Israël en guerre - Jour 374

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Doron Almog, président de l'Agence juive (au centre, en chemise blanche), rend visite à de nouveaux immigrants à Ulpan Etzion, un centre d'immersion pour l'apprentissage de l'hébreu à Jérusalem, lors de son premier jour de travail, le 21 août 2022. (Crédit :Maxim Dinstein/Agence juive)
Doron Almog, président de l'Agence juive (au centre, en chemise blanche), rend visite à de nouveaux immigrants à Ulpan Etzion, un centre d'immersion pour l'apprentissage de l'hébreu à Jérusalem, lors de son premier jour de travail, le 21 août 2022. (Crédit :Maxim Dinstein/Agence juive)
Interview

Doron Almog prône l’unité mais se prépare à batailler en faveur de la Loi du retour

Le chef de l’Agence juive espère fédérer les Juifs, trouver un compromis pour les conversions et incarner la voix du judaïsme, même si cela implique de s’adresser au gouvernement

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Doron Almog, qui a perdu un frère au combat et un enfant malade, qui a été général de l’armée israélienne et qui préside actuellement l’Agence juive, cherche à fédérer le peuple juif à un moment où il pense que le nouveau gouvernement pourrait nuire au tissu social par le biais de l’amendement de la Loi du retour, la législation qui détermine qui peut prétendre à la citoyenneté israélienne.

Actuellement, cela inclut toute personne ayant au moins un grand-parent juif. Mais les partis religieux du nouveau gouvernement cherchent à révoquer la « clause des petits-enfants » et à limiter l’immigration aux personnes qui sont juives selon les interprétations orthodoxes de la loi religieuse, ou halakha, et à leurs enfants.

Almog considère ces propositions comme source de division, l’État d’Israël fermant ses portes aux personnes qui se sentent liées au judaïsme même si elles ne sont pas juives selon la halakha.

« Le peuple juif est polarisé aujourd’hui. Une partie du peuple est menacée de ne pas être incluse », a déclaré Almog au Times of Israel, autour d’une table de conférence dans son bureau au siège de l’Agence juive à Jérusalem.

Pour Almog, il semble évident que les descendants de Juifs font partie du peuple juif au sens large, même s’ils ne répondent pas aux critères religieux. Les Juifs ont traversé tellement de choses dans leur histoire – pogroms, discrimination, persécution. Si certains d’entre eux ont épousé des non-Juifs en cours de route, cela ne devrait pas signifier qu’ils sont exclus du groupe, affirme-t-il, surtout pas s’ils ressentent un lien avec l’État juif et sont prêts à s’y rallier.

« Cela affecterait la façon dont les gens se sentent liés. Ce serait comme si Israël leur tournait le dos. C’est comme si l’État leur disait – en révoquant la ‘clause des petits-enfants’ ou en modifiant la Loi du retour – que vous ne faites pas partie de nous. Parce que vous êtes réformés, vous ne faites pas partie de nous. C’est très lourd de sens », a déclaré Almog.

La semaine dernière, Almog et six autres hauts dirigeants d’organisations sionistes internationales ont envoyé une lettre au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour l’avertir que la modification de la Loi du retour sèmerait la division entre Israël et les Juifs de la diaspora.

Le président par intérim de l’Agence juive pour Israël, Yaakov Hagoel, à gauche, serre la main du candidat au poste, Doron Almog, devant le siège de l’organisation à Jérusalem, le 16 juin 2022. (Crédit : Agence juive)

« L’Agence juive est l’organe exécutif du peuple juif. L’Agence juive est la voix de la communauté juive mondiale. Notre vision du monde est très large et nous pensons qu’il y a de la place pour tout le monde », a déclaré Almog. « C’est pourquoi nous avons écrit au Premier ministre pour lui demander de ne pas changer le statu quo, qu’un changement peut provoquer un fossé entre Israël et la Diaspora ».

Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher la révocation [de la « clause des petits-enfants »]. Mais toute décision qui sera prise devra l’être en collaboration avec les Juifs de la diaspora. Nous devrions en faire partie. Il ne devrait pas s’agir d’une décision unilatérale. Elle touche au lien entre l’État d’Israël et le judaïsme mondial, donc [ce dernier] doit faire partie de la discussion. »

Almog a déclaré que l’agence « considère le gouvernement comme un partenaire. Nous voulons représenter toutes les confessions du judaïsme auprès du gouvernement d’Israël. Si une commission est formée, nous voulons être là pour exprimer la voix de la diaspora. »

Pendant près d’une heure, Almog s’est entretenu avec le Times of Israel dans le cadre de sa première série d’entretiens approfondis avec la presse depuis son entrée en fonction l’été dernier. Il a exposé ses projets pour l’Agence juive, ses préoccupations concernant le futur gouvernement, la centralité de la Loi du retour et, brièvement, les luttes actuelles de l’organisation en Russie, dont le gouvernement a menacé de mettre fin à ses opérations dans le pays.

« Notre travail en Russie se poursuit. On nous a demandé de mettre nos systèmes en conformité avec la loi russe. Nous l’avons fait, à 100 % », a-t-il déclaré. « Mais je préfère ne pas en parler car c’est très sensible ».

Son troisième voyage

Almog était en quelque sorte un candidat inattendu pour le poste de président de l’Agence juive. Il a été nommé après presque un an de délibérations au cours desquelles la commission chargée de la nomination n’a pas réussi à trouver un remplaçant à Isaac Herzog, le précédent président qui a quitté son poste pour devenir le 11e président de l’État d’Israël.

Almog est le premier président depuis au moins deux décennies à ne pas être issu du monde politique et l’un des rares dirigeants de cette organisation vieille de 93 ans à ne pas avoir exercé de fonctions élues, bien qu’il ait longtemps été impliqué dans la vie publique. Son absence d’affiliation politique a fait de lui une sorte de candidat de compromis, qui incarne une sorte d’idéal platonique de ce qu’est la fibre israélienne.

Né en 1951 en Israël dans une famille sioniste, Almog a fréquenté la Hebrew Reali School de Haïfa, dont sont issus un grand nombre de généraux de Tsahal et de personnalités israéliennes, notamment la méga-donatrice conservatrice Miriam Adelson. Son frère, Eran, a été gravement blessé et laissé pour mort pendant la guerre de Kippour en 1973, ce qui a inculqué à Almog la conviction qu’il ne faut jamais laisser un soldat derrière soi. Il a été la première personne sur le terrain lors du célèbre raid d’Entebbe en tant que jeune officier de la brigade des parachutistes en 1976 et a participé à l’opération Moïse pour faire venir des Juifs éthiopiens en Israël. Il a ensuite dirigé le commandement sud de l’armée israélienne avant de prendre sa retraite en 2003. Almog considère sa carrière militaire comme son « premier voyage ».

Doron Almog avec son fils Eran. Photo non datée. (Crédit : ADI Negev)

Son « deuxième voyage » a été motivé par son fils Eran – nommé d’après le frère d’Almog – qui a été diagnostiqué alors qu’il était nourrisson avec un autisme sévère et d’autres handicaps mentaux. Il considère Eran comme son « plus grand professeur », lui attribuant le mérite d’avoir changé sa vie et de lui avoir enseigné ce qu’est la discrimination et l’importance de prendre soin des plus faibles dans la société israélienne. Almog parle avec amertume des nombreux dirigeants israéliens qui ont refusé de parler en public de leurs enfants et petits-enfants handicapés.

Après avoir pris sa retraite de l’armée et avoir été consterné par les conditions de vie dans la plupart des établissements de soins, Almog a ouvert son propre village de rééducation pour enfants et adultes handicapés, y compris pour son fils, sans les « murs de la honte » qui, selon lui, entouraient la plupart des autres établissements en Israël. Lorsqu’Eran est décédé en 2007, Almog a rebaptisé le centre en son honneur. En 2016, il a reçu le prix Israël pour l’ensemble de son œuvre.

Almog a déclaré avoir été « surpris » lorsqu’il a reçu le coup de téléphone en mai dernier lui annonçant qu’il était nommé à la présidence de l’Agence juive.

Doron Almog, nouveau président de l’Agence juive pour Israël, embrasse sa femme Didi après son élection, à Jérusalem, le 10 juillet 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« J’en ai parlé à [ma femme] Didi à la maison, et j’ai accepté – nous avons accepté », a déclaré Almog.

« Nous avons été surpris de nous lancer dans ce troisième voyage pour le bien de l’ensemble du peuple juif. C’est compliqué et cela touche les nerfs les plus sensibles de cette chose appelée le peuple juif. »

« Rapprocher les cœurs »

La vision globale et grandiose d’Almog pour l’Agence juive sous son mandat ne se traduit pas facilement en français : kirouv levavot, qui signifie littéralement « rapprocher les cœurs ».

Il se concentre sur des domaines qui font l’objet d’un large consensus : envoyer davantage d’émissaires israéliens dans les communautés du monde entier, convaincre les Israéliens qui se trouvent déjà à l’étranger pour une raison ou une autre d’entrer en contact avec les Juifs locaux, et inciter les collectivités locales israéliennes à offrir plus d’avantages et d’incitations aux nouveaux immigrants.

Dès son entrée en fonction, Almog ne semblait pas enclin à froisser les susceptibilités. Dans ses premiers discours, il a privilégié l’unité et l’histoire commune qui lie Israël et les Juifs de la diaspora aux condamnations et aux avertissements.

Même si la nouvelle coalition a clairement exprimé son intention de modifier la Loi du retour, Almog s’est gardé d’être combatif, parlant plutôt en termes positifs de l’importance de l’immigration juive en Israël.

Ce n’est qu’après que le gouvernement a prêté serment sur la base d’accords de coalition incluant des engagements d’amender la loi qu’Almog – ainsi que six autres hauts responsables de l’Agence juive, de la Fédération juive d’Amérique du Nord, de l’Organisation sioniste mondiale et du Keren Hayessod – a émis une critique explicite de la proposition.

Pourtant, même à ce moment-là, la lettre se concentrait uniquement sur la Loi du retour, en dépit du fait que le nouveau gouvernement a également pris pour cible le mur Occidental, une zone qui intéresse particulièrement l’Agence juive. L’organisation, lorsqu’elle était dirigée par Natan Sharansky en 2016, a été le fer de lance du compromis sur le mur Occidental, longtemps gelé, qui aurait accordé une reconnaissance officielle aux confessions non orthodoxes dans la gestion du lieu saint. Cet été, le Conseil des gouverneurs de l’Agence juive a également adopté une résolution exigeant une action après que des extrémistes orthodoxes ont perturbé des cérémonies de bar et de bat mitzvah qui se déroulaient dans la zone mixte du mur Occidental.

« Il a été décidé de ne pas en tenir compte », a déclaré Almog.

Le statut de la section égalitaire « risque-t-il d’être modifié ? Peut-être, mais ce n’est pas au même niveau que la Loi du retour », a-t-il ajouté.

Un officier de police se tenant entre un groupe de jeunes ultra-orthodoxes et une cérémonie de bar-mitsva dans la section égalitaire du mur occidental, le 30 juin 2022. (Crédit: Laura Ben-David)

La question des conversions au judaïsme est un autre sujet de discorde potentiel pour Almog et l’Agence juive. Depuis plus de 20 ans, l’Agence juive gère le programme Nativ (à ne pas confondre avec le bureau gouvernemental du même nom qui approuve l’éligibilité à l’immigration dans l’ancienne Union soviétique) afin de faciliter la conversion, principalement pour les soldats de Tsahal et d’autres jeunes Israéliens. Ces conversions accélérées ont été vivement critiquées dans le passé par les rabbins ultra-orthodoxes et ne sont toujours pas acceptées par certains d’entre eux.

« Je pense qu’une grande partie du défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui consiste à trouver un compromis, à créer un mécanisme de conversion acceptable, qui accepte tout le monde, qui exprime même la façon dont j’ai grandi, laïquement », a déclaré Almog. « La laïcité est une forme de judaïsme, une forme de judaïsme qui a des valeurs d’abnégation et de service national et qui prône le don de soi, au péril de sa vie, en faveur de la sécurité de l’État d’Israël. »

Les programmes de conversion actuels de l’État d’Israël ont systématiquement échoué à susciter l’intérêt, avec seulement quelques milliers de personnes qui se convertissent par leur intermédiaire chaque année. Il s’agit d’un problème majeur car près d’un demi-million de citoyens israéliens ne sont pas juifs selon la halakha.

« Nous avons besoin d’un mécanisme de conversion qui accepte tout le monde afin que nous puissions être un peuple plus grand et plus fort », a-t-il déclaré.

Almog a noté qu’il y a une préoccupation constante en Israël concernant la démographie, laissant entendre que cela aussi rendait utile d’encourager la conversion au judaïsme

« Le nombre de Juifs entre le Jourdain et la Méditerranée est une chose importante, non ? Voulons-nous avoir un demi-million de plus ou un demi-million de moins ? »

Pas besoin d’être un missionnaire

L’Agence juive opère dans les communautés juives du monde entier. Au cours de ses premières décennies, elle s’est principalement attachée à encourager et à faciliter l’immigration juive, ou alyah. Sous la direction de l’ancien président Zeev Bielski, en poste de 2005 à 2009, l’organisation s’est tournée vers l’éducation et le renforcement des communautés de la diaspora.

Almog a déclaré que l’alyah reste l’idéal en théorie, mais il a reconnu que dans certains cas, elle est à la fois improbable et pas nécessairement la meilleure chose pour l’État d’Israël.

« Je veux que le plus grand nombre possible de personnes fassent leur alyah. Mais je ne pense pas non plus que je doive être un missionnaire dans des endroits où c’est bon pour les Juifs, comme l’Amérique. Même sur ce point, on peut dire qu’il y a une montée de l’antisémitisme et d’autres choses encore. Mais je n’ai pas besoin d’être un missionnaire. Je pense que l’alyah doit venir d’un sentiment de ‘hineni‘ », a-t-il déclaré, en utilisant un concept biblique signifiant littéralement « me voici », généralement utilisé par les personnes qui sentent qu’elles ont une vocation, qui sont prêtes et désireuses d’agir.

Le président de l’Agence juive Isaac Herzog (2e à droite) et la ministre de l’Immigration Pnina Tamano-Shata (au centre) accueillent les immigrants éthiopiens arrivant à l’aéroport Ben Gourion, le 11 mars 2021. (Agence juive)

« Pour les États-Unis, je dois les encourager à venir et à visiter le pays. Mais dans les endroits où le niveau de vie est plus difficile, comme en Europe de l’Est, en Amérique du Sud – là, nous devons parler plus explicitement de l’alyah », a déclaré Almog.

« Je vais dire autre chose. L’alliance stratégique avec les États-Unis est très importante. S’il n’y a pas une communauté juive forte là-bas, je ne sais pas si les États-Unis voudront être un allié stratégique comme ils le sont aujourd’hui », a-t-il ajouté.

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