Israël en guerre - Jour 432

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Les chercheurs de Svara, une yeshiva queer basée à Chicago, ont servi la communauté juive LGBTQ pendant deux décennies et sont en train de créer le premier ensemble écrit de loi juive par et pour les juifs trans. (Crédit : Jess Benjamin/JTA)
Les chercheurs de Svara, une yeshiva queer basée à Chicago, ont servi la communauté juive LGBTQ pendant deux décennies et sont en train de créer le premier ensemble écrit de loi juive par et pour les juifs trans. (Crédit : Jess Benjamin/JTA)

Une yeshiva queer publie des avis juridiques juifs par et pour les juifs transgenres

Parmi les sujets abordés figurent la pureté de la famille et le moment d’utiliser un bain rituel, ainsi que la manière dont un homme transgenre converti devrait être « circoncis »

JTA – Alors qu’il était en train de rédiger une analyse de 13 pages sur un aspect complexe de la loi juive, le rabbin Xava De Cordova a fait une découverte inattendue dans les sources datant de l’époque médiévale : la flexibilité.

De Cordova est transgenre et s’est longtemps interrogée sur la possibilité de ressentir un sentiment d’appartenance dans les écrits rabbiniques de la halakha, ou loi juive, qui remontent à des milliers d’années et qui prescrivent souvent des pratiques différentes pour les hommes et pour les femmes.

Les lois sur la pureté rituelle, par exemple, prescrivent des comportements spécifiques aux femmes en partant du principe qu’elles ont toutes des menstruations. Or, ce n’est pas le cas des femmes transgenres. Cette lacune et d’autres ont fait douter De Cordova de pouvoir trouver une place dans cette littérature.

Mais après avoir creusé dans les textes juifs sur le sujet, De Cordova a réalisé qu’elle avait sous-estimé les sages : les rabbins de l’Europe médiévale se posaient un grand nombre des mêmes questions qu’elle – et leurs réponses reflétaient la complexité du monde réel.

« J’ai réalisé que la notion de niddah chez les rabbins et les premières autorités halakhiques était beaucoup plus conceptuelle, vague et fluctuante que je ne l’avais jamais imaginé avant de commencer ce travail », a déclaré De Cordova, en utilisant le terme hébreu pour désigner les lois sur la pureté. Sa conclusion :  » J’ai trouvé ma place dans cette littérature « .

Cette découverte de De Cordova a été faite aussi par une douzaine d’universitaires juifs et de rabbins l’année dernière en parcourant les textes juifs à la recherche de conseils sur la manière dont les juifs transgenres pourraient adapter les rituels traditionnels à leur expérience vécue.

Aujourd’hui, le groupe se prépare à publier une série d’essais qu’ils ont écrits, des analyses de la loi juive appelées teshuvot.

Nick Rondoletto, à gauche, et Doug Thorogood, un couple de San Francisco, agitent un drapeau arc-en-ciel et tiennent une pancarte contre l’interdiction des personnes transgenres dans l’armée lors d’une manifestation dans le quartier de Castro, à San Francisco, le 26 juillet 2017. (Crédit : Olga R. Rodriguez/AP)

La publication de ces essais arrive au moment où les législateurs de dizaines d’États américains ciblent les personnes transgenres et leurs droits, suscitant dans certains cas des combats qui ont fortement impliqué les rabbins et leurs familles.

Dans ce climat, inscrire les juifs trans dans la tradition juive « devient un acte de résistance parce qu’il s’agit de célébrer des vies qui sont dévalorisées et de célébrer des personnes qui sont déshumanisées dans la sphère publique », a déclaré le rabbin Becky Silverstein, codirectrice du projet Trans Halakha à Svara, une yeshiva fondée à Chicago il y a deux décennies pour servir la communauté queer. La douzaine de rabbins et d’universitaires sont basés à Svara et forment collectivement le Teshuva Writing Project.

Parmi les questions abordées on trouve : comment un homme transgenre se convertissant au judaïsme peut-il faire un bris, obligatoire pour les convertis de sexe masculin ? L’ablation de tissus corporels après une chirurgie d’affirmation du genre est-elle une question rituelle, compte tenu des exigences légales juives en matière d’enterrement des parties du corps ? Et existe-t-il une obligation juive, dans certains cas, de subir une transition de genre ?

La question est de savoir dans quelle mesure leurs réponses seront lues et prises en compte. La plupart des juifs qui adhèrent consciemment à la halakha dans leur vie quotidienne sont orthodoxes et vivent dans des communautés qui soit rejettent les juifs transgenres, soit s’interrogent sur l’opportunité et la manière de les accepter. Les confessions juives non orthodoxes se sont efforcées d’accueillir les transsexuels, mais la halakha est rarement le point de départ de la plupart de leurs membres. Le mouvement réformé, le plus important aux États-Unis, rejette expressément le caractère contraignant de la halakha.

Malgré cela, un nombre croissant de Juifs et de communautés juives s’efforcent d’être inclusifs tout en restant enracinés dans la loi et la tradition juives. On compte également un nombre croissant de juifs transgenres qui sont liés à des communautés traditionnelles ou qui veulent vivre en accord avec la loi juive.

Le rabbin Becky Silverstein. Illustration (Crédit : Jordyn Rosenzky)

« À mon avis, les juifs transgenres qui n’appartiennent à aucune communauté pourraient utiliser ces teshuvot pour guider leur propre prise de décision », a déclaré Becky Silverstein, qui a été ordonnée au séminaire pluraliste du Hebrew College.

« Nous vivons une époque d’autonomie religieuse dans la vie juive, et les juifs transgenres ont soif de liens avec la tradition. Ils pourraient donc utiliser ces teshuvot pour éclairer leurs propres conversations ».

Des organisations et des initiatives telles que le groupe juif LGBTQ Keshet, Torah Queeries, une collection de commentaires queer sur la Bible, et TransTorah.org ont créé des rituels, des lectures, des bénédictions et des coutumes pour les juifs trans, et Svara organise un Queer Talmud Camp ainsi que des programmes d’études juives intensives tout au long de l’année. Mais jusqu’à présent, aucun recueil d’avis juridiques juifs n’a été publié par et pour les personnes trans.

« La halakha doit être informée par les expériences vécues des personnes sur lesquelles elle légifère », a déclaré Laynie Soloman, qui aide à diriger Svara et détient le titre de rosh yeshiva adjoint. Une approche que le groupe a adoptée à partir de la communauté de défense des personnes handicapées. « Il s’agit d’une vérité fondamentale de la halakha que nous défendons en tant que collectif et que nous prenons au sérieux dans la manière dont nous rédigeons ces teshuvot.

Les teshuvot seront publiées dans le courant du mois et s’inscrivent dans une longue tradition où les rabbins établissent des précédents halakhiques en répondant aux questions de leurs disciples. Ces réponses sont traditionnellement basées sur une analyse des textes rabbiniques à travers l’histoire. Elles peuvent porter sur des questions allant de l’autorisation de fumer des cigarettes à comment cashériser une cuisine pour Pessah.

Certaines des questions juridiques sur le judaïsme abordées par le groupe de Svara sont restées sans réponse, comme la manière de marquer la conversion d’une personne qui est de sexe masculin mais qui n’a pas de pénis. Dans certains cas, la loi juive acceptée concernant le genre peut être douloureuse pour les personnes non binaires ou trans, soit parce que la réponse n’est pas claire, soit parce que la loi ne correspond pas aux conceptions contemporaines selon lesquelles le genre et le sexe sont distincts.

« Ce sont des domaines dans lesquels les personnes transgenres sont le plus susceptibles de se sentir perdues ou confrontées à des questions au sein de leur communauté […] Il y a donc là des besoins halakhiques urgents », a déclaré De Cordova, qui a été ordonné à titre privé par un rabbin du mouvement du Judaïsme Renouvelé. « De plus, 99,9 % de la littérature les concernant a jusqu’à présent été écrite par des personnes cisgenres, sur nous. »

Les érudits juifs et les rabbins du Teshuva Writing Collective, un projet de Svara, sont en train de créer la première collection de responsa par et pour les juifs transgenres. (Crédit : Jess Benjamin/via JTA)

De Cordova est arrivée à la conclusion que les femmes transgenres sont tenues de respecter la niddah, c’est-à-dire les lois de pureté rituelle. Dans sa teshuva, elle propose plusieurs approches pour imiter le cycle compliqué de comptage des jours pendant lesquels une femme est considérée comme rituellement impure à la suite de ses menstruations. Elle suggère d’utiliser un cycle de sept et onze jours proposé à l’origine par Maïmonide, érudit et philosophe du XIIe siècle. De Cordova suggère également que l’imposition d’un cycle qui ne repose pas sur la biologie prouve que les rabbins de l’Antiquité et du Moyen Âge avaient une certaine conception de la femme comme une construction sociale.

« Dans de nombreux cas, les rabbins choisissent de faire correspondre la niddah à leur conception de la femme, que j’appellerais la construction sociale de la condition féminine par les rabbins, plutôt qu’à un phénomène physique observable ou à l’expérience réelle de la femme », a-t-elle déclaré.

Pour De Cordova, la rédaction d’un article sur la niddah lui a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur certains des plus anciens textes juridiques du judaïsme sur le sujet.

« Ils sont suffisamment flexibles et sensibles et j’ai pu y trouver un espace et une liberté de travail considérables », dit-elle à propos des sources anciennes. « Cela a été une transition merveilleuse et libératrice.

L’année dernière, le mouvement conservateur a approuvé une nouvelle formulation pour l’appel d’une personne non binaire à divers services de la Torah. Les rabbins à l’origine de l’avis ont consulté des groupes au service des juifs LGBTQ et des synagogues qui leur sont consacrées, mais ont reconnu que leurs textes n’étaient pas parfaits.

Des militants juifs religieux protestent contre l’homoparentalité et les familles LGBTQ, en face de défenseurs LGBTQ à Tel Aviv, le 16 décembre 2018. Illustration (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

« Lorsque mes coauteurs et moi-même avons publié la teshuva, nous avons écrit que nous sommes tous des rabbins cisgenres et que nous espérons que, de plus en plus, les travaux halakhiques traitant de la vie, de l’identité et de la pratique juives non binaires et trans et queer viendront… de rabbins et d’érudits queer eux-mêmes », a déclaré Guy Austrian, le rabbin du Fort Tryon Jewish Center, une synagogue située dans le haut de Manhattan. « Et je pense que la publication du premier lot de teshuvot du projet Trans Halakha montre que ce processus est en cours, et je pense que cela ne peut être qu’une bonne chose pour le monde juif. »

Selon Silverstein, en ajoutant à la tradition des questions-réponses des avis juridiques juifs, les juifs trans auront désormais de nouveaux textes pour guider leur pratique religieuse. Les auteurs des avis reconnaissent que les juifs trans ont déjà leur propre façon de pratiquer le rituel juif, en accord avec leur expérience vécue. Mais ils affirment que lorsqu’il s’agit de la loi juive, une coutume informelle sans avis juridique sourcé n’est pas suffisante.

« Je veux que le clergé cisgenre se rende compte qu’il existe des ressources écrites par et pour les personnes transgenres vers lesquelles il peut se tourner lorsqu’il essaie d’aider un membre de sa congrégation », a déclaré De Cordova.

Les auteurs des avis juridiques ont demandé à faire partie du collectif et sont issus d’un groupe religieux pluralisteallant des orthodoxes aux conservateurs en passant par le renouveau juif. Leurs espoirs quant à l’ampleur de l’impact des nouveaux avis juridiques varient.

Rabbin Mike Moskowitz (Crédit : Facebook)

Mike Moskowitz, un rabbin orthodoxe et le chercheur en résidence pour les études juives trans et queer à la Congrégation Beit Simchat Torah, qui sert la communauté LGBTQ, a déclaré que les teshuvot pourraient servir de modèle aux juifs pratiquants trans.

« Je pense que c’est significatif pour modéliser ce à quoi une conversation informée peut ressembler, ce qui ne se trouve pas vraiment dans les publications orthodoxes », a déclaré Moskowitz, qui ne faisait pas partie du collectif qui a composé les teshuvot sur la pratique des juifs transgenres. « J’espère que cela servira de modèle à ce qui peut se faire dans d’autres mouvements. La difficulté réside dans le fait que chaque mouvement a une compréhension différente de la halakha« .

Même au sein de l’orthodoxie, des opinions contradictoires existent déjà, reflétant la manière dont la halakha a toujours fonctionné. Par exemple, Talia Avrahami, une femme orthodoxe transgenre, suit l’opinion de feu le rabbin Eliezer Waldenberg, connu sous le nom de Tzitz Eliezer, qui a statué qu’une femme trans qui subit une chirurgie d’affirmation de genre est une femme selon la loi juive.

Toutefois, on a dit à Mme Avrahami qu’elle ne pouvait pas s’asseoir dans la section réservée aux femmes de sa synagogue, parce que le rabbin que la synagogue suit n’accepte pas l’opinion de Waldenberg. Quelques mois plus tôt, Mme Avrahami avait également été priée de quitter son poste d’enseignante dans une école après que parents et élèves ont appris qu’elle était transsexuelle.

Mme Avrahami a refusé de faire tout commentaire sur les nouvelles teshuvot, invoquant les restrictions imposées par son employeur actuel.

D’après Silverstein, certains rabbins conservateurs ont manifesté un intérêt pour l’utilisation de ces avis afin de guider la pratique dans leurs propres congrégations. Mais il n’est pas certain qu’ils seront adoptés par la communauté orthodoxe, qui est le public cible de la plupart des ouvrages traditionnels sur la loi juive.

« Pour ce qui est de la communauté orthodoxe, je ne suis pas sûr d’avoir suffisamment de courage pour imaginer que ces teshuvot puissent être adoptées », a déclaré Silverstein. « Je ne suis même pas sûr de savoir ce que cela signifie. Mais j’espère qu’elles se répandront dans toute la communauté juive, au moins dans la communauté orthodoxe moderne. »

La portée des avis rédigés par le collectif s’étend au-delà de la communauté transgenre. Le premier lot de réponses, par exemple, comprend un avis sur la manière d’améliorer l’accessibilité physique à un mikvé, bain rituel utilisé pour répondre à certaines exigences de la loi juive.

« Le judaïsme et la Torah prospèrent lorsque les gens apportent leurs expériences de vie au texte et posent leurs questions au texte », a déclaré Silverstein. « C’est ainsi que de nouvelles Torah sont découvertes dans le monde. Et c’est ainsi que le judaïsme et la Torah sont restés vivants tout au long de l’histoire juive ».

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