Israël en guerre - Jour 537

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Une femme allume une bougie en signe de soutien devant l'ambassade d'Israël à Stockholm, en Suède, le 9 octobre 2023, après l'attaque terroriste du 7 octobre menée par le Hamas contre Israël. (Crédit : .Jonathan Nackstrand / AFP)
Une femme allume une bougie en signe de soutien devant l'ambassade d'Israël à Stockholm, en Suède, le 9 octobre 2023, après l'attaque terroriste du 7 octobre menée par le Hamas contre Israël. (Crédit : .Jonathan Nackstrand / AFP)

En Suède, les proxies de l’Iran recrutent des criminels et des mineurs pour menacer Juifs et Israéliens

Les menaces des Gardiens de la révolution islamique, dans le pays, ont grimpé en flèche depuis le 7 octobre 2023 – et certaines se sont presque concrétisées avec notamment une tentative d’attentat devant l’ambassade d’Israël à Stockholm

STOCKHOLM, Suède – Première chose digne d’être remarquée chez Aron Verständig, c’est qu’il arrive seul, sans garde chargé d’assurer sa protection. Pour un homme qui a été la cible d’un complot du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran, qui a cherché à l’assassiner, se déplacer sans garde du corps peut sembler presque téméraire. Mais le président du Judiska Centralrådet, le Conseil officiel des communautés juives de Suède, explique qu’il prend toutefois la situation très au sérieux.

C’est vrai que les agents iraniens qui préparaient son assassinat ont été arrêtés et expulsés du pays – mais le régime a la mémoire longue et il ne pardonne rien.

En Suède, nombreux sont ceux qui ont attribué à Téhéran la responsabilité du meurtre, la semaine dernière, de Salwan Momika, un critique de l’islam connu pour ses autodafés du Coran, à Södertälje, une banlieue au sud-ouest de Stockholm, la capitale. Et même si Verständig ne fait pas l’objet d’une fatwa – un ordre religieux de mise à mort semblable à celui qui avait pesé sur l’auteur Salman Rushdie pendant des décennies avant qu’une tentative d’assassinat dans le nord de l’État de New York, en 2022, ne lui fasse perdre un œil – l’absence de tout gardien chargé de s’assurer de sa sécurité semble être une attitude presque désinvolte.

Que ressent-on quand on est la cible d’un État connu pour le soutien qu’il apporte au terrorisme ?… A cette question, Verständig, haussant les épaules, répond avec ce qui pourrait être l’illustration d’un sarcasme typiquement suédois : « Ça m’a un peu dérangé quand ils m’en ont parlé ». C’était en 2021 – mais il aura fallu attendre trois ans pour que l’affaire soit enfin connue du grand public grâce à un podcast réalisé par Daniel Öhman, journaliste à la radio nationale suédoise.

Et ce n’est pas comme si la menace iranienne avait faibli en Suède depuis lors, comme l’a démontré le meurtre de Momika. Au contraire, d’autres incidents et attaques au cours des douze derniers mois laissent plutôt penser que le Corps des gardiens de la révolution islamique a encore intensifié ses activités terroristes dans le pays nordique, y compris contre des cibles juives et israéliennes.

L’une des méthodes utilisées par le Corps est le recrutement de gangs criminels – et même de mineurs – issus de l’importante communauté immigrante et de la communauté musulmane, qui est forte d’environ
800 000 personnes.

Un phénomène qui ne s’arrête pas aux frontières de la Suède et qui concerne toute l’Europe de l’Ouest. Les activistes de l’opposition, au sein de la diaspora perse, sont pris pour cible par le régime de Téhéran, comme c’est le cas également des institutions et des individus juifs ou israéliens. En 2015 et en 2017, deux Iraniens avaient été assassinés par des criminels dans les villes néerlandaises d’Almere et de La Haye. Tout laisse penser que ces assassinats ont été effectués sur ordre de l’Iran. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont indiqué qu’ils n’étaient eux-mêmes pas épargnés par cette infiltration.

Le président du Conseil officiel des communautés juives de Suède, Aron Verständig, devant la Grande Synagogue de Stockholm, janvier 2025. (Crédit : Bart Schut)

A la fin du mois de mai 2024, le journal suédois Dagens Nyheter avait fait savoir que le Mossad israélien avait informé son homologue suédois, le service du renseignement de la Säpo – une abréviation de Säkerhetspolisen, ou police de sécurité – que Rawa Majid, le tristement célèbre chef du plus grand réseau criminel du pays, travaillait désormais pour l’Iran. Majid avait fui la Suède en 2018 et il avait été appréhendé par la police iranienne en 2023. Selon le Mossad, la République islamique offrira un asile à Majid, qui est également connu sous le nom de Renard kurde, tant qu’il mettra les membres de son gang à la disposition du Corps des gardiens de la révolution à des fins terroristes.

Le réseau Foxtrot de Majid recruterait des mineurs pour mener des attentats dans la mesure où toute personne âgée de moins de 15 ans ne peut pas être poursuivie en justice, selon la loi suédoise. L’âge minimum, en ce qui concerne la responsabilité pénale, est plus élevé en Suède que dans la majorité des autres pays d’Europe de l’Ouest.

Le journaliste d’investigation suédois Daniel Öhman en 2014. (Crédit : Bengt Oberger/ CC BY-SA 4.0)

Le projet d’assassinat du Corps des gardiens de la révolution, en 2021, visait deux autres Juifs suédois – ainsi que Verständig. L’une des deux personnes ciblées était également ressortissant américain, ce qui avait amené le FBI à se joindre à l’enquête. Les deux agents iraniens, Mahdi Ramezani et Fereshteh Sanaeifarid – ils avaient été identifiés ultérieurement – étaient entrés en Suède en 2015 en se faisant passer pour des réfugiés d’Afghanistan. Deux ans plus tard, ils avaient officiellement obtenu l’asile. Les deux hommes du CGRI avaient probablement commencé à prendre pour cible des Juifs suédois parce que s’en prendre à eux était plus facile que de s’en prendre à des cibles plus évidentes – telles que l’ambassade israélienne à Stockholm et ses employés, qui bénéficiaient d’une protection accrue.

Ils avaient été démasqués en 2021 et ils avaient été expulsés après huit mois de détention.

« Il n’y avait pas assez de preuves pour les poursuivre », déplore le journaliste Daniel Öhman auprès du Times of Israel.

Afin de minimiser au mieux la menace pour les victimes potentielles, la police suédoise était intervenue avant que le plan d’assassinat des Iraniens n’atteigne sa phase finale.

« De plus, une partie des preuves ne pouvait pas être utilisée parce qu’elle provenait d’un autre pays », explique Öhman.

Ce pays peut-il avoir été Israël ? A cette question, Öhman répond : « C’était un pays ami, et ce n’était pas les États-Unis ». Interrogé sur ce point, il sourit : « Nous n’avons aucune confirmation, mais il pourrait bien s’agir d’Israël ».

L’affaire avait plongé les autorités suédoises dans l’embarras. Öhman et ses collègues avaient découvert qu’en 2016, le service national de l’immigration Migrationsverket avait reçu deux informations de la part de correspondants anonymes qui affirmaient alors que « Foad Malkshahi », comme se faisait appeler Ramezani, était un agent du Corps des gardiens de la révolution potentiellement dangereux. De surcroît, les passeports afghans utilisés par les deux Iraniens étaient manifestement des faux, indique Öhman. Par ailleurs, une analyse linguistique qui avait été effectuée par le service de l’immigration lui-même avait suscité des doutes sur l’identité afghane des deux hommes : leurs accents n’étaient pas corrects. Malgré cela, les deux agents avaient reçu une réponse favorable à leur demande d’asile.

Il n’est guère surprenant que les autorités suédoises aient tenté d’étouffer l’affaire après avoir informé les victimes potentielles. Elles y étaient pourtant parvenues jusqu’à ce que Öhman et son équipe ne découvrent la vérité, l’année dernière.

Est-il possible que d’autres agents iraniens soient entrés en Suède en utilisant des méthodes similaires ? Est-il possible que les services d’immigration aient répété leurs erreurs ?

En réponse à une demande de commentaire, un porte-parole de la Säpo a déclaré au Times of Israel qu’il n’était « pas en mesure de parler des questions opérationnelles en raison du secret ».

« Les agents du Corps des gardiens de la révolution sont entrés sur le territoire au cours d’une vague d’immigration massive ; il était extrêmement facile d’entrer dans le pays à l’époque. Les temps ont changé depuis, mais on ne peut évidemment rien exclure », dit Öhman.

Rawa Majid, un criminel kurde-suédois à la tête du réseau criminel Foxtrot, qu’Israël accuse d’être à l’origine de tentatives d’attentats soutenus par l’Iran contre des cibles israéliennes et juives en Europe au mois de mai 2024.

Les autorités ne peuvent garantir la sécurité de personne

Les temps ont peut-être changé, mais pas nécessairement pour le meilleur en ce qui concerne la communauté juive de Suède. Le nombre de menaces violentes visant les Juifs et les 20 000 Israéliens environ qui vivent dans le pays a explosé depuis le pogrom commis par le Hamas dans le sud de l’État juif, le 7 octobre 2023.

Et il n’y a pas que des menaces. Au mois de février 2024, un « objet dangereux » a explosé devant l’ambassade d’Israël, dans le parc Nobel, qui se trouve au nord-est du centre-ville de Stockholm. Le Premier ministre Ulf Kristersson a évoqué une « tentative d’attentat à la bombe ».

Au mois de mai, un adolescent âgé de 15 ans a été arrêté alors qu’il se rendait à l’ambassade, muni d’une arme de poing. La même nuit, la police a appréhendé un jeune de 14 ans après des coups de feu qui ont été tirés à proximité de la mission israélienne. Des incidents qui semblent confirmer que les gangs criminels recrutent spécifiquement des mineurs à la demande du Corps des gardiens de la révolution islamique. Le 10 octobre, des coups de feu ont également été tirés dans une succursale de l’entreprise israélienne Elbit, spécialisée dans le secteur de la Défense, dans la ville de Göteborg, dans le sud du pays.

Le Mossad aurait fait savoir à la Säpo que non seulement le chef de Foxtrot, Majid, avait été recruté par la république islamique, mais aussi que l’ancien bras droit de Majid, Ismail Abdo – qui est devenu son rival – avait également mis son réseau criminel Rumba à la disposition du régime de Téhéran. Alireza Akhondi, un député suédois né dans la ville iranienne d’Ispahan, doute donc que Majid ait été réellement contraint de travailler pour le Corps des gardiens de la révolution.

« C’est une coopération qui est à 100% volontaire », a confié Akhondi lors d’un entretien accordé au journal émirati The National. « Nous savons que les Gardiens de la révolution islamique contrôlent les groupes de narcotrafiquants en Iran et il est donc logique qu’ils utilisent des criminels comme Rawa Majid, qui est recherché pour trafic de drogue en Suède ».

Des manifestants brûlent le drapeau suédois lors d’une manifestation visant à dénoncer l’autodafé d’un Coran par un activiste en Suède après les prières du vendredi à Téhéran, en Iran, le 27 janvier 2023. (Crédit : AP/Vahid Salemi)

Foxtrot et Rumbo, les deux réseaux criminels concurrents, s’affrontent dans une guerre des gangs sans merci pour prendre le contrôle du commerce de la drogue en Suède. Dans la même interview, Akhondi a évoqué sa crainte d’être pris pour cible en tant qu’opposant au régime de Téhéran. L’assassinat de Momika, la semaine dernière, prouve que les autorités ne peuvent garantir la sécurité de personne, ce que Kristersson lui-même reconnaît.

Il devient de plus en plus évident que les Iraniens n’en ont pas fini avec la Suède et ce malgré l’expulsion, en 2022, des agents du Corps des gardiens de la révolution islamique – et c’est d’autant plus le cas dans la mesure où l’armée iranienne a été humiliée par Israël à plusieurs reprises au cours des douze derniers mois, notamment avec l’assassinat à Téhéran du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, au mois de juillet. Les bombardements de Tsahal qui sont venus riposter à une attaque balistique directe inefficace ont laissé le régime de Téhéran pratiquement à court de défenses aériennes. Israël a vaincu le Hezbollah dans le sud du Liban et Bashar el-Assad a été écarté au pouvoir en Syrie. L’Iran a donc désespérément besoin d’une victoire, et un attentat terroriste réussi à l’encontre d’une cible juive en Europe serait l’une de ces victoires tant attendues par Téhéran.

Dans ce contexte, l’attitude de désinvolture qui est adoptée par Verständig face au risque d’une telle attaque paraît d’autant plus surprenante.

« Ça peut vous paraître étrange », déclare-t-il, « mais je me trouve dans cette situation depuis tellement longtemps que je commence à m’y habituer. Honnêtement, je suis plus inquiet pour notre communauté. Après l’échec des attentats contre l’ambassade, les terroristes pourraient s’attaquer à des cibles plus faciles. Ce qui ne s’est pas encore produit, mais c’est quelque chose que nous devons absolument prendre en compte et nous devons impérativement nous y préparer ».

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