Israël en guerre - Jour 497

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Illustration : Le Secrétaire d'État américain de l'époque, John Kerry, s'exprime devant le public de l'Oxford Union, à l'Université d'Oxford, en Angleterre, le 11 mai 2016. (Peter Nicholls/Pool Photo via AP)
Illustration : Le Secrétaire d'État américain de l'époque, John Kerry, s'exprime devant le public de l'Oxford Union, à l'Université d'Oxford, en Angleterre, le 11 mai 2016. (Peter Nicholls/Pool Photo via AP)

Le débat sur le « génocide » qui serait commis par Israël continue de faire des vagues à Oxford

Alors que la police enquête sur les déclarations d’un intervenant anti-israélien lors du débat organisé par l’Oxford Union, les participants et les étudiants juifs dénoncent le climat de haine qui a découlé de l’événement

LONDRES – Si l’objectif poursuivi par les étudiants de l’Oxford Union était de susciter la controverse en organisant un débat qui portait sur la question : « Israël : un État d’apartheid responsable de génocide ? », les membres de cette society d’élite, au sein de l’une des universités les plus prestigieuses de Grande-Bretagne, ont relevé le défi avec brio.

Près de trois semaines après le débat – qui avait eu lieu le 28 novembre – les répercussions de l’événement se font encore ressentir. Ainsi, il semblerait que la police chargée de la lutte antiterroriste ait ouvert une enquête après des plaintes qui mettaient en cause des propos tenus par un intervenant pro-palestinien, en plus d’accusations d’antisémitisme. Par ailleurs, un appel a été lancé au gouvernement par l’un des plus brillants universitaires britanniques, qui a sommé les autorités de diminuer les financements versés aux établissements d’enseignement supérieur qui ne parviennent pas à assurer la protection de leurs étudiants juifs.

Fondée il y a plus de deux siècles en tant que société secrète – elle débattait alors de sujets interdits de discussion par l’université d’Oxford – l’Union est l’école de formation politique dans laquelle les futurs Premiers ministres, ministres et journalistes affinent leurs compétences et se font leurs premières armes. Même si elle ne fait pas officiellement partie de l’université elle-même, presque tous ses membres sont des étudiants d’Oxford et deux universitaires siègent au sein de son conseil de direction.

L’Union attire des intervenants de premier plan – notamment d’anciens présidents américains, des acteurs d’Hollywood et des personnalités du monde culturel – mais elle est également connue pour faire les gros titres. Les apparitions d’Oswald Mosley, le chef des Blackshirts, un mouvement fasciste britannique d’avant la Seconde Guerre mondiale, de David Irving, historien négationniste dont les affirmations ont été discréditées ou de Nick Griffin, ancien leader du parti d’extrême-droite British National, ont entraîné des accusations laissant entendre que l’Union s’affranchissait des limites acceptables de la liberté d’expression.

Le débat du mois dernier sur Israël est susceptible de rejoindre ce catalogue d’ignominie. Le résultat du débat – une dérouillée prévisible pour les intervenants pro-israéliens, avec 59 voix contre 278 – sera probablement oublié bien avant les idées qui ont été contenues dans certains discours et avant l’atmosphère « toxique et clivante, » selon certaines personnes présentes, qui régnait dans la célèbre salle.

Selon le Sunday Telegraph, Miko Peled, militant et auteur israélo-américain pro-palestinien, fait actuellement l’objet d’une enquête de la part de la police antiterroriste suite à des plaintes portant sur des paroles prononcées pendant le débat. « Ce à quoi nous avons assisté le 7 octobre, ce n’était pas du terrorisme », a dit Miko Peled. « Il s’agissait d’actes d’héroïsme de la part d’un peuple subissant l’oppression ».

Des milliers de terroristes placés sous la direction du Hamas avaient envahi le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Ils avaient massacré plus de 1 200 hommes, femmes et enfants et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui avaient été prises en otage à Gaza. Les hommes armés s’étaient livrés à des atrocités, commettant des violences sexuelles à grande échelle.

Jonathan Turner, directeur-exécutif du groupe UK Lawyers for Israel, estime que les propos de Peled ont violé l’article 12 de la loi sur le terrorisme qui avait été adoptée en l’an 2000.

« En disant ça, il a exprimé une opinion – ou une croyance – qui est favorable au Hamas, une organisation terroriste interdite », explique Turner au Times of Israel. « De plus, au vu des acclamations qu’il avait déjà reçues, il ne s’est guère soucié de savoir si les membres de l’auditoire seraient encouragés par ses propos à apporter leur soutien au Hamas ».

Turner soupçonne Peled d’avoir quitté le Royaume-Uni et d’être retourné aux États-Unis. Il est peu probable que la police britannique réclamera son extradition, en raison du coût élevé de la procédure et d’un éventuel refus à cette demande au nom de la liberté d’expression.

« Toutefois, si Peled retourne au Royaume-Uni, il devrait être arrêté et jugé », estime Turner.

Une lettre ouverte écrite à l’initiative du Pinsker Center, un think-tank du campus spécialisé dans la politique étrangère et qui a été signée par plus de 300 universitaires, a également fait part de ses inquiétudes concernant les possibles violations de la loi lors du débat.

« Nous condamnons sans équivoque les propos incendiaires qui ont été tenus par certains intervenants en faveur du Hamas et des violences terroristes. Ces paroles sont non seulement moralement répréhensibles mais elles contreviennent également de manière flagrante à la loi », est-il écrit dans la lettre. Parmi les signataires, la baronne Ruth Deech, le professeur Sir Vernon Bogdanor, qui est le directeur par intérim du Brasenose College d’Oxford, et Fania Oz-Salzberger, qui est professeure d’histoire à l’université de Haïfa.

« Glorifier les actes de violence sous prétexte de défendre les droits des Palestiniens ne sert ni la justice ni la paix », note la lettre.

Les universitaires mettent également en cause la teneur du débat. « S’il est essentiel de discuter de questions telles que le conflit israélo-palestinien, une rhétorique dangereuse, des provocations et autres actes d’intimidation n’ont aucune place dans ce genre de tribune », écrivent-ils. « Les informations qui ont laissé entendre que certains étudiants juifs se sont sentis menacés ou intimidés pendant et après le débat sont profondément troublantes. L’université et l’Union ont le devoir de veiller à ce que les étudiants juifs – et tous les groupes minoritaires – se sentent en sécurité, respectés et protégés contre la haine et contre le harcèlement ».

Des militants anti-Israël campant devant le Pitt Rivers Museum, à Oxford, en Angleterre, le 9 mai 2024. (Crédit : Kin Cheung/AP)

Les intervenants pro-israéliens et les étudiants juifs présents au débat ont depuis déclaré qu’ils avaient été terriblement mal à l’aise lors de l’événement.

« C’était terrifiant d’être Juif dans cette salle. Je ne pense pas que nous aurions pu réellement être agressés mais c’est le sentiment que nous avons eu, malgré tout, sur le moment. Aucun d’entre nous, les étudiants juifs, n’est resté seul », a confié Boruch Epstein, un étudiant de troisième cycle, au Sunday Telegraph, » le week-end dernier.

« Je suis membre de l’Oxford Union depuis trois ans », a-t-il ajouté. « Jamais je n’avais assisté à un tel débat ».

« Une atmosphère hideuse, sinistre et tendue »

L’écrivain et animateur Jonathan Sacerdoti – qui était l’un des quatre intervenants pro-israéliens qui se sont opposés à l’idée qu’Israël était un État d’apartheid faisant la promotion du génocide, comme le postulait le débat – a également fait savoir que « l’atmosphère dans l’hémicycle était hideuse, sinistre et incroyablement tendue ».

« Les Juifs qui auraient pu assister au débat étaient à l’évidence trop effrayés pour se montrer : beaucoup d’entre eux m’avaient écrit en privé, avant la discussion, pour me faire part de leurs craintes », a-t-il écrit dans le magazine The Spectator. « Et dès le début du débat, la foule a fait preuve d’une haine débridée à notre égard ».

Pendant sa prise de parole, Sacerdoti a été interrompu par une jeune femme qui a crié : « Menteur ! Va te faire foutre, sale génocidaire ! »

Et Hassan Yousef, le fils d’un cofondateur du Hamas qui avait rejeté le groupe terroriste et qui est depuis devenu un activiste pro-israélien, a été qualifié de « traître » et de « prostitué » (en arabe). Lorsqu’il a demandé aux personnes, dans l’assistance, de dire si elles auraient signalé les plans du Hamas, le 7 octobre, aux autorités israéliennes si elles en avaient eu connaissance au préalable, rares ont été celles qui ont levé la main pour dire qu’elles l’auraient fait.

« Les forces du fanatisme, de la haine et de la loi du plus grand nombre ont ouvert une brèche dans la salle de l’Union d’Oxford. »

Les forces du fanatisme, de la haine et de la loi du plus grand nombre ont ouvert une brèche dans la salle de l’Oxford Union », a écrit Sacerdoti.

L’Oxford Union s’est fermement défendue contre les critiques dans un communiqué. « En tant qu’Union, notre engagement en faveur de la liberté d’expression est inébranlable. Ce qui signifie que des opinions difficiles ou controversées peuvent être exprimées et remises en question ».

« L’Oxford Union est fière de sa tradition d’organisation de débats sur les questions les plus délicates du moment », a ajouté le communiqué, « et c’est cet engagement en faveur de la libération de la parole qui nous distingue des autres. L’Union n’approuve pas nécessairement les opinions exprimées par les intervenants, quels qu’ils soient ».

Mosab Hassan Yousef s’adresse au public lors d’un événement de l’AFMDA en Floride, décembre 2018 (Autorisation)

Saceredoti a accusé l’Oxford Union de ne pas avoir voulu transmettre la vidéo du débat et d’avoir procédé à un montage de cette dernière pour faire disparaître les huées qui ont accompagné les interventions des personnalités pro-israéliennes – et notamment lui-même – et les déclarations faites en soutien aux atrocités commises par le Hamas, le 7 octobre 2023, de la part de Miko Peled, activiste anti-israélien. L’Union a déclaré que le fait de ne pas diffuser la vidéo était conforme à ses pratiques existantes.

Lord William Hague, ancien ministre conservateur des Affaires étrangères qui a été élu, le mois dernier, chancelier de l’université d’Oxford, a fait part de son mécontentement à propos du débat.

« J’ai pris connaissance du contenu de la lettre ouverte et, d’après ce que j’ai entendu lors du débat de la semaine dernière, je partage les préoccupations des signataires », a-t-il indiqué au Times. « Lorsque je prendrai mes fonctions de chancelier, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour encourager une culture du débat qui sera parfois féroce mais qui devra toujours être respectueuse, une culture du débat qui n’aura jamais recours à l’intimidation ».

William Hague (Crédit : Miriam Alster/Flash90/File)

Mais le rôle de Hague restera largement symbolique et les étudiants juifs de l’université laissent entendre que le débat de l’Oxford Union n’a malheureusement pas été un incident isolé.

« Depuis plus d’un an sur le campus, les étudiants juifs d’Oxford sont confrontés à un torrent de haine », ont noté l’Oxford Jewish Society et l’Union of Jewish Students dans un communiqué commun qui a suivi le débat. Les deux organisations ont cité des slogans tels que ‘Mondialiser l’Intifada’, ‘Il n’y a qu’une solution – la révolution de l’Intifada’ et ‘Les sionistes ne sont pas les bienvenus à Oxford’, attaquant également le débat organisé par l’Oxford Union. Des intervenants incendiaires ont été invités non pas dans un esprit de promotion de la liberté d’expression mais au contraire pour susciter la division, aliénant les étudiants juifs – et tous les étudiants ».

Un déferlement continu de haine

Une lettre ouverte qui avait été envoyée au mois de mai aux autorités universitaires avait recensé plus de 100 incidents antisémites et anti-israéliens survenus à l’université au cours des six mois précédents. L’un de ces incidents avait concerné un étudiant israélien dont les membres de la famille avaient été assassinés – l’un d’entre eux avait aussi été pris en otage – le 7 octobre. Quelques jours plus tard, l’étudiant avait raconté ce qu’il vivait à l’assistante sociale de l’université qui lui avait répondu : « Oxford n’est souvent pas un endroit agréable pour les Israéliens et les Juifs, et nous ne pouvons rien y faire ».

Selon la lettre ouverte, les affiches à l’effigie des otages et les veillées organisées à la mémoire des victimes du massacre avaient constamment été « vandalisées par des étudiants et par certains groupes universitaires », tandis que ceux qui organisaient des événements pour les captifs essuyaient « des propos désobligeants et violents ».

« Oxford n’est souvent pas un endroit agréable pour les Israéliens et les Juifs, et nous ne pouvons rien y faire. »

D’autres incidents avaient également eu lieu : un étudiant avait dit à l’un de ses pairs, un Israélien, que « les Juifs dirigent toutes les banques du monde » ; plusieurs étudiants avaient affirmé à un autre étudiant israélien que « C’est vous qui contrôlez le gouvernement américain ». Il avait été répondu à un jeune Juif qui avait parlé à son directeur d’études de l’environnement hostile de l’université de « surmonter l’antisémitisme ».

De nouveaux chiffres qui ont récemment été publiés par le Community Security Trust, un groupe de veille de l’antisémitisme qui assure aussi la protection des institutions juives au Royaume-Uni, montrent que ce que vivent les étudiants juifs et israéliens à Oxford n’est pas un cas unique. Au cours de l’année universitaire 2023-2024, 272 incidents antisémites liés aux universités ont été enregistrés par le CST – le nombre le plus élevé à avoir été enregistré pour une seule année universitaire et un chiffre qui représente aussi un bond de 117 % par rapport à la période 2020-22. « Cette hausse peut être principalement attribuée à la vague de haine antijuive qui a suivi l’attaque terroriste du Hamas en Israël, le 7 octobre, et la guerre qui s’en est suivie au Moyen-Orient et qui a entraîné une forte augmentation des incidents antisémites à l’échelle nationale », a noté le CST.

Des manifestants d’extrême droite protestent alors que Nick Griffin du Parti national britannique et l’historien négationniste David Irving participent à un débat sur la liberté d’expression à l’Oxford Union à Oxford, le 26 novembre 2007. (Crédit : Jon ENOCH / AFP)

Mark Gardner, le directeur-général du CST, a appelé les autorités universitaires, le gouvernement et la police à affronter les extrémistes qui sont « autorisés à harceler, intimider et perturber les Juifs les campus ».

En réponse au débat de l’Oxford Union, Bogdanor, constitutionnaliste et historien très respecté, a demandé à Oxford d’adopter des lignes directrices spécifiques sur l’antisémitisme, arguant que celles qui encadrent le racisme sont « trop générales ».

Mais il a également affirmé qu’il était temps que le gouvernement intervienne et qu’il adopte une approche plus stricte. Le Premier ministre, Keir Starmer, devrait ainsi rencontrer les vice-chanceliers des universités et leur demander d’assumer la « responsabilité personnelle » de la sécurité et du bien-être des étudiants juifs, a déclaré l’universitaire. Le chef de gouvernement, selon lui, devrait également avertir que les universités qui ne respectent pas leurs obligations, conformément à la loi britannique sur l’égalité – un texte qui protège les minorités ethniques et religieuses contre la discrimination – s’exposeront à des coupes dans les financements publics.

« En Amérique, Donald Trump informe les présidents d’université que, s’ils n’affrontent pas le problème de l’antisémitisme, ils perdront leur financement fédéral », a fait remarquer Bogdanor. « Un gouvernement travailliste ne doit pas se montrer moins sensible au racisme que Donald Trump ».

Turner soutient les appels à pénaliser les universités qui ne s’attaquent pas à l’antisémitisme. Il demande aussi instamment que les étudiants puissent bénéficier d’un soutien accru pour lutter contre ce phénomène.

« Il y a de très sérieux problèmes d’antisémitisme sur les campus britanniques. Je suis d’accord pour couper les financements publics et privés des universités qui ne prendront pas les mesures adéquates pour s’attaquer à cela », dit-il.

Turner estime également qu’il faut aider et encourager les étudiants juifs et « les autres étudiants impartiaux » à « s’élever contre la haine » et leur apporter « les faits réels concernant Israël et des explications correctes sur les questions juridiques ».

« Les fonds qui ne seront pas versés aux universités qui ne donnent pas satisfaction pourraient être utilement redéployés pour soutenir ce type d’apprentissage », indique-t-il.

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