Un vent d’est exceptionnellement frais venant du plateau syrien agite l’air au moment où Roni Mansur grimpe à l’arrière de ce qui fut son char.
Il y a de cela plusieurs dizaines d’années, c’est quelque chose de bien plus sinistre que Mansur a vu arriver de l’est, à savoir des colonnes de blindés syriens sur les hauteurs du Golan. Son char était l’un de ceux, en sous-nombre, déployés par Tsahal pour tenter, de manière un peu désespérée, de contenir un assaut massif.
C’est un combat qui remonte aujourd’hui à 50 ans. Exactement 50 ans. Le char est aujourd’hui rouillé, figé dans la position de tir dans laquelle il a été mis hors service lors de la première nuit de la guerre du Kippour, le 6 octobre 1973. Les carcasses métalliques de ses victimes gisent encore, immobiles, sur l’herbe jaunie.
Aujourd’hui âgé de 69 ans et directeur dans le secteur de la technologie, Mansur a lui aussi bien changé pendant ce demi-siècle qui s’est écoulé depuis ses années de pilote de char, lorsqu’il s’est retrouvé face aux innombrables divisions syriennes qui venaient dans sa direction.
« Les choses ne sont plus ce qu’elles étaient », dit-il à propos de ses aptitudes physiques, après s’être hissé sur la tourelle avec une dextérité impressionnante pour un homme approchant des soixante-dix ans. « Je ne peux plus sauter dessus. »
Mansur commence la guerre au sein du 1er peloton, dans la compagnie G (Pluga Zayin) du 74e bataillon de la 188e brigade blindée, chargé de défendre une petite position frontalière appelée Avant-poste 111.
Quelques jours avant le 50e anniversaire de la guerre, Moshe Kahalani, vétéran du même peloton, et lui-même sont revenus en compagnie du Times of Israel sur les lieux et sur le char dans lequel ils ont passé l’inoubliable premier jour d’une guerre à laquelle rien ne les avait préparés.

L’État d’Israël a organisé des cérémonies à l’occasion du 50e anniversaire d’une guerre qui a changé Israël de manière indélébile, mais les deux anciens combattants disent ne pas s’y intéresser.
Fidèles à la mémoire de leurs nombreux camarades morts au combat et tout à leur amour pour un pays qu’ils ont âprement défendu, ils sont préoccupés par cette société qui, selon eux, se divise.
« Cela ne m’intéresse pas du tout de savoir si le pays célèbre ou non le souvenir de la guerre », confie Mansur. « Le pays a plus urgent à faire que d’organiser des cérémonies. »
Jours de guerre
Fils d’immigrants irakiens, Mansur avait rejoint Tsahal en 1973, un peu moins de deux mois avant Yom Kippour. Kahalani faisait lui son service depuis plus d’un an et avait déjà à son actif une « bataille d’un jour » contre les Syriens, un de ces affrontements courts mais intenses qui éclataient parfois entre les parties adverses.
Les jeunes soldats – alors stationnés à Nafah, principale base de Tsahal sur le Golan – avaient vu des signes d’alerte accrue à la veille de Rosh HaShana, 10 jours plus tôt. Ils se préparaient avec enthousiasme à rentrer chez eux pour les fêtes, lorsqu’ils ont vu arriver un hélicoptère sur la base. Ils ont compris que l’arrivée soudaine d’un officier supérieur n’augurait rien de bon pour leur permission, et l’avenir allait leur donner raison.
« On nous a dit que les permissions étaient annulées et qu’il nous fallait retourner à notre char », se souvient Mansur. Le 1er peloton de la compagnie G a été envoyé à Hushniyeh, petite base située à proximité d’un village syrien abandonné, à environ trois kilomètres de la frontière. Les deux autres pelotons ont été envoyés sur des positions plus au nord, le long de la ligne.

La compagnie est temporairement placée sous le commandement de l’autre bataillon de la brigade, le 53e, ce qui a pour conséquence que les commandants de chars connaissent à peine leurs supérieurs.
Au cours de la guerre d’usure, qui a pris fin trois ans plus tôt, Israël avait installé une série d’avant-postes sur les cônes volcaniques le long de la ligne de cessez-le-feu. Les positions s’étendaient au sud depuis l’avant-poste 100, sur le mont Dov, à l’avant-poste 117 près de Ramat Magshimim.
Dans la mesure où les civils israéliens avaient déjà installé des points près de la frontière et que les ponts sur le Jourdain, cruciaux pour toute contre-attaque, se trouvaient à une toute petite distance des positions syriennes, l’armée israélienne ne pouvait pas se permettre une avancée ennemie au-delà de la ligne de cessez-le-feu. Les soldats des avant-postes devaient être prêts à se battre pour conserver chaque centimètre carré du plateau. En cas d’attaque syrienne, les avant-postes étaient supposés repérer les éléments d’artillerie et les empêcher d’avancer pendant au moins un jour et demi jusqu’à ce que les divisions de réserve puissent être déployées.

En cas de combat contre la Syrie, le peloton de Mansur et Kahalani est chargé de se diriger vers l’avant-poste 111, qui contrôle l’une des principaux accès de l’ennemi au cœur du Golan.
Ils restent à Hushniyeh les 10 jours suivants, se rendant de temps à autres vers l’avant-poste 111 et patrouillant dans le secteur.
Les choses sont encore calmes et les jeunes membres d’équipage se préparent au jeûne de Yom Kippour. Ils attendent avec impatience de pouvoir rompre le jeûne, le lendemain, avec les sodas glacés stockés dans le congélateur de l’économat.
La situation se corse lorsque le soleil commence à décliner. Les soldats sont sur le point de prendre leur dernier repas avant le jeûne quand ils apprennent que le grand rabbin de Tsahal a donné l’ordre de reporter le jeûne. On ne leur a pas dit pourquoi, mais l’ordre, très surprenant, inquiète les soldats.
Ils prennent leur repas après le coucher du soleil, deux heures plus tard, et commencent le jeûne.
Vers 21 heures, le commandant de bataillon Yair Nafshi arrive à Hushniyeh et réunit le peloton dans la salle à manger.
Il a dit aux tankistes rassemblés devant lui que le niveau d’alerte a été relevé en prévision d’une attaque syrienne limitée, le lendemain matin, qualifié de « jour de bataille ». La Syrie pourrait même en profiter pour essayer de prendre un petit morceau de territoire, dit-il.
« Cela ne nous a pas trop travaillés », se souvient Mansur 50 ans plus tard, debout parmi les bâtiments en ruine de l’ancienne base de Hushniyeh. « Rejoindre les positions, faire feu, revenir à la base le soir. Tout était sous contrôle. La brigade était très expérimentée pour les batailles d’un jour. »
« Je me rappelle que personne ne l’a vraiment pris au sérieux », confie-t-il.
Plus tard dans la soirée, on leur dit de dormir tout habillés, avec leurs bottes aux pieds. « A ce moment-là, » dit Mansur, « cela a commencé à sentir bizarre. »

Le matin du 6 octobre, jour de Yom Kippour, les soldats reçoivent l’ordre de sortir les chars de la base et de les préparer à se rendre au plus vite à l’avant-poste 111. Ils passent la matinée dans une alternance de mobilisation et démobilisation.
« La dernière fois qu’on nous a dit de rejoindre nos chars, c’était vers 13 heures », se souvient Mansur. « Ensuite, on nous a dit de mettre les panneaux orange, pour identifier les blindés, puis de peindre des lignes blanches à l’arrière des chars pour que l’armée de l’air puisse nous identifier. »
À 13 h 30, les membres de l’équipage se détendent à nouveau, rouvrent leur combinaison, rêvant aux boissons fraîches qui les attendent à la fin du jeûne.
La guerre
Pendant ce temps, la 9e division syrienne peaufine les préparatifs de son assaut sur le centre de la ligne défensive israélienne, ainsi que sur les bases et carrefours routiers au-delà. Les dirigeants politiques d’Israël ont reçu de nombreuses informations sur les projets d’invasion égyptiens et syriens, mais ils ont décidé de ne pas frapper les premiers – ce qui avait déjoué les plans arabes en 1967 – de peur de perdre le soutien américain.
Les brigades d’infanterie de la 9e division syrienne sont chargées de capturer les avant-postes israéliens dans les deux premières heures de l’invasion, afin de permettre aux éléments blindés de pénétrer plus profondément dans le Golan.

Au total, Israël ne dispose que de 177 chars sur le Golan, face à quelque 1 400 chars syriens et 115 batteries d’artillerie. La 188e brigade pilote des chars Sho’t de 52 tonnes, plus lourds que les T-55 et T-62 syriens, et capables de transporter beaucoup plus de munitions. Mais les blindés de fabrication soviétique massés à la frontière d’Israël sont plus rapides, avec de plus gros canons et sont équipés de la vision nocturne.
À 13 h 55, les soldats du 1er peloton de la compagnie G, allongés sur leurs véhicules, sont brutalement informés du début de la guerre par deux MIG syriens qui les survolent à très basse altitude. Une soixantaine d’avions syriens attaquent des positions israéliennes du Golan en même temps.
« Nous avons sauté à bord de nos chars », se rappelle Mansur. « Quelques secondes plus tard, les tirs d’artillerie ont commencé. Tout a été arrosé, aucune pierre n’a été épargnée. C’était fou. »
Les quatre chars de Hushniyeh, commandés par le commandant Uri Akavia, le commandant de peloton Dan Oberlander, le sergent de peloton Tzvi Mizrahi et le commandant de char Yair Deutsch, se dirigent à toute allure vers leur avant-poste.

Mansur, dont la permission a été annulée en guise de punition, pilote le char de Deutsch. Kahalani est chargé des munitions dans le char d’Akavia.
« Avec ces pilotes un peu fous, nous avons très vite rejoint nos positions », explique Kahalani, venue de sa base de Hushniyeh pour se mettre en position de tir à deux pas de l’avant-poste 111.
Il se souvient que le pilote, Avi, dit à Akavia, sur la radio du char, à la vue des lignes syriennes : « Uri, ce n’est pas une bataille d’un jour. Regardez tous ces chars ! »
« Nous avons réagi en donnant des ordres », se rappelle Kahalani. Les chars syriens restent immobiles quelques minutes tandis que les équipages israéliens expérimentés commencent à les détruire un par un.
« L’un de nos avantages était notre expérience », explique Mansur. « Monter, mettre un obus, viser, tirer, remettre un obus, viser à nouveau. »
« Quasiment tous les obus faisaient mouche. »

C’est alors que les Syriens commencent à avancer.
Les quatre équipages Sho’t travaillent d’arrache-pied, lorsque Shmuel Askarov, commandant adjoint du 53e bataillon, donne des ordres via le système de communication du peloton.
« Uri, avec deux autres chars, descends en direction de Tel Kudna »,dit-il, dans le but de bloquer une avancée syrienne au sud de l’avant-poste 111.
Akavia proteste, d’autant qu’Askarov n’est responsable que depuis 10 jours et à titre intérimaire.
« Si je bouge, je n’aurai plus aucune protection », insiste Akavia. « Je n’ai pas de position de tir déterminée là-bas. »
« Je m’en fiche, nous devons y être avant qu’ils ne le prennent », lui répond Askarov.
Accompagné de deux chars, Akavia met le cap vers le sud, laissant Mansur seul.
Les trois chars combattent dans leur nouvelle position, beaucoup plus exposée.
« Et subitement, le calme se fait », dit Kahalani.

« Le pilote de char Asher dit à la radio interne : « Les gars, j’appelle Uri, pourquoi ne répond-il pas ? » », se rappelle Kahalani.
« Je regarde Uri – nous n’avions rien senti d’inhabituel – : il était toujours assis sur son siège, mais il n’avait plus de tête. »
Le câble de l’un des nouveaux missiles antichars Sagger, très dangereux, avait tranché le cou du commandant de la compagnie, qui devait garder la tête en dehors du char afin de contrôler le champs de bataille.
« Alors je regarde, se souvient Kahalani, et à mes pieds, je vois sa tête. »
« On a très vite repris nos esprits », poursuit-il d’un ton égal. « Asher et moi avons pris le corps, l’avons placé à côté de moi, à côté des obus. Puis Asher, l’artilleur et moi-même avons repris le combat. Je chargeais, il tirait. Je chargeais, il tirait. »
D’autres ont également été touchés. À sa gauche, Kahalani voit Mizrahi sauter de son char en flammes. « Il hurlait de douleur. Nous n’avons rien pu faire. »
Un artilleur nommé Mansbach est touché par une balle. Le pilote, Zion Sharabi, parvient à le sortir de la tourelle et à le traîner dans un fossé pour lui prodiguer les premiers soins.
« Personne n’a cessé le combat », dit Kahalani. « Il fallait continuer. Il n’y avait pas de pause. »
« Cinquante ans plus tard, poursuit-il calmement, on me demande encore comment je peux dire tout ce qui s’est passé et comment Uri a été tué, point par point. Je n’ai pas d’explication psychologique, mais je suppose que je suis toujours dedans. »
Les efforts de Kahalani pour empêcher les Syriens de progresser prennent fin à 17h30, lorsque son char, touché par un missile Sagger, ne peut plus ni se déplacer ni tirer. Les survivants attendent la tombée de la nuit pour rallier le carrefour Alonei Habachhan. Ils sont évacués par l’officier adjoint du renseignement de la brigade à bord d’un véhicule blindé.
Kahalani explique à l’officier qu’ils tentaient de retourner à Hushniyeh, ignorant que leur base a été prise et ses occupants, capturés. Ils seront retrouvés plus tard, les yeux bandés et menottés, exécutés par les forces syriennes.
Kahalani et ses compagnons d’armes survivants sont conduits à Nafah, rapidement affectés à de nouveaux équipages lorsque les unités de réserve commencent à arriver.
Seul
Pendant ce temps, le char de Mansur continue à se battre seul.
« Difficile d’expliquer ce que c’est que d’être seul ici en ces circonstances », dit-il.
La nuit tombe, et sans équipements de vision nocturne, les Israéliens se battent à l’aveuglette. Mansur, en sa qualité de pilote, a un appareil capable de capter les faisceaux infrarouges T-55, utilisés pour viser la nuit.
Il utilise l’appareil et voit un faisceau qui remonte la route en direction de l’avant-poste 111.
« Je vois ce faisceau et je commence à crier qu’il y a un char qui arrive », se rappelle Mansur. « Nous avons un obus dans le canon. Le char tourne et le faisceau est sur moi. Si le faisceau est sur moi, cela signifie que le canon est sur moi. Il ne peut pas me manquer. Je crie : « Feu ! Feu ! » Mais le mitrailleur ne voit pas le char parce que la lumière l’éblouit. »
« Je lui explique qu’il n’y rien à voir, que c’est à 20 mètres. »
Dans la ligne de mire de l’ennemi, Mansur est sur le point d’éperonner le T-55 lorsque, soudain, il sent son char sauter et voit le char syrien soufflé par un obus.

Il veut faire demi-tour, mais le char tombe en panne : il se trouve toujours à cet endroit, aujourd’hui encore.
Dans l’obscurité, Mansur et trois autres membres d’équipage attendent à côté de l’avant-poste 111 que l’on vienne les chercher, ne sachant pas qui, des chars syriens ou israéliens arriveront les premiers.
Après minuit, un char de Tsahal passe. Les quatre hommes montent à bord, assis l’un sur l’autre, Mansur au fond. « J’étais le plus jeune », dit-il en riant.
Le commandant de ce char leur explique qu’ils doivent traverser une colonne ennemie pour rejoindre Nafah, et qu’ils doivent donc être totalement silencieux.

« Je me suis demandé à ce moment-là si le type était en état de choc », dit Mansur. « Pourquoi se taire ? On avait un moteur de char. Et c’est ma voix qui risquait de réveiller les Syriens ? »
Le char parvient sans encombres à Nafah, et Mansur est alors affecté à une nouvelle compagnie et à un nouveau char, loin du Golan.
Deux autres des chars qu’il pilotera seront détruits les trois semaines suivantes en pénétrant en Syrie, dans le cadre de la contre-offensive israélienne.
Séquelles
Au cours des 50 années qui ont suivi, livres et films se sont focalisés sur les décisions prises par les plus hautes autorités de l’État, à savoir la Première ministre Golda Meir, le ministre de la Défense Moshe Dayan, le chef d’état-major Dado Elazar et les généraux, qui se battent sur les deux fronts.
L’histoire a relégué dans l’anonymat tous ces jeunes soldats affectés à des chars alors que, d’après Kahalani, leur nom mérite d’être connu car ils ont littéralement sauvé Israël de l’invasion.
« Cette guerre a pour l’essentiel été l’affaire de ces soldats », dit-il. « C’est bien de parler des commandants, mais nous n’avions ni commandant de brigade, ni commandant de brigade adjoint, ni commandant de compagnie, ni commandant de peloton. »
Le commandant de la 188e brigade Yitzhak Ben-Shoham, son adjoint David Yisraeli, Akavia et Oberlander sont en effet tous morts en tentant d’empêcher la progression syrienne lors des tout premiers jours de la guerre.
Yom Kippur War veteran Moshe Kahalani walks to his Sho’t tank near Outpost 111 in the Golan, where he battled Syrian forces 50 years ago today. pic.twitter.com/4T7BPg0bgc
— Lazar Berman (@Lazar_Berman) October 6, 2023
« En fin de compte, ceux qui ont fait le travail sont les simples soldats », affirme Kahalani. « Ce sont les équipages qui se sont battus. Le temps est venu de rendre hommage à leur action, leur sacrifice. Ce sont eux qui se trouvaient là-bas, qui ont fait le travail et réussi à retenir les Syriens jusqu’à ce qu’ils soient touchés. »
Le bilan des dirigeants politiques, s’agissant de la conduite de la guerre, n’est guère élogieux.
Kahalani et Mansur reprochent tous deux aux politiciens d’avoir sacrifié la vie des soldats, en renonçant à une frappe préventive, dans le but de rester dans les bonnes grâces de Washington.
« Pour autant, on se battait côte à côte », dit Mansur. « Peu importe qui on était ou ce que l’on pensait. »
Six ans avant la guerre, Mansour avait été parmi les premiers à faire sa bar-mitsva au mur Occidental, quelques semaines seulement après sa prise par Israël. Mais la guerre du Kippour a éclipsé la victoire éclair de la guerre des Six Jours, avant de devenir un point aveugle dans l’histoire du pays.
« Le changement a été radical : avant cela, les gens avaient une foi absolue dans leurs dirigeants politiques », assure Mansur. « Après la guerre, l’État a connu une crise majeure. Nombreux sont les Israéliens qui ont compris qu’un grand nombre des morts aurait pu être évité. »
Assis sur l’affleurement rocheux exposé où Akavia et Mizrahi ont trouvé la mort, les anciens combattants voient leur pays à nouveau secoué par une crise qui change le pays de manière profonde et ils expriment leur profonde inquiétude, sans parler de leur colère tout sauf négligeable, face aux manifestations antigouvernementales qui secouent le pays.
Kahalani déplore les divisions provoquées par les manifestations de grande ampleur en réaction aux projets du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de réformer le système judiciaire. Les anciens combattants de l’armée ont parfois joué un rôle de tout premier plan dans ces manifestations, et les réservistes ont suscité de vives inquiétudes en menaçant de ne plus effectuer leurs périodes de réserve.
« Ce qui se passe en ce moment m’inquiète », confie Kahalani. « Voir ces hommes manifester, tenter de mettre un bâton dans les roues du pays, cela m’inquiète, cela me met même en colère. »
« Je respecte toutes les opinions, même lorsqu’elles ne rejoignent pas la mienne », poursuit-il. « Mais tout le monde doit avoir des limites, des choses qu’il s’interdit de faire. C’est notre pays.
Ils en veulent surtout aux anciens combattants de la guerre du Kippour qui ont volé un Sho’t sur le Golan, en février dernier, pour manifester contre le projet de refonte du gouvernement Netanyahu.

Ce char avait été commandé par le commandant de la compagnie F, Avi Ronis, mort au combat. Kahalani et d’autres hommes avaient sorti Ronis du char, « nettoyé la tourelle de son sang » et étaient retournés combattre.
« J’ai besoin d’écrire et de crier à propos de ce qu’ils ont fait. Avi Ronis doit s’en retourner dans sa tombe ». « Comment avez-vous pu avoir l’audace de faire une chose pareille ? »
Mansur en veut aux anciens combattants de la guerre du Kippour qui manifestent ostensiblement avec le drapeau israélien, comme si tous les anciens combattants étaient du même bord politique.
« Je ne pense pas qu’il soit juste de diviser la nation, et certainement pas de parler au nom des anciens combattants de 1973. Vous avez ici des anciens combattants de 1973 favorables à la refonte. Nous ne sortons pas avec des drapeaux et des tambours et nous ne nous servons pas de notre étiquette de vétérans de 1973. »
Pour Mansur, la priorité devrait aller au rapprochement des deux camps et à la garantie que les manifestants ne franchissent pas les limites.
« S’en prendre à la voiture d’un ministre, c’est impensable. Cela me peine que les gens se fassent justice eux-mêmes, cela ne devrait jamais arriver », affirme-t-il. « Rappelons-nous qu’il y a un autre bord, qui n’est pas aux commandes, mais qui doit prendre ses responsabilités. »
Sur ce, les deux anciens combattants sont redescendus en parlant vers leur voiture, en contrebas.
Derrière eux, sur la colline, leurs chars font toujours face au vent, les canons pointés vers l’est, en direction de Damas.