projet en ligne créé par un groupe, qui ressent une responsabilité sociale, d’amis de Dror Israël – une organisation de 1 300 éducateurs formés promouvant l’activisme social en Israël – afin d’aider les Israéliens à pleurer décemment ceux qui sont morts de la COVID-19. Le site est calqué sur le site Web Izkor du ministère de la Défense, qui affiche des biographies et des histoires de tous les morts des guerres d’Israël.
Le site Web de Rikma fonctionne simplement ; les personnes en deuil sont invitées à ajouter le nom et les coordonnées d’un être cher décédé, ou peuvent rechercher le nom d’un proche décédé. Le nom et les informations sur chaque personne décédée sont inscrits dans des cadres bleus décorés de l’image d’une bougie commémorative. Des centaines de cadres flottent sur la page d’accueil, jusqu’à ce qu’un utilisateur clique sur l’un des cadres pour le lire.
Jeudi soir, il y avait 376 histoires d’Israéliens qui ont succombé au COVID-19 depuis le début de l’épidémie.

Avec des milliers de nouveaux cas par jour et des dizaines de décès – 51 décès ont été enregistrés mercredi seulement – le nombre total a atteint 5 001 jeudi soir, selon les chiffres du ministère de la Santé.
« Janvier a été un mois terrible », a déclaré Yizraeli. « Il y a eu plus de 1 000 décès, soit plus de 20 % du nombre total de décès depuis le début de la pandémie. »
Le site fonctionne pour l’instant en hébreu et une version en arabe est en cours de développement. Tout est géré par sept volontaires de Dror Israël, membres de Dror Soft, une organisation sœur à but lucratif dédiée à l’utilisation de la technologie au service de la société et des êtres humains, utilisant leurs bénéfices pour soutenir leurs projets de services sociaux.
Les monuments commémoratifs varient du personnel au plus général, chacun d’eux profondément imprégné de la perte et du manque que chaque mort apporte.
« Moshe Hillel, est décédé le 25 mars 2020. Hillel est décédé à l’hôpital Sheba Tel Hashomer. “Nous avons demandé un test de coronavirus pendant longtemps, mais ils ne sont arrivés qu’après cinq jours. Lorsque le résultat positif est revenu, il était déjà sous respirateur”, a déclaré sa fille.
« Meir Yadi, décédé le 29 juillet 2020. Papa on t’aime et tu nous manques, tu nous manques !! »

« Shoshana Giat, décédée le 9 septembre 2020. Savta Shoshi (72 ans) était une femme en bonne santé. Sans problèmes de santé. Une grand-mère active et impliquée. Qui faisait de bonnes actions tout le temps. Elle adorait voyager en Israël et dans le monde. Elle s’assurait de bien manger et de rester active. Elle a été infectée par le coronavirus pendant les vacances d’été. Pendant sept semaines, Shoshana a lutté pour survivre. Elle avait envie de vivre. Mais malheureusement, le coronavirus a envahi son système et elle est décédée dans une unité coronavirus, loin de sa famille. Que sa mémoire soit une bénédiction. »
Certaines des victimes du coronavirus sont répertoriées sans nom : « 89 ans, de Jérusalem, résidente de la maison de retraite Migdal Nofim, hospitalisée pendant deux semaines. Elle était la troisième résidente à succomber au coronavirus de la maison de retraite. Elle est décédée le 26 mars à l’hôpital Hadassah Ein Kerem de Jérusalem. »
Lorsque le site Web reçoit une demande d’inscription, l’un des bénévoles de Rikma appelle la personne en deuil pour enregistrer tous les détails.

« Un monde entier s’ouvre pendant cet appel téléphonique », a déclaré Yizraeli. « Ils peuvent parler de leur être cher. C’est une autre façon de pleurer cette personne, surtout à présent alors qu’il n’y a pas de vraie shiva. »
C’est une édition spéciale du New York Times de mai 2020, en souvenir des 100 000 Américains décédés du coronavirus, qui a motivé la création du site Web Rikma.
The front page of The New York Times for May 24, 2020 pic.twitter.com/d14JhFp4CP
— The New York Times (@nytimes) May 24, 2020
Yizraeli discutait de la pandémie avec ses amis sur Zoom, et du sentiment que chaque victime de coronavirus était réduite à un numéro, sans que l’on s’en souvienne comme d’un individu.
« Nous avons pensé que si le New York Times pouvait le faire, nous le pouvions aussi », a déclaré Yizraeli. « Nous avons transformé cette conversation Zoom en ‘passons à l’action’. »
Ils ont rallié leurs volontaires, notamment un studio graphique bien connu qui a offert de son temps pour la conception, et créé le site qui reflète le site Web Yizkor du ministère de la Défense conçu en mémoire des victimes israéliennes des guerres et du terrorisme.

Les analyses de Rikma montrent qu’une fois que le nom d’une personne a été saisi sur le site Web, des dizaines de personnes entrent dans Rikma pour lire le message et le partager sur les réseaux sociaux.
« C’est une sorte de shiva numérique », a déclaré Yizraeli. « Il n’était tout simplement pas juste que ces gens quittent ce monde sans qu’on leur rende hommage, au moins de façon minime. »