Par une journée chaude et humide, après une heure de pluie inhabituelle pour la saison, Roni Karlinsky s’assurait que ses abeilles avaient assez d’eau pour leurs ruches non loin de la frontière de Gaza.
« Les abeilles se nourrissent de sucres et de protéines », explique-t-il.
« Elles trouvent les sucres dans le pollen, en fonction des saisons. »
Il a montré du doigt un tamaris proche, qui allait bientôt fleurir. « Au printemps, ce sont les agrumes et les avocatiers, ainsi que les eucalyptus, qui fournissent le pollen », a-t-il déclaré.
« Nous déplaçons les ruches en fonction de la saison. »
Adolescent, Karlinsky, aujourd’hui âgé de 72 ans, a été envoyé au village de jeunes de Kfar Silver, dans le sud d’Israël, où il travaillait dans la section des ruchers. À l’âge adulte, il a enseigné dans un internat mais, il y a près d’une vingtaine d’années, au moment de sa retraite, il est devenu apiculteur.
Ses ruches sont situées juste à l’extérieur de la clôture du kibboutz Yad Mordechaï, à quelque 10 kilomètres au sud d’Ashkelon, où il vit depuis 1982.
Il tend la main en guise de salut, s’excusant qu’elle soit collante.
Le plus grand producteur de miel
Pour le grand public, Yad Mordechaï est peut-être mieux connu comme le plus grand producteur de miel du pays. Aujourd’hui, le conglomérat alimentaire Strauss possède 51 % de l’usine de Yad Mordechaï, le kibboutz détenant le reste.
La bonne nouvelle, c’est que malgré la guerre en cours contre le groupe terroriste palestinien du Hamas, le ministère de l’Agriculture et Yad Mordechaï confirment qu’il n’y aura pas de pénurie de miel pour Rosh HaShana, qui commence ce mercredi soir.
« Nous en avons assez pour Ros+*+^^ù
Les ruches du kibboutz de Karlinsky font partie des 4 000 ruches réparties dans tout le pays qui approvisionnent l’usine en miel. L’usine achète également du miel auprès d’une soixantaine de fournisseurs privés. La majeure partie du miel est récoltée entre avril et mai, et l’usine en traite quelque 2 000 tonnes par an.
L’incursion meurtrière de la zone frontalière de Gaza par le Hamas ayant eu lieu le 7 octobre, à la fin de la saison, l’usine était déjà proche de son objectif.
Les Israéliens consomment environ 6 000 tonnes de miel par an. La production du pays, y compris celle de Yad Mordechaï, s’élève à environ 4 500 tonnes. Le reste est importé, principalement d’Espagne.
Ido Dvir, qui gère les achats de matières premières agricoles de l’usine (qui comprend également les olives), a déclaré que les principaux dégâts causés à la production de miel au cours de l’année écoulée se sont produits dans le nord d’Israël, où, en raison des attaques quasi quotidiennes du Hezbollah, le groupe terroriste chiite libanais soutenu par l’Iran, la végétation dont dépendent les abeilles a été brûlée, de même que, dans certains cas, les ruches elles-mêmes.
« Il y a des dégâts, mais pas au point de provoquer une pénurie », a-t-il souligné.
Au cours des premiers jours qui ont suivi le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre, Tubul a indiqué qu’elle s’était concentrée sur l’aide à apporter aux 40 ouvriers de l’usine. Quinze autres travaillent dans le rucher, où le miel est séparé des ruches.
Au cours de la deuxième semaine, elle a chargé, avec quelques autres personnes, le miel stocké dans l’usine dans quatre camions, empruntant des routes secondaires pour acheminer la matière dorée vers un entrepôt situé dans le centre d’Israël. Le 11 novembre, l’usine a rouvert ses portes.
« Les gens sont revenus progressivement. Ils étaient heureux d’être actifs », a-t-elle déclaré.
« Certains de nos cadres avaient été évacués mais sont tout de même retournés travailler. Il y a eu beaucoup de bangs [dus aux tirs de chars de Tsahal], et nous avons terminé tôt pour que les gens puissent rentrer chez eux avant la tombée de la nuit. Certaines personnes ne pouvaient pas travailler. Nous avons essayé de leur donner de l’espace. Il y avait un grand sentiment de solidarité. »
« Je suis pleine d’admiration pour les gens qui travaillent ici. Il y a un lien ici, quelque chose de très fort. Nous concilions le travail et les besoins émotionnels, mais ils savent à quel point il est important de mettre les produits sur les étagères », a-t-elle ajouté.
Au cours de l’automne, les futures reines des abeilles passent un certain temps dans des incubateurs à 35°C et 70 % d’humidité.
Le 7 octobre, le téléphone de Karlinsky a reçu une alerte signalant une panne d’électricité dans le rucher. Il s’est précipité sur place pour voir ce qui s’était passé.
Vivant si près de Gaza, il était habitué aux roquettes et au bruit des tirs en provenance de l’enclave contrôlée par le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Mais cette fois, il a vu l’équipe de sécurité du kibboutz s’approcher du dépôt d’armes.
« Ils savaient ce qui se passait à Netiv HaAsara », un moshav situé à sept minutes de route au sud-ouest, où des terroristes du Hamas ont assassiné 22 des 900 résidents de la communauté.
« Et que les terroristes étaient en route pour Yad Mordechaï », a poursuivi Karlinsky.
« Ils m’ont demandé de quitter le rucher, qui se trouve près de l’une des portes du kibboutz, et après quelques minutes, les terroristes ont atteint cette porte. »
L’équipe de sécurité, rejointe plus tard par la police des frontières, a réussi à tuer 37 tireurs du Hamas à cette porte et à une autre porte du kibboutz, sans subir de pertes humaines, a expliqué Karlinsky. Ailleurs, les tireurs du Hamas ont tué plus de 1 200 personnes et en ont enlevé 251 autres pour les emmener dans la bande de Gaza. 101 d’entre elles s’y trouvent encore, mais elles ne sont pas toutes en vie.
Les futures reines des abeilles sont mortes. Mais dans les deux semaines qui ont suivi l’attaque, les apiculteurs et le personnel de l’usine ont commencé à revenir. Les apiculteurs ont enlevé le matériel et emporté environ 1 000 ruches vers le nord, au kibboutz Harel, dans le couloir de Jérusalem, où, selon Karlinsky, « nous avons improvisé et fait grandir d’autres reines des abeilles ».
Karlinsky est retourné au kibboutz en novembre.
Lorsqu’on lui a demandé si ses abeilles réagissaient aux bruits de la guerre, il a répondu qu’il n’en avait aucune idée et que c’était un sujet pour les chercheurs.
Ido Dvir est né au kibboutz Yad Mordechaï. Son grand-père est mort en le défendant contre une invasion égyptienne en 1948.
« Beaucoup de membres des kibboutzim sont morts pendant les guerres. Cela fait partie de l’histoire des kibboutzim », a-t-il dit, ajoutant qu’il y a « des parallèles entre 1948 et le 7 octobre ».
Pendant la Guerre d’Indépendance d’Israël, les forces égyptiennes ont attaqué et conquis le kibboutz Yad Mordechaï. Au cours des combats, 18 membres du kibboutz et huit combattants du Palmach sont tombés.
Les combattants ont ralenti l’avancée de l’armée égyptienne vers le centre du pays, permettant à Tsahal, l’armée naissante d’Israël, de l’arrêter au sud d’Ashdod.
Le 7 octobre, Yad Mordechaï a réussi à repousser les tireurs du Hamas, empêchant ainsi les terroristes d’atteindre le centre d’Israël.