Israël en guerre - Jour 371

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Cours de mathématiques en extérieur dans une école temporaire installée au kibboutz Nahshonim, le 15 novembre 2023. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)
Cours de mathématiques en extérieur dans une école temporaire installée au kibboutz Nahshonim, le 15 novembre 2023. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)

Des « écoles éphémères » pour enseigner aux 52 000 élèves évacués

Dans tout le pays, hôtels, institutions et campus servent d’écoles temporaires pour aider les enfants et les adolescents traumatisés à retrouver un semblant de normalité

Les champs du kibboutz Nahsholim résonnent des rires des enfants qui vont d’une classe à l’autre. Avec en toile de fond la mer scintillante et l’herbe verte, ce kibboutz hôtel est aujourd’hui une école temporaire qui donne des cours de la maternelle à la 12e année [NDLT : la Terminale dans le système français] pour les enfants évacués des communautés proches de Gaza, avec un directeur, des enseignants, des bénévoles et du personnel de soutien.

« Il n’y a pas un seul enfant ici qui n’ait pas un grand-père qui a été assassiné, ou un ami tué, ou qui ne connaisse pas quelqu’un qui a été pris en otage… Ils ont tous des histoires à raconter », explique la directrice par intérim Hili Hachami, en faisant visiter au Times of Israël les salles de classe, dispersées autour des structures de l’hôtel et à l’intérieur du kibboutz.

Cette école temporaire à Nahsholim, sur la côte nord d’Israël, près de Zichron Yaakov, est l’une des quelque 350 « écoles éphémères » créées dans le pays en réponse à l’évacuation sans précédent de près de 200 000 Israéliens en raison de la guerre entre Israël et le Hamas.

Selon les chiffres du ministère de l’Éducation publiés mardi, 52 000 d’entre eux sont des élèves de la maternelle à la 12e année.

Ces personnes évacuées sont originaires des communautés riveraines de la bande de Gaza et du long de la frontière nord du Liban, comme les villes de Sderot ou Kiryat Shemona. Elles ont été dispersées dans tout le pays, essentiellement dans des hôtels et des kibboutzim, le plus souvent en préservant les communautés.

Dans un cours de sciences tenu dans une tente récemment érigée à Nahsholim, un groupe d’enfants de l’école primaire découvre l’histoire d’Ilan Ramon, l’astronaute israélien décédé dans la catastrophe de la navette spatiale Columbia en 2003.

Cours de mathématiques en extérieur dans une école temporaire installée au kibboutz Nahshonim, le 15 novembre 2023. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)

Non loin de là, un petit cours de mathématiques se tient sous un bosquet, sous les yeux d’un groupe de parents, alors que les vagues de l’océan s’écrasent au loin. Ailleurs, les cours se déroulent dans des abris anti-aériens, des cafétérias, dans tous les endroits disponibles.

Les élèves évacués se trouvent là depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ou presque, à l’origine de la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien, mais il a fallu « un certain temps » pour que l’école soit opérationnelle, explique Hachami.

Elle précise que l’école fonctionne aujourd’hui grâce à une « merveilleuse coopération » entre parents et bénévoles. La plupart des familles sont originaires de Karmiya, kibboutz situé à quelques kilomètres au nord de la bande de Gaza, et vivent à l’hôtel Nahsholim ou dans le Moshav Dor tout proche.

L’enseignante Hili Hachami dans une école temporaire du kibboutz Nahsholim, le 15 novembre 2023. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israël)

Hachami, qui a été directrice et administratrice dans le district scolaire de Haïfa, dit se lever « à 5 heures du matin et rester là jusqu’à 6 ou 7 heures chaque soir. C’est fou, on ne prend aucun jour de congé. »

Zehavit Hakmon, mère de trois enfants de Karmiya, était elle enseignante à Yad Mordechaï, un autre kibboutz situé non loin de Gaza qui a été évacué. C’est « excitant » de voir ce qui se passe à Nahsholim, dit-elle en observant l’un de ses lycéens dans un cours de mathématiques.

Avoir un emploi du temps régulier et voir des visages connus est très important pour ces élèves traumatisés, assure-t-elle. Elle dit qu’après l’école « Ma fille pleure parfois. Trois enfants de sa classe ont été tués, et le père de l’une de ses meilleures amies a également été tué. C’est un traumatisme sans fin. »

Le fait d’être dans un kibboutz connu, près de la mer, aide, assure Hakmon : c’est « mieux que d’être dans un bâtiment ou un grand hôtel ».

La plupart des habitants de Yad Mordechaï, où elle enseignait, vivent tous dans « un grand bâtiment à Hadera », ajoute-t-elle.

« Nous allons rester là pendant au moins un an », confie Hakmon avec pragmatisme. « Mieux vaut l’accepter. »

Climats méridionaux

À l’autre bout du pays, à Eilat, où la majorité des évacués de la région de Gaza ont été relogés, il y a environ 15 000 nouveaux élèves, selon les déclarations du ministère de l’Education. On estime qu’Eilat, station balnéaire d’environ 53 000 habitants, accueille 60 000 personnes de plus depuis le 7 octobre, soit plus du double de la population.

La création de cadres éducatifs pour ces élèves récemment déplacés a été un défi, admet Gila Nagar, la responsable du ministère de l’Éducation chargée de la question dans la région d’Eilat.

L’enseignante Gila Nagar (Avec l’aimable autorisation de l’auteur)

« Les premières semaines, les services gouvernementaux ont été lents à se mettre en marche », explique-t-elle au Times of Israël. « La société civile s’est mobilisée pour installer des tentes pour les jardins d’enfants et les espaces d’apprentissage informels. Au bout de deux semaines, nous avons eu une administration… Nous travaillons bien avec les organisations, qui montrent la société civile sous son meilleur jour. »

Haute fonctionnaire retraitée de Jérusalem, Nagar s’est installée dans un hôtel d’Eilat avec son mari, quelques jours après le 7 octobre, pour y superviser la mise en oeuvre d’une offre éducative pour les élèves évacués.

« Je n’ai pas eu le privilège de rester à la maison », dit-elle, ajoutant avoir un fils et un petit-fils dans l’armée israélienne.

Après que des milliers de terroristes du Hamas ont pris d’assaut la frontière, le 7 octobre, tué sauvagement 1 200 personnes – pour la plupart des civils -, et fait 240 otages dans la bande de Gaza, Israël s’est juré de chasser le Hamas du pouvoir et d’obtenir la libération des otages.

Avant l’offensive militaire, le pays a procédé au plus important rappel de réservistes de toute l’histoire du pays, soit quelque 360 000 personnes. Ce rappel exerce une pression importante sur le système éducatif dans son ensemble, car plusieurs milliers d’enseignants et de membres du personnel sont réservistes.

Le ministère de l’Éducation a lancé un appel général pour recruter de nouveaux enseignants et en a embauché pas moins de 300 dans les seules régions d’Eilat et de la mer Morte, selon un communiqué envoyé au Times of Israël.

Le rappel des réservistes a également pour conséquence de ne laisser qu’un seul parent à la maison, ce qui, selon les enseignants, complique la tâche pour les enfants.

À Eilat, les premières classes se sont installées dans des bureaux de location, des espaces hôteliers, de grandes tentes entre autres lieux de fortune, rappelle Nagar. On a aussi tenté de mettre en place des roulements dans les écoles existantes, les élèves évacués y allant l’après-midi, après la fin des cours normaux, mais cela s’est avéré impraticable.

Le ministère a ensuite officiellement organisé les choses en ouvrant plusieurs écoles, de la maternelle à la 12e année, dans des installations nouvelles, construites avec des préfabriqués. La semaine dernière, deux nouvelles écoles se sont ouvertes dans la ville : l’une pour les élèves ayant des besoins spéciaux et l’autre pour les évacués de la maternelle à la 12e année de Sderot.

À Eilat et partout ailleurs où se trouvent des personnes évacuées, on s’efforce de maintenir la cohésion des communautés afin que les résidents déplacés puissent continuer à vivre en groupe et fréquenter les mêmes écoles. Celle-ci est en grande partie supervisée par les gouvernements locaux d’origine qui travaillent en collaboration avec les autorités « hôtes ».

Une salle de classe installée dans la salle de bal d’un hôtel d’Eilat, sur une photo non datée. (Avec l’aimable autorisation du ministère de l’Éducation)

Sur le plan pédagogique, Nagar explique que tout est fait pour continuer à enseigner les matières habituelles, mais comme beaucoup l’ont dit pour les besoins de cet article, elle ajoute qu’il importe surtout d’offrir un cadre régulier et quotidien aux élèves, plus que de se concentrer sur les cours classiques.

« Cette génération fera face à de nombreux défis. Il n’y a pas de pansement rapide » pour faire face aux effets associés des récentes expériences de guerre et de déplacement des élèves, si peu de temps après les perturbations causées par les confinements liés à la COVID-19, il y a quelques années, explique-t-elle.

Nagar dit sa confiance dans le « Yiddishe kop », expression yiddish signifiant littéralement « tête juive », référence à la tradition de l’intellectualisme juif.

« Nous sommes une nation intelligente et forte », dit-elle.

« Ce n’est pas grave si l’apprentissage n’est pas régulier… C’est vrai que nous voulons faire plus, mais c’est quand même déjà une grande satisfaction », estime Liat Shmuel du Moshav Shuva, qui a une fille en âge d’aller à l’école primaire dans le nouveau système d’Eilat.

Shmuel confie qu’en dépit des nombreux traumatismes subis depuis le 7 octobre – l’assaut du Hamas lui-même et la guerre, l’évacuation sans rien emporter ou presque, l’adaptation à la vie urbaine à Eilat – et après une période très difficile, sa fille est aujourd’hui « épanouie… ils les aident à redevenir eux-mêmes.

Des acteurs non gouvernementaux sur le terrain

Dès le début de la guerre, ONG et associations sont passées à l’action pour aider les évacués, dans un élan bénévole de la société israélienne désormais bien documenté face à la crise.

L’une de ces ONG à l’oeuvre en matière de création d’espaces éducatifs est le groupe international de secours d’urgence IsraAID. Le 8 octobre, dans le cadre de sa toute première intervention à l’intérieur d’Israël, le groupe a mis en place des centres d’évacuation dans la mer Morte et à Eilat, avec des espaces parents/enfants, des thérapeutes en traumatologie et des aires de jeux, explique IsraAID au Times of Israel.

Dans les semaines suivent, l’ONG, qui travaille désormais en collaboration avec le gouvernement israélien, met en place une dizaine de « cadres éducatifs temporaires » et de terrains de jeux, dans des bâtiments déjà existants ou des écoles de terrain dans les régions d’Eilat et de la mer Morte.

IsraAID applique en la matière une procédure opérationnelle bien éprouvée, consistant à « travailler en étroite collaboration avec les autorités locales pour répondre aux besoins » et apporter de l’aide en temps de crise. L’ONG apporte une réponse initiale rapide et met fin à ses opérations lorsque les gouvernements locaux interviennent, ajoute la porte-parole d’IsraAID.

Un nouveau rôle pour un bâtiment emblématique de Jérusalem

Les nouveaux espaces éducatifs créés par le gouvernement sont hébergés par des institutions publiques et privées. La plupart des grandes universités ont mis à disposition une partie de leur campus, tout comme les petits collèges et fondations.

Cours devant les vitraux emblématiques de l’ancien bâtiment de la Bibliothèque nationale d’Israël à Jérusalem, sur une photo non datée. (Autorisation)

Un exemple frappant en est l’ancien bâtiment de la Bibliothèque nationale d’Israël (INL) à Jérusalem, partiellement reconverti en école secondaire. Par le plus grand des hasards, ce bâtiment emblématique est devenu vacant à la mi-octobre, lorsque les administrateurs ont décidé de déménager vers les nouvelles installations, malgré la guerre.

La plupart des élèves sont originaires de la ville de Shlomi, dans le nord du pays. Les familles sont hébergées par huit hôtels de Jérusalem, précise Neta Shapira, responsable de l’éducation à l’INL. La nouvelle école, appelée Kedem, est composée d’élèves, d’enseignants et de parents qui se connaissaient tous auparavant, ajoute-t-elle.

« Cette nouvelle incarnation de la Bibliothèque nationale est très intéressante parce que la bibliothèque elle-même est liée à l’histoire du mouvement sioniste. C’est très spécial pour les élèves de se trouver à Jérusalem » pendant cette période historique, dit-elle.

« Un grand nombre d’élèves veulent apprendre les mathématiques, la chimie, les études bibliques, l’histoire ». « Nous avons l’impression d’être leur famille d’accueil, et nous voulons leur offrir les meilleures conditions scolaires. »

Nouvelle initiative gouvernementale pour les personnes évacuées

Le 21 novembre, le ministère de l’Éducation a annoncé le lancement d’un projet d’un milliard de shekels intitulé « Education for Revival » (Éducation pour la renaissance) destiné à créer de nouvelles écoles et infrastructures éducatives aux communautés évacuées des zones proches de Gaza, dont Sderot.

On estime à 31 000 le nombre d’élèves évacués de ces zones, sur un total de 52 000 élèves déplacés. Le programme, qui doit être mis en œuvre en trois phases, vise à apporter des solutions immédiates et de long terme en matière éducative, explique le ministère.

De gauche à droite : le maire de Sderot, Alon Davidi, le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, et le maire d’Eilat, Eli Lankri, inaugurent une nouvelle école pour les élèves évacués, à Eilat, le 30 novembre 2023. (Crédit : Eran Dolev/GPO)

« Ce programme national pédagogique est original, avec un volet émotionnel, social, éducatif et informel adapté à ces élèves, qui ont connu des situations terribles, la destruction et la perte, suite à l’attaque meurtrière perpétrée par l’organisation terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 », précise le ministère dans un communiqué.

Le ministère a par ailleurs annoncé la semaine dernière un programme spécial concernant la réintégration dans le système éducatif des enfants ex-otages du Hamas.

Revenons au kibboutz Nahsholim qui, la semaine dernière, a vu ses écoles primaires et secondaires déménager vers deux nouvelles installations récemment construites dans le kibboutz voisin de Maagan Michael.

C’est exactement ce qu’attendait Omri, père de trois enfants.

« Ce n’est pas vraiment l’école ici… Ce sont des activités. Un peu ce qu’ils avaient l’habitude de faire l’après-midi », dit-il. « Mais nous attendions le retour de la vraie école. »

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