Israël en guerre - Jour 348

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Alice Walker assistant à la soirée d'ouverture de Broadway de "La Couleur Pourpre" au Bernard B. Jacobs Theatre, à New York, le 10 décembre 2015. (Crédit : Mark Sagliocco/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/Getty Images via AFP)
Alice Walker assistant à la soirée d'ouverture de Broadway de "La Couleur Pourpre" au Bernard B. Jacobs Theatre, à New York, le 10 décembre 2015. (Crédit : Mark Sagliocco/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/Getty Images via AFP)

La dernière version de « La couleur pourpre » nous rappelle l’antisémitisme d’Alice Walker

Malgré l’œuvre révolutionnaire de l’auteure, sa relation difficile avec Israël et le judaïsme, ainsi que son antisémitisme, l’ont mise en porte-à-faux avec la communauté juive

JTA – La comédie musicale « La couleur pourpre », qui est sortie dans les salles de cinéma américaines le 25 décembre, un film lumineux et coloré, raconte une histoire qui est maintenant devenue un élément familier du patrimoine américain – celle de l’émancipation d’une jeune femme noire et de la découverte de sa propre sexualité dans les conditions horribles et abusives de sa vie vécue dans le sud rural du début du siècle dernier.

Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que les Américains entendent parler de Celie, la protagoniste du roman d’Alice Walker La couleur pourpre. Le roman a été publié en 1982 et a reçu des critiques élogieuses, le Prix Pulitzer et le Prix national du livre. Trois ans plus tard, il a été adapté en un film dramatique réalisé par Steven Spielberg. La dernière version est une adaptation d’une comédie musicale de 2005, qui a elle-même été revisitée avec succès en 2015.

Mais même si la réputation de La couleur pourpre a connu une ascension fulgurante au fil des dizaines d’années, celle de Walker s’est compliquée, notamment en raison de sa relation difficile avec le judaïsme et de ses incartades avec l’antisémitisme. Mariée à un éminent avocat juif spécialisé dans les droits civiques lorsqu’elle était plus jeune, Walker a commencé, au milieu des années 2010, à promouvoir les œuvres d’un théoricien du complot antisémite et a écrit un poème antisémite de son cru.

Ces faits, combinés à sa critique de longue date d’Israël, ont conduit certains membres de la communauté juive à s’interroger sur son maintien en tant que figure respectée des Lettres américaines, ce qui lui a valu d’être exclue d’un grand festival du livre en 2022.

Bien que la réputation de Walker au sein de la communauté juive se soit détériorée depuis leur premier film ensemble en 1985, Spielberg reste impliqué dans le nouveau « La couleur pourpre » en tant que producteur et a foulé le tapis rouge lors de la Première avec ses collègues producteurs Oprah Winfrey et Quincy Jones (qui avaient tous deux travaillé sur le premier film). La réalisation a été confiée cette fois au cinéaste ghanéen Blitz Bazawule.

Amblin Entertainment, la société de production de Spielberg, n’a pas répondu à nos demandes de commentaires.

L’auteure Alice Walker, son époux Melvyn Leventhal et leur fille Rebecca, le 12 août 1970. (Crédit : Bettmann/Getty Images via JTA)

Voici ce qu’il faut savoir sur Alice Walker.

Vie et amour précoces

Ayant grandi dans une cabane de métayer dans la Géorgie rurale, Alice Walker s’est tournée vers le judaïsme lorsqu’elle a rencontré Melvyn Leventhal, un jeune étudiant en droit et militant des droits civiques au sein du NAACP Legal Defense Fund, dans un restaurant de soul food à Jackson, dans le Mississippi, en 1966. Walker, dont l’activisme avait été influencé par Howard Zinn, son professeur juif progressiste du Spelman College, est retournée dans le sud pour rejoindre le mouvement des droits civiques après avoir été transférée à Sarah Lawrence et avoir voyagé à travers l’Europe.

« J’ai jeté un coup d’œil sur les Blancs qui mangeaient dans ‘notre’ restaurant et j’ai croisé le regard d’un garçon très mignon. Oy vey », écrit Walker dans son journal intime de l’époque, publié plus tard en 2022. Ils ont continué à se fréquenter à New York jusqu’à ce que Leventhal termine ses études de droit.

Ils se sont mariés en 1967 après que Walker a demandé Leventhal en mariage et sont retournés dans le Mississippi, un État où les mariages mixtes étaient encore illégaux, pour poursuivre leur action militante. « Peut-on douter que, quoi qu’il arrive, nous vivrons heureux jusqu’à la fin de nos jours ? », écrivait Walker à l’époque.

Mais la mère de Leventhal, Miriam, désapprouve profondément ce mariage, qualifiant Walker de schwarz, terme yiddish péjoratif désignant une personne noire, et allant jusqu’à faire shiva – semaine de deuil traditionnelle – pour son fils. Selon Walker, son beau-frère a cloué un drapeau confédéré géant « sur tout un côté de sa chambre » en signe de protestation contre cette union.

Le couple a eu une fille, Rebecca, qui est devenue par la suite une éminente chercheuse féministe et qui est productrice exécutive du nouveau film « La couleur pourpre » aux côtés de sa mère. L’autobiographie de Rebecca Walker, Black, White, & Jewish (« Noire, Blanche et Juive »), relate son sentiment d’être tiraillée entre les identités de ses parents ; l’ouvrage a récemment été retiré d’une école de Floride (en même temps que La couleur pourpre), les responsables de l’école ayant invoqué son contenu à caractère sexuel.

Dans son journal, Walker qualifie Leventhal de « vrai Juif » (soulignant son judaïsme) et ajoute « qu’il aime la justice, comme on aime une magnifique personne sous-estimée ». Mais leur mariage s’est compliqué et ils ont divorcé en 1976, après avoir été séparés pendant plusieurs années.

Une attitude dure à l’égard d’Israël

De gauche à droite, l’auteure Alice Walker, le producteur Scott Sanders, Oprah Winfrey et l’actrice LaChanze lors du lever de rideau de « La couleur pourpre » au théâtre de Broadway, à New York, le 1er décembre 2005. (Crédit : Peter Kramer/Getty Images North America/Getty Images via AFP)

L’activisme de Walker vis-à-vis d’Israël pendant des années a été controversé mais largement en phase avec la plupart des pensées pro-palestiniennes.

En 2010, elle a publié un court essai intitulé Overcoming Speechlessness : A Poet Encounters the Horror in Rwanda, Eastern Congo, and Palestine/Israel (« Vaincre le mutisme : un poète à la rencontre de l’horreur au Rwanda, dans l’est du Congo et en Palestine/Israël »), un essai publié à l’origine sur le site web juif de gauche Tikkun. Dans ce livre, elle évoque sa visite dans la bande de Gaza avec l’association anti-guerre CODEPINK en 2009, au milieu d’une série de bombardements israéliens, et accuse les dirigeants mondiaux de faire preuve « d’indifférence à l’égard de la valeur de la vie palestinienne, ce qui a corrompu le sens du bien et du mal de nos enfants pendant des générations ».

« La plupart des Juifs qui connaissent leur propre histoire voient à quel point le gouvernement israélien tente sans relâche de faire des Palestiniens les ‘nouveaux Juifs’, sur le modèle des Juifs de l’époque de la Shoah, comme si quelqu’un devait occuper cette place pour que les Juifs y échappent », écrit-elle, ajoutant qu’elle n’a jamais pu « discuter rationnellement » d’Israël avec son ex-mari. « Il ne considère pas le traitement raciste des Palestiniens de la même manière que le traitement raciste des Noirs et de certains Juifs qu’il avait combattu si noblement dans le Mississippi, et auquel il s’était opposé dans sa propre famille installée à Brooklyn. » Elle a également mentionné plusieurs Juifs progressistes qui, selon elle, étaient ses amis et qui protestaient également contre Israël, notamment Zinn, Muriel Rukeyser, Amy Goodman et Noam Chomsky.

En 2012, Walker a explicité ses positions en refusant une offre de publication d’une nouvelle édition israélienne de La couleur pourpre. Dans une lettre, elle a expliqué à l’éditeur Yediot Books qu’elle avait agi ainsi parce qu’elle pensait qu’Israël « est coupable d’apartheid et de persécution du peuple palestinien » et qu’elle soutenait le mouvement anti-Israël Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) – une tactique que la romancière irlandaise à succès et autre partisane du BDS, Sally Rooney, allait reprendre à son compte en 2021. (Une précédente édition israélienne de La couleur pourpre avait été publiée dans les années 1980).

Alice Walker se tenant devant une photo d’elle datant de 1974 alors qu’elle visite ses archives à l’Université Emory, à Atlanta, le 23 avril 2009. (Crédit : John Amis/AP Photo)

En 2013, le Centre pour l’éducation des femmes de l’Université du Michigan a annulé l’invitation faite à Walker de prendre la parole lors des cérémonies de son 50e anniversaire ; cette dernière a, par la suite, prétendu que c’était en raison de ses opinions sur Israël. Mais l’université n’a jamais donné de raison claire et l’avait même réinvitée l’année suivante, sans incident.

Icke à fond

En 2017, le ton de Walker s’était durci – non seulement contre Israël, mais aussi plus largement contre les Juifs. Cette année-là, elle a publié sur son site Internet un poème intitulé « Il est de notre (effrayant) devoir d’étudier le Talmud », dans lequel Walker écrit : « Les Goyim (nous) sont-ils destinés à être les esclaves des Juifs, et non seulement / Cela, mais à y prendre plaisir ? »

Le poème, une critique sévère d’Israël et de ce que Walker suggère comme une envie juive de dominer les non-Juifs conformément au Talmud, continue, décrivant « ce qui peut être fait / En toute impunité, et sans conscience, / Par un peuple élu, / À la grande majorité des gens / Sur la planète / Qui n’ont pas été élus ».

Walker décrit également avoir été « accusée d’être antisémite » par un « ami / une âme juive / dont je pensais qu’il comprenait / ou pouvait apprendre à comprendre / presque tout » – une évidente référence à son ex-mari. Le poème contient un lien vers une interview qu’elle a réalisée avec l’activiste pro-palestinien israélien controversé Miko Peled.

Les démêlés de Walker avec l’antisémitisme ont été révélés au grand jour l’année suivante, lorsque le New York Times Book Review lui a demandé de dresser la liste de ses livres préférés dans le cadre d’une rubrique régulière. Elle a notamment choisi And The Truth Shall Set You Free (« Et la vérité vous libérera »), de l’antisémite David Icke, adepte des théories du complot. Le livre prétend explorer les forces secrètes qui se cachent derrière le pouvoir mondial et contient de nombreuses critiques sur Israël, les Juifs et des théories du complot bien connues comme celle de la famille Rothschild.

« Je crois que les chercheurs qui, au fil des ans, ont mis toute la conspiration sur le dos du peuple juif dans son ensemble sont gravement malavisés ; de même, les organisations juives qui nient que toute personne juive travaille pour le complot du Nouvel Ordre Mondial sont tout aussi naïves et autorisent le dogme ou pire à les aveugler sur la réalité », écrit Icke dans son livre. Plus tard, discutant des événements qui ont conduit à la Shoah, il écrit : « Je crois que tout cela a été froidement calculé par l’élite ‘juive’. »

Walker n’a pas tari d’éloges sur le livre, déclarant au Times que « dans les livres d’Icke, il y a toute l’existence, sur cette planète et sur plusieurs autres, à laquelle il faut réfléchir. Le rêve d’une personne curieuse devient réalité ». Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait l’éloge d’Icke, qu’elle a également encouragé sur son site web et dans d’autres écrits ; elle a rapidement suggéré que ses détracteurs étaient simplement contrariés par son activisme pro-palestinien.

L’amour affiché de Walker pour Icke a suscité une remise en question plus large de ses convictions sur les Juifs. En 2022, un festival du livre à Berkeley, en Californie, l’avait exclue d’un événement majeur en raison de ce que le festival avait qualifié de « soutien au conspirationniste antisémite David Icke ». Walker faisait la promotion de Gathering Blossoms Under Fire (« La cueillette des fleurs sous le feu »), un recueil récemment publié de ses journaux intimes. Les théâtres qui mettent en scène « La couleur pourpre » ont commencé à publier des communiqués sur les liens entre Walker et l’antisémitisme.

Une nouvelle « couleur » avec des nuances de l’ancienne

La nouvelle version de « La couleur pourpre » se présente comme une réimagination « audacieuse » du roman, troquant sa prose austère et punitive contre une chorégraphie éclatante et élaborée. À l’instar de la première adaptation de Spielberg, le film met en scène une distribution d’acteurs noirs de premier plan, avec Fantasia Barrino, Taraji P. Henson, Halle Bailey (« La Petite Sirène ») et le musicien H.E.R.

Le studio Warner Brothers Discovery le présente également comme un candidat majeur aux Oscars, d’autant plus que la version réalisée par Spielberg a été écartée des dix Oscars pour lesquels elle était nominée. À l’époque, le critique de cinéma Roger Ebert, qui avait désigné le film de Spielberg comme le meilleur de l’année, soupçonnait que cela était dû au racisme d’une académie presque entièrement blanche.

Après le massacre par le Hamas, le 7 octobre, de 1 200 personnes, essentiellement des civils, en Israël et l’enlèvement de 253 autres, Walker a continué à défendre les intérêts des Palestiniens alors qu’Israël poursuit une riposte militaire dans la bande de Gaza pour chasser le groupe terroriste palestinien du pouvoir. En novembre, elle a participé à un séminaire en ligne organisé par Socialist Action, intitulé « Palestine Will Be Free From the River to the Sea » (La Palestine sera libre de la rivière à la mer), auquel participait également un rédacteur du site web anti-sioniste Electronic Intifada.

Entre-temps, l’USC Shoah Foundation, créée par Spielberg, a lancé une initiative visant à recueillir les témoignages des survivants israéliens de l’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas du 7 octobre. Spielberg lui-même, bien que n’étant pas directement impliqué dans le projet, l’a approuvé en déclarant qu’il n’aurait « jamais imaginé voir de son vivant une barbarie aussi indicible à l’encontre des Juifs ».

Spielberg n’a fait aucun commentaire public sur Walker ou sur la dernière version de « La couleur pourpre », bien qu’ils aient foulé ensemble le tapis rouge lors de la première du film.

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