Israël en guerre - Jour 528

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Simha Aron, alias Fred Aubert, accueilli à l’été 2000 dans le village de Dourgne (Tran) par l’ancien jeune professeur de Castres Edmond Durand. (Crédit : Yves Durand)
Simha Aron, alias Fred Aubert, accueilli à l’été 2000 dans le village de Dourgne (Tran) par l’ancien jeune professeur de Castres Edmond Durand. (Crédit : Yves Durand)
Interview

Tu leur diras (aussi) que… des courageux ont sauvé des Juifs

2025 marque les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz, alors que la voix des derniers survivants et témoins directs de la Shoah œuvre à transmettre le flambeau de la mémoire

Durant la Seconde Guerre mondiale, le sort d’un Juif, évalué à l’aune de la haine ou de l’indifférence, était celui d’un condamné à mort. Pourtant, dans un monde en proie au chaos et à l’effondrement des valeurs, une petite minorité de femmes et d’hommes a fait preuve, chacun à sa mesure, d’un courage extraordinaire en prenant le risque de sauver des hommes, des femmes et des enfants qui n’avaient pas encore été raflés, en les cachant ou en les aidant à fuir. Certains, peut-on lire sur le site de Yad Vashem, ont agi « par conviction politique, idéologique ou religieuse », d’autres ont été « simplement des personnes soucieuses du sort de ceux qui les entourent ».

Enseigner et transmettre leur action s’inscrit de plain-pied dans la mémoire de la Shoah, tant pour leur rendre hommage que pour montrer que d’aucuns ont su s’engager à rebours de la doxa.

C’est ce que fait le Mur des Justes, dans l’allée qui jouxte le Mémorial de la Shoah où Emmanuel Macron s’est rendu le 27 janvier dernier, avant de participer à la cérémonie internationale organisée à Auschwitz.

C’est ce que fait ce livre, qui nous parle de François Houpe et d’Edmond Durand, tous deux honorés du titre de Juste parmi les Nations.

« Tu diras que ce sont des réfugiés alsaciens ». François Houpe, le directeur du collège moderne et technique de Castres (Tarn) savait qu’il n’aurait pas besoin d’en dire davantage à Edmond Durand, le jeune professeur qui se tenait face à lui, dans son bureau. Confiance et prudence, tel fut le pacte tacite qui lia les deux hommes. Il était plus prudent, en 1943, d’abréger les confidences, surtout quand elles concernaient onze adolescents, « les petits Juifs de Castres » inscrits sous de fausses identités dans l’établissement, également fréquenté par des enfants de gendarmes.

Georges Véron, de son vrai nom Georges Wajnberg ;
Bernard Carmaux de son vrai nom Bernard Kaliksztejn ;
Daniel Béchard, de son vrai nom Daniel Mélihan Cheinin ;
Fred Aubert, de son vrai nom Simha Arom.

Ancien journaliste, Yves Durand – fils d’Edmond – retrace, dans un récit vivant et très incarné, l’itinéraire de quatre de ces enfants cachés qui, un demi-siècle plus tard, ont revu le professeur qui les avait sauvés.

Il est de belles histoires. Celle-ci en est une, qui mérite d’être contée. Entretien avec le fils du Juste qui, pour parler de son père, dit « papa », autant par respect que par émotion.

The Times of Israel : À vous lire, on a le sentiment que ce livre résulte autant du travail du journaliste que de celui d’un historien…

Yves DURAND : Oui, mais un historien amateur qui a gardé les réflexes du journaliste, dans sa manière de rédiger, de poser les questions, de confirmer des dates, des références, de classer la matière et de faire en sorte d’en faire un récit vivant !

Couverture du livre « Tu leur diras que… Le sauvetage de Juifs 1943-1944 », par Yves Durand, aux éditions Nouvelles sources.

« Il y a Mémoire et mémoire », écrivez-vous pour signifier que
« la mémoire peut nous jouer des tours ». Est-ce la raison pour laquelle vous avez soumis vos notes aux ex-enfants cachés quand vous les avez par la suite interviewés ?

J’y tenais, dans la mesure où, quand ils avaient écrit à mes parents, quand ils les avaient revus ou quand je les avais moi-même interrogés, ils avaient fait état de souvenirs qu’ils pouvaient, avec le recul, regretter d’avoir confiés ou vouloir préciser. Il m’a semblé honnête et indispensable de leur soumettre mon texte avant de le publier.

« Mettre la mémoire sous surveillance en n’oubliant pas […] de la questionner et de la croiser encore à d’autres traces écrites, aux témoignages des uns, aux souvenirs des autres » : là encore, une démarche d’historien…

Je me suis aperçu que chacun de nous a une mémoire sélective. Par exemple, mon père n’avait pas le souvenir des quinze lettres qu’il avait reçues du « petit Georges », comme nous l’appelions dans la famille, alors que pendant un an, après-guerre, Georges lui avait écrit. Ce dont Georges lui-même ne se souvenait pas. Il se le reprochait d’ailleurs. Tous deux faisaient erreur et l’on voit bien que la mémoire est faillible.

La scène fondatrice, qui vous a inspiré le titre du livre, se déroule en 1943, dans le bureau du directeur du collège moderne et technique de Castres (Tarn). Le directeur François Houpe s’adresse alors à un jeune professeur, Edmond Durand (votre futur père), en lui disant : « Tu leur diras que ce sont des réfugiés alsaciens ». Qui sont ces deux hommes ?

D’origine corse, François Houpe était à Castres depuis plus de vingt ans et, à l’époque des faits, c’était déjà un homme d’âge mûr. Il avait commencé par être enseignant puis était devenu directeur du collège. Mon père, qui n’avait que vingt-deux ans, le connaissait depuis dix ans. Jeune orphelin depuis l’âge de onze ans, Papa était parti en pension dans ce collège. Pendant toute sa scolarité, ils s’étaient côtoyés. Puis mon père était parti à l’Ecole normale de Toulouse avant de revenir à Castres où le Directeur l’avait accueilli cette fois-ci en tant que jeune collègue. Et sans doute aussi un peu comme un fils d’adoption.

C’est François Houpe qui avait pris l’initiative d’accueillir les jeunes Juifs dans son collège. Etait-ce un geste conforme à ses valeurs personnelles et à son engagement dans la Résistance castraise ?

Oui, il est à l’initiative de ce geste. Sans doute avait-il été démarché par l’assistante sociale [Nicole Bloch] dont je parle dans le livre. Elle a eu un rôle discret mais important. Dès le début de la guerre, la population juive de France avait créé des maisons d’accueil pour les enfants, ainsi que des mouvements de jeunesse, comme les éclaireurs israélites.

Edmond Durand, alors tout jeune professeur, a immédiatement compris les propos laconiques de son supérieur. Plus tard, il vous dira : « La chose me paraissait aller de soi et le secret aussi »…

En dépit de leur grande différence d’âge, je pense qu’ils étaient liés par une profonde estime et une grande confiance. Sur le plan humain, ils partageaient un grande nombre de valeurs, même s’ils étaient très différents : comme je l’explique, aux valeurs républicaines qu’il partageait avec François Houpe, mon père ajoutait des valeurs religieuses. Sa mère et sa grand-mère, très croyantes, l’avaient élevé dans la religion catholique. C’est au titre de ces deux éducations – républicaine et chrétienne – et des valeurs qu’il en avait hérité qu’il avait, sans hésiter, répondu « oui » à son directeur.

Plus de cinquante ans après les faits, Georges et Edmond se retrouvent à l’occasion de la remise de la médaille de Juste parmi les nations : l’ado juif est devenu septuagénaire ; le jeune prof approche alors les 80 ans. (Crédit : Yves Durand)

Etaient-ils de ceux que Péguy surnommait « les hussards noirs de la République », animés d’un esprit missionnaire et d’une vocation au service des valeurs patriotiques et citoyennes ?

Sans conteste, même si l’expression s’attache plutôt aux instituteurs de la IIIe république. M. Houpe enseignait dans le second degré, puisqu’il avait été professeur puis directeur de collège mais cette expression lui correspondait. Mon père aurait eu ce même profil, s’il ne lui avait agrégé la dimension spirituelle et religieuse, fût-elle très tolérante. Il a d’ailleurs tenu toute sa vie à demeurer dans l’enseignement public.

Alors que la bataille de Stalingrad (1943) signe la première défaite de l’Allemagne, vous soulignez que pour les Juifs, l’année correspond à une accélération des arrestations et des déportations avec, rappelle Yad Vashem, « pas moins de 17 trains. […] Les wagons emportent vers les camps de la mort 17 000 hommes et femmes dont 1 800 enfants ». C’est dire le risque encouru par les jeunes Juifs accueillis au collège…

Ils étaient en danger et en même temps, plongés dans l’inconnu. Beaucoup savaient que leurs parents avaient été arrêtés, d’autres demeuraient dans l’ignorance. Le « petit Georges » que sa maman, pressentant le danger, avait placé dès le début de la guerre dans une maison d’accueil pour enfants juifs, ne savait pas qu’elle avait été arrêtée. Bernard avait été arrêté avec sa mère en 1942, lors de la rafle du Vel d’Hiv. Je raconte dans le livre comment il fut sauvé grâce au culot et au courage de sa tante. Sa mère fut déportée à Auschwitz. Fred – de son vrai nom Simha Arom – a vu ses parents arrêtés devant lui quand ils étaient en Savoie. Il a appris bien des années plus tard qu’ils avaient eux aussi été déportés à Auschwitz. On parlait des camps de travail mais personne n’imaginait alors l’existence des camps d’extermination. Les enfants savaient qu’un danger existait mais ils n’en mesuraient ni la teneur ni l’ampleur.

Le danger était grand également pour ceux qui les cachaient. Le risque de dénonciation n’était-il pas permanent ?

Les enseignants ont fait confiance et les gens ont été à la hauteur. Il n’y a pas eu de bavardages intempestifs et surtout, pas de dénonciations. Personne n’était vraiment au courant de ce qui se passait mais des collégiens auraient pu raconter, chez eux, qu’un tel avait un drôle d’accent, qu’on ne savait pas d’où venait un autre et qu’il y avait une sorte de mystère autour de plusieurs élèves du collège. Cela a peut-être eu lieu mais rien qui ait conduit à une dénonciation. Si bien que ces jeunes ont été en sécurité pendant une année scolaire dans l’enceinte du collège, où ils n’ont pas vu l’ombre d’un SS.

Edmond Durand a reçu la médaille des Justes, laquelle lui a été remise par l’Ambassadeur d’Israël en France. Elle fut en même temps décernée à titre posthume à François Houpe. Tous deux figurent, notez-vous, sur la même page dans le Dictionnaire des Justes parmi les Nations à la lettre H. La médaille porte la maxime juive : « Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier » (Mishna, Sanhédrin, 4,5) : la portée universelle que revêt le sauvetage des 12 enfants juifs ?

En mai 2000, quand la médaille a été officiellement remise à Papa, c’est exactement ce que Georges Wajnberg a dit, lorsqu’il a pris le micro pour remercier mon père en public : « Sauver un homme, c’est sauver l’humanité entière ». Il avait les larmes aux yeux tant il était bouleversé d’avoir retrouvé mon père. Le fait d’avoir revécu ces moments, à la fin de sa vie, a été pour Georges une source de grande sérénité.

La remise de la médaille a en effet permis à votre père de renouer avec 4 de ces collégiens, devenus des septuagénaires. N’avez-vous pas retrouvé la trace des autres ?

Nous n’en avons pas eu de nouvelles. J’ai pris le relai de mon père et je suis encore aujourd’hui en contact avec deux des survivants et avec les familles de deux autres. Je leur ai demandé s’ils savaient ce qu’étaient devenus les autres collégiens. Eux-mêmes ne le savent pas. Le fait est que ces jeunes ne se connaissaient pas forcément et qu’ils ne connaissaient pas le vrai patronyme de leurs camarades. Tous restaient très prudents et ne se présentaient que sous leur fausse identité.

« Le fait est que ces jeunes ne se connaissaient pas forcément et qu’ils ne connaissaient pas le vrai patronyme de leurs camarades. Tous restaient très prudents et ne se présentaient que sous leur fausse identité. »

Edmond Durand aurait légitimement pu penser que le titre de Juste revenait à célébrer l’action courageuse d’hommes et de femmes. Au lieu de quoi il vous confia que la signification était, selon lui, de dire aux Européens et au peuple juif : « les Juifs ont eu des amis, ils n’étaient pas rejetés par tous ». Une formule tout en humilité ?

Papa était quelqu’un de très modeste. Il ne s’est jamais mis en avant, même dans cette aventure qui a duré une année, et dont il nous parlait quand nous étions enfants. La notion d’amitié était pour lui très importante. D’ailleurs, il s’est par la suite très rapidement affilié aux amitiés judéo-chrétiennes. Il avait eu l’occasion d’assister à une conférence de Jules Isaac, l’historien qui a créé l’amitié judéo-chrétienne. Mon père était resté un militant actif, porteur de cette amitié.

Quand, à l’approche du Débarquement, l’internat avait dû fermer, les enfants ont été « dispatchés ». Est-ce à ce moment-là que le petit Georges a été accueilli chez votre grand-mère et votre arrière-grand-mère ?

Elles étaient toutes deux veuves et vivaient dans la maison familiale, dans le petit village de Dourgne. Pendant cinq mois, Georges y a vécu heureux. Ce séjour est resté dangereux jusqu’à la fin du mois d’août car les Allemands n’ont été chassés du Tarn qu’à peu près à la même date que Paris, libérée le 25 août 1944.

Les deux femmes étaient-elles informées de la situation de leur petit invité ?

Je pense que mon père était resté discret sur l’identité réelle de Georges. Il leur a simplement demandé de l’accueillir et comme sa mère avait une énorme admiration pour Edmond, elle l’a fait sans discuter. Peut-être s’est-elle doutée de quelque chose…

Daniel Béchard, né Abraham Melihan-Scheinin, était le plus âgé des collégiens de Castres. Entre arrestations et évasions, il fut un recordman des pseudonymes…

Du début à la fin de la guerre, il en a porté treize !

On reportera nos lecteurs à l’article que le Times of Israël a consacré, en 2021, à cet ancien pensionnaire devenu, sous le nom de Daniel Franck, le photographe officiel des organes de la presse juive de France. Un mot sur Bernard Kaliksztejn qui, alors trop jeune pour s’engager dans l’armée de l’Etat d’Israël, a mené une carrière de représentant de commerce. Mais c’est sa passion pour les forteresses qui fournit au livre une belle anecdote…

Bernard parlait de cette passion dans toutes les lettres qu’il adressait à mes parents, au début des années 2000. Il racontait notamment comment, en 1958, alors qu’il se trouvait en Bretagne, il avait, fidèle à sa dilection, envisagé de profiter de son séjour pour visiter Fort La Latte (ndlr : fort du XIVe siècle). Malheureusement, l’entrée lui avait été refusée car le lieu servait de décor au film « Les Vikings » (1958). Bernard racontait comment, alors qu’il avait été engagé comme figurant, il avait passé trois jours de rêve et surtout, qu’il avait échangé quelques mots de yiddish avec Kirk Douglas ! Parler yiddish dans un vieux château fort de Bretagne a quelque chose d’amusant et en même temps de très émouvant.

Après-guerre, Simha Arom, alias Fred Aubert, était parti en Palestine mandataire et avait pris part à la guerre d’Indépendance (1948). Sa vocation de violoniste, contrariée par une blessure à la main droite, en a fait un corniste, seul instrument qui se joue de la main gauche…

La Fanfare de Bangui (Editions la Découverte, 2013)

Et il a mené une brillante carrière de musicologue et de chercheur en musicologie. Cela avait démarré alors qu’il était musicien en Israël. En 1963, le ministère des Affaires étrangères israélien avait proposé au corniste de l’orchestre symphonique de la radio de partir en République centrafricaine, dans le cadre d’un programme de coopération : le président centrafricain voulait une fanfare. Sur place, Simha s’est pris de passion pour les musiques traditionnelles. Pendant quatre ans, il les a enregistrées, analysées et transcrites. De retour en France, il a soutenu une thèse de doctorat puis est devenu directeur de recherches au CNRS. Il l’a raconté dans son livre, La Fanfare de Bangui (Editions la Découverte, 2013).

Une pointe de fierté semble accompagner vos propos quand vous parlez d’eux…

Oui, car je me dis que ces quatre-là auraient pu voir leur vie s’interrompre brusquement en 1943. Il s’en est fallu de peu. Bernard a failli être gardé au Vel d’Hiv, Fred aurait pu être arrêté en même temps que ses parents en Savoie… Rendez-vous compte : ils en réchappent et réussissent, sans doute dans la douleur, à se reconstruire et à avoir une belle vie, tant sur le plan humain que professionnel.

Le silence de l’Eglise a souvent été pointé (on reporte à l’article consacré au livre de la chercheuse N. Valbousquet, Les âmes grises, sur le silence de Pie XII). Vous rappelez la lettre pastorale que Mgr Salliège, archevêque de Toulouse, futur Juste parmi les Nations, a fait lire en 1942 dans toutes les paroisses du diocèse de Toulouse, dans laquelle il proteste contre les rafles visant les Juifs en France et notamment à Toulouse. Vous citez aussi l’archevêque d’Albi, Castres et Lavaur, qui protesta contre les exactions nazies et évoquez également l’aide apportée par des moines et un abbé de la région…

Cela n’a été découvert qu’après-guerre. Papa et son directeur ignoraient que le séminaire catholique hébergeait quelques Juifs, de même que le séminaire ne savait pas que le collège public cachait une douzaine d’adolescents. Un peu partout, dans les petits villages du Tarn – et je pense dans d’autres départements -, il y a eu des écoles pour accueillir ici une petite fille, là deux garçons qui se fondaient dans le paysage et pouvaient suivre une scolarité normale. On peut dire que tous ceux-là ont sauvé à ce moment-là l’honneur de l’Eglise.

Le paradoxe : les ados juifs sont cachés mais ils posent avec les autres internes du collège de Castres. En réalité, ils ne sont connus que sous leurs noms d’emprunt . (Crédit : David et Valois/Collection Yves Durand)

Dans Jacques, l’enfant caché (Presses de la cité, 2020), Emmanuelle Friedmann insiste sur le fait que ce n’est pas par ingratitude que son père, ancien enfant caché, n’a pas cherché à retrouver la famille qui avait tant fait pour lui. Est-ce pour formuler une sorte de déception que vous relayez l’interrogation de votre père : « Pourquoi a-t-il fallu plus de cinquante ans avant que les jeunes Juifs de 1943-1944 ne se tournent vers leur passé d’enfants sauvés » ?

Je ne pense pas que mon père ait jamais éprouvé un sentiment d’ingratitude. Il a fait sa carrière au contact de jeunes et savait ce qu’étaient les adolescents. Ceux-là avaient en plus vécu des événements qui les avaient traumatisés. Il leur fallait tourner la page et pour cela, ne pas se retourner sur leur passé. Pour ma part, je comprends aussi ce silence. Si j’avais été dans la même situation, si j’avais été l’un de ces jeunes Juifs, j’aurais sans doute eu la même réaction.

Dans une lettre adressée à vos parents en 2001, Daniel Franck interroge : « Que reste-t-il aujourd’hui des grands sentiments, du civisme, de l’éthique de vie qui vous ont animés, vous et tous les Justes ? ». Que dirait-il aujourd’hui ?

Je pense qu’il dirait la même chose aujourd’hui. Il existe heureusement encore beaucoup de gens qui cherchent à cultiver les liens d’amitié et font l’effort d’aller vers l’autre. Nous sommes dans l’attente, allais-je dire, d’un « prophète », d’une forte personnalité capable de donner une impulsion…

Simha Arom n’a pas voulu devenir père, peu confiant dans le sort réservé à sa descendance, « la dernière preuve en date est ce qui s’est passé le 7 octobre 2023 en Israël ». Dans le discours qu’il a prononcé lors de la cérémonie commémorative de la libération du camp d’Auschwitz, le président du Congrès juif mondial Ronald Lauder a rappelé que la haine des Juifs qui a mené aux massacres avait pu progresser sur le lit de l’indifférence, ajoutant que Hitler avait entendu ce silence…

Comme beaucoup, Simha a été renversé par ce qui s’est produit ce jour-là. Je pense que c’est un sentiment très partagé. Je ne voudrais pas paraître grandiloquent mais des livres comme le mien, si modestes soient-ils, peuvent contribuer à faire connaître les grands gestes d’humanité et faire connaître la vulnérabilité du peuple juif. Si je réussis à convaincre de cela quelques lecteurs supplémentaires, je pense que j’aurai réussi.

Être fils de Juste, ça oblige ?

Oui. D’abord parce que, dans mon entourage immédiat, beaucoup de gens m’en parlent. Dans mon métier de journaliste, beaucoup ont connu mon père ou ont entendu parler de son engagement. Je pense que cela fait partie intégrante de mon héritage, d’essayer de témoigner, de dire ce que j’ai recueilli de ces anciens enfants cachés et ce que mon père a raconté. Si mon père n’avait pas été Juste, je ne serais pas aussi conscient de tout cela.

Qu’est devenue la menorah que l’un des enfants cachés a vue chez vos parents en leur rendant visite ?

Elle est chez moi maintenant.

Yves DURAND, Tu leur diras que… Le sauvetage de Juifs 1943-1944, aux éditions Nouvelles sources
contact@gesteditions.com , 216 p, 20 €

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