L’humanité persiste à pomper des gaz responsables du réchauffement climatique dans l’atmosphère, et la planète Terre lui répond avec des catastrophes météorologiques de plus en plus fréquentes et effrayantes.
La planète a en effet enregistré un réchauffement d’un peu plus d’un degré Celsius depuis l’ère préindustrielle, avec pour conséquences de fortes inondations, des sécheresses et des vagues de chaleur.
Les gouvernements comptent sur les secteurs de la finance et des affaires pour mettre le monde sur la voie d’un avenir plus vert, car ces secteurs financent ou sont responsables de la majeure partie des activités qui émettent des gaz à effet de serre (GES) – des plateformes pétrolières aux centrales électriques, en passant par les exploitations agricoles et les usines industrielles.
Certains pays – l’Union européenne (UE) en tête – sont en train de mettre en place des systèmes permettant d’informer de manière fiable la population sur les entreprises et les investisseurs réellement verts, et pas seulement sur ceux qui se commercialisent comme l’étant.
Mercredi, le ministère israélien de l’Environnement a fait un pas de géant en publiant son projet de taxonomie verte – une liste détaillée de critères auxquels les banques, les caisses de retraite, les sociétés d’épargne et d’assurance et les entreprises devront se conformer – volontairement dans un premier temps – si elles veulent se présenter elles-mêmes ou leurs produits comme étant verts.
Mais la vraie question est la suivante : de tels dispositifs permettront-ils de détourner à temps les milliers de milliards de dollars nécessaires pour protéger la planète plutôt que de lui nuire, et de garantir que les fonds investis en notre nom par les banques et les grandes institutions financières soient protégés ?
Les gouvernements du monde entier sont en train de définir, et dans certains cas d’améliorer, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de leur pays.
Israël, par exemple, s’est engagé (il est peu probable qu’il y parvienne) à réduire les émissions mondiales nettes de gaz à effet de serre de 27 % d’ici à 2030 et de 85 % d’ici à 2050, par rapport à 2015.
La planète est encore loin de répondre à l’appel du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui préconise de réduire les émissions de carbone de 45 % au cours des huit prochaines années pour avoir un espoir de contenir les hausses de température moyenne mondiale à 1,5 °C, conformément à l’accord de Paris conclu par les Nations unies en 2015.
Lors de la COP26 qui s’est tenue l’année dernière en Écosse, de nombreuses négociations ont été nécessaires avant que plusieurs dizaines de pays ne se mettent d’accord pour « réduire progressivement » (et non plus « supprimer progressivement ») les subventions pour le charbon et les combustibles fossiles. Le pétrole et le gaz fossile, responsables de près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), n’ont même pas été mentionnés dans l’accord.
La COP27 démarre dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh le 7 novembre.
D’après Geraldine Ang, analyste des politiques de l’OCDE en matière d’investissements verts, qui s’est exprimée lors de la conférence organisée par la Israel Society of Ecology and Environmental Sciences en juillet, la planète, dans l’état actuel des choses, est en passe de connaître une hausse de 2,7°C, voire de 3°C, d’ici la fin du siècle.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, d’après le Fonds monétaire international (FMI). La tendance était claire avant même que l’invasion russe de l’Ukraine ne déclenche une ruée vers de nouvelles explorations pétrolières et gazières (y compris en Israël) face à la hausse des prix de l’énergie.
Tout cela constitue un véritable cadeau pour les entreprises de combustibles fossiles, qui semblent déterminées à faire leur beurre et à bien profiter de la situation. Un bon nombre d’entre elles ont annoncé publiquement des engagements en faveur du climat mais n’ont en réalité strictement rien fait.
Un rapport inquiétant sur le financement des combustibles fossiles publié cette année avec le soutien de groupes environnementaux a révélé que les 60 plus grandes banques du monde ont investi 4 600 milliards de dollars dans les combustibles fossiles – c’est-à-dire le financement de tout ce qui produit ou utilise du charbon, du pétrole ou du gaz – depuis l’accord de Paris de 2015, et 742 milliards de dollars pour la seule année 2021.
Le financement des combustibles fossiles, selon le rapport, serait dominé par quatre banques aux États-Unis – JPMorgan Chase, Citi, Wells Fargo et Bank of America. Ensemble, elles représentent un quart de tous les financements de combustibles fossiles identifiés au cours des six dernières années. La Royal Bank of Canada serait le principal investisseur dans les combustibles fossiles au Canada, Barclays est en tête de liste en Europe et MUFG au Japon.
En Israël, selon l’organisation à but non lucratif Clean Money Forum, environ un tiers de l’argent des caisses de retraite du pays ont été investies dans les énergies fossiles au cours du dernier trimestre de 2021, soit un total de 57 milliards de shekels.
L’argent public participe au financement du réchauffement climatique
La vérité qui dérange – pour reprendre le titre d’un film de 2006 documentant les efforts de sensibilisation à la question du réchauffement climatique déployés par l’ancien vice-président américain Al Gore – est qu’une grande partie de l’argent qui permet à cette situation de perdurer appartient à de simples citoyens.
Les trois quarts environ des gaz à effet de serre générés par l’homme proviennent de la combustion de carburants fossiles, destinés à alimenter en énergie les bâtiments, les transports et l’industrie. Toutes les entreprises concernées ont besoin d’investissements pour faire fonctionner leurs activités.
Ceux qui sont en mesure de fournir les liquidités – prêts (par le biais d’obligations) ou investissements (par le biais d’actions) – sont principalement les banques (publiques et privées), les gestionnaires d’actifs et les grands investisseurs institutionnels, tels que les fonds communs de placement, les pensions et les compagnies d’assurance.
Tous ces acteurs dépendent largement de l’argent qu’ils gèrent pour le compte de leurs clients.
À un moment donné, dans un avenir pas trop lointain, la valeur des producteurs de pétrole et de gaz et des entreprises qui dépendent des combustibles fossiles devrait chuter, ce qui pourrait frapper durement les contribuables.
Cela pourrait se produire, par exemple, quand le stockage des sources d’énergie renouvelables sera plus accessible et permettra un approvisionnement fiable en énergie même en l’absence de soleil, ce qui fera chuter la demande de combustibles fossiles.
Orly Aharoni, experte en réglementation climatique et en financement durable, qui préside le Clean Money Forum, a cité le krach financier de 2008.
Celui-ci avait été précédé par une bulle immobilière aux États-Unis, alimentée par des prêts bon marché et des conditions de prêt faciles. Lorsque la bulle a éclaté, les banques se sont retrouvées avec des milliers de milliards de dollars d’investissements sans valeur. Les banques ont été renflouées par le gouvernement américain, mais le krach a coûté à de nombreuses personnes ordinaires leur emploi, leurs économies et leur maison, et parfois les trois.
« Le changement climatique ne concerne pas seulement le réchauffement de la planète », a prévenu Aharoni. « Les gens doivent savoir qu’il s’agit aussi de nos retraites, de tous nos actifs ».
Pouvons-nous compter sur le capital privé ?
Les contribuables ne pourront pas financer les changements considérables nécessaires pour réduire les émissions (« atténuation », dans le jargon climatique) et veiller à ce que les pays puissent supporter les effets du changement climatique (« adaptation »), selon Gal Tamir, qui coordonne la politique de réglementation au ministère de l’Environnement et conseille le ministère des Finances, dont dépendent les autorités de réglementation financière du pays.
Cela va nécessiter des capitaux privés, a-t-il déclaré au Times of Israel, dont une grande partie est entre les mains des grandes institutions.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies a estimé que pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C, il faudra compter quelque 3,5 billions de dollars par an pendant les 30 prochaines années.
Ce chiffre correspond à environ un quart des dépenses publiques annuelles totales dans le monde, selon les données de l’OCDE.
Face à la pression croissante exercée par la population pour savoir comment son argent est utilisé, la tendance de ces dernières années a été pour les gouvernements de se contenter de demander, plutôt que d’ordonner, au monde financier et à celui des affaires de communiquer les risques que le changement climatique fait peser sur leurs activités et, par conséquent, sur ceux qui pourraient investir dans ces activités.
Et l’accent a été mis sur le risque physique, et sur les risques liés à la transition du monde des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables.
Investir dans la construction d’un site industriel en bord de mer, par exemple, revient à s’exposer au risque physique de l’élévation du niveau de la mer.
Mais si un gouvernement adoptait une loi obligeant les entreprises à payer pour leurs propres émissions, les actions d’une compagnie pétrolière pourraient soudainement perdre de la valeur.
Mesure de la durabilité – ou éco-blanchiment ?
Une mesure populaire conçue pour aider les entreprises à montrer leur degré de durabilité est connue sous le nom d’ESG, qui signifie environnement, social et gouvernance.
« Environnement » comprend les politiques et opérations liées à la pollution et à l’utilisation de l’énergie, de l’eau et de diverses ressources naturelles.
Le « Social » concerne les relations d’une entreprise avec ses employés et ses fournisseurs, et les questions telles que la représentation des sexes, la santé et la sécurité des travailleurs.
Et enfin, la « gouvernance » concerne l’intégrité, la transparence et la responsabilité de l’entreprise.
L’UE, l’Australie, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis ont tous adopté des mesures contraignantes en matière de communication et de déclaration des facteurs ESG.
Les trois régulateurs israéliens – des banques, des sociétés cotées à la bourse de Tel Aviv, des marchés financiers, des assurances et des caisses d’épargne – ont tous exigé ou invité ceux dont ils sont responsables à prendre en compte les facteurs ESG et à les communiquer.
Selon la Bourse de Tel Aviv, 61 entreprises israéliennes ont présenté leurs déclarations ESG.
Meir Levine, conseiller juridique adjoint du gouvernement en matière de droit économique, a admis lors de la conférence sur l’écologie et les sciences de l’environnement qu’il avait examiné les rapports ESG de 30 de ces entreprises mais qu’il n’avait pu se faire une idée précise de l’exposition aux risques environnementaux d’aucune d’entre elles. « Les conseils d’administration n’ont pas encore l’habitude de traiter ce sujet comme un risque », a-t-il déclaré.
De fait, un examen rapide des rapports de la Bourse de Tel Aviv révèle une grande diversité. Certains sont beaucoup moins détaillés que d’autres. Certains n’abordent pas du tout le changement climatique.
Les rapports ESG ont généré plusieurs conseils internationaux de normalisation ainsi que toute une industrie de sociétés de classification ESG équipées de plateformes numériques que les entreprises peuvent engager.
Il existe également une myriade de fonds et d’autres produits financiers étiquetés comme étant bien classés selon les critères ESG, qui sont souvent vendus, sans raison apparente, avec des frais de gestion particulièrement élevés.
Selon Bloomberg Intelligence, les actifs mondiaux commercialisés en fonction des critères ESG sont en passe de dépasser 53 000 milliards de dollars d’ici 2025, soit un tiers des 140 500 milliards de dollars d’actifs mondiaux gérés.
Mais cet outil a fait l’objet de vives critiques au cours des derniers mois et a été attaqué comme un outil permettant aux entreprises de faire passer pour vertes des activités qui pourraient ne pas être réellement respectueuses du climat.
Comme l’a dit Orly Aharoni, l’ESG n’est qu’un concept vague, et non un ensemble de directives détaillées, normalisées et légalement contraignantes.
Comme l’ont entendu les participants à la conférence sur l’écologie et les sciences de l’environnement, de nombreuses entreprises trouvent l’ESG déroutant et fastidieux. Les rapports exigent d’énormes quantités de données, dont ne disposent pas toujours les entreprises.
Il n’y a pas de normalisation, pas même dans les pays où les rapports ESG sont obligatoires.
Les entreprises peuvent choisir quelles normes internationales et quelles organisations de classification ESG elles souhaitent utiliser. Des articles publiés en mai ont montré que différentes sociétés de classification avaient attribué des notes différentes aux mêmes entreprises.
Bon nombre des investisseurs qui publient des évaluations ESG sur leur portefeuille ne vérifient pas le fondement des déclarations ESG faites par les entreprises ou les fonds dans lesquels ils investissent.
Une agence de classification, Morningstar, a retiré en février les étiquettes « durabilité » d’un fonds ESG sur cinq, ce qui représente plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs, selon Bloomberg.
Qui plus est, le fait de réduire les performances dans des domaines aussi différents que E, S et G à un seul ensemble de statistiques peut être trompeur. La Stanford Social Innovation Review a cité une société qui a obtenu de bons résultats parce qu’elle produisait des technologies vertes, malgré le fait que cette même société maltraitait ses employés.
Aux États-Unis, et probablement aussi en Israël (cela dépend de l’interprétation), la loi interdit en réalité aux gestionnaires de portefeuille d’investir dans des produits qui pourraient être bénéfiques pour l’environnement s’ils ne sont pas rentables.
« L’obligation légale et fiduciaire d’un investisseur consiste à évaluer la valeur en termes de dollars », a expliqué Tariq Fancy, ancien directeur des investissements durables chez BlackRock, qui est devenu la bête noire du secteur ESG pour s’être si publiquement opposé à celui-ci.
BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, a, par ailleurs, déclaré ce mois-ci à une commission parlementaire britannique qu’il ne cesserait pas d’investir dans le charbon, le pétrole et le gaz parce que, comme l’a rapporté Reuters, « le rôle de BlackRock dans la transition est un rôle fiduciaire envers nos clients – il ne s’agit pas d’organiser un résultat spécifique de décarbonisation dans l’économie réelle ».
En Israël, la clause 11 de la loi sur les sociétés stipule qu’une entreprise doit fonctionner « selon des considérations commerciales pour réaliser des bénéfices », tout en prenant en compte, « dans le cadre de ces considérations », des facteurs tels que ses créanciers, ses travailleurs et la population.
Le ministère de l’Environnement souhaiterait inclure les considérations environnementales dans les bénéfices comme une des obligations dans la clause 11, d’après Tamir, mais aucune prise de position officielle n’a été rédigée à ce jour.
Dov Khenin, un ancien membre de gauche de la Knesset qui préside le Forum du président sur le climat, a déclaré à la conférence sur l’écologie et les sciences de l’environnement que la crise climatique était « une fonctionnalité de notre système économique. »
« Nous ne pouvons pas nous plaindre de ceux qui jouent selon les règles du système. Les entreprises sont des machines à faire de l’argent. Si nous voulons que les entreprises agissent différemment, nous devons redéfinir le mode d’emploi des machines », a-t-il déclaré.
Les initiatives écologiques ne seraient pas juste onéreuses, si elles étaient mises en œuvre à court terme, selon les participants à la réunion sur l’écologie et les sciences de l’environnement, mais il faudrait parfois des dizaines d’années avant qu’elles ne deviennent rentables. Un délai qui va à l’encontre non seulement de l’approche d’investissement à court et moyen terme adoptée par les gestionnaires d’actifs mais aussi du fait que leurs primes sont versées annuellement sur la base des bénéfices réalisés.
« Il n’est pas certain qu’un administrateur soit autorisé par la loi à adopter une vision à long terme si celle-ci est en conflit avec l’intérêt commercial immédiat et provisoire », selon Levine, le conseiller économique du gouvernement.
Une grande partie des rapports ESG se concentre uniquement sur le risque encouru par une entreprise et non sur le danger qu’elle représente pour l’environnement. Il s’agit souvent de protéger une entreprise contre des litiges, par exemple, et non de parler des émissions dont l’entreprise pourrait être responsable.
De manière peut-être contre-intuitive, le dérèglement climatique n’est pas toujours supposé faire partie de ce qui est mesuré par l’ESG.
Aharoni a fait valoir que la divulgation des risques climatiques devrait être mandatée séparément parce que « le réchauffement climatique menace tous les domaines de notre vie, de la santé publique, la sécurité alimentaire et la sécurité nationale aux infrastructures et aux emplois. »
Le gouvernement peut changer les règles du marché
Fancy, l’ancien cadre de BlackRock, a déclaré à la conférence : « Je suis un capitaliste. J’ai commencé ma carrière en tant que banquier en investissement. Le marché libre n’existe pas. Ce serait comme faire du sport sans réglementation. Il y a des règles sur le marché. Et les règles peuvent être changées… (par) le gouvernement. »
Aux États-Unis, cela s’avère difficile.
En mars, la Securities and Exchange Commission (SEC) a publié des propositions ambitieuses visant à obliger les entreprises à déclarer les émissions de gaz à effet de serre provenant de leurs opérations internes, de l’énergie qu’elles achètent et, dans certains cas, de leurs lignes d’approvisionnement.
Les réactions ont été énormes.
Un certain nombre de grandes entreprises américaines ont elles aussi réussi à diluer une promesse ambitieuse à laquelle elles avaient souscrit à Glasgow l’année dernière, à savoir détourner jusqu’à 130 000 milliards de dollars de capitaux privés de projets néfastes pour l’environnement (à l’exception du charbon pour les prochaines années), tels que la déforestation liée à l’agriculture, et les orienter vers des initiatives visant à réduire les émissions de carbone d’ici 2050. Le grand bailleur de fonds des combustibles fossiles, Bank of America, en fait partie.
L’UE, en revanche, va de l’avant en matière de transparence environnementale obligatoire, détaillée et normalisée. Le bloc européen considère la réglementation comme un outil essentiel pour forcer une réorientation du financement et permettre à l’Europe de devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050.
L’UE a ainsi créé trois outils principaux, qui serviront à terme de base à la certification écologique des entreprises et des produits.
Le règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable (SFDR) définit les critères d’évaluation relatifs aux valeurs ESG des produits financiers afin d’éviter l’éco-blanchiment.
La directive sur les informations de durabilité des entreprises (CSRD) impose à quelque 49 000 entreprises européennes de divulguer les risques et opportunités environnementaux (dont le climat) et sociaux auxquels elles sont confrontées et que leurs activités font peser sur les personnes et la planète.
Plus important encore, peut-être, la taxinomie de l’UE tente, pour la première fois, de définir ce que le terme « vert » signifie et d’énumérer les types d’activités économiques qui peuvent légitimement être qualifiées « d’écologiquement durables ».
Elle fixe les normes sur lesquelles doivent s’aligner le règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable ainsi que la directive sur les informations de durabilité des entreprises.
Pour être considérée comme une activité économique durable – et l’UE publie des définitions de plus en plus détaillées – une entreprise devra démontrer que ses activités contribuent à la réalisation d’au moins un des six objectifs environnementaux et ne violent pas les cinq autres.
Ces objectifs sont l’atténuation (réduction) du changement climatique ; l’adaptation aux effets du changement climatique ; l’utilisation durable et la protection des ressources en eau et des ressources marines ; la transition vers une économie circulaire ; la prévention et le contrôle de la pollution ; et la protection et la restauration de la biodiversité et des éco-systèmes.
Israël suit l’Europe
Selon Tamir, du ministère de l’Environnement, Israël s’inspire de l’UE.
Mercredi, le ministère devait publier pour consultation publique un projet de taxonomie israélienne (en hébreu) basé sur les six mêmes catégories définies par l’UE.
Les commentaires peuvent être envoyés à taxonomy@sviva.gov.il avant le 31 janvier 2023.
La taxonomie israélienne, qui sera dans un premier temps volontaire, se divise en plusieurs domaines : industrie manufacturière ; énergie ; eau, égouts et déchets ; transports ; bâtiment et immobilier ; données et communications ; et activités professionnelles, scientifiques et techniques.
Chaque chapitre se décompose en sous-chapitres. Par exemple, le chapitre « Bâtiment et immobilier » contient des sous-rubriques sur les nouveaux bâtiments, la rénovation des bâtiments existants, les équipements pour l’efficacité énergétique, la recharge des voitures électriques et les énergies renouvelables telles que les panneaux solaires.
Chaque sous-rubrique est ensuite décomposée en fonction de la manière dont elle peut répondre à chacun des six objectifs environnementaux. Pour qu’un nouveau bâtiment soit classé comme vert, par exemple, il pourrait juste répondre aux critères de l’économie circulaire, qui incluent la réutilisation d’au moins 70 % des déchets de construction non toxiques générés par la construction.
Début 2020, un Forum des régulateurs de la finance verte a été créé sous la présidence de l’ancienne gouverneure de la Banque d’Israël, Karnit Flug, avec une représentation volontaire des régulateurs financiers, de la Banque d’Israël, du Contrôleur général du ministère des Finances, du Conseil économique national au sein du bureau du Premier ministre, des ministères de l’Environnement et de la Justice, et de Daphna Aviram-Nitzan et Erez Sommer de l’Institut israélien de la démocratie.
Le forum se réunit tous les deux ou trois mois pour échanger des informations et se tenir au courant des développements dans le monde. La dernière rencontre en date a également réuni des personnalités de la communauté des finances israélienne.
Israël en est actuellement au stade où se trouvait l’UE entre 2019 et 2020 en termes de développement de sa propre taxonomie, qui sera volontaire dans un premier temps, a déclaré Tamir.
Les travaux sont menés sous l’égide d’un comité directeur qui comprend des représentants du Conseil économique national du bureau du Premier ministre, des régulateurs financiers, du Contrôleur général des finances, du ministère de la Justice, de la société de conseil en environnement Ecotraders et de consultants de l’UE.
« La taxonomie dit à l’entreprise financière : ‘Si vous voulez créer un produit vert, il doit s’aligner sur la taxonomie et ne pas faire de dégâts significatifs' », a expliqué Tamir. « Pensez à l’évolution du monde. Si vous voulez saisir les opportunités, la taxonomie vous y aidera aussi. »
« L’UE est la meilleure norme qui existe à ce jour », a-t-il ajouté. « [La taxonomie] permet d’éviter l’éco-blanchiment ».
Il a ajouté qu’une carte détaillée et interactive des risques climatiques, que le ministère dévoilera lors de la COP27, permettrait de mieux aider les entreprises israéliennes à évaluer leurs risques.
Flug a déclaré au Times of Israel que la taxonomie fournirait la base nécessaire à une divulgation fiable et normalisée. Environ 75 % des fonds dont le monde a besoin pour passer à un avenir plus vert devraient provenir du secteur privé, a-t-elle déclaré, ajoutant qu’une taxonomie « rouge », détaillant les activités nocives (que l’UE est par ailleurs en train d’élaborer), serait aussi nécessaire pour aider les entreprises à gérer leurs risques.
Émissions : L’éléphant dans la pièce
En 2006, la Stern Review on the Economics of Climate Change (rapport Stern sur l’économie du changement climatique) a inventé l’expression « la plus grande et la plus vaste défaillance du marché jamais vue » pour décrire l’incapacité des marchés à corriger une situation dans laquelle les coûts externes, ou « externalités », n’ont pas de valeur monétaire.
Les externalités sont les coûts (ou les avantages) indirects que subit un tiers non impliqué. Par exemple, les coûts de la pollution atmosphérique pour la santé de la population. Ces coûts ne sont pas couverts par les entreprises à l’origine du problème, car la pollution atmosphérique n’a pas de prix. Au lieu de cela, nos impôts servent à financer les hôpitaux qui traitent les personnes atteintes de maladies respiratoires liées à la pollution.
Rob Zochowski, directeur du programme « Impact Investing and Sustainability Special Projects » à la Harvard Business School, a présenté en juillet, lors de la conférence sur l’écologie et les sciences de l’environnement, une étude portant sur plus de 2 500 entreprises, remontant jusqu’en 2010, qui a révélé qu’ensemble, elles étaient responsables de 30 milliards de dollars de dommages environnementaux.
Parmi elles, plus de 860 ont causé plus de dommages environnementaux que de bénéfices d’exploitation, tandis que 1 400 ont causé des dommages environnementaux équivalant à un quart ou plus de leurs bénéfices.
La taxe carbone – qui oblige à faire payer l’émetteur – n’a été mise en œuvre que dans 46 juridictions nationales en juin 2022, selon la Banque mondiale.
Mais la tendance est claire et les entreprises israéliennes seront inévitablement impactées.
Face à l’incapacité généralisée des banques européennes à inclure le climat dans leurs modèles de risque de crédit, la Banque centrale européenne a décidé de conditionner les prêts aux émissions.
« Si toutes les banques européennes agissent ainsi, il est clair que l’effet sera plus étendu et qu’il finira par nous atteindre », a déclaré Aharoni, expert en réglementation climatique.
Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières devrait également avoir un impact sur des pays comme Israël, qui n’a pas encore de taxe carbone opérationnelle. Ce mécanisme, qui devrait être introduit en 2026, imposera une taxe carbone sur les importations de certains produits en provenance de pays qui n’appliquent pas cette taxe.
Nous payerons demain les conséquences de notre inaction
Dans un rapport sur le climat publié juste avant la COP26 l’année dernière, le contrôleur d’État Matanyahu Englman a clairement indiqué qu’Israël pouvait s’orienter vers une économie à faible émission de carbone sans nuire aux objectifs de croissance à long terme et que, au contraire, cette évolution permettrait d’accroître la production et le bien-être social.
Il a cité des recherches internationales qui évaluent le préjudice mondial pour le PIB d’ici 2050 entre 2,5 % et 18,1 %, si le monde continuait à émettre des gaz à effet de serre sans rien changer.
Pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, où les températures montent plus vite que la moyenne mondiale, les chiffres sont de l’ordre de 8,5 % à 27,5 %.
« Si le réchauffement climatique est si dangereux, pourquoi ne le traitons-nous pas comme nous traitons des dangers comme le terrorisme ? » a demandé Khenin, l’ex-membre de la Knesset.
« Nous avons une loi sur le terrorisme qui comprend des mécanismes économiques efficaces. Pourquoi permettons-nous que les fonds publics, les fonds des pensions, soient investis dans des choses qui nous tuent, nous et nos enfants… Pourquoi taxons-nous quelque chose de positif comme le travail, mais pas quelque chose de nuisible comme les émissions ? »
Il a ajouté qu’il n’y avait plus de temps à perdre pour réduire le carbone dans l’atmosphère, car le réchauffement climatique n’est pas linéaire. « Nous partons du principe que demain sera un peu plus mauvais qu’aujourd’hui », a-t-il déclaré. « Nous ne comprenons pas que le système [planétaire] peut tout simplement s’effondrer ».