Israël en guerre - Jour 571

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  • Oldrich Stransky, né en 1921, photographié à Prague, en République tchèque, en 2014.  (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
    Oldrich Stransky, né en 1921, photographié à Prague, en République tchèque, en 2014. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
  • Les sœurs Sally Marco, Ruth Mehler et Regina Hirsch nées Landotswicz, photographiées au musée de la Shoah de Los Angeles, en 2016. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
    Les sœurs Sally Marco, Ruth Mehler et Regina Hirsch nées Landotswicz, photographiées au musée de la Shoah de Los Angeles, en 2016. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
  • Greta Klingsberg née Hofmeister, née en 1929, photographiée dans son jardin, à Jérusalem, en 2017. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
    Greta Klingsberg née Hofmeister, née en 1929, photographiée dans son jardin, à Jérusalem, en 2017. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
  • Sol Wachsberg né Shlomek Wachsberg, né en 1926, photographié à Houston, au Texas, en 2013. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
    Sol Wachsberg né Shlomek Wachsberg, né en 1926, photographié à Houston, au Texas, en 2013. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
  • Maud Beer née Steckelmacher, née en 1929, photographiée sur la plage Gordon, à Tel Aviv, en 2016. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
    Maud Beer née Steckelmacher, née en 1929, photographiée sur la plage Gordon, à Tel Aviv, en 2016. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
  • Otto Grenfield né Otto Grünfeld, né en 1924, photographié dans les Howardian Hills, North Yorkshire, en Angleterre, en 2013. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
    Otto Grenfield né Otto Grünfeld, né en 1924, photographié dans les Howardian Hills, North Yorkshire, en Angleterre, en 2013. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)
Interview

Un photographe américain immortalise les derniers survivants de Theresienstadt

Le livre grand format récemment publié par Dennis Darling comprend des portraits en noir et blanc et des témoignages émouvants de Juifs qui étaient enfants et adolescents dans le ghetto nazi près de Prague

En 2008, Dennis Carlyle Darling dirigeait un programme de photo-journalisme à l’étranger de l’Université du Texas à Prague. Pendant son séjour, il a accepté l’invitation d’un autre programme universitaire à occuper un siège vide dans un bus à destination de Theresienstadt (aussi appelé « Terezin »), le ghetto nazi de la Seconde Guerre mondiale situé à 70 kilomètres au nord de la ville.

Seize ans plus tard, cette décision a donné naissance à Borrowed Time : Survivors of Nazi Terezin Remember (« Du temps emprunté : Les survivants du Theresienstadt nazi se souviennent »), une collection de photographies de survivants de Theresienstadt prises par Darling, accompagnées de souvenirs de leur expérience de la Shoah. Le livre a été publié en janvier de cette année.

« Après avoir vu Terezin et rencontré un survivant qui nous a parlé, j’ai décidé d’y emmener mes élèves l’été suivant. C’est à ce moment-là que j’ai pris ma première photo pour ce projet. C’était celle du survivant qui nous servait de guide », a déclaré Darling au Times of Israel.

N’ayant jamais entendu parler de Terezin ni rencontré de survivant de la Shoah, Darling a appris que Terezín (appelé Theresienstadt par les Allemands) était une ancienne garnison militaire du XVIIIe siècle dans laquelle les nazis ont emprisonné des Juifs tchèques, allemands, autrichiens, néerlandais, danois et autres jusqu’à ce qu’ils puissent être transportés à Auschwitz ou dans d’autres camps de la mort.

Dennis Carlyle Darling. (Crédit : Autorisation)

Le ghetto de Theresienstadt ayant été utilisé à des fins de propagande nazie, les Juifs ont pu mener une vie culturelle et éducative relativement intense. Cependant, derrière la façade, les conditions étaient si horribles que plus de 33 000 des 141 000 Juifs emprisonnés sont morts de malnutrition, de maladie et de mauvais traitements.

« Mon père était navigateur dans l’armée de l’air américaine pendant la guerre. Il a été touché et interné comme prisonnier de guerre dans un camp qui s’est avéré être tout proche. Je pense que c’est ce qui m’a permis d’établir un lien. L’histoire de mon père m’a également aidé lorsque j’ai parlé à des survivants et que je leur ai demandé de participer à mon projet », a expliqué Darling.

Darling, qui a enseigné le photo-journalisme, le documentaire social et la conception graphique à l’Université du Texas à Austin pendant 40 ans jusqu’à sa récente retraite, a réalisé quelques portraits en République tchèque et pensait que ce serait tout.

« Mais les gens ont commencé à me suggérer d’autres survivants qu’ils connaissaient et que je devrais contacter. Au bout d’un moment, j’ai commencé à être doué pour suivre les gens. Vers 2011 ou 2012, j’ai trouvé mon rythme de croisière et j’ai également trouvé une femme tchèque qui pouvait m’aider pour la traduction », a raconté Darling.

« Borrowed Time : Survivors of Nazi Terezín Remember », par Dennis Carlyle Darling. (Crédit : University of Texas Press)

En 2021, Darling a effectué de nombreux voyages – à ses frais – dans différents pays, dont les États-Unis, le Canada, la République tchèque, le Royaume-Uni, la France et Israël, afin de photographier et d’interviewer des survivants de Theresienstadt. Principalement des enfants et des adolescents pendant la guerre, ces survivants sont aujourd’hui les derniers Juifs en vie à fournir un témoignage de première main sur ce qu’a été la captivité dans le ghetto.

Dans un cas, Darling a pris une semaine de congé pour se rendre à Londres afin d’assister à une visite de 15 minutes avec Alice Herz-Sommer (née Aliza Herz), la célèbre pianiste classique décédée en 2014 à l’âge de 110 ans.

A LIRE : Éclats de rire et de vie dans un film sur une survivante de la Shoah

Dans la légende de la photographie de Herz-Sommer dans le livre, on trouve une citation d’elle sur les moments que Franz Kafka, un ami de la famille, a passés chez elle, parlant souvent de ses écrits avec la mère de Herz-Sommer.

« Kafka était un homme un peu étrange, gentil, indécis et toujours ‘habillé pour le bureau’. Il ne parlait pas beaucoup, mais aimait le calme et la nature. Nous partions souvent en voyage ensemble. »

Andula Lorencova née Weinsteinova en 1927, photographiée à Prague, en République tchèque, en 2012. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)

Après avoir photographié Herz-Sommer, Darling a utilisé la photo qu’il avait prise d’elle comme carte de visite lorsqu’il a contacté d’autres survivants auxquels il s’est adressé.

« Non seulement j’aimais beaucoup la photo, mais cela m’a aidé parce que tout le monde connaissait Alice. Je mettais une copie de la photo dans les lettres que j’envoyais aux gens pour leur demander de venir les voir. C’était en quelque sorte une façon d’établir la confiance », a déclaré Darling.

Délaissant la photographie numérique, Darling a emporté avec lui un lourd appareil photo argentique, ainsi qu’un scanner, lors de toutes les visites. À la fin du projet, il avait photographié et interrogé 150 survivants. Seuls 74 d’entre eux ont été inclus dans le livre.

« La pire partie du projet a été l’édition, car nous avons dû exclure tant de personnes du livre. D’une manière générale, les critères d’inclusion étaient une bonne photo accompagnée d’une histoire passionnante. Certaines personnes avaient certainement un témoignage important à partager, mais elles ne me l’ont pas bien transmis », a déclaré Darling.

Robert Fischer, né en 1935, photographié au cimetière de Greenwood, à Atlanta, en Géorgie, en 2014. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)

Le nombre de survivants inclus a également été limité pour des raisons pratiques. En l’état, le livre compte 288 pages.

Lorsqu’on lui demande si des rencontres avec des survivants de Theresienstadt lui ont particulièrement marqué, Darling répond qu’il y en a eu deux.

Les sœurs Eva Macourková et Hana Kumperová nées Sachselová, en 1931 et 1926, photographiées à Usti nad Labem, en République tchèque, en 2013. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)

Le premier était avec la survivante tchèque Eva Macourková. Darling s’est assis en face d’elle, à la table de sa cuisine, tandis qu’elle racontait comment elle, sa sœur aînée Hana et leur mère en mauvaise santé avaient été déportées à Theresienstadt, puis dans plusieurs camps de travail. Elles ont été autorisées à rester ensemble et, pendant des mois, les sœurs ont fait de leur mieux pour empêcher leur mère affaiblie de se tuer à la tâche. Malgré tous leurs soins, elle est morte seule dans les tout derniers jours de la guerre, laissant les deux jeunes filles, qui avaient été séparées d’elle, se débrouiller seules.

Après avoir fini de raconter l’histoire à Darling, Macourková s’est levée de table, est entrée dans le garde-manger de sa cuisine et a fermé la porte. Elle est restée là, dans l’obscurité, pendant plusieurs minutes, en pleurant bruyamment. Se frottant les yeux, elle est finalement retournée dans la cuisine pour dire au revoir et raccompagner le photographe.

Martin Stern, né en 1938, photographié sur King Charles Street, à Londres, en Angleterre. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)

« Je n’oublierai jamais que je me suis assis de l’autre côté de la porte du garde-manger et que j’ai écouté le chagrin encore à vif après plus de six décennies », a déclaré Darling.

La deuxième rencontre dont Darling dit se souvenir avec force est le temps passé avec Eva Hermannová, qui, enfant à Theresienstadt, tenait un petit journal.

Toman Brod, né en 1929, photographié à la gare de triage de Bubny, à Prague, en République tchèque, en 2013. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)

« Peu d’enfants et de journaux intimes ont survécu à la guerre, mais Eva et son journal l’ont fait. Eva et son journal ont survécu. Elle a toujours été une enfant très créative. En prison, elle dessinait et collait dans son journal des choses qu’elle avait trouvées dans le camp », a déclaré Darling.

En feuilletant le journal d’Hermannová, il est tombé sur une section où de petites enveloppes blanches étaient collées sur la page à côté de rangées de noms avec des numéros. Hermannová a expliqué que les noms étaient ceux de camarades enfants prisonniers qui avaient été envoyés dans un autre camp et que les numéros correspondaient aux transports dans lesquels ils étaient partis.

Elle a ajouté qu’il était courant pour les bons amis d’échanger des mèches de cheveux avec ceux qui partaient dans un transport le matin suivant. Ces mèches de cheveux se trouvaient dans les enveloppes blanches collées sur les pages du journal d’Eva.

« Eva a soigneusement ouvert l’une des enveloppes et a déposé une touffe de boucles dans la paume de ma main. Je lui ai demandé à qui elle appartenait. Elle m’a répondu qu’il s’agissait d’un ami assassiné à Auschwitz. Je tenais les derniers restes tangibles d’un enfant gazé, puis incinéré par les nazis à Auschwitz », a déclaré Darling.

Raja Žádníková née Engländerová, née en 1929, photographiée à la gare de triage de Bubny, à Prague, en République tchèque, en 2012. (Crédit : Dennis Carlyle Darling)

« C’est un moment qui m’a donné à réfléchir et qui m’a marqué tout au long de ce projet, et qui me marquera probablement à vie », a-t-il ajouté.

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