Israël en guerre - Jour 466

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Le père de Khaled Nofal, qui a été tué lors d'une altercation avec des résidents d'implantations israéliens, sur le toit de la maison familiale dans le village de Ras Karkar en Cisjordanie, le 11 février 2021. (Judah Ari Gross/Times of Israel)
Le père de Khaled Nofal, qui a été tué lors d'une altercation avec des résidents d'implantations israéliens, sur le toit de la maison familiale dans le village de Ras Karkar en Cisjordanie, le 11 février 2021. (Judah Ari Gross/Times of Israel)

Une famille palestinienne veut comprendre « l’attaque terroriste » de leur fils

Pour Israël, l’altercation mortelle dans un avant-poste relève du terrorisme. Mais pourquoi Khaled Nofal, non armé, se trouvait-il au sommet d’une colline de Cisjordanie à l’aube ?

RAS KARKAR, Cisjordanie – Il semblait que la chance de Khaled Nofal avait enfin tourné. Après près d’un an de séparation, il s’apprêtait à retrouver sa femme et son jeune fils, bloqués en Jordanie depuis l’apparition de la pandémie de coronavirus.

Pour inaugurer la nouvelle étape de leur vie, Nofal, 34 ans, employé au ministère des Finances de l’Autorité palestinienne, avait loué un nouvel appartement à Ramallah et commençait à s’y installer. Il avait acheté de nouveaux vêtements pour la première fois depuis des années. Il s’apprêtait à se rendre au poste-frontière du pont Allenby pour les rencontrer et les ramener en Cisjordanie – et puis la frontière a été fermée.

Le 4 février, la nuit où il était censé retrouver sa femme Suzanne et son fils Yousef âgé de 4 ans, Nofal s’est assis à la place avec ses parents dans la maison familiale à Ras Karkar, une petite ville tranquille au nord-ouest de Ramallah. Vers 22 heures, son père, un électricien de formation qui a travaillé comme homme à tout faire en Israël, est allé se coucher. Une heure et demie plus tard, sa mère a fait de même.

« Nous nous sommes assis dans le salon. Nous avons fait des projets pour le lendemain – il avait prévu d’acheter une nouvelle voiture, il voulait déménager le reste de ses affaires – et puis je suis montée. Tout allait bien. Tout semblait normal, il était si normal », a déclaré son père, Maher Nofal, au Times of Israel, devant le domicile familial.

Une voiture appartenant à Khaled Nofal devant la maison d’Eitan Zeev à l’avant-poste illégal de la ferme Sdeh Efraim dans le nord de la Cisjordanie, après une altercation au cours de laquelle Nofal a été abattu, le 5 février 2021. (Armée israélienne)

C’était la dernière fois qu’il voyait son fils vivant. La prochaine fois qu’il verra le visage de son fils, ce sera sur la photo d’un smartphone tenu par un officier israélien qui a frappé à leur porte à l’aube.

« Les soldats sont arrivés au petit matin. Ils ont frappé à la porte et ont demandé Khaled. J’ai ouvert la porte et je leur ai dit que Khaled était là. C’est en ouvrant la porte que j’ai vu que sa voiture avait disparu », a déclaré Maher.

A un moment donné, en pleine nuit, sans que personne d’autre dans sa famille ne le sache, Khaled Nofal a quitté sa maison et est parti en voiture, ont déclaré ses proches au Times of Israel.

Selon le récit de l’armée israélienne, qui repose presque entièrement sur le témoignage des résidents de l’implantation israélienne, vendredi matin, vers 3h45, Nofal a roulé en voiture à quelques centaines de mètres de là, à travers une vallée boueuse et sur une crête appelée localement Risan, jusqu’à l’avant-poste de la ferme Sdeh Efraim, qui surplombe Ras Karkar. Il n’était pas armé et était seul.

Selon l’armée israélienne, Nofal a couru jusqu’à la maison du propriétaire, Eitan Zeev, et a frappé à la porte verrouillée pour tenter d’entrer, attirant l’attention des gardes qui patrouillaient dans l’avant-poste. Il s’est battu avec un garde non armé avant que Zeev et un deuxième garde, tous deux armés, n’ouvrent le feu, tuant Nofal, selon l’armée.

L’armée israélienne a rapidement considéré l’incident comme une tentative d’attentat terroriste, malgré le peu de preuves indiquant un motif nationaliste – plutôt que personnel – et malgré la question persistante de savoir comment Khaled comptait mener une attaque sans arme. Comme la plupart des habitants de Ras Karkar, Khaled savait probablement que les personnes vivant à la ferme Sdeh Efraim avaient des armes et étaient prêtes à les utiliser.

Aucune autre enquête n’a été ouverte par l’armée ou la police. Un porte-parole du district de police israélien de Cisjordanie a déclaré au Times of Israel mardi que « ce n’était pas un événement criminel. C’était une attaque terroriste, et en tant que telle, il n’y a pas d’affaire ».

Mais pour la famille Nofal, la fusillade a immédiatement déclenché des signaux d’alarme, notamment en raison de l’implication de Zeev, dont ils savaient qu’il était jugé pour coups et blessures graves pour avoir blessé par balle un autre Palestinien lors d’une altercation en juillet à l’extérieur du village de Biddya, dans le nord de la Cisjordanie.

Khaled Nofal assis avec son fils Yousef Nofal. (Autorisation : Famille Nofal)

En outre, la raison pour laquelle Zeev était armé n’était pas claire, puisque son arme de poing avait été confisquée en raison de son inculpation.

La famille a déclaré qu’elle connaissait Zeev – de réputation et par expérience – bien avant la fusillade. En dehors de la fusillade de Biddya, ils ont affirmé qu’il avait tendance à menacer les Palestiniens qui s’approchaient de sa ferme.

Bien que l’arme de Zeev ait été officiellement confisquée après son inculpation, les Palestiniens de la région – dont la famille Nofal – ont déclaré l’avoir vu se promener dans les collines avec un pistolet à la ceinture.

« Il descend du sommet de la colline avec son pistolet attaché à la cuisse, voulant se faire passer pour le maître des lieux. Il menace de tirer sur quiconque s’approche de lui », raconte un autre membre de la famille Nofal. « Je veux le frapper. Je n’aurais aucun problème avec ça. »

Les tensions couvent entre l’avant-poste illégal de Zeev et les résidents de Ras Karkar depuis sa création en 2018. Les résidents de Ras Karkar avaient l’habitude de cultiver certaines parties de la crête de Risan – qui est enregistrée par Israël comme terre d’État à usage public – mais disent que le faire est plus difficile maintenant. Les résidents de Ras Karkar ont sporadiquement manifesté contre la ferme depuis sa construction, se heurtant parfois violemment aux soldats israéliens.

Vue de l’avant-poste de la ferme Sdeh Efraim depuis le village de Ras Karkar en Cisjordanie, le 11 février 2021. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)

Pour la famille Nofal, comme pour le reste de Ras Karkar, l’opposition à la ferme faisait partie d’une lutte plus large contre le contrôle de la Cisjordanie par Israël. Mais la mort de Khaled l’a fait passé d’une question de nationalisme à une question profondément personnelle.

Perchée sur une colline au-dessus de leur maison, la ferme est aujourd’hui un rappel quotidien de ce qu’ils ont perdu.

« Il a tué un de nos fils », a dit l’oncle de Khaled, Murad Nofal. « Il doit partir. »

Pas de moyens, mais peut-être un motif

Khaled Maher Nofal – les Palestiniens prennent traditionnellement le nom de leur père comme deuxième prénom – est né en 1987. Il a fréquenté l’université de Birzeit, près de Ramallah, et a obtenu un diplôme de commerce.

Quand le moment est venu de se marier, Khaled a épousé une cousine : Suzanne, une architecte jordano-palestinienne. Ils ont vécu ensemble dans la maison de Maher à Ras Karkar, avec les jeunes frères de Khaled, Khaldoun et Mohammad. Il avait un fils, Yousef. Un coup d’œil sur les médias sociaux de Khaled montre d’innombrables photos de l’enfant aux cheveux blonds et aux yeux bleus.

« Son fils, son Yousef », se rappelle son frère Mohammad. « Son fils était toute sa vie ». Selon Mohammad, la famille ne sait toujours pas comment annoncer à Yousef ce qui est arrivé à son père il y a seulement deux semaines.

Nofal avait un emploi stable, en tant que contrôleur fiscal au ministère des Finances de l’Autorité palestinienne, et il avait l’intention de commencer à aider son oncle Murad à monter une entreprise de livraison. La veille de son départ pour Sdeh Efraim, il a parlé à son père de son projet d’acheter une nouvelle voiture, mieux adaptée à la vie à Ramallah, selon son oncle Murad.

Murad vit dans l’Ohio mais a obtenu une permission spéciale pour rentrer à Ras Karkur après le décès. Il a dit qu’il était en contact régulier avec Khaled et Suzanne, qui est aussi sa nièce. (Suzanne, qui se trouve toujours en Jordanie, a refusé de faire des commentaires pour les besoins de cet article).

M. Maher a déclaré que son fils n’avait pas d’antécédents de violence ni de liens avec des groupes terroristes. Les habitants de son village s’étaient déjà heurtés à des Israéliens locaux par le passé, mais rien ne lui était arrivé personnellement et il n’y avait eu aucun incident les jours précédents, selon sa famille et l’armée.

« Je ne sais pas ce qui a pu se passer », a déclaré Maher au Times of Israel une semaine après la fusillade. « La police m’a demandé un récit alternatif, mais je leur ai dit que je n’avais pas d’autre récit. Je n’ai que le récit israélien, et il n’est pas logique. »

« Il était extrêmement calme et patient, ce n’était pas quelqu’un de violent, d’agressif ou qui cherchait la bagarre », a déclaré Mohammad, 25 ans, le frère de Khaled.

Mohammad Nofal, dont le frère Khaled a été tué lors d’une altercation avec des Israéliens des implantations, devant la maison familiale dans le village de Ras Karkar, en Cisjordanie, le 11 février 2021. (Judah Ari Gross/Times of Israel)

Mais Murad a déclaré que Khaled était morose la veille du jour où il a été abattu. Après avoir attendu pendant des mois la réouverture du pont Allenby, le jeune comptable s’attendait à voir sa femme et son jeune fils arriver de Jordanie jeudi.

Le même jour, la frontière a été fermée à nouveau en raison de nouvelles restrictions liées au coronavirus dans tout le pays. Le pont Allenby, comme l’aéroport international Ben Gurion, reste fermé trois semaines plus tard, seuls les cas exceptionnels étant autorisés à passer, a déclaré un responsable de la Défense israélienne.

Khaled avait minutieusement préparé leur arrivée. Lorsque la nouvelle de la fermeture soudaine de la frontière est tombée, il était dévasté, selon Murad.

« Il attendait ce moment, ce jeudi, pour aller en Jordanie et les récupérer – et puis ils ont fermé [la frontière]. Alors à quoi pensait-il ? Peut-être qu’il pensait que vous faisiez partie de la raison pour laquelle, vous savez ? » a déclaré Murad, en faisant référence à Zeev. Il a ensuite ajouté : « Je ne sais pas. Peut-être que lorsque la frontière a été fermée, son cerveau a cessé de fonctionner. »

Mais le père de Khaled a souligné que s’il voulait faire du mal, il n’était pas armé le soir où il a été abattu.

« S’il avait voulu poignarder quelqu’un, Dieu nous en préserve, il y a des couteaux dans la cuisine », a déclaré Maher sans ambages, debout dans l’appartement à moitié vide de Khaled.

D’autres habitants de Ras Karkar ont déclaré qu’il y avait des armes dans la ville et des groupes armés – « pas avec l’Autorité palestinienne », a dit l’un d’eux en toute connaissance de cause – qui étaient prêts à mener des actions violentes contre Israël. Mais Khaled n’était pas l’un d’entre eux, ont-ils dit.

« Khaled n’est pas un de ces types. Ce n’est pas qu’il ne se souciait pas de son peuple ou de sa terre, mais ce n’était pas sa façon de la reprendre. Si les gens lui demandaient s’il voulait jeter des pierres sur les soldats israéliens, il ne le ferait pas. Il n’avait pas cette violence en lui », a déclaré Murad.

Affiches montrant Khaled Maher Nofal, qui a été tué lors d’une altercation avec des Israéliens d’implantations, sur la maison familiale dans le village de Ras Karkar en Cisjordanie, le 11 février 2021. (Judah Ari Gross/Times of Israel)

Mais si Khaled ne voulait pas tuer un Israélien lorsqu’il est arrivé au sommet de la colline vendredi ? Le choc soudain d’être séparé de sa femme et de son fils pour une durée inconnue aurait-il pu le pousser à essayer de se faire tuer ?

Faisant remarquer son point de vue d’outsider en tant que personne vivant aux États-Unis, Murad a déclaré que « la moitié de ces personnes souffrent de dépression ».

« En Israël, je suis sûr qu’il y a des établissements, le gouvernement aide avec de l’argent. Ici, qui va aider pour la dépression ? Ils ne se font pas de câlins. Ils ne savent pas dire ‘tout va bien se passer. Vous êtes en vie' », a déclaré Murad.

De la ferme aux ennuis

En regardant vers le sud depuis le toit de la maison de la famille Nofal, on peut facilement voir la ferme Sdeh Efraim, construite illégalement en
2018 : un ensemble rutilant de caravanes et de bâtiments agricoles.

Shabtai Bendet, chercheur pour le groupe de gauche anti-colonisation Peace Now, (La Paix maintenant), a décrit la ferme Sdeh Efraim comme un « avant-poste illégal classique », créé sans autorisation, sans planification et sans coordination avec les autorités israéliennes.

Des manifestants palestiniens affrontent des soldats israéliens lors d’une manifestation contre la création d’un avant-poste israélien illégal à proximité du village de Ras Karkar, dans le centre de la Cisjordanie, le 30 août 2018. (Flash90)

Le sol a été préparé pour l’avant-poste par des activistes en août 2018, ce qui a déclenché des manifestations de la part des habitants de Ras Karkar, qui ont soutenu que les terres de la crête appartenaient à diverses familles de la ville, qui les cultivaient depuis des générations.

Selon M. Bendet, la zone a été désignée terre d’État par Israël parce que la propriété du terrain n’était pas documentée dans le registre foncier jordanien pendant l’occupation de la zone par Amman de 1948 à 1967, alors que les résidents de Ras Karkar possédaient des documents prouvant qu’ils étaient propriétaires du terrain, ainsi qu’un historique de son exploitation.

Les travaux de l’avant-poste ont été interrompus par les affrontements, mais l’armée a peu après déclaré la zone comme une zone militaire fermée, ce qui interdit aux Palestiniens de s’en approcher. Pendant ce temps, Zeev et d’autres personnes, qui étaient également techniquement interdites par l’ordre militaire, ont néanmoins terminé à la hâte la construction de l’avant-poste.

Bien que les implantations israéliennes soient généralement considérées comme illégales au regard du droit international, les avant-postes tels que la ferme de Sdeh Efraim sont également considérés comme illégaux au regard du droit national israélien, car ils ne bénéficient pas des autorisations nécessaires de la part du gouvernement.

Il était prévu de démolir l’avant-poste peu de temps après sa construction – les autorités peuvent facilement détruire de telles installations sauvages dans un délai de 60 jours – mais le gouvernement est intervenu et a empêché une expulsion rapide, garantissant que toute tentative future de supprimer l’avant-poste nécessiterait un long combat juridique.

Des excavatrices et des bulldozers de l’armée israélienne construisent une route près du village de Ras Karkar en Cisjordanie, près de Ramallah, le 28 août 2018. (AP/Nasser Nasser)

Au cours des deux dernières années, l’avant-poste s’est agrandi et a été doté d’une infrastructure améliorée.

Selon La Paix maintenant, une quarantaine d’avant-postes agricoles illégaux se sont disséminés en Cisjordanie ces dernières années, la plupart d’entre eux étant gardés par des agents de sécurité privés. Malgré leur statut juridique douteux, elles opèrent également sous la protection de l’armée israélienne.

Nombre d’entre elles ont été créées par l’organisation Amana, qui reçoit des fonds publics. Amana n’est pas propriétaire de la ferme Sdeh Efraim, mais a financé la construction d’une route qui serpente au sommet de la colline. Un tribunal a par la suite jugé que cette route empiétait sur des terres palestiniennes privées, mais elle a été considérée comme un fait accompli et autorisée à rester en place.

Selon Amana, la construction d’avant-postes agricoles fournit au mouvement des implantations un moyen simple d’empêcher les Palestiniens d’utiliser les terres publiques et d’élargir l’empreinte du mouvement des implantations en Cisjordanie. La construction de maisons étend les implantations un lot à la fois, mais l’installation d’une caravane et la délimitation d’hectares de terre autour d’elle dans le cadre d’un projet agricole peuvent rapidement et à moindre coût faire le même travail plusieurs fois.

« Une seule ferme peut protéger des terres s’étendant sur des milliers de dunams », a déclaré Zeev Hever, directeur d’Amana, lors d’une conférence virtuelle organisée par l’organisation à but non lucratif la semaine dernière, selon Haaretz.

Les critiques estiment que l’extension des avant-postes agricoles est une façade pour l’expansion des implantations et pour refuser aux Palestiniens l’accès à des terres publiques et ouvertes.

« C’est la nouvelle tendance en Cisjordanie depuis quelques années. Ils installent une ferme, amènent des vaches et des moutons et veillent à ce que les Palestiniens ne s’approchent pas des terres publiques. Lorsque les Palestiniens s’approchent, ils appellent immédiatement l’armée pour tenter de les expulser », a déclaré Hagit Ofran, qui dirige le projet « Settlement Watch » de La Paix maintenant.

La voiture d’un Palestinien devant la maison d’un Israélien à l’avant-poste illégal de la ferme Sde Efraim, dans le nord de la Cisjordanie, où l’armée israélienne affirme que l’homme a attaqué quelqu’un avant d’être abattu, le 5 février 2021. (Armée israélienne)

Eitan Zeev, 27 ans, est propriétaire de Sdeh Efraim et gère un petit groupe de fermes similaires par le biais d’une organisation qu’il a fondée. L’organisation à but non lucratif, « Awaken O Beloved Land », affirme que ses fermes visent à créer un cadre éducatif pour les jeunes à risque par le biais de l’agriculture et de la thérapie.

« [Awaken O Beloved Land] encourage l’établissement dans la région par le biais d’activités de sensibilisation, d’attractions touristiques et plus encore… l’agriculture et le bénévolat pour fournir une assistance aux agriculteurs et protéger leurs droits », selon la déclaration de mission de l’organisation.

Zeev s’est installé dans la ferme Sdeh Efraim, où il vit avec une poignée d’autres personnes, dont des gardes, dans un ensemble de maisons préfabriquées délabrées entourées de serres et d’enclos pour animaux. L’animosité entre les Israéliens et les Palestiniens de la région n’a cessé de s’envenimer, les habitants accusant Zeev d’être une présence menaçante.

« C’est un gangster, ce Eitan Zeev. Je connais les colons, à Beit El, par exemple », dit Maher Nofal sur le toit de sa maison de Ras Karkar, en montrant le groupe de bâtiments de la ferme sur une crête voisine. « Cet homme et ses associés sont différents. Ils viennent ici et agissent comme s’ils étaient les patrons. Pourquoi Israël lui a permis de placer sa ferme là-haut ? »

Mais la famille a également déclaré qu’il n’y avait eu aucun contact personnel entre Khaled et Zeev, et que Khaled n’était pas connu pour être particulièrement préoccupé par l’opposition à l’avant-poste.

Zeev s’est fait connaître du grand public israélien lors d’un affrontement sur une ferme illégale similaire près de la ville arabe de Biddya, près de Naplouse, en juillet dernier. La propriété de la zone est contestée et les Palestiniens affirment que la zone a toujours été exploitée par les résidents de Biddya.

Le 5 juillet, Zeev est arrivé dans la région avec un certain nombre d’autres Israéliens pour travailler la terre. À partir de là, les récits divergent : les Palestiniens locaux affirment que deux Palestiniens ont affronté les Israéliens et ont été abattus, ce qui a provoqué l’arrivée d’une grande foule de locaux sur les lieux. Les Israéliens ont raconté qu’ils avaient été attaqués par une centaine de Palestiniens lançant des pierres, ce qui a poussé Zeev à tirer pour tenter de les chasser.

Zeev et certains de ses collègues ont été légèrement blessés au cours des échauffourées et ont reçu les premiers soins. Deux Palestiniens ont reçu des soins, l’un d’eux ayant été modérément blessé après avoir été touché par un tir de Zeev.

Eitan Zeev, (à droite), reçoit un prix du chef du Conseil régional de Samarie, Yossi Dagan, le 2 septembre 2020, pour son implication dans un affrontement avec des Palestiniens au sujet d’un morceau de terre agricole cet été-là. (Roi Hadi)

Les forces de l’ordre israéliennes ont vu l’affaire d’un autre œil. Selon les documents judiciaires – qui ne mentionnent pas de jets de pierres massifs – des « dizaines de Palestiniens » sont arrivés sur les lieux avant la confrontation, bloquant le seul chemin permettant de quitter la zone. Alors que la tension montait, Zeev a tenté de disperser les Palestiniens en brandissant son pistolet. Il a poussé l’un des Palestiniens, qui « a éloigné sa main ».

À ce moment-là, selon les procureurs, Zeev a baissé son arme et a tiré à côté de l’oreille du Palestinien qui se trouvait devant lui. La balle a touché un autre Palestinien derrière lui.

« La balle a touché le doigt de la victime et a traversé sa cuisse gauche pour pénétrer dans son bassin. Il s’est effondré à terre », ont déclaré les procureurs.

Illustration : Des manifestants palestiniens agitent des drapeaux lors d’une manifestation dans la ville de Biddya, en Cisjordanie, le 6 juillet 2020. (JAAFAR ASHTIYEH/AFP)

La confrontation sanglante entre les Israéliens et les Palestiniens ont fait les gros titres des médias israéliens et palestiniens. Elle a offert Zeev son heure de gloire dans le mouvement des implantations, en tant que « fermier qui a failli être lynché et s’est défendu », comme l’a décrit un journal.

Zeev a ensuite été arrêté et inculpé en septembre pour agression aggravée. En raison de cette inculpation, son arme de poing lui a été retirée. Zeev a défendu ses actions comme étant de la légitime défense : ce que toute personne rationnelle aurait fait dans sa situation.

« C’est une situation dans laquelle la seule chose qui vous traverse l’esprit est la vie de vos amis. Vous pensez à votre femme et à vos enfants, vous voyez la mort devant vous, et vous essayez de penser à la façon dont vous rentrerez chez vous en sécurité », a déclaré Zeev dans une vidéo publiée après son inculpation en septembre.

Son inculpation a été fermement condamnée par la droite religieuse, et des parlementaires pro-implantation ont discuté de son cas depuis la tribune de la Knesset.

« Les victimes du terrorisme ne sont pas censées devenir des accusés au tribunal », a déclaré le chef du conseil régional de Samarie, Yossi Dagan, lors d’une cérémonie en septembre, au cours de laquelle il a remis à Zeev un prix pour sa conduite pendant l’incident.

La façon dont Zeev – dont l’arme lui a été retirée en septembre par les forces de l’ordre en raison de son inculpation – a pu à nouveau posséder une arme n’est pas claire.

Mais Yiftah Norkin, le commandant de la brigade locale de Tsahal, avait publiquement plaidé en faveur de la restitution de son arme à Zeev l’année dernière. Dans une lettre adressée au tribunal, il a déclaré que « [Zeev] et ses employés, d’après mes interactions avec eux, ont évité les altercations avec leurs voisins palestiniens. »

Le colonel Yiftah Norkin, (au centre), chef de la brigade régionale Efraim, visite l’avant-poste illégal de la ferme Sde Efraim dans le nord de la Cisjordanie, où l’armée israélienne affirme qu’un Palestinien a attaqué quelqu’un avant d’être abattu, le 5 février 2021. (Armée israélienne)

Ni la police ni l’armée n’ont confirmé si le pistolet de Zeev lui avait été rendu. Un porte-parole de la police a indiqué que le pistolet utilisé lors de la fusillade pourrait avoir appartenu à la femme de Zeev, et que chacun a le droit d’utiliser des armes en cas de légitime défense.

Zeev n’a pas parlé publiquement de la fusillade de Nofal, pas plus que les agents de sécurité, dont les noms n’ont pas été révélés au public.

Les journalistes du Times of Israel ont cherché à joindre Zeev par plusieurs canaux, mais leurs interlocuteurs leur ont dit à plusieurs reprises qu’il ne souhaitait pas parler à la presse.

Les conséquences

Avant que son fils ne soit abattu, M. Maher a rappelé qu’il avait travaillé en Israël pendant plus de deux décennies. À la fin des années 1990, il a fondé une petite entreprise basée à Lod avec un partenaire juif israélien, également électricien.

Toutefois, après que Khaled a été considéré comme un terroriste, le permis de travail de Maher en Israël a été révoqué. En règle générale, les autorités israéliennes ne permettent pas aux Palestiniens dont des membres de la famille commettent des attentats terroristes de travailler en Israël.

« Je suis allé au point de contrôle et la police m’a regardé. Ils ont tamponné mon passeport avec la mention ‘rejeté' », a déclaré Maher.

Le gouvernement israélien n’a pas non plus rendu le corps de Khaled pour qu’il soit enterré correctement, car Israël a pour politique de garder les corps des terroristes présumés comme monnaie d’échange lors de futurs échanges de prisonniers. Cette politique est très controversée, même au sein de la Défense israélienne, et les questions relatives à sa légalité et à son efficacité font l’objet de vifs débats.

Dans les semaines qui ont suivi la mort de Khaled, Ras Karkar est devenu un champ de bataille. Des affrontements entre les habitants et les soldats israéliens ont éclaté à plusieurs reprises, chaque partie accusant l’autre d’être à l’origine de la violence.

Soldats israéliens à Ras Karkar à la mi-février, suite à la mort de Khaled Nofal. (Autorisation d’un habitant de Ras Karkar)

La famille Nofal a été laissée dans l’incertitude. Ils reconnaissent que l’événement ne se prête à aucune interprétation simple, et chaque point de l’histoire soulève d’épineux points d’interrogation. En l’absence d’une enquête sérieuse de la part des forces de l’ordre, il est probable que la lumière ne sera jamais faite.

Après avoir examiné la question, Maher a décidé de déposer une plainte officielle auprès de la Commission des affaires civiles de l’AP. Cette commission, qui est chargée de gérer la coordination avec Israël, est chargée de transférer les plaintes aux autorités israéliennes. Depuis lors, la famille n’a toujours pas reçu de réponse.

« Chaque jour, je dors et me réveille et je pense cent mille fois à ce qui est arrivé à Khaled. Parce que je ne comprends pas ce qui s’est passé, et pourquoi. Je me le demande mille fois par jour », a déclaré Mohammad, le frère de Khaled.

« Il doit y avoir une explication, une autre histoire. Si nous voulons la trouver, ce ne sera pas grâce à nous. Elle devra venir d’eux », a déclaré Mohammad, en faisant référence aux autorités israéliennes.

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