Israël en guerre - Jour 433

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Les participants au programme intensif d'une journée "La Villa", un programme de prévention du trouble du stress post-traumatique, mis en place par le groupe Protective Partnership. Lilach Felner, directrice-générale du groupe, est deuxième à gauche. Photo prise le 13 juin 2024. (Autorisation)
Les participants au programme intensif d'une journée "La Villa", un programme de prévention du trouble du stress post-traumatique, mis en place par le groupe Protective Partnership. Lilach Felner, directrice-générale du groupe, est deuxième à gauche. Photo prise le 13 juin 2024. (Autorisation)

Une retraite de 24 heures pour prévenir le TSPT parmi les réservistes

Après avoir déposé leurs armes et ôté leurs uniformes, les troupes de combat peuvent prendre part au programme « La Villa » où ils apprennent des techniques qui leur permettent de laisser les traumas de la guerre dans le passé – pour mieux vivre demain

Dix-huit réservistes venant de quitter le service se retrouvent dans une grande habitation familiale de Herzliya Pituah, une banlieue chic située au nord de Tel Aviv.

Ce logis spacieux et confortable est l’espace qui a été choisi pour accueillir les participants à un programme dont l’objectif est de donner aux soldats les outils nécessaires pour faire face aux événements traumatisants qu’ils ont traversés depuis le 7 octobre. Certains ont été sur le front à Gaza, d’autres ont été envoyés sur la frontière nord avec le Liban et d’autres encore ont été déployés en Cisjordanie.

Le concept qui est à l’origine de ce programme – un programme qui a été appelé La Villa, en clin d’œil au lieu où il se déroule – est qu’avec un soutien initial adapté, un grand nombre de ces femmes et de ces hommes possèdent la capacité innée de faire partie des 90% de personnes ayant été exposées à un traumatisme qui, selon les recherches, ne développeront pas un trouble du stress post-traumatique (TSPT).

« La Villa » est un projet mis en place par The Protective Partnership, une organisation qui a été fondée en 2019 pour détecter les soldats vétérans de Tsahal qui, après avoir pris part à des guerres ou à des opérations, souffrent d’un trouble du stress post-traumatique afin de les faire reconnaître comme tels par le ministère de la Défense, ce qui leur ouvre la porte à certains droits.

« Nous avons décidé de lancer La Villa immédiatement après le 7 octobre. Des centaines de milliers de réservistes ont été appelés au service et nous avions peur qu’un trop grand nombre d’entre eux n’en viennent à développer un TSPT, à moins qu’ils puissent bénéficier d’un traitement immédiat et d’une intervention appropriée », commente Lilach Felner, la directrice-générale de Protective Partnership.

« C’est le moment où nous nous sommes décidés à entrer dans le domaine de la prévention et du traitement même si nous continuons également à faire le travail qui était le nôtre jusqu’à présent », ajoute-t-elle.

L’armée israélienne en opération à Gaza, sur une photo publiée le 30 juin 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Selon le docteur Ronny Simons, le chef du département de psychologie clinique au sein de l’organisation, le département en charge de la réintégration des soldats au sein du ministère de la Défense estime qu’entre 8 000 et 12 000 réservistes et autres troupes développeront un TSPT dans le contexte de la guerre actuelle contre le Hamas.

« Ce chiffre est logique parce qu’il représente environ 10% de ceux qui, jusqu’à présent, ont été exposés directement ou indirectement à des combats pendant cette guerre. Toutefois, certains développeront également des symptômes qui n’entreront pas dans le moule des critères établis par le ministère de la Défense », note Simons.

Simons explique au Times of Israel que cette retraite d’une journée, qui est complètement gratuite, part du postulat que l’incidence généralement faible du trouble du stress post-traumatique peut être attribuée à un mécanisme naturel de rétablissement dans le cerveau.

« La question est de savoir comment renforcer au mieux ce mécanisme. Nous avons mis en place un programme pour ce faire qui se base sur des outils qui ont fait leurs preuves et qui se concentre majoritairement sur l’EMDR », poursuit Simons qui a soigné des milliers de soldats et autres personnels sécuritaires au cours des trois dernières décennies.

Le docteur Ronny Simons, chef du département de psychologie clinique et membre du bureau directeur du groupe Protective Partnership. (Crédit : Yanai Yechieli)

L’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires (EMDR) est une technique de santé psychique qui aide l’individu à affronter ses souvenirs et ses expériences traumatisantes par des mouvements oculaires spécifiques. L’EMDR peut aussi impliquer d’autres techniques somatiques et elle se base sur un modèle de traitement de l’information adaptatif, qui part du principe que le cerveau n’assimile pas les expériences traumatisantes de la même manière qu’elle le fait pour d’autres types de vécu.

« Le traumatisme est comme une blessure que votre cerveau n’est pas autorisé à guérir. Et parce qu’il n’a pas eu la chance de guérir, votre cerveau n’a pas reçu le message que le danger est dorénavant passé », selon un article qui est paru sur le site internet de la Cleveland Clinic.

« L’EMDR fait l’objet de vastes recherches et c’est une thérapie qui est reconnue en Israël et à l’international. C’est l’une des trois plus importantes thérapies expérimentées pour les traumas et pour le TSPT. Il y a aussi des thérapies de type cognitif, qui demandent du temps et une exposition plus prolongée au trauma, ce que les clients n’apprécient pas », explique Simmons.

« L’EMDR est très appréciée et elle a un effet rapide. C’est un procédé qui est certes étrange, mais qui est efficace », ajoute-t-il.

Parler au corps pour guérir l’esprit

Au lendemain de leur arrivée dans la Villa, les participants boivent un café et dégustent quelques douceurs, tous ensemble, pour le début du programme.

Ils se divisent ensuite en trois groupes qui ont chacun une thématique. Ils passeront de l’un à l’autre pendant toute la journée. Le premier consiste à apprendre aux vétérans à identifier les symptômes du traumatisme, les processus de guérison et à reconnaître au mieux ceux qui, autour d’eux, auront besoin d’un soutien psychique.

« Toutefois, nous faisons très attention à ne pas utiliser le terme de ‘santé mentale’. Je peux vous affirmer, de par mon expérience, que cette formule est l’obstacle numéro un empêchant un soldat de combat de demander de l’aide. Ce mot ‘mental’ est effrayant pour eux. Et c’est la raison pour laquelle un si grand nombre d’entre eux se cachent et vivent avec leur problème même s’il est comme une bombe à retardement qui n’attend qu’à exploser en leur for intérieur », déclare Felner.

« Ils n’en parlent à personne, ils ne partagent ce fardeau avec personne et ainsi, même l’énergie qu’ils consacrent à la dissimulation rend la situation encore plus difficile à supporter pour eux », ajoute-t-elle.

Pendant la matinée, les participants prennent part à des sessions individuelles d’EMDR avec un thérapeute qualifié, expert de cette technique. Ils vivent également un moment de communion entre le corps et l’esprit grâce au Qigong (qui se prononce « chi gong »), une gymnastique traditionnelle chinoise qui se fonde sur la respiration.

Après le déjeuner, dans l’après-midi, tous se retrouvent ensuite à l’occasion de trois sessions thérapeutiques et d’enseignement – des intervenants leur présentent des outils qu’ils pourront utiliser au quotidien. Parmi ces outils, une courte technique de relaxation sous forme de variation de ce qu’on appelle le training autogène – « l’entraînement par soi-même » – ainsi qu’une approche basée sur l’EMDR qui utilise le tapotement pour aider à faire face aux souvenirs, à affronter les éventuels déclencheurs de stress (situations, stimuli…) ainsi que les variations d’humeur. Enfin, ils découvrent le yoga nidra, qui aide à lutter contre l’insomnie.

« Certains n’ont pas eu une seule bonne nuit de sommeil depuis qu’ils ont été mobilisés », s’exclame Felner.

A la fin de cette journée de neuf heures, les réservistes repartent avec un kit audio qui leur permettra de naviguer entre les techniques qu’ils ont apprises pendant le programme.

« Nous espérons qu’ils feront tout ça à la maison et plus ils le feront, mieux ce sera », estime Simmons.

« C’est comme regarder un film – je peux voir l’événement traumatisant de loin »

Aviram Atia est venu passer une journée à La Villa au mois de janvier. Il vit à Pardes Hanna avec son épouse et leurs deux enfants mais il avait grandi au Moshav Yated situé à proximité de la frontière avec Gaza, et une partie de sa famille vit encore là-bas. Mobilisé le 7 octobre, il a servi pendant un mois et demi en tant que réserviste au sein d’une unité d’élite, affrontant les terroristes du Hamas à plusieurs endroits, dans la bande.

Aviram Atia qui a servi en tant que réserviste à Gaza pendant 85 jours au début de la guerre entre Israël et Gaza, en 2023 et 2024. (Crédit : Yanai Yechieli)

« Cette période toute entière a été une période de stress immense. Depuis le 7 octobre jusqu’à ma démobilisation, j’ai eu peur à chaque seconde pour ma vie. Chaque nuit, j’allais dormir en étant inquiet de me réveiller face à des horreurs », se souvient Atia.

« De plus, deux amis ont été tués dans mon unité. Cela a été très difficile pour moi. Je me souviens que je me suis figé quand c’est arrivé. Mon corps n’arrivait plus à fonctionner », ajoute-t-il.

Atia raconte avoir ressenti de la culpabilité quand il a dû quitter son unité pour des raisons médicales, deux semaines avant que ses camarades ne soient autorisés à revenir à la vie civile.

« J’ai eu le sentiment de les avoir abandonnés. Cela a été dur pour moi de gérer ça. Le même jour, j’ai eu une crise de panique. Je ne me sentais pas bien. J’ai su qu’il fallait que je me fasse prendre en charge psychologiquement », note-t-il.

Comme tous les participants au programme, Atia avait eu connaissance de l’existence de La Villa grâce au bouche à oreille. Il indique avoir beaucoup appris lors de cette journée, et qu’il a particulièrement tiré profit de l’EMDR. Il utilise le matériel audio fourni lors du programme et il continue à faire de l’EMDR avec un psychologue.

« L’EMDR me permet de prendre mes distances face aux événements traumatiques. Ils ne me touchent plus, ce qui me permet de fonctionner. Cela me permet de m’éloigner de ce qui est arrivé. Je peux regarder en face ce qui s’est passé et le souvenir n’a plus d’effet sur moi. C’est comme regarder un film – je peux voir l’événement traumatisant de loin », raconte Atia.

Répondre à la demande

Contrairement aux séances de prise en charge psychologique que Tsahal, dans le contexte de la guerre actuelle, met à disposition des soldats immédiatement lorsqu’ils quittent le service, les sessions qui ont lieu à La Villa se concentrent davantage sur l’expérience individuelle que sur l’expérience de groupe.

Simons fait remarquer que le partage d’expérience n’est pas une pratique encouragée à La Villa. L’objectif du programme est que chaque soldat sache faire face à son propre vécu traumatique.

« Nous ne voulons pas de ‘contamination émotionnelle’ où chaque récit qu’une personne pourra partager servira de déclencheur pour un autre participant », dit Simons.

Les participants au programme intensif d’une journée « La Villa », un programme de prévention du trouble du stress post-traumatique, mis en place par le groupe Protective Partnership. Lilach Felner, directrice-générale du groupe, est complètement à droite. Photo prise le 13 juin 2024. (Autorisation)

Le programme a commencé dès la fin du mois de novembre dernier et il accueillait alors trois groupes par semaine. Alors que les soldats étaient sur le front, les premiers participants avaient été les personnels des services de premier secours qui étaient intervenus lors du pogrom du 7 octobre – employés et ambulanciers du Magen David Adom, agents de police, personnels de la ZAKA ou équipes qui avaient aidé à ramasser des corps démembrés, mutilés.

Au début de l’année 2024, de nombreux réservistes étaient revenus à la vie civile et ils avaient formé, à ce moment-là, la plus grande partie des participants au programme, venant dans le cadre de leur unité ou individuellement.

Alors que la demande a considérablement augmenté, le programme est dorénavant proposé quatre à cinq jours par semaine – ce qui lui permet également de respecter l’objectif qu’il s’est fixé, celui de fournir un traitement préventif contre le trouble du stress post-traumatique dans les meilleurs délais.

« La prévention peut être un mot dangereux s’agissant d’un TSPT »

Tout en reconnaissant les bonnes intentions du programme La Villa, la docteure Anna Harwood-Gross met en garde en rappelant que selon les recherches, il est impossible d’empêcher un TPST de se développer à long-terme.

« La prévention peut être un mot dangereux s’agissant d’un TSPT », explique cette psychologue clinicienne et directrice de recherche au centre Psychotrauma Metiv-Israel de Jérusalem, qui n’entretient aucun lien avec La Villa.

Lilach Felner, directrice-générale de l’organisation Protective Partnership. (Crédit : Yanai Yechieli)

« Un traitement à court-terme offre un soutien et disposer de certains outils est toujours une bonne chose, c’est positif. Toutefois, il n’y a aucun moyen de savoir qui développera à terme un trouble du stress-post-traumatique après avoir vécu un événement traumatisant. Cela peut aussi faire ressentir une forte culpabilité à quelqu’un qui n’auront pas cherché une aide initiale », précise-t-elle.

Néanmoins, les responsables du programme ont la conviction que ce modèle d’intervention précoce peut faire la différence et réduire le risque de développer un TSPT. En plus du programme de 24 heures, ils proposent des sessions individuelles d’EMDR aux participants qui, selon l’organisation, paraissent le plus vulnérables. Elle contacte régulièrement les personnes venues prendre part à La Villa pour s’assurer qu’ils vont bien. Et ceux qui reconnaissent alors avoir des difficultés sont renvoyés à des praticiens qui les prendront en charge à des prix abordables.

« La Villa est ouverte à tous les réservistes et à tous les soldats qui ont été démobilisés après avoir terminé leur service. Ils peuvent avoir servi dans toutes les unités de l’armée. S’ils sentent qu’ils sont devenus différents de qui ils étaient avant cette guerre, alors nous sommes là pour eux », dit Felner.

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