Nadim Faris, un ramasseur de champignons du village druze de Hurfeish, en Galilée, est connu comme l’homme qui donne des noms arabes aux champignons sauvages. Il a même fourni des noms de champignons à des cueilleurs syriens via Facebook, en utilisant à la fois le latin, l’anglais et l’hébreu pour créer des noms arabes qui franchissent facilement les frontières entre les pays en guerre.
Après les fortes pluies d’une matinée de fin mars, ce passionné de mycologie de 62 ans était impatient d’aller chercher des chanterelles et d’autres champignons dans les bois de Hurfeish, à environ cinq kilomètres de la frontière libanaise, malgré la menace constante des tirs de roquettes du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran.
Le Hezbollah a attaqué presque quotidiennement des communautés israéliennes et des postes militaires le long de la frontière, tuant dix soldats et réservistes et huit civils du côté israélien, affirmant qu’il le fait pour soutenir Gaza pendant la guerre qui s’y déroule. Cette guerre a éclaté lorsque le groupe terroriste palestinien du Hamas a pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre, tuant près de 1 200 personnes, principalement des civils, tout en prenant 253 otages de tous âges, en commettant de nombreuses atrocités et en utilisant la violence sexuelle comme arme à grande échelle.
Jusqu’à présent, les affrontements à la frontière ont causé la mort de huit civils du côté israélien, ainsi que celle de dix soldats et réservistes de Tsahal. Plusieurs attaques ont également été lancées depuis la Syrie, sans faire de blessés.
Contrairement à de nombreuses communautés du nord d’Israël, les 7 000 habitants de Hurfeish n’ont pas été évacués, mais le village, habituellement animé par les visiteurs, semble vide. Les hommes druzes servent dans les rangs de l’armée israélienne et beaucoup d’entre eux sont absents ; jusqu’à présent, deux soldats de Hurfeish ont été tués dans les combats depuis le 7 octobre.
En Israël, la communauté de la chasse de champignons rassemble des Druzes, des musulmans, des chrétiens et des Juifs qui échangent des informations sur les champignons sauvages – comestibles ou toxiques – et sur les endroits où les trouver. Des personnes de tout le pays rejoignent souvent Faris pour cueillir des champignons dans ses bois familiers, mais peu d’entre elles sont disposées à faire le voyage maintenant.
Lorsqu’il a invité le Times of Israel à la cueillette aux champignons, Faris, un ancien soldat de Tsahal, a déclaré que bien qu’il y ait du danger, il n’a pas peur. La colline boisée, que Faris connaît depuis sa plus tendre enfance, semblait étrangement paisible bien qu’elle soit si proche de la frontière. Pourtant, tout au long des deux heures de marche, il est resté vigilant, conscient de l’endroit où il se trouvait par rapport au nord. Sans aucune ironie, ni cynisme, il explique que si des sirènes signalent l’arrivée de roquettes, il pourra s’abriter derrière le plus haut des arbres.
Puis, indiquant le mont Adir au loin, il dit : « Un jour ordinaire, nous pourrions y aller et y trouver beaucoup de champignons, mais maintenant, nous ne trouverions que des missiles anti-chars. » Faris reste désormais proche de son village, où lui et son épouse sont nés et où ils ont élevé leurs cinq enfants.
La religion druze a été fondée au Xe siècle en tant que branche divergente de l’islam. Les Druzes sont environ un million à vivre principalement en Syrie et au Liban et on estime qu’ils sont 150 000 en Israël. Il s’agit d’une communauté très unie.
Enseigner et apprendre
Avec ses épaules larges, ses cheveux blancs et son sourire posé, Faris portait une chemise en flanelle ; son couteau de poche pendait à une corde autour de son cou alors qu’il marchait. Il a expliqué que la recherche d’aliments dans les bois est une tradition qu’il a apprise de ses parents et de ses grands-parents. Il a travaillé pendant de nombreuses années comme professeur d’ingénierie industrielle au Technion, l’Institut israélien de technologie, et enseigne aujourd’hui la technologie dans deux lycées arabophones.
« N’est-ce pas la chose la plus importante dans la vie ? », a-t-il demandé de manière rhétorique. « Enseigner aux autres et apprendre d’eux ? »
Faris a emprunté des voies sûres en contournant des rochers massifs, en passant sous des branches de chênes et en évitant des ronces. Il a dit appartenir au « troisième groupe de chasseurs » – après ceux qui chassent le poisson et les animaux, il y a ceux qui chassent les champignons. En effet, la popularité de la recherche de champignons en Israël a considérablement augmenté ces dernières années. Un groupe sur Facebook compte aujourd’hui 60 000 membres ; le groupe WhatsApp pour les chercheurs de champignons dans le nord d’Israël en compte 200.
L’air dans les bois était humide et frais, les arbres dénudés scintillaient de rosée. Des cyclamens violets et des coquelicots rouges étaient disséminés ici et là. Marchant légèrement courbé, observant le sol parsemé de glands et de feuilles mortes, il s’est arrêté pour examiner une parcelle de terre ébouriffée.
« Les sangliers sont passés par là », a-t-il observé. « J’ai trouvé des truffes noires que les sangliers avaient déterrées. Ils creusent pour les trouver, mais ne les mangent pas toutes. »
Il n’y avait pas de truffes à dénicher et peu d’autres sortes de champignons, mais Faris n’était pas déçu. « J’aime être dans la nature », a-t-il dit. « Il m’arrive parfois de sortir pendant ma pause au travail et de ne rien ramasser. »
Écartant une branche épineuse, il s’est excusé. « J’essaie de tracer un chemin, mais la forêt pousse plus vite [que je ne travaille] », a-t-il expliqué. « Après la pluie, tout se réveille. »
Les champignons sauvages proviennent de minuscules spores transportées par le vent ou tombées au sol. Après la pluie, ils surgissent comme par magie, doublant parfois de taille en une nuit. Pointant un champignon violacé, Lepista nuda, Faris a expliqué qu’il n’avait pas de nom en arabe jusqu’à ce qu’il lui choisisse et attribue son nouveau nom, « Banafsagi ailaziz », ou « Pourpre savoureux » – nom désormais utilisé en Syrie et en Jordanie, selon ce qu’il aurait entendu dire.
La forêt comme pharmacie
Faris suit la voie tracée par ses parents et ne ramasse jamais plus de champignons qu’il n’en a besoin pour le repas du jour. Il a précisé que le goût des champignons change lorsqu’il les congèle.
Il s’est souvenu qu’enfant, il ramenait une botte de champignons pour son père, qui éliminait alors les variétés non comestibles et toxiques.
Selon la Société des champignons sauvages d’Israël, il existe quelque 750 espèces connues de champignons dans le pays. Environ 135 sont comestibles ; les autres le sont parfois ou sont soupçonnés d’être toxiques.
En décembre, une femme a été hospitalisée à l’hôpital Rambam en raison d’une grave intoxication due à un champignon sauvage qu’elle avait cueilli. Elle a été soignée et est sortie de l’hôpital. Plusieurs cas d’empoisonnement par des champignons sont recensés chaque année. Faris insiste sur l’importance de chercher des champignons avec des personnes expérimentées, capables de distinguer les comestibles des toxiques.
Faris, comme d’autres villageois de Hurfeish, recherche également des plantes et des herbes sauvages. Il s’est arrêté pour cueillir des asperges sauvages de fin de saison, puis a fait goûter une plante qu’il a appelée « Cours ani » en arabe et qui, selon lui, nettoie les toxines dans le corps et convient bien aux salades.
Il s’est ensuite agenouillé et a enlevé quelques feuilles. Sous la terre se trouvait un champignon appelé Helvella crispa. Ce n’est que récemment qu’il a été reconnu comme comestible. Faris le mange revenu dans de l’huile d’olive.
« Mon fils m’a dit que certaines personnes mourront d’une crise cardiaque ou d’une maladie, mais que je mourrai d’un champignon », a-t-il plaisanté.
Outre la recherche de plantes sauvages, Faris possède également une pépinière, Bustan HaShemesh – ou « Jardin du soleil » en hébreu – où il cultive et vend des plants de myrtilles, de framboises, de mûres et de fraises. Il aspire à ce que les gens viennent à Hurfeish, mais depuis le 7 octobre, les visiteurs se font rares.
Le Conseil local de Hurfeish s’est joint à d’autres municipalités non évacuées du nord pour demander au gouvernement une compensation pour l’impact économique causé par le conflit en cours. En attendant, les villageois vivent sous une menace constante. Lors de la dernière guerre contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, en 2006, une roquette avait explosé à neuf mètres de sa maison, causant de lourds dégâts. Pourtant, Faris continue de chercher sa nourriture dans les bois, parfois deux fois par jour.
« Ce savoir que je possède est un trésor, transmis de génération en génération », affirme-t-il. « C’est ainsi que nous prenons conscience de notre mère la Terre et de tout ce qu’elle peut nous donner. »