Israël en guerre - Jour 371

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Le chef du parti d'extrême-droite,  Bezalel Smotrich, lors d'un débat à la Knesset diffusé à la télévision israélienne, le 21 novembre 2022. (Crédit :  Yonatan Sindel/Flash90)
Le chef du parti d'extrême-droite, Bezalel Smotrich, lors d'un débat à la Knesset diffusé à la télévision israélienne, le 21 novembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Portrait

Bezalel Smotrich, un (très intelligent) éléphant dans un magasin de porcelaine ?

L’ascension du chef de HaTzionout HaDatit a été marquée dès le début par ses positions extrémistes. Aujourd’hui, il est sur le point de pouvoir réaliser son idéal d’extrême-droite

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Il y a un peu plus d’une décennie, alors que la campagne électorale de 2009 s’accélérait, un activiste radical de droite peu connu à l’époque avait réussi à obtenir une place sur la liste du parti ultra-religieux et ultra-nationaliste Ihoud Leoumi. La neuvième place, très précisément. Une place qui, si elle était respectable, n’était pas assez bien positionnée pour que son occupant puisse espérer faire son entrée à la Knesset.

Cela avait été à ce moment-là, à quelques jours seulement de son 29e anniversaire, que Bezalel Smotrich avait fait sa toute première incursion sur la ligne de front de la politique israélienne.

Cette candidature à la Knesset – il avait finalement échoué, comme c’était prévisible, à intégrer le Parlement israélien – était survenue quatre jours seulement après son arrestation par le Shin Bet, qui le soupçonnait d’avoir été impliqué dans l’organisation d’attaques nationalistes juives violentes.

Revenons maintenant à aujourd’hui avec un Smotrich, dorénavant à la tête de HaTzionout HaDatit, qui semble sur le point de devenir l’un des idéologues les plus fanatiques du futur gouvernement, un gouvernement résolument religieux et de droite – le plus à droite, en fait, de toute l’Histoire d’Israël.

Smotrich a été ministre des Transports et il a occupé un siège au cabinet de haut-rang dans le passé. Mais le rôle central que lui confère son statut de membre déterminant de la future coalition présumée du Premier ministre désigné, Benjamin Netanyahu, lui offre dorénavant un pouvoir d’influence énorme sur le pays – et sur son avenir.

Et il semble clairement que son positionnement et son activisme d’extrême-droite n’ont été en rien modérés par son accession graduelle (et rapide) aux responsabilités.

Radicalisme précoce

Smotrich a été un radical dès le début, lorsqu’il s’était d’abord impliqué dans le militantisme et dans la politique de droite. Il avait été arrêté par l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet pour terrorisme juif présumé pendant le désengagement de Gaza, en 2005, un incident resté tristement célèbre.

Peu avant l’opération lancée en 2005 qui avait eu pour objectif d’évacuer les résidents juifs de 21 implantations de la bande de Gaza et de quatre autres implantations situées en Cisjordanie, Smotrich et quatre activistes avaient été placés en détention. Ils étaient notamment en possession de 700 litres de gasoil et d’essence.

Il était resté dans une cellule du Shin Bet pendant trois semaines, mais il n’avait jamais été mis en examen.

En 2019, Yitzhak Ilan, ancien numéro deux du Shin Bet qui s’était présenté à la Knesset sous l’étiquette du parti Kakhol lavan, avait estimé lors d’un rassemblement politique que Smotrich était « un terroriste juif » qui avait programmé de faire exploser des voitures sur une autoroute majeure pendant le désengagement de Gaza. Ilan avait affirmé avoir personnellement interrogé Smotrich.

Smotrich, de son côté, nie avoir été lié d’une manière ou d’une autre à un projet visant à détruire une infrastructure ou à commettre un acte terroriste.

Dvir Kariv, qui était un important agent du Shin Bet à l’époque, a pour sa part indiqué au cours d’une interview accordée à la Douzième chaîne, au début du mois, que les autorités israéliennes avaient décidé, à l’époque, de ne pas poursuivre Smotrich et ses collaborateurs présumés parce que le Shin Bet n’avait pas voulu mettre ses sources en danger.

Ensuite, un an après le désengagement, Smotrich était revenu sur le devant de la scène. Il s’était alors – encore une fois – tristement fait remarquer en aidant à organiser une manifestation contre la gay pride à Jérusalem, la dite « Marche des animaux ».

Activiste de premier plan au sein de l’organisation religieuse de la ligne dure et d’extrême-droite Kommemiyut, Smotrich et d’autres membres du groupe avaient ainsi défilé dans la capitale avec des ânes, des chèvres et autres animaux, brandissant des panneaux condamnant « l’impureté » du rassemblement annuel et festif du mouvement LGBT.

Smotrich, qui devait se qualifier plus tard « d’homophobe et fier de l’être », avait déclaré que le défilé des minorités LGBT du pays était « pire que de la bestialité ».

Il avait ensuite aidé à fonder l’organisation Regavim, qu’il avait dirigée. Ce groupe traque et dénonce les constructions illégales des Palestiniens et des Bédouins en Cisjordanie et dans le sud d’Israël.

Des manœuvres avisées sur la scène politique

Malgré son extrémisme – ou peut-être à cause de ce dernier – l’ascension politique de Smotrich a été à la fois rapide et impressionnante.

En 2009, il avait donc réussi à faire inscrire son nom sur la liste électorale de la formation Ihoud Leoumi, l’ancêtre du parti Hatzionout HaDatit actuel. Pour faire sa campagne, il avait pris du temps sur son service militaire qu’il venait de commencer à l’âge – avancé – de 28 ans, après avoir repoussé son recrutement pour étudier dans une yeshiva, s’accordant par ailleurs le délai nécessaire pour obtenir un diplôme de droit au Collège académique Ono.

Un ancien collègue politique du leader d’extrême-droite, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, se souvient que Smotrich avait eu une forte influence sur la campagne d’Ihoud Leoumi, malgré sa jeunesse et son inexpérience de la sphère politique.

Il attirait plus de gens dans les réunions et dans les conférences que n’importe quel autre candidat éminent et reconnu, affirme-t-il, et il savait mieux que personne mobiliser les troupes, recrutant des bénévoles pour distribuer des prospectus et remplir les salles pendant la campagne.

Les membres de Ihoud Leoumi – Tekuma Uri Ariel, à droite, et Bezalel Smotrich lors d’une conférence de presse à Jérusalem, le 11 janvier 2015. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Même s’il était placé trop bas sur la liste d’Ihoud Leoumi pour avoir une chance réaliste d’entrer au Parlement israélien – la formation avait remporté quatre sièges, cette année-là – Smotrich s’était saisi de l’occasion qui lui était offerte pour commencer à mettre en place un réseau d’alliés qu’il avait su ensuite exploiter à son avantage.

Prédisant – avec justesse – qu’Uri Ariel hériterait de la tête du parti, il avait rapidement commencé à se rapprocher du politicien, parvenant finalement à s’assurer un important poste de responsable de campagne sur le terrain pour l’alliance HaBayit HaYehudi-Ihoud Leoumi lors des élections de 2013.

Smotrich avait également poussé à élargir le comité central d’Ihoud Leoumi, aidant ses alliés à intégrer ce panel. En 2015, il avait ainsi bénéficié de suffisamment de soutien parmi les pontes de la faction pour remporter une primaire interne, ce qui l’avait propulsé à la deuxième place de la liste, derrière Ariel, dépassant des cadres du parti plus établis et plus installés comme Orit Strouk ou l’ancien directeur-général de la formation, Nachi Eyal.

Il devait toutefois intégrer la Knesset pour la première fois cette année-là.

Vaincre son mentor

En 2019, le dynamisme qu’il avait déployé à son poste de député au cours des quatre années précédentes, venu s’ajouter à des intrigues politiques avisées, lui avait permis de renverser son mentor, Ariel, au cours d’une primaire à la tête du parti.

Les deux années qui avaient suivi avaient été tumultueuses pour la politique israélienne avec quatre scrutins qui s’étaient succédés, et elles avaient été agitées de la même manière pour l’ensemble des partis à la droite du Likud – l’Union nationale, HaBayit HaYehudi, Otzma Yehudit, le parti kahaniste, Yamina et la faction homophobe et ultra-nationaliste Noam – qui allaient fusionner et se séparer de manière répétée à chaque élection.

Lors du premier scrutin, l’Union nationale s’était alliée à HaBayit HaYehudi et à Otzma Yehudit pour former le parti HaYamin HaHadash. Même si les élections avaient entraîné une impasse, l’alliance avait soutenu le gouvernement intérimaire de Netanyahu et Smotrich avait été catapulté au cabinet après avoir été nommé ministre des Transports.

Un poste qui ne lui avait donné que peu d’opportunités de faire avancer son agenda extrémiste et radical, mais il avait su, semble-t-il, gagner l’admiration du personnel du ministère à cette occasion et il avait aussi aidé à faire progresser plusieurs projets, notamment l’électrification de la voie ferroviaire rapide reliant Jérusalem à Tel Aviv.

Smotrich avait pris la tête pour la toute première fois d’une liste électorale au mois de mars 2021 après deux scrutins où il s’était allié à HaBayit HaYehudi – le parti était devenu, dans la foulée, l’ombre de lui-même – et à Hayamin Hahadash, une faction relativement plus modérée et placée sous la houlette de Naftali Bennett et d’Ayelet Shaked.

Cette fois, Smotrich avait fusionné son parti Hatzionout HaDatit à Otzma Yehudit et Noam, marquant un virage considérable à l’extrême-droite.

Suite au vote, Hatzionout HaDatit était resté dans l’opposition tandis que HaYamin HaHadash, devenu Yamina, avait rejoint un gouvernement rassemblé par le centriste Yair Lapid.

Itamar Ben Gvir (R), membre du parti Otzma Yehudit, parle avec Betzalel Smotrich, alors chef de faction de l’Union nationale, lors d’un événement de campagne à Bat Yam, le 6 avril 2019. (Crédit : Flash90)

Une initiative qui avait permis à Bennett de devenir Premier ministre pendant presque un an – mais la décision prise d’une alliance avec la gauche et avec un parti arabe, Raam, devait s’avérer être très impopulaire auprès d’un grand nombre des électeurs de Yamina et aujourd’hui, après une année au pouvoir, le parti a pratiquement été rayé de la carte.

Ce qui a fait de HaTsionout HaDatit le seul foyer politique viable pour un grand nombre d’Israéliens de la droite de l’échiquier politique – en particulier au sein de la communauté nationaliste-religieuse de la ligne dure – et, au mois de novembre, l’alliance a remporté quatorze sièges, un plus grand nombre de fauteuils que tous les autres partis à l’exception du Likud ou de Yesh Atid.

Sept ans après son entrée à la Knesset, Smotrich est dorénavant sur le point de devenir l’un des ministres les plus puissants dans le gouvernement le plus radical jamais connu par le pays.

« Tout ce qu’il a pu faire a toujours été une histoire de contrôle et de pouvoir ; il a toujours été assoiffé de pouvoir et il a toujours voulu s’élever et atteindre le haut de l’échelle », explique l’ancien collègue politique de Smotrich.

« Il est très rusé, il est sournois, il est trompeur, mais c’est un très bon politicien », ajoute-t-il.

L’idéologue intelligent

Tandis que d’autres politiciens se sont rapidement élevés dans les rangs de leurs partis respectifs en élargissant la portée de leur appel et en modérant leurs positionnements, Smotrich semble, de son côté, avoir réussi son ascension tout en refusant toute compromission et en réaffirmant toujours plus fort ses convictions de droite – entraînant à la fois l’admiration et la détestation.

Cela fait longtemps que le député soutient avec ardeur les implantations en Cisjordanie, s’opposant avec tout autant de ferveur à l’idée d’un État palestinien, et qu’il affirme que les Juifs ont un droit naturel et inaliénable sur toute la Terre d’Israël. Concernant son conservatisme sur les questions sociales, ce dernier semble s’ancrer dans le feu et dans le soufre bibliques.

Il a ouvertement annoncé qu’il souhaitait que le système judiciaire en Israël se base, à terme, sur la loi de la Torah ; il s’est opposé de manière stridente aux réformes visant à libéraliser le contrôle sur la vie religieuse juive qui avaient été présentées par le gouvernement sortant et il a dénoncé avec férocité les mouvements réformé et massorti pendant toute sa carrière au Parlement.

Moti Yogev, ancien élu à la Knesset sous l’étiquette de HaBayit HaYehudi, dit de Smotrich qu’il est « un idéologue avec tout » et il estime que son nationalisme de droite et son idéologie religieuse conservatrice sont ses principaux moteurs.

« Son désir de renforcer le peuple juif, de conserver la Judée-Samarie [Cisjordanie] et de renforcer les valeurs religieuses est ce qui constitue le cœur de ses valeurs politiques », déclare l’ancien député.

Yogev rejette l’idée d’un Smotrich qui serait une sorte de Machiavel, notant son insistance à rejoindre les bancs de l’opposition pour des raisons idéologiques l’année dernière, contrairement à Bennett qui, selon Yogev, « a réussi à marchander le poste de Premier ministre avec six députés seulement ».

« Smotrich est un homme très honnête. Il a ce sentiment, à l’intérieur de lui-même, de faire le bien du peuple juif tout entier », poursuit Yogev. « Il a ce sentiment profond qu’il est de sa responsabilité de prendre soin des Juifs ».

Bezalel Smotrich, à gauche, et Moti Yogev de Hayamin HaHadash arrivent pour une réunion avec le président israélien Reuven Rivlin à la résidence du président de Jérusalem, le 16 avril 2019. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

Selon lui, Smotrich est « l’un des trois députés les plus intelligents de la Knesset », aux côtés de Netanyahu et de Zeev Elkin de Tikva Hadasha, avec un don particulier pour l’analyse et une grande capacité à saisir rapidement les nouveaux concepts.

Ce qui peut apparaître aux yeux de certains comme une forme d’arrogance est seulement le reflet de sa capacité « à réfléchir plus vite que la majorité des autres » et de son désir de faire rapidement les choses, affirme Yogev.

Pour Yogev, qui a étroitement travaillé avec Smotrich au sein du Parlement, l’idéologie du chef de Hatzionout HaDatit prend ses racines dans son enfance, dans l’influence de ses parents – en particulier dans celle de son père, un éminent rabbin – et dans le milieu dans lequel il a grandi à Beit El, une implantation religieuse de Cisjordanie située aux abords de Ramallah, qui est considérée comme l’un des bastions idéologiques du mouvement pro-implantation.

Des immeubles résidentiels dans l’implantation juive de Beit El avec, en arrière plan, le camp de réfugiés palestiniens voisins de Jalazone, le 1er mai 2019. (Crédit : Gili Yaari /Flash90)

Le père de Bezalel, le rabbin Haïm Yerucham Smotrich, était l’un des chefs rabbiniques du parti ultra-nationaliste Tekuma, qui formait le cœur d’Ihoud Leoumi. Smotrich a indiqué qu’il demandait l’avis de son père sur des problématiques cruciales.

Positions radicales

En 2017, Smotrich avait publié ce qu’il avait appelé « le Plan décisif israélien », présentant sa vision de l’avenir d’Israël dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Défendant avec ardeur l’annexion de la Cisjordanie toute entière, Smotrich n’envisage d’accorder aux Palestiniens l’autonomie qu’au niveau municipal exclusivement, même si le plan anticipe la possibilité vague de « modèles de résidence, voire de citoyenneté » à l’égard des Palestiniens sur le long-terme. Avec en condition préalable toute une série d’exigences auxquelles il est peu probable que les Palestiniens souscrivent, et Smotrich lui-même a fait savoir qu’il ne pensait pas que les Palestiniens seraient un jour en mesure d’obtenir la citoyenneté israélienne.

Une fois au pouvoir, Smotrich veut notamment légaliser des dizaines d’avants-postes illégaux en Cisjordanie tout en menant à bien les ordonnances de démolition émises à l’encontre de constructions palestiniennes qui n’avaient pas été autorisées dans certaines parties de la Cisjordanie ; il souhaite réduire la bureaucratie concernant les constructions dans les implantations ; il prône l’arrêt de la destruction des avants-postes illégaux, tels que Ramat Migron et Evyatar et il veut faire abroger la Loi de désengagement pour permettre la reconstruction d’implantations qui avaient été évacuées et détruites dans le cadre du programme de désengagement de Gaza, en 2005.

Le programme électoral de Hatzionout HaDatit appelle également à abolir l’Administration civile – une instance du ministère de la Défense qui gère les affaires civiles, comme l’octroi des permis de construire dans la Zone C, ce secteur courant sur 60 % de la Cisjordanie où vivent les résidents d’implantations aux côtés des Palestiniens. Le parti veut que les pouvoirs de l’Administration civile soient transférés à un autre ministère.

Les critiques de ce plan évoquent une annexion de facto en donnant au gouvernement de Jérusalem le contrôle des territoires hors de l’État juif, qui sont actuellement gouvernés par l’armée.

Dans les négociations de coalition, Smotrich a demandé que l’Administration civile soit placée sous l’autorité du ministère des Finances, le portefeuille dont il devrait hériter dans le prochain gouvernement.

L’administration civile a commencé à évacuer six maisons dont la démolition était prévue dans le quartier de Nativ HaAvot à Gush Etzion. L’administration a fait venir une entreprise de camionnage pour enlever le contenu des appartements. Le 10 juin 2018. (Crédit : Gershon Elinson/FLASH90)

Thabet Abu Rass, co-directeur exécutif du groupe Abraham Initiatives, qui défend la coexistence entre Juifs et Arabes, s’inquiète de ce que Smotrich ne soit tenté d’utiliser sa position de trésorier pour favoriser des politiques susceptibles de nuire aux communautés bédouines du sud du pays.

Regavim, l’organisation fondée par Smotrich, exerce des pressions en faveur d’une action gouvernementale plus stricte contre les constructions bédouines sur les terres qui appartiennent à l’État dans le sud du pays et s’insurge contre les constructions palestiniennes dans la Zone C de la Cisjordanie.

S’il obtient le contrôle de l’Administration civile, s’il émet des ordonnances de démolition concernant les constructions palestiniennes illégales en Cisjordanie tout en tolérant les constructions illégales israéliennes, Smotrich pourrait « mettre le feu aux relations avec les Palestiniens », avertit Abu Rass.

Les points de vue radicaux du leader de HaTzionout HaDatit s’étendent également au domaine social, où il a un positionnement très conservateur en cherchant notamment à brouiller les lignes dans la relation entre la religion et l’État. Il a aussi tenu des propos profondément racistes dans le passé.

En 2016, suite à un article consacré à la ségrégation de facto dans les maternités entre les mères juives et arabes, Smotrich avait dit approuver l’idée de séparer les nouvelles mamans en fonction de leur origine ethnique, affirmant que son épouse « n’aimerait pas dormir à côté d’une femme venant d’accoucher d’un enfant qui pourrait vouloir assassiner le nôtre dans vingt ans. »

Il a aussi tenu des propos méprisants au sujet des célébrations organisées après la naissance d’un enfant dans la communauté arabe.

S’il est souvent considéré comme moins extrême que son collègue ultra-nationaliste Itamar Ben Gvir, les convictions de Smotrich le placent à l’extrémité de la droite politique en Israël, ce qui rend pratiquement impossible d’établir une distinction entre HaTzionout HaDatit et Otzma Yehudit de Ben Gvir, qui est considéré comme le successeur idéologique du parti raciste Kach et de son fondateur, le rabbin Meir Kahane.

Comme Ben Gvir, Smotrich a menacé d’expulser les politiciens arabes et les citoyens de la communauté arabe qui ne reconnaissent pas que « la Terre d’Israël appartient au peuple juif ».

Au mois de septembre, cette année, Smotrich a invoqué sa crainte que les citoyens arabes puissent constituer une « cinquième colonne » et qu’ils se retournent contre les Juifs israéliens pendant une éventuelle guerre opposant Israël à un ennemi extérieur, jurant de faire interdire les partis arabes à la Knesset qui, selon lui, « soutiennent le terrorisme ».

« Smotrich considère les citoyens arabes comme des ennemis intérieurs en Israël, en particulier les Arabes qui habitent dans le Neguev », indique Abu Rass.

Le député Bezalel Smotrich se dispute avec le vice-président de la Knesset Ahmad Tibi pendant un débat et un vote à la Knesset, le 1er juin 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Une théocratie de la Torah

Smotrich semble également avoir hérité des convictions radicales de son père sur la manière de diriger les systèmes législatif et judiciaire israéliens.

Haïm Smotrich, Juif ultra-nationaliste, idéologue religieux, avait la conviction profonde que les systèmes judiciaire et législatif laïcs devaient être déracinés et qu’il fallait ré-établir un nouveau système qui reposerait sur la loi de la Torah.

A LIRE – Smotrich : « Si nous suivons la Torah, nous serons récompensés par une abondance financière »

Smotrich, le fils, a expressément fait savoir que son désir ultime était de voir une théocratie en Israël. Il avait expliqué à des étudiants de la yeshiva Mercaz Harav de Jérusalem, en 2019, que son parti « veut le ministère de la Justice parce que nous voulons revenir à la justice de la Torah. »

« Les lois de la Torah sont largement préférables à l’état de droit institué par Aharon Barak, », avait-il dit dans un entretien ultérieur en référence au président de la Cour suprême qui, dans les années 1990, avait développé le système de réexamen judiciaire tel qu’il existe actuellement.

Le député Bezalel Smotrich, de l’Union des partis de droite, prend la parole lors de Yom Yeroushalayim à la yeshiva Mercaz Harav à Jérusalem, le 2 juin 2019. (Aharon Krohn/Flash90)

HaTzionout HaDatit a fait de la refonte du système judiciaire et législatif une thématique centrale de sa campagne électorale, et s’est engagé à entreprendre des réformes d’ampleur une fois au gouvernement.

Parmi ces réformes qui sont soutenues par le Likud et par les formations ultra-orthodoxes au sein du gouvernement naissant, des dispositions qui neutraliseraient la capacité de la Haute cour à rejeter des lois ou des décisions gouvernementales. La formation veut également octroyer au gouvernement un contrôle presque total sur les nominations des juges au sein de la plus haute instance judiciaire.

Les partisans des réformes affirment que ces dernières renforceront la démocratie israélienne en rendant plus difficile, pour des magistrats non-élus, d’aller contre la volonté de la majorité. Les critiques déclarent qu’elles feront disparaître un équilibre des pouvoirs pourtant déterminant dans le pays, en plaçant trop d’autorité entre les mains de la coalition gouvernante.

Le bureau de Smotrich n’a pas répondu à notre demande de réaction.

Une personnalité clivante

Certains spécialistes ont attribué la performance de Smotrich et de Ben Gvir dans les urnes à des électeurs radicalisés par les émeutes intenses qui avaient éclaté, au mois de mai 2021, dans les villes mixtes où cohabitent Juifs et Arabes. Les deux personnalités ont surfé sur les peurs renforcées par ces échauffourées en promettant de ramener la loi et l’ordre dans les rues du pays. D’autres ont jugé qu’il s’agissait plutôt de la déception des électeurs de Yamina.

Mais selon Abu Rass, la nomination d’un extrémiste comme Smotrich à un poste important du cabinet endommagera probablement les relations entre Juifs et Arabes et elle alimentera également les tensions entre Israël et les Palestiniens – il ajoute qu’elle pourrait être l’étincelle susceptible de déclencher de nouvelles émeutes sur le territoire.

« Quand vous avez quelqu’un comme lui, avec son idéologie raciste, sa propagation des discours de haine, et qu’on donne à ce quelqu’un la responsabilité de la politique en direction des Arabes et des Palestiniens – cela ne peut que rendre plus difficiles les relations entre Israël et l’Autorité palestinienne et les relations entre les Arabes et les Juifs en Israël », redoute-t-il.

Et ce n’est pas le seul clivage que Smotrich est accusé de renforcer.

Matan Kahana, député de la formation HaMahane HaMamlahti et ancien allié de Smotrich lorsqu’il était législateur élu sous l’étiquette de Yamina, indique que les convictions du leader de Hatzionout HaDatit sont tellement extrêmes qu’elles ne concernent qu’un petit sous-groupe de la communauté nationaliste-religieuse de droite.

« En pratique, il représente un groupe respecté dans le mouvement nationaliste-religieux, mais ce n’est pas un groupe important », dit Kahana.

Ce groupe, connu familièrement sous le nom de nationalistes ultra-orthodoxes – ou Hardal en hébreu – peut être mieux dépeint sous les traits d’un groupe nationaliste de la ligne dure dont les membres sont généralement plus religieux et plus conservateurs au niveau social que le reste de la communauté. Il ne représente que trois ou quatre sièges à la Knesset, note Kahana, qui était en charge du ministère des Services religieux dans le gouvernement sortant.

Lui et d’autres personnalités de droite qui s’étaient unis à des partis de gauche et du centre, ainsi qu’à la faction islamiste Raam, dans le cadre du gouvernement sortant Bennett-Lapid, avaient été attaqués avec fureur par Smotrich, Netanyahu et leurs alliés, qui les avaient accusés d’avoir trahi leurs électeurs.

Smotrich avait appelé, entre autres, les membres du mouvement nationaliste-religieux à interdire les politiciens et les responsables de Yamina des synagogues et à les exclure de la communauté.

Une rhétorique hypocrite et « populiste » par nature, juge Kahan, qui ajoute qu’elle a divisé la communauté nationaliste-religieuse.

« Ces propos ont eu un effet immédiat au sein de la communauté. Ce qu’il a fait était clivant, dangereux et a entraîné un schisme dans ce qui reste de la communauté nationaliste-religieuse », ajoute-t-il.

Le ministre des Affaires religieuses Matan Kahana lors d’une audience de la Commission de la Knesset, le 25 avril 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Et en effet, les députés de Yamina qui avaient claqué la porte du gouvernement sortant, comme Idit Sliman, avait explicitement dit que la haine et le vitriol auxquels ils étaient soumis avaient eu de graves conséquences sur leur vie sociale et avaient eu un impact profond sur leur volonté de rester dans la coalition.

L’ancien proche de Smotrich, qui a témoigné sous couvert d’anonymat, estime que les attaques sont une tactique radicale que Smotrich n’hésite pas à employer, s’agissant de servir ses ambitions politiques, malgré les répercussions acerbes qu’elles peuvent avoir sur la communauté.

Pour un responsable de HaTzionout HaDatit, ce sont les critiques de Smotrich qui sont hypocrites.

« Le précédent gouvernement a entraîné des dégâts incroyables et il y a des gens qui, afin d’excuser ce qu’ils ont pu faire, diffament et utilisent des épithètes méprisants à l’égard de Smotrich sans discontinuer », déclare-t-il. « Nous préférons, pour notre part, nous investir dans la nécessité de faire ce qui est bon pour l’État d’Israël et nous ne nous laisserons pas entraîner dans des débats de bas étage » ».

La députée Idit Silman et le chef de l’opposition Benjamin Netanyahu à la Knesset, le 13 juin 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Kahana, comme les autres personnes interviewées pour cet article, décrit Smotrich comme un homme remarquablement intelligent mais il déclare que ses machinations politiques – lorsqu’il a évincé Ariel, son mentor, ou lors de ses attaques sans pitié contre le gouvernement sortant – sont à la fois opportunistes et dangereuses.

Il évoque en particulier les critiques de Smotrich à l’égard des politiques mises en œuvre par le gouvernement sortant en Cisjordanie, des critiques qui étaient autant de tentatives de récupération face à des problèmes complexes dont les précédents gouvernements ne s’étaient pas occupés, notamment quand le chef de HaTzionout HaDatit était lui-même ministre.

Aujourd’hui que Smotrich fasse son retour au gouvernement avec probablement des pouvoirs bien plus importants, résoudre ces problèmes ne deviendra pas plus simple – en particulier s’il tente de mettre en pratique sa rhétorique, poursuit Kahana.

« Il va très rapidement se rendre compte que les politiques dont il parle ne sont pas faciles à appliquer », note Kahana. « En même temps, s’il rase [le hameau bédouin de Cisjordanie de] Khan el Ahmar, s’il reconstruit [l’avant-poste de] Homesh, et qu’il entraîne la dissolution de l’Autorité palestinienne, ce sera rapidement la guerre pour nous… S’il agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il sera très dangereux ».

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