Comment dites-vous « logiciel espion » en hébreu ? Jusqu’à une date récente, les hébréophones qui voulaient évoquer la compagnie israélienne NSO et son célèbre logiciel-espion Pegasus devaient s’appuyer sur le terme anglais de spyware, lui donnant un caractère plus israélien en jouant sur la cadence du mot et sur sa prononciation – et c’est ainsi que spyware s’est finalement intégré dans ce lexique abondant qui forme ce qui pourrait être qualifié de « jargon » hébreu.
Un reportage d’investigation explosif publié dans le quotidien économique Calcalist, au mois de janvier 2022, a tout bouleversé. Ce reportage stupéfiant affirmait que la police israélienne avait utilisé le logiciel-espion pour entrer dans les téléphones mobiles des citoyens israéliens, et notamment dans les téléphones d’éminents responsables gouvernementaux.
A ce moment-là, la police avait fermement démenti ces informations et le reportage a depuis été examiné avec beaucoup d’attention – mais il est toutefois parvenu à placer sous le feu des projecteurs les technologies de surveillance par téléphone. Et au fur et à mesure que le récit de Pegasus a balayé le pays, le mot spyware, emprunté à l’anglais, a petit à petit disparu, effacé par un mot en hébreu créé il y a vingt ans mais qui n’était que rarement utilisé : rogla.
Dans la majorité des langues, l’idée qu’un mot puisse être créé puis mis à l’écart, prenant la poussière, pendant deux décennies avant qu’il ne trouve une nouvelle raison d’être nécessaire est une inversion absurde du processus habituel de développement du vocabulaire. Généralement, les vieux mots trouvent de nouvelles significations et les nouveaux mots s’infiltrent dans la société jusqu’à ce qu’ils deviennent suffisamment populaires pour entrer officiellement au panthéon du langage courant.
Mais parce qu’il est ressuscité d’une langue ancienne, l’hébreu moderne a un caractère unique – dans la mesure où il est moins le produit d’une innovation de terrain que d’une instruction verticale, hiérarchisée. Une instruction dont s’était chargé en tout premier lieu Eliezer Ben-Yehuda, lexicographe, et qui est aujourd’hui défendue par une gardienne scrupuleuse qui dépend de l’État, l’Académie de la langue hébraïque. Plutôt que d’attendre que des adolescents, sur internet, créent de nouveaux termes en faisant des memes et plutôt que d’attendre que ces termes se frayent un chemin pour intégrer les médias, puis la société, les linguistes de l’Académie transmettent de nouveaux mots depuis leur Olympe après les avoir créés en se fondant sur des recherches, avec l’apport et la collaboration d’experts mais aussi de citoyens ordinaires.
Parfois, le mot échoue à s’ancrer dans le discours contemporain. Parfois aussi, il reste dormant, dans un coin sombre de l’académie, jusqu’à ce qu’un événement ou un autre l’impose dans le discours hébréophone et parfois encore, le mot s’impose sans difficulté. Et c’est le professeur Moshe Bar-Asher, président de l’Académie de la langue hébraïque, qui est chargé de les examiner et de suivre leur parcours.
L’année prochaine, cela fera 30 ans que Bar-Asher, âgé de 82 ans, a le dernier mot au sein de l’Académie. Pendant ces trois décennies, il a aidé à ce que l’institution reste à la fois utile et accessible, avec une présence sur les réseaux sociaux qui a permis d’attirer un nouveau public plus jeune et plus diversifié. Et c’est encore dans cette perspective d’accessibilité que l’ouverture d’un musée est aussi prévue pour familiariser les visiteurs avec Ben-Yehuda, largement considéré comme le père de l’hébreu moderne, et avec la longue histoire de la langue. Mais si le gouvernement a approuvé cette idée, les fonds nécessaires pour la mise en place du projet restent inaccessibles pour le moment.
Si le travail de développement d’une langue peut paraître incroyablement technique, voire fastidieux et guindé, son impact peut souvent être ressenti immédiatement et de manière profonde en offrant à un pays naviguant dans les eaux d’un monde en évolution constante une feuille de route et des repères linguistiques.
Bar-Asher se souvient, qu’au milieu des années 1990, Moshe Nissim, qui était alors ministre des Finances, était venu le voir pour trouver un mot qui décrirait un processus qui montait en puissance dans tout le pays : le transfert d’entreprises ou de communautés publiques ou collectives au secteur privé.
« [Nissim] m’a appelé et il m’a dit : « J’ai une interview organisée dans le cadre de l’émission de télévision ‘Erev Hadash’ et je vais devoir y parler du processus de privatisation en Israël. Connaissez-vous un mot en hébreu qui pourra introduire notre plan de privatisation ?’ et je lui ai répondu : ‘Vous devez utiliser hal’ama [הַלאָמָה] et hafrata [הַפרָטָה], » raconte Bar-Asher, utilisant les mots en hébreu signifiant respectivement nationalisation et privatisation. « Nissim est passé à la télévision et pour la première fois en Israël, il a utilisé le terme hafrata. Le mot a immédiatement été repris, ça a marché ».
Concernant halama – alors même qu’il n’y avait pas grand-chose, à ce moment-là, à nationaliser, finalement – le terme est resté au bord de la route. Un article paru en 2020 sur Ynet, qui se penchait sur l’option de la nationalisation pour le transporteur aérien El Al, avait utilisé le mot, par exemple, mais il avait introduit un aparté expliquant sa signification.
Comment dites-vous donc ‘renouvèlement’ ? (חידוש)
Moshe Ben Harush est né en 1939 à Ksar es Souk, au centre-est du Maroc, une grande ville dorénavant connue sous le nom d’Errachidia. Il a immigré en Israël à l’âge de 12 ans en 1951 avec d’autres jeunes, hébraïsant son nom devenu Bar-Asher et, en 1976, il a obtenu son doctorat de linguistique et d’études bibliques à l’Université hébraïque.
Il est président de l’Académie de la langue hébraïque depuis 1973. La même année, il a reçu le prix Israël récompensant ses travaux dans le domaine de la langue hébraïque et des langages juifs, une distinction prestigieuse parmi d’autres qui ont rendu hommage à son ouvrage réalisé dans la lexicographie et à ses recherches sur la culture juive mizrahie. Il a écrit 18 livres et il est professeur émérite à l’Université hébraïque – même si sa kippa tricotée et son origine mizrahie en font une sorte d’extra-terrestre dans le milieu universitaire israélien, dominé depuis des décennies par les Juifs laïcs d’origine européenne.
Assis dans son bureau exigu dans le vieux bâtiment qui abrite l’Académie de la langue hébraïque à Jérusalem, Bar-Asher élude les tentatives de la part d’un journaliste d’obtenir qu’il s’exprime sur la lecture de tout un éventail de nouveaux termes : newsletter, coronavirus, mème, Zoom, whataboutism, blockchain, streaming — qui, tous, n’ont pas de traduction en hébreu.
Mais créer des mots est un travail qui s’étend sur toute une vie et sûrement pas quelque chose qui peut se faire de manière irréfléchie. Bon, cela peut peut-être être envisagé pour un ministre sur le point d’entrer sur un plateau de télévision – mais certainement pas pour un journaliste.
« Cela fait plus de 3000 ans que nous attendons », répond Bar-Asher. « Pourquoi ne pas attendre encore un an ou deux, le temps que les professionnels de l’académie prennent une décision sur tout ça ? »
Les Commissions de l’institution, avec notamment des panels qui prennent des décisions sur des mots ou sur des règles de grammaire pour l’usage général et d’autres qui, plus spécialisées, réfléchissent à de nouvelles règles et à de nouveaux termes pour des professions ou pour des domaines spécifiques, forment le cœur du travail de l’académie. Plutôt que d’inventer des mots complètement nouveaux, l’académie préfère « les renouveler », ce qui aide à souligner le lien qui existe entre la forme ancienne de l’hébreu et sa version moderne.
Bar-Asher cite Yechiel Pines, un sioniste de la première heure qui avait servi au sein de la Commission de la langue hébraïque il y a plus d’un siècle : « La beauté d’un nouveau mot, c’est qu’il n’est pas nouveau », ce qui signifie « que nous prenons souvent des mots qui existaient dans les tous premiers textes juifs et que nous leur permettons de se renouveler, d’avoir une nouvelle vie ».
Mais ce n’est pas toujours le cas. Comme avec le « coronavirus » ou le « corona », comme le disent en majorité les hébréophones. Bar-Asher explique que l’Académie a brièvement envisagé de créer un mot en hébreu, mais qu’elle a rapidement réalisé que le terme ne prendrait pas auprès du public après avoir vu les Allemands – qui ont créé 1 200 termes en liaison avec la pandémie seulement – refuser de s’approprier réellement le terme allemand désignant le virus.
« Nous avons décidé que nous conserverions un mot international », dit-il.
Bar-Asher connaît un grand nombre de mots qui n’ont jamais pris auprès du public. Quand l’Académie s’est accordée sur un terme pour le jet lag, cette fatigue et ces symptômes qui apparaissent chez les voyageurs en raison du décalage horaire, ce terme étant yaefet, l’auteur Aharon Megged l’a appelé pour lui dire combien il trouvait ce mot beau parce qu’il avait su accorder les consonnes de la racine du mot fatigue et le modèle linguistique utilisé habituellement pour les maladies – comme par exemple ademet, le mot qui signifie rubéole.
« Mais je lui ai dit : ‘Cette belle innovation ne sera pas utilisée. Parce que tous ceux qui voyageront utiliseront le mot anglais de jetlag et ceux qui ne voyagent pas n’auront pas besoin d’utiliser le terme. Il ne sera utilisé que dans les mots croisés’, » se souvient-il.
Mais il connaît aussi énormément de mots qui ont pris dans le public hébréophone également. Aujourd’hui, le mot en hébreu pour l’intégrité, yoshra, est largement utilisé, et un grand nombre de ceux qui l’utilisent à loisir ne réalisent pas que sa création ne remonte qu’à 1996. Bar-Asher attribue son succès à une chronique du journaliste populaire de Haaretz Yoel Marcus, qui avait repris le terme à trois occasions peu après sa création.
« Pour commencer, il a écrit « intégrity » en caractères hébreu et il a rajouté yoshra entre parenthèses. Puis, dix lignes plus tard, il a écrit yoshra et il a ajouté ‘intégrité’ entre parenthèses et dix lignes encore après, il a une nouvelle fois répété le mot, mais cette fois sans ajout entre parenthèses. Et la mayonnaise a pris », explique-t-il.
Comment dites-vous ‘foyer’ ? (מנווה)
L’Académie de la langue hébraïque a été établie en 1953. Elle est née de la Commission de la langue hébraïque existante que Ben-Yehuda avait mis sur pied en 1890 avec pour l’objectif d’aider au développement de l’hébreu.
Une loi, cette année-là, avait gravé dans le marbre la création de cette instance de recherche dépendante de l’État « pour orienter le développement de la langue hébraïque sur la base des recherches effectuées sur la langue, au fil du temps, et sur ses ramifications ».
Aujourd’hui, les décisions prises par l’Académie en matière de grammaire, d’orthographe, de terminologie et de transcription sont publiées dans le Journal officiel de l’État d’Israël. Les institutions de l’État juif, comme l’armée, les instances gouvernementales et les médias publics sont dans l’obligation d’adopter les nouvelles règles même, si dans la rue, le passage d’un terme comme « linguistika » à balshanout peut prendre beaucoup plus de temps.
Même si elle est l’une des institutions les plus anciennes à avoir toujours travaillé de manière continue dans le pays, l’Académie peut parfois avoir le sentiment de ne pas avoir de foyer bien à elle. L’organisation s’est installée dans deux bâtiment adjacents du campus de Givat Ram, à l’Université hébraïque, l’un des premiers campus à avoir été construits par le prestigieux établissement lorsqu’il a ouvert ce deuxième site satellite dans les années 1950.
Le personnel de l’Académie se plaint de l’état dégradé des bâtiments, qui sont aussi trop petits et inadaptés aux besoins de l’institution. Quand elle accueille des conférences, des séminaires et autres événements, elle doit louer des espaces ailleurs, son quartier-général n’étant pas en mesure de recevoir un grand nombre d’invités.
Il y a une décennie, le gouvernement a donné son feu vert à la création d’un nouveau foyer pour l’Académie, qui serait construit entre la Bibliothèque nationale et le musée des Terres de la bible, rue Ruppin, à Jérusalem – un coin de la ville qui héberge d’autres importants édifices nationaux, comme la Knesset et le musée d’Israël.
Bar-Asher a créé un nouveau mot pour célébrer le nouveau foyer de l’Académie : minveh. Le mot emprunte à un terme qui évoque à la fois la beauté et une demeure et il s’aligne avec un modèle linguistique utilisé pour les sites matériels, comme pour un camp (mahaneh) ou pour un poste de garde (mizpeh). Une fois que le mot a été approuvé, il a été décidé qu’il être pourrait utilisé non seulement pour l’Académie, mais également pour d’autres augustes institutions.
Bar-Asher a l’idée d’un minveh pour l’Académie qui ne sera pas seulement un centre universitaire refermé sur lui-même et exclusivement concentré sur ses recherches linguistiques minutieuses mais qui servira de moyen, aussi, d’entrer en contact avec le public. Il prévoit un nouveau centre d’appel pour un musée de la langue hébraïque. Les expositions qui y seront présentées exploreront les plus de trois millénaires d’histoire de l’hébreu écrit, et elles raconteront la renaissance de l’hébreu moderne à partir des années 1880 avec l’arrivée de Ben-Yehuda, selon Bar-Asher.
« Je veux que le musée raconte l’histoire de la langue, siècle après siècle », indique-t-il. « Pendant ces 31 siècles, la langue hébraïque ne s’est jamais éteinte. »
Mais une décennie plus tard, le minveh de l’Académie est encore au placard – tout autant qu’a pu l’être le rogla à son époque. Dans le cas présent, toutefois, c’est l’argent qui manque (en plus d’un excédent de lourdeurs bureaucratiques de la part de la municipalité).
Le nouveau bâtiment devrait coûter environ 300 millions de shekels – soit environ 100 millions de shekels de moins que la nouvelle Bibliothèque nationale qui ouvrira ses portes à la fin de l’année, ou que la réorganisation de l’ANU – Musée du peuple juif à Tel Aviv, qui a rouvert l’année dernière.
L’État, jusqu’à présent, a injecté la somme de 1,2 million de shekels dans le projet et il a accepté d’y contribuer à hauteur de neuf millions de shekels. Des donateurs ont ajouté, pour leur part, 9 millions de shekels – il manque donc encore au musée 280 millions de shekels environ pour atteindre son objectif.
Et pour obtenir l’argent manquant, l’Académie lance actuellement une campagne de collecte de fonds en Israël et à l’étranger. Malgré les importants obstacles, Bar-Asher est convaincu que des financements pourront être trouvés, citant un accord récemment conclu avec le chef du Fonds National Juif qui apportera sa contribution – « un bon montant », précise-t-il. Le chiffre exact ne peut pas être divulgué pour le moment mais, selon lui, il correspond à un peu moins d’un dixième de ce dont l’Académie a besoin pour mener son projet à bien.
Il espère aussi que les Juifs de la Diaspora seront prêts à ouvrir leur portefeuille une fois qu’ils auront compris l’importance de l’ouverture d’un musée et d’un institut national de recherche consacrés à l’hébreu. La Diaspora a su se montrer généreuse dans le passé.
« Je me souviens que dans les années 1980, j’avais été envoyé aux États-Unis pour soulever des fonds pour l’Université hébraïque. Sur les cent personnes que nous avons rencontrées, deux ont accepté de nous faire un don et ça a fait sensation : je suis rentré en Israël avec un chèque de 20 millions de dollars entre les mains ».
Comment dites-vous viral ? (ויראלי)
Le musée de Bar-Asher fait partie intégrante de sa campagne plus large visant impliquer les citoyens israéliens dans l’académie, une campagne qui consiste aussi à solliciter la participation des profanes dans le processus de formulation de nouveaux mots.
« Il y a 17 ans, j’ai décidé que nous devions entendre les commentaires des Israéliens au sens large sur chaque mot créé par l’Académie dans le champ lexical général – sur tous ces mots qui ne relèvent pas du jargon professionnel. Il y a, en Israël, des gens qui parlent hébreu depuis six générations », note-t-il. « Nous renouvelons environ 200 mots par an. »
Cet apport du public aide l’Académie à rester compétente et pertinente, en évitant le risque de rester à la traîne des tendances et des normes changeantes. Bar-Asher fait remarquer que lors d’une récente rencontre d’une commission de l’Académie qui travaillait sur des mots touchant à la communauté LGBT, environ dix membres de la communauté étaient présents et qu’ils ont prôné plusieurs changements, rejetant notamment le terme a’h ‘horeg désignant les enfants qui, au sein d’une même fratrie, n’ont pas de parent biologique en commun.
« Ils nous ont dit que le terme avait une connotation négative », se rappelle Bar-Asher. Le mot ‘horeg peut signifier dévier ou diverger. Ils ont préféré le remplacer par chalouv, ou intégré.
« On peut dire a’h chalouv ou seulement chaluv,” ajoute-t-il. « Il faut encore que les gens s’habituent à ce mot, mais il est déjà apparu dans certains articles de recherche et dans des éditoriaux ».
L’Académie a aussi connu des succès étonnants dans ses engagements auprès du public sur internet, largement grâce à ses annonces habiles et plaisantes qui présentent de nouveaux mots, de nouvelles règles grammaticales et autre bric-à-brac linguistique, qui sont conçues avec la nécessité de la viralité à l’esprit et qui sont souvent programmées de manière à correspondre avec de nouveaux événements qui leur donnent un caractère d’actualité supplémentaire.
La page Facebook de l’Académie est suivie par presque 350 000 abonnés, ce qui est un nombre considérable compte-tenu de son objet d’étude très technique et académique et de la relative rareté des hébréophones qui sont environ 9 millions au total dans le monde, selon les estimations. A titre de comparaison, la Modern Language Association et le Merriam-Webster Dictionary, porte-drapeaux de l’anglais américain, réunissent respectivement 150 000 et 450 000 abonnés sur Facebook.
L’institution est également suivie par un nombre substantiel d’utilisateurs sur Twitter et sur Instagram – mais moins nombreux que sur Facebook – ce qui souligne les défis à relever pour parvenir à sensibiliser les plus jeunes au travail mené.
Selon Naftali Carmon, qui dirige les pages de l’Académie sur les réseaux sociaux, environ 70 % des abonnés, sur Instagram, sont âgés de moins de 34 ans.
« Nous avons aussi récemment ouvert un compte TikTok et un collègue de l’Académie y télécharge des vidéos courtes et des contenus légers », dit-il au Times of Israel.
L’Académie, initialement, destinait ses pages, sur les réseaux sociaux, aux enseignants et aux experts linguistiques, raconte Carmon mais, il y a environ cinq ans, ses dirigeants ont pris la décision de tenter d’entrer en contact avec une audience plus jeune et plus diversifiée.
Un récente publication, par exemple, a ainsi fait le point sur l’usage correct de l’expression « travailler jour et nuit » avec l’explication possible de la raison pour laquelle les Israéliens disent, pour leur part, « travailler nuit et jour » – même « s’il n’y a aucune logique et que ce n’est pas dans l’ordre ».
עובדים קשה או בקושי עובדים? אנחנו לא שיפוטיים…רק שימו לב שאומרים: "עושים לילות כימים" ולא "ימים כלילות" …
Posted by האקדמיה ללשון העברית on Wednesday, June 8, 2022
Sur un autre, la photo du single « Trois filles » de la chanteuse Noa Kirel soulignant qu’elle avait utilisé la forme masculine de « trois ».
« On a vu. Pas besoin de nous tagguer », a répondu l’Académie, avec une lassitude feinte.
ראינו, אין צורך להמשיך לתייג אותנו… ???? אומרים שלוש, נועה! ????
Posted by האקדמיה ללשון העברית on Monday, June 6, 2022
« Le site Internet de l’Académie propose un aspect plus sérieux mais sur les réseaux sociaux, nous choisissons des caractères plus gros, des titres plus légers et nous cherchons à vulgariser le contenu linguistique », explique Carmon.
Parmi les publications les plus populaires – et les plus controversées – celles qui abordent les changements intervenant dans les normes d’orthographe, comme la simplification des mots avec la suppression de lettres qui étaient utilisées, dans le passé, pour indiquer les voyelles manquantes.
« Cela fait des ravages sur notre page Facebook », s’amuse Carmon. « Les gens crient au scandale, que ce n’est pas possible parce que c’est différent de ce que leur maman leur avait enseigné. »
Certaines publication recueillent des milliers de commentaires – « les Israéliens tirent une énorme fierté de leur langue », dit Carmon en riant – et l’Académie répond aussi aux questions posées par les élèves, les étudiants, les enseignants et d’autres encore sur les nouveaux mots ou sur l’usage correct du langage.
Mais même si certaines publications ne sont pas forcément enthousiasmantes pour le public, Carmon explique que lier les annonces de l’Académie à des événements d’actualité est souvent une formule efficace pour attirer et retenir l’attention.
הינשאי, ספינה, ושוטי –מה רבים הכיסופים;לי נערה יש ושמה רותי,המצפה באלה החופים. שתפו ותייגו כל רות וכל רותי שאתם…
Posted by האקדמיה ללשון העברית on Friday, June 17, 2022
« Une fois par semaine, nous préparons l’explication linguistique d’une tendance ou d’une autre, ou de quelque chose qui se trouve à ce moment-là sur le devant de la scène, quelque chose d’actualité. Nous tentons d’y mélanger des mots moins familiers, des dialectes », dit-il.
Le 9 juin, l’Académie a publié un post sur l’utilisation et sur la prononciation de mots en lien avec les questions LGBT, faisant un lien entre son travail et le mois des fiertés. Elle a aussi publié une annonce reprenant les nouveaux mots qui ont été approuvés par l’Académie dans le domaine des sciences politiques, des mots dont un grand nombre entretiennent leur propre lien avec des événements actuels.
Parmi les idées qui sont dorénavant incluses dans l’histoire de l’hébreu, vieille de 3000 ans, citons donc alignement et désalignement politique, ethnicité, népotisme, realpolitik, capitalisme, totalitarisme, patriotisme, consensus, démagogie et, enfin, obstruction parlementaire.