Israël en guerre - Jour 489

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Des Palestiniens reçoivent des rations alimentaires dans un camp pour déplacés, à Rafah, dans le sud de Gaza, le 2 février 2024. (Crédit : Said Khatib / AFP)
Des Palestiniens reçoivent des rations alimentaires dans un camp pour déplacés, à Rafah, dans le sud de Gaza, le 2 février 2024. (Crédit : Said Khatib / AFP)
Interview

Dans de brefs entretiens, des civils de Gaza fustigent le Hamas qui a détruit leur vie

Avant et après le 7 octobre, les témoignages en provenance de l’enclave ravagée par la guerre révèlent le ressentiment à l’encontre du groupe et peu d’espoir pour l’avenir

Un couple gazaoui avait trouvé un refuge à l’hôpital Shifa de Gaza City, mais a décidé de partir après avoir appris que le complexe dissimulait un entrepôt de munitions du Hamas. L’homme et la femme sont alors revenus dans leur appartement, mais leur immeuble résidentiel a été bombardé par les avions israéliens. L’homme a été tué. Dans un entretien récemment enregistré, la colère ressentie par sa veuve à l’encontre du Hamas, qui a plongé la bande dans la guerre, est débordante et palpable.

« Les Israéliens larguent ces prospectus qui offrent des récompenses en liquidités à tous ceux qui pourront dire où se cache actuellement [le chef du Hamas Yahya] Sinwar », dit la femme. « Je le jure, si je savais où il se trouve, j’apporterais sa tête sur un plateau même gratuitement. »

Ce témoignage a été récolté dans le cadre de la série « Voices from Gaza », formée de clips courts – il y en a pour le moment une quinzaine. Les Gazaouis y racontent les difficultés insoutenables qu’ils traversent pendant la guerre actuellement en cours au sein de l’enclave côtière, une guerre déclenchée par l’assaut meurtrier commis par le groupe terroriste dans le sud d’Israël le 7 octobre. Ce jour-là, les hommes armés ont tué environ 1 200 personnes et enlevé 253 personnes, emmenées en otage dans la bande.

Aucun média occidental indépendant n’est actuellement en mesure de faire un travail d’information depuis le territoire de l’enclave assiégée. Quelques médias arabes se trouvent actuellement sur le terrain, dans la bande, mais leurs journalistes ne présentent pas, dans le meilleur des cas, une couverture objective des événements – et, dans le pire des cas, ils se montrent même complices du Hamas.

Les témoignages des Gazaouis sont donc d’une importance déterminante, s’agissant d’obtenir une vision plus complète de la réalité dans la bande, telle qu’elle est. Le projet « Voices from Gaza » a été lancé par le Center for Peace Communications (CPC), une organisation à but non-lucratif dont le siège est à New York et qui a été fondée par Joseph Braude, expert de longue date des problématiques du Moyen-Orient, en coopération avec The Free Press, firme de médias conservatrice créée par une ancienne journaliste du New York Times, Bari Weiss.

« Voices from Gaza » vient suivre « Whispered in Gaza », une série d’entretiens avec des Gazaouis réalisés par le CPC qui ont été diffusés en 2023 par plusieurs médias internationaux, notamment le Times of Israel. Dans de courtes vidéos animées, des civils gazaouis faisaient le récit poignant de leur quotidien sous la tyrannie du Hamas.

Lors d’une interview récente à Jérusalem, Braude a évoqué le travail qu’il réalise en continu, depuis le 7 octobre, pour faire entendre au monde les voix des Gazaouis.

Aujourd’hui, le média le plus célèbre à se trouver sur le terrain est Al-Jazeera. Propriété du Qatar, parrain du Hamas, Al-Jazeera est considérée comme une chaine porte-parole du groupe terroriste.

À des occasions variées, les journalistes de la chaîne ont coupé les interviews de civils, sur le terrain, qui s’en prenaient au groupe terroriste pour son ancrage parmi la population, se cachant notamment dans les hôpitaux. Cela n’était qu’un aperçu de l’antipathie que peuvent ressentir de nombreux Gazaouis depuis presque deux décennies à l’égard de leurs gouvernants tyranniques, dit Braude, et « ne restitue pas l’image d’ensemble ».

Dans les conversations enregistrées par Braude et son équipe, des Gazaouis s’en prennent, sans retenue aucune, au Hamas pour son sacrifice de la population civile sur l’autel de ses objectifs terroristes, interceptant l’aide humanitaire, causant la mort de leurs êtres chers et ne laissant aucun espoir pour l’avenir à Gaza.

Braude affirme avec conviction que les témoignages individuels, dans la vie réelle, peuvent avoir un impact sur le débat politique en Occident, remettant en cause les points de vue aux deux extrémités de l’arène politique sur la relation entretenue par le Hamas et la population placée sous son contrôle.

Le rejet du Hamas par les civils contredit la perception de l’extrême-gauche occidentale selon laquelle la « résistance » meurtrière est une expression de la volonté du peuple palestinien. Elle contredit également l’idée de certains, à l’extrême-droite, qui pensent qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza et que chaque civil reste affilié, d’une manière ou d’une autre, au groupe terroriste.

Des récits de défiance civile contre le Hamas

Parmi les témoignages les plus remarquables qui ont été collectés par le CPC après le 7 octobre, l’histoire de Muhammad Mushtaha, prêcheur dans une mosquée du quartier Shejaiya de Gaza City qui, à la fin du mois de décembre, selon Braude, avait refusé de faire un sermon faisant l’éloge du Hamas devant des milliers de personnes qui s’abritaient dans une école. Il a ensuite été kidnappé par le groupe terroriste.

Les proches de l’imam sont entrés en contact avec le CPC et ont discuté de la médiatisation possible de ce récit, espérant qu’elle pourrait entraîner sa remise en liberté. Cette décision était néanmoins risquée.

« Cela a été un choix atroce pour la famille », se souvient Braude. « Est-ce qu’on reste à ne rien faire en espérant qu’ils le laisseront partir, ou est-ce qu’on va faire du bruit pour encourager la communauté internationale à exercer des pressions ? »

Finalement, le fils de l’imam a publié un article sur le site de The Free Press. Le Hamas a relâché le religieux deux jours plus tard, inquiet à l’idée que l’incident ne vienne ternir son image.

« Le Hamas est très préoccupé par la communication et il est très sensible aux accusations laissant entendre qu’il opprimerait les imams musulmans », explique Braude.

« C’est l’exemple de quelqu’un qui a montré du courage, c’est l’exemple de quelqu’un qui n’est pas rentré dans le rang, qui en était arrivé à la conclusion – comme c’est le cas également de nombreux Gazaouis – que cette guerre, dont le Hamas est à l’origine, est comme une boule qui démolit tout sur son passage », poursuit Braude. « C’est un régime terrible qui a provoqué tout ça au détriment de sa population, intégrant même la souffrance des civils dans sa stratégie de poursuite de la victoire. »

Dans un autre exemple de défiance civile, une personne interrogée, qui vit dans le camp de réfugiés de Jabaliya, a confié au CPC qu’il avait installé des panneaux en métal à l’entrée de son quartier pour empêcher les membres du Hamas de trouver un abri dans les allées étroites, ce qui pourrait entraîner une frappe israélienne.

Le fondateur du groupe de réflexion américain Center for Peace Communications (CPC), Joseph Braude. (Autorisation)

Les témoignages collectés par l’équipe de Braude mettent en lumière des aspects variés de la situation sur le terrain.

Sur le sujet de la mise à disposition des produits alimentaires, il y a eu des informations contradictoires sur la gravité de la pénurie actuelle dans la bande de Gaza – certaines organisations internationales affirment que la population est au bord de la famine tandis que l’armée israélienne nie tout manque de nourriture.

Sur la base de ses conversations avec les Gazaouis, Braude reconnaît que les produits alimentaires sont rares – mais la principale cause de cette pénurie paraît être que le Hamas a siphonné une grande partie de l’aide humanitaire, la revendant à un prix beaucoup plus élevé sur le marché noir. C’est même le cas, dit-il, de boîtes où il est explicitement écrit « Interdit à la vente ».

« Le Hamas utilise les produits alimentaires comme source de revenu, il fait de ces aides un moyen supplémentaire pour trouver des fonds pour sa guerre. Et les gens n’obtiennent donc pas autant de nourriture qu’ils le voudraient, une nourriture dont ils ont besoin dans un grand nombre de cas », explique Braude.

Comme le disent certains de ses contacts à Gaza, un facteur majeur qui influence l’accès de la population aux produits alimentaires et aux soins médicaux est le degré d’allégeance au Hamas des habitants du point de vue individuel.

« La vaste majorité de la population gazaouie est au troisième rang des bénéficiaires », explique Braude. « Le premier rang – le plus serré – est formé des chef du Hamas et des terroristes d’élite. Le deuxième consiste en environ 30 % de la population, c’est la base réelle du Hamas – les inconditionnels, les familles, les membres du réseau népotiste de parrainage. Puis, en-dessous, il y a 70 % de la population qui ne fait pas réellement partie de ce système et ce sont les derniers à bénéficier des aides. »

« Cela fait partie de la stratégie du Hamas qui vise à attiser l’image de dénuement et d’état de nécessité absolue. C’est absolument essentiel pour développer un mécanisme alternatif de distribution », affirme Braude.

Comment Israël peut écarter le Hamas du pouvoir

Sur la base de ses contacts quotidiens avec les Gazaouis ordinaires, Braude présente une vision visant à garantir la sécurité des civils et un lent retour à la normale, à l’écart de l’appareil répressif du Hamas.

Le groupe terroriste, caché dans ses tunnels, tente perpétuellement de faire une réapparition à la surface, comme il l’a fait au cours d’une trêve qui a duré sept jours, fin novembre. Selon les témoignages recueillis par l’équipe de Braude, pendant la pause dans les combats, les membres du Hamas sont sortis des tunnels et ont commencé « à se montrer dans des jeeps, tirant en l’air, frappant les marchands, attaquant qui ils voulaient comme ils le font d’habitude, ouvrant le feu sur ceux qui, pensaient-ils, collaboraient avec l’ennemi ».

Le Hamas semble aussi chercher à reprendre le contrôle sur le terrain, dans des secteurs du nord de la bande dont l’armée s’est retirée, selon des informations récentes.

« Les Gazaouis ne sont pas convaincus qu’il est possible de mettre un terme à la gouvernance du Hamas et ils pensent que la guerre se terminera par un retour au statu-quo« , explique Braude. « Comment peut-on les en blâmer ? Quatre conflits entre Israël et le Hamas ont eu lieu depuis que le groupe terroriste a pris la direction de Gaza en 2007 et le Hamas est resté au pouvoir à l’issue de chacun d’entre eux. »

« De nombreux Gazaouis craignent qu’il ne soit prématuré de se préparer à un avenir post-Hamas parce qu’ils n’envisagent pas réellement la possibilité d’une mise à l’écart du groupe terroriste », dit Braude. Les visions pour l’après-guerre, telles qu’elles ont été formulées par des responsables politiques étrangers, des diplomates et des acteurs internationaux n’ont pas su convaincre la population de la bande, ajoute-t-il.

« Si le Hamas devait revenir au pouvoir, les Gazaouis craignent qu’il ne soit encore plus brutal que ce qu’il était auparavant », dit-il. Citant l’un de ses contacts gazaouis, il prédit qu’il pourrait y avoir « un nouveau 7 octobre » contre tous ceux qui seront soupçonnés d’avoir collaboré avec Israël dans le cadre de la guerre.

Cette perception, toutefois, pourrait rapidement évoluer si des changements visibles commençaient à apparaître sur le terrain, selon Braude.

« Il y a eu des discussions, dans les médias, sur des secteurs protégés qui pourraient être mis en place dans certaines zones de la bande dans le contexte de la guerre, avec une situation qui ne cesse d’évoluer – des endroits où les travaux de reconstruction pourraient commencer, ce qui permettrait à la vie civile de reprendre. Si les Gazaouis qui se trouvent dans ces zones affichent un esprit de leadership, alors ils pourraient démontrer ce que pourrait être l’avenir sans le Hamas. »

Des troupes de l’armée israélienne en opération, dans la bande de Gaza, sur une photo diffusée le 24 décembre 2023. (Crédit : Armée israélienne)

Toutefois, jusqu’à présent, Israël a été dans l’incapacité de présenter une vision claire pour l’enclave côtière après la guerre, si ce n’est en insistant sur le fait que l’État juif refusera une prise de contrôle du Hamas ou de l’Autorité palestinienne et qu’il a l’intention de conserver la charge de la sécurité sur le territoire.

« Il y a de nombreux Gazaouis, notamment des Gazaouis avec lesquels nous avons échangé, qui sont plutôt francs lorsqu’ils disent qu’ils préféreraient réellement une forme ou une autre d’administration civile, soutenue par une combinaison de Gazaouis et de pays alliés, avec notamment Israël, plutôt que de revenir sous la direction du Hamas », note Braude.

« Ce qui ne les rend pas pro-Israël, même s’il y a un sous-groupe qui adopte la coexistence comme principe », continue-t-il. « Mais un nombre plus important encore croit, dans l’absolu, au principe de la résistance à Israël tout en s’opposant quand même à la ‘résistance’ telle qu’elle est présentée par le Hamas, qu’ils considèrent comme autodestructrice, provoquant une réaction qui condamne les civils à la souffrance alors que les terroristes se cachent dans leur bunkers et que les familles des dirigeants vivent dans l’opulence au Qatar et en Turquie. »

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