Cette interview a été publiée en anglais le 17 avril dernier.
Il y a une quinzaine d’années, alors que nous attendions un vol qui avait été retardé dans un aéroport de Washington, j’ai eu une conversation avec Giora Eiland, ancien chef de la planification et des opérations de Tsahal et ancien chef du Conseil national de sécurité sous le Premier ministre Ariel Sharon.
Notre discussion portait notamment sur sa proposition concernant la bande de Gaza, densément peuplée. Ce plan envisageait l’expansion de la bande de Gaza, qui serait rendu possible en partie par la cession par l’Égypte d’une très petite partie de l’immense péninsule du Sinaï. Eiland m’avait dessiné une carte des ajustements territoriaux envisagés, avec des lignes indiquant les tunnels, les pipelines et les routes commerciales émergeant du Golfe et traversant Israël et Gaza jusqu’à la mer – un schéma directeur pour la coopération régionale.
J’ai encadré cette carte et l’ai accrochée à un mur de ma maison, fait rare. Et elle est toujours là. Les lignes se sont toutefois presque toutes effacées au point d’être devenues presque invisibles. Une métaphore qui illustre parfaitement la descente aux enfers dans l’horrible réalité actuelle, déclenchée par l’invasion du Hamas le 7 octobre, l’impasse de la guerre à Gaza, l’attaque sans précédent de missiles et de drones iraniens, et l’épineux dilemme auquel est confronté le gouvernement israélien, paralysé par la crise de confiance interne, sur la question de savoir s’il faut riposter à la République islamique et comment.
Israël devrait-il s’abstenir au risque d’être perçu comme un pays encore plus faible ? Devrait-il riposter directement contre l’Iran, au risque d’une escalade vers une guerre régionale, voire mondiale ? Quelles sont les options intermédiaires ? Comment traduire en actes les appels à la sagesse et à la réflexion stratégique lancés par les Etats-Unis ?
Ces six derniers mois, le général de division (à la retraite) Eiland a été l’un des ex-généraux les plus en vue à prodiguer des conseils dans les studios de télévision israéliens. Si, il y a quelques années, cette carte, qui aujourd’hui s’efface, illustrait un avenir potentiellement optimiste, dès les premiers jours qui ont suivi les événements du 7 octobre, Eiland s’est montré sombre, fustigeant le gouvernement et l’establishment de la Défense pour ce qui, selon lui, était une stratégie de guerre foncièrement erronée. Selon lui, les dirigeants israéliens ont échoué à reconnaître le Hamas à Gaza comme un État terroriste à part entière, jouissant de la complicité de ses citoyens, et le recours à la seule pression militaire pour détruire le Hamas et récupérer les otages s’est avéré voué à l’échec.
Lors d’un entretien téléphonique lundi soir, Eiland a expliqué la stratégie qu’il préconise – et qui est des plus impressionnantes – pour Gaza, mais aussi pour répondre à l’assaut iranien du week-end dernier, et pour bien d’autres choses encore. Il s’est exprimé dans son hébreu rapide caractéristique. Cette transcription a été éditée dans un souci de clarté et de concision.
Le Times of Israel : Commençons par la situation actuelle dans la bande de Gaza.
Giora Eiland : La décision du cabinet le 7 octobre était simple : pour gagner, Israël devait imposer une pression militaire au Hamas, et uniquement une pression militaire. La conviction, ou peut-être simplement le slogan, était que seule la pression militaire nous permettrait de gagner la guerre et de récupérer les otages. Cela n’a pas marché.
Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné ? En partie parce que le Hamas a mis en place une machine de guerre très efficace, dont une grande partie est relativement intouchable, en particulier les tunnels. Le Hamas a également la capacité de mener des combats de type guérilla. Dès le départ, nous nous sommes engagés dans une voie difficile, qui n’était pas la bonne.
Et nous avons abandonné deux zones où le Hamas était vulnérable.

Tout d’abord, dès le départ, nous avons renoncé à organiser ou même à accepter la possibilité d’un régime alternatif pour contrôler la bande de Gaza. Il s’agissait d’une erreur stratégique. Le monde nous a demandé quel était notre plan pour l’après-Hamas, et [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu a refusé d’en parler.
Ce que nous aurions dû dire, c’est : premièrement, pas de Hamas et, ensuite, pas d’occupation israélienne. Tout le reste est négociable et nous sommes prêts à en discuter avec tous les acteurs internationaux et arabes potentiels, y compris l’Autorité palestinienne (AP). Et à travailler avec eux à la mise en place d’une administration intérimaire. Il y a cinq mois, nous aurions également pu discuter de l’idée que l’AP, avec éventuellement la participation de forces égyptiennes, supervise la distribution de nourriture et d’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza.
Tout cela aurait créé une réelle pression sur [le chef du Hamas à Gaza, Yahya] Sinwar.
« Le narratif israélien était le suivant : le Hamas est comme l’Etat islamique (EI), et l’Etat islamique (EI) est comme le Hamas. Mais non ! Ce n’est pas le cas. »
La deuxième erreur concerne le narratif [de la guerre entre Israël et le Hamas]. La version israélienne était la suivante : le Hamas est comme Etat islamique (EI), et Etat islamique (EI) est comme le Hamas. Mais non ! Ce n’est pas le cas.
L’Etat islamique (EI) était une bande de fous de Bagdad qui, n’ayant pas rencontré d’opposition, a pris le contrôle de l’ouest de l’Irak et de ceux qui y vivaient. Mais il ne représentait pas le peuple, ni à Mossoul ni ailleurs.
Gaza ressemble davantage à l’Allemagne des années 1930, où un parti extrémiste a remporté les élections, avec le soutien de la majorité de la population, et s’est empressé d’unifier les autorités militaires et civiles en une seule entité.
Le Hamas a fait à peu près la même chose dans la bande de Gaza, avec le soutien d’environ 80 % des habitants. C’est un État de facto, avec toutes les caractéristiques d’un État.
Le 7 octobre, l’État de Gaza est entré en guerre contre l’État d’Israël. État contre État. L’État de Gaza a des points faibles. Il ne possède pas d’approvisionnement suffisant en carburant, en nourriture et en eau. Vous êtes en droit d’imposer un boycott légitime à cet État jusqu’à ce qu’il vous rende tous vos otages. Humanitaire pour humanitaire.

Si nous avions adopté ces deux mesures, autoriser la formation d’un leadership alternatif et imposer un blocus économique, nous serions dans une bien meilleure situation.
Le recours à la seule pression militaire a non seulement échoué, mais a également suscité de vives critiques au niveau international. Le niveau de destruction est immense, le nombre de civils tués est très élevé. Et Israël est perçu comme l’unique responsable.
Que devrait donc faire Israël maintenant ?
Le Hamas a officiellement rejeté le compromis concernant la libération partielle des otages, comme on pouvait s’y attendre. Il n’a aucune raison de l’accepter. D’autres s’occupent des besoins en aide humanitaire à Gaza, empêchent une opération de Tsahal [dans le dernier grand bastion du Hamas] à Rafah et poussent pour mettre fin à la guerre. Alors pourquoi accepterait-il ?
« Nous devrions dire que nous sommes prêts à mettre fin au conflit à Gaza et, dans la phase finale de ce processus, à procéder au retrait total de nos troupes. Mais à une condition : que tous les otages soient restitués. »
Israël a deux options.
Il pourrait décider que « si la pression militaire exercée jusqu’à présent ne suffit pas, il nous faut aller plus loin et mener une opération militaire de grande envergure à Rafah ». L’avantage de cette option est que l’on continuerait à affaiblir militairement le Hamas, mais il est peu probable qu’elle conduise à un accord [pour la libération des otages].
L’autre option est la suivante : Le monde entier, du Hamas aux États-Unis et tous les autres, souhaite la fin de la guerre. Les États-Unis souhaitent réellement la fin de la guerre. Nous disposons encore des outils nécessaires pour décider de la fin de la guerre. Cela nous donne un certain pouvoir.
Je préconise qu’Israël se déclare prêt à mettre fin au conflit et, dans la phase finale de ce processus, à procéder à un retrait total de nos troupes. Mais à une condition : la restitution de tous les otages.
Sinwar pourrait l’accepter, mais ce n’est pas certain.
C’est cependant la meilleure option pour Israël.
Si nous voulons aller plus loin, nous pourrions également chercher à nous entendre avec les États-Unis pour faire pression sur le Qatar et d’autres pays afin que ceux-ci acceptent ne pas reconstruire la bande de Gaza tant que le Hamas est au pouvoir.
Nous nous retrouverions alors dans une situation où le Hamas a perdu
80 % de sa force militaire. Gaza est en ruine. Le Qatar n’en finance pas la reconstruction. Et si l’on met en place un leadership de substitution, en collaboration avec l’AP et l’Égypte, le Hamas pourrait très bien être renversé.
Nous pourrions également essayer de faciliter un accord entre les États-Unis et l’Égypte en matière de troupes, afin d’empêcher le Hamas de se réarmer de l’autre côté de la frontière.

Ce ne serait pas une victoire totale, mais si Israël récupère tous les otages vivants et que 80 % du Hamas est détruit, y compris ses tunnels, ses capacités de production de roquettes et ses terroristes, nous pourrions raisonnablement dire que la menace militaire de Gaza a disparu. Et le Hamas n’aurait aucun avantage à recommencer à lancer des roquettes sur Israël, car cela relancerait la guerre.
Encore une fois, je ne sais pas si le Hamas serait d’accord. Mais une fois que ce qui vient de se passer avec l’Iran se sera dissipé, les pressions de la communauté internationale sur Israël au sujet de Gaza vont reprendre de plus belle.
Et si Israël disait qu’il est prêt à mettre fin à la guerre à condition que les otages soient libérés, quel État occidental dirait non ?
Le 7 octobre, nous avons payé un prix qui n’est pas près d’être effacé. Mais ce qui s’est passé, s’est passé. Si nous voulons aller de l’avant, c’est ce que nous devons faire.
Et quid du front avec le Liban ?
Les habitants sont en train de retourner petit à petit dans le sud [à côté de Gaza]. Par contre, dans le nord, ce n’est pas le cas. [Des dizaines de milliers d’Israéliens vivant dans des zones soumises à la menace constante d’attaques de missiles du Hezbollah ont été déplacés à l’intérieur de leur propre pays].
Pour pouvoir régler la situation dans le nord, nous devons d’abord mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza [et pas seulement afin d’éviter les tensions militaires liées à la lutte simultanée sur deux fronts]. Les chances d’un accord avec le Hezbollah ne sont pas mauvaises, mais pour des raisons d’honneur, le Hezbollah n’acceptera pas de cessez-le-feu tant que la guerre à Gaza se poursuivra.

Israël devrait déclarer aujourd’hui qu’à partir du 1er septembre, la vie reprendra son cours normal dans le nord du pays. Les gens vont rentrer chez eux, les enfants retrouveront leurs écoles. Si, au cours du mois prochain, une combinaison de pressions américaines, françaises, saoudiennes et autres sur le Liban [pour que le Hezbollah cesse de tirer des roquettes et se retire] permet d’atteindre cet objectif, c’est tant mieux. Si ce n’est pas le cas, Israël va lancer une opération militaire d’envergure au Liban.
La fin de la guerre à Gaza renforcera la légitimité de l’action au Liban. C’est important, car si les États-Unis ne voient pas d’inconvénient à ce qu’Israël combatte le Hezbollah, ils ne verraient certainement pas d’un bon œil qu’Israël attaque l’infrastructure de l’État libanais, or [pour vaincre le Hezbollah], Israël sera obligé de porter atteinte à l’infrastructure de l’État libanais.
Donc, pour résumer… ?
Pour l’Iran : Nous ne devons pas réagir contre l’Iran maintenant. Nous avons réussi à neutraliser l’attaque de l’Iran.
Pour Gaza : Exiger le retour des otages en échange de la fin de la guerre.
Pour le Liban : Essayer de trouver une solution diplomatique ; si cela s’avère impossible, concentrer l’effort militaire sur ce pays.

(Dans une interview de la Douzième chaîne lundi soir, Eiland a développé sa pensée : « Israël ne devrait pas attaquer l’Iran. Point à la ligne. Il y a un risque de complications – militaires, régionales et avec tous nos alliés. Et les résultats [d’une telle attaque] ne seraient de toute façon pas significatifs ». Il préconise plutôt des représailles contre les intérêts iraniens en Syrie et/ou au Liban : « Israël a vraiment intérêt à empêcher l’Iran de mettre en place ce qu’il essaie de faire en Syrie, à savoir un Hezbollah numéro 2 », a expliqué Eiland. « Je ne pense pas que les Iraniens réagiraient, et s’ils le faisaient, le monde serait avec nous ». Et « le principal défi d’Israël, sur le plan militaire et stratégique, est actuellement le Liban ».)
Vous avez abordé de nombreux sujets, mais vous n’avez pas parlé du programme nucléaire iranien, qui constitue certainement la principale menace stratégique pour Israël.
« Imaginez que tous ces missiles tirés samedi soir soient tirés demain sur l’Arabie saoudite ou dans deux jours sur l’Europe de l’Est – ce que l’Iran a la capacité de faire. Imaginez ensuite qu’ils transportent des ogives nucléaires. »
C’est vrai. Le monde doit comprendre qu’il y a deux situations qui ne peuvent être tolérées et qu’il y aura un prix élevé à payer si rien n’est fait pour y remédier.
Tout d’abord, le programme nucléaire iranien.
Imaginez que tous ces missiles tirés samedi soir soient tirés demain sur l’Arabie saoudite ou dans deux jours sur l’Europe de l’Est – ce que l’Iran a la capacité de faire.
Et imaginez qu’ils portent des ogives nucléaires.
Imaginez une guerre au Moyen-Orient où l’Iran dirait : « Nous avons des armes nucléaires et nous les utiliserons ».
C’est un danger pour toute la région, voire pour le monde entier.

Deuxièmement, depuis 50 à 70 ans, le monde ne parle que de deux types d’entités : d’une part, les états qui ont des obligations internationales et qui, s’ils commettent des actes répréhensibles, doivent en payer le prix et peuvent donc être dissuadés. Et d’autre part, les groupes terroristes, généralement considérés comme des groupes de quelques centaines de personnes portant des keffiehs et des kalachnikovs, qui commettent des attentats, causent des dégâts mais ne menacent pas la paix dans le monde.
Or, le Hezbollah et les Houthis ont les moyens de causer de graves dommages. Le Hezbollah et les Houthis sont des groupes terroristes qui ne sont soumis à aucune obligation internationale, à aucun droit international ni à aucune force de dissuasion internationale, mais ils disposent de capacités aussi puissantes, sinon plus, que celles de nombreux états. En ce sens, ce sont des mini-superpuissances.
Le monde doit revoir sa conception des groupes terroristes et reconnaître que certains d’entre eux sont des monstres dotés de certaines capacités propres aux superpuissances
Les Houthis peuvent tirer des missiles à 2 000 kilomètres et perturber le commerce maritime. Le Hezbollah pourrait déclencher une guerre régionale en frappant Israël, et une réponse israélienne pourrait alors provoquer une implication iranienne depuis la Syrie, l’Iran directement, voire la Russie, et vous auriez une guerre mondiale.
Le monde doit donc réexaminer sa conception des groupes terroristes et reconnaître que certains d’entre eux sont des monstres dotés de capacités propres aux superpuissance, qui ne sont ni soumis aux Nations unies, à Genève ou à aucun accord international.
Cela concerne également l’Iran et l’impératif de s’attaquer à ce pays. Le Hezbollah et les Houthis sont des créations iraniennes. Il faut reconnaître que l’Iran a créé des monstres qui n’ont de comptes à rendre à personne et qui représentent une menace pour le monde.

Il faut s’attaquer au programme nucléaire de l’Iran et à la création de ces monstres.
Il y a quelques années, j’aurais dit que la Russie se serait jointe à cet appel. Nous pouvons espérer qu’après Poutine, la Russie soutiendra une coalition mondiale contre l’Iran.
Vous ne comptez pas le Hamas parmi les « monstres » ?
Non. Il a tenté de commettre des attentats en Allemagne et ailleurs, mais il est considéré comme un problème israélien. Le Hezbollah, les Houthis, les milices en Irak et les tentatives récentes de l’Iran de créer des milices au Soudan sont des problèmes potentiellement mondiaux.
Nous devrions parler des liens d’Israël avec les États-Unis, qui ont été marqués par des frictions, qui se sont effilochés, mais qui se sont avérés solides les jours précédant l’attaque iranienne et durant celle-ci.
Pendant des dizaines d’années, les États-Unis – tant les administrations démocrates que républicaines – ont fait une distinction entre le conflit israélo-palestinien, considéré comme une question politique, et les questions de sécurité.
Les États-Unis ont affirmé qu’en cas de problème lié à la sécurité, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Iran ou d’autres pays, ils aideraient Israël : « Nous avons le devoir d’assurer la sécurité d’Israël, sans compromis. »
En revanche, sur la question israélo-palestinienne, ce qu’ils qualifient d’occupation, de colonies, d’opposition à une solution à deux États, les États-Unis ne sont pas avec nous. Au mieux, ils sont entre les deux.
Beaucoup d’Israéliens ne s’y retrouvent pas. Mais nous venons de voir évoluer la situation.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de redéfinir nos relations avec les États-Unis
En ce qui concerne Gaza et la violence des habitants des implantations extrémistes, nous avons essuyé de très sévères critiques de la part des États-Unis. Toutefois, chaque fois qu’une menace militaire pèse sur Israël, l’engagement en faveur de la sécurité d’Israël, comme l’a dit Biden, est « inébranlable ».
Nous devons exploiter les aspects positifs et atténuer les aspects négatifs. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de redéfinir nos relations avec les États-Unis. Nous devons tenir compte des États-Unis, tant au niveau de notre réponse à l’Iran qu’au niveau des habitants des implantations.
Et nous devons les écouter sur la question de Gaza. Si nous leur disions que nous sommes prêts à mettre fin à la guerre en échange de tous les otages, ils apprécieraient certainement, car Biden souhaite ardemment la fin de la guerre.
Cela nous permettrait également de bénéficier d’un plus grand soutien, si nécessaire, en cas de guerre avec le Liban.
Ne pas prendre en compte les États-Unis sur ces questions, c’est risquer de perdre leur soutien dans des situations qui sont absolument essentielles pour nos intérêts.

Je voudrais vous poser une brève question sur le Qatar. J’ai écrit récemment un article sur un rapport des services de renseignement qui présente le Qatar comme un acteur malhonnête, profondément nuisible à Israël, aux États-Unis et aux alliés de l’Amérique ?
Je suis d’accord avec cela. C’est le Qatar, avec ses milliards, qui a fait du Hamas ce qu’il est aujourd’hui. Les États-Unis doivent exiger un changement.
Le Qatar est en train de défier les fondements de l’éthique américaine, sur le territoire des États-Unis, et les États-Unis ne l’arrêtent pas
Le Qatar finance également des institutions et des programmes de recherche et d’éducation aux États-Unis, promouvant non seulement une idéologie anti-Israël, mais aussi une idéologie anti-américaine. Le Qatar s’attaque aux fondements de l’éthique américaine, à l’intérieur des États-Unis, et les États-Unis ne l’arrêtent pas.
Il y a un effet de levier. Le Qatar a besoin des États-Unis. Il bénéficie de liens avec l’Iran tout en étant protégé par la base américaine au Qatar [au sud-ouest de Doha, la plus grande installation militaire américaine au Moyen-Orient]. Si les États-Unis menacent de transférer cette base en Arabie saoudite, le Qatar sera en position de faiblesse. Pour l’instant, il bénéficie du meilleur des mondes.
À tout le moins, les États-Unis devraient obliger le Qatar à cesser complètement de verser de l’argent et de l’aide au Hamas et, comme je l’ai dit, insister sur le fait que la reconstruction de Gaza ne se fasse qu’après le Hamas et sans le Hamas.

Abordons brièvement la question palestinienne, en particulier dans le contexte de la coopération régionale.
Les États-Unis souhaitent une coordination entre Israël et les États sunnites contre l’Iran, et la nuit de samedi à dimanche a démontré l’efficacité de cette coordination. Cela ne suppose toutefois pas une solution à deux États. Il existe de nombreuses alternatives. Je pense que les États-Unis se rendent compte qu’ils doivent reconsidérer les choses, faire la distinction entre essayer de résoudre le problème israélo-palestinien et dire qu’il faut une solution à deux États. C’est beaucoup plus compliqué.
Ce qui s’est passé le 7 octobre et depuis lors a renforcé les craintes d’Israël en matière de sécurité. Un éventuel État palestinien aurait une frontière qui s’étendrait vers le sud, de Tulkarem à Qalqilya. Nous pourrions être confrontés à une invasion du type de celle de Gaza à partir de là. Cette solution n’est pas sûre. Lorsque le secrétaire d’État Blinken affirme qu’un accord israélo-saoudien garantira la sécurité d’Israël, comment pourrait-il empêcher une invasion de Tulkarem vers Kfar Saba ?

Il est nécessaire d’ouvrir un dialogue sur ce sujet avec les États-Unis. Il y a une différence entre un effort israélo-palestinien et une solution à deux États. Il y a un quart de siècle, Clinton a déclaré sans ambages [à propos de la formule des deux États] : « C’est la solution ». Mais ce n’est pas vrai.
Avoir causé du tort à l’AP et permis au Hamas de prendre le pouvoir a été une erreur, mais cela peut être changé.
Et pour terminer, comment se présente notre avenir ?
(Rire ironique) Cela dépend de nous. Sans entrer dans la politique, Netanyahu sème la pagaille dans tous les domaines. J’espère qu’il y aura des élections l’année prochaine et qu’il y aura un gouvernement normal qui pourra retisser nos liens avec la Jordanie, l’Égypte et les États-Unis, et créer les conditions qui nous permettront de retrouver le calme aux frontières de Gaza et du Liban.
Et j’espère que l’année prochaine, à la veille de Pessah, nous nous reparlerons et que la situation se sera améliorée.