Israël en guerre - Jour 465

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  • Dans son nouveau livre, l'auteur Gary Weiss évoque l'ascension et la chute d'Eddie Antar et de la chaîne Crazy Eddie. (Crédit : Hachette Book Group/Anjali Sharma/ via JTA)
    Dans son nouveau livre, l'auteur Gary Weiss évoque l'ascension et la chute d'Eddie Antar et de la chaîne Crazy Eddie. (Crédit : Hachette Book Group/Anjali Sharma/ via JTA)
  • Eddie Antar, à droite, connu dans le passé sous le nom de ‘Crazy Eddie,’ roi de l'électronique de New York, escorté par un enquêteur de la police israélienne à Petah Tikva, en Israël, le 25 juin 1992. (Crédit : Sven Nackstrand/AFP via Getty Images/ via JTA)
    Eddie Antar, à droite, connu dans le passé sous le nom de ‘Crazy Eddie,’ roi de l'électronique de New York, escorté par un enquêteur de la police israélienne à Petah Tikva, en Israël, le 25 juin 1992. (Crédit : Sven Nackstrand/AFP via Getty Images/ via JTA)
  • "Crazy" Eddie Antar, au centre, fondateur de la chaîne de magasins électroniques Crazy Eddie, porte des menottes après avoir été extradé d'Israël, le 11 janvier 1993. (Crédit :  AP Photo/Dan Hulshizer, file)
    "Crazy" Eddie Antar, au centre, fondateur de la chaîne de magasins électroniques Crazy Eddie, porte des menottes après avoir été extradé d'Israël, le 11 janvier 1993. (Crédit : AP Photo/Dan Hulshizer, file)

Un nouveau livre se penche sur la carrière folle d’Eddie Antar, le « Crazy Eddie »

Dans ‘Retail Gangster’, Gary Weiss raconte l’une des fraudes les plus hautes en couleur du 20e siècle – et l’histoire fascinante de l’ascension d’une famille de Juifs syriens

JTA — Crazy Eddie était une chaîne de magasins d’électronique qui avait vu le jour grâce à un important battage publicitaire et qui était devenue un empire. Eddie Antar, entrepreneur, avait fait croître sa chaîne de magasins discount dans la région de New York à grand renfort de publicités télévisées inoubliables et bavardes. La marque était devenue réputée pour ses prix bas et pour l’histoire fascinante de l’ascension commerciale de cette famille de Juifs syriens qui avait fui les persécutions et qui avait été à l’origine d’une affaire prospère.

Mais cette affaire s’était malheureusement construite également sur une fraude.

L’histoire complète de l’ascension et de la chute d’Eddie Antar et de la chaîne Crazy Eddie est aujourd’hui au centre d’un nouveau livre, Retail Gangster: The INSANE, Real-Life Story of Crazy Eddie, qui a été écrit par le journaliste d’investigation Gary Weiss.

La chaîne Crazy Eddie, qui a définitivement baissé le rideau en 1989, n’avait pas seulement commis une fraude majeure – elle en avait commis des dizaines en même temps. La firme, pendant plusieurs années, avait empoché les taxes sur ses ventes. Il y avait eu de multiples plans de fraude comptable, d’arnaques sur les garanties, de vieux produits vendus comme étant neufs ainsi que des déclarations douteuses des résultats financiers de l’entreprise. En plus des nehkdi — c’est le mot syrien en argot qui désigne les transactions en cash – de la part des dirigeants de l’entreprise.

Une aventure qui s’est achevée par la fermeture de la chaîne et l’emprisonnement de multiples responsables de la firme.

Cela fait longtemps que Weiss s’est spécialisé dans les récits de malversations commerciales et l’histoire de Crazy Eddie est l’une des plus hautes en couleur de l’Histoire récente. Il dit s’être intéressé au projet quand Sam E. Antar, le cousin d’Eddie avec lequel il avait lui-même travaillé et contre qui il avait finalement témoigné de manière déterminante devant les tribunaux, avait commencé à laisser des commentaires sur le blog de Weiss, au début des années 2000. Ensuite et depuis 2008, Weiss a travaillé sur le livre cahin-caha.

« C’est une histoire qui est tellement énorme. Je veux dire, elle est tentaculaire », déclare Weiss à la JTA. « C’est l’histoire d’une famille, c’est une histoire entrepreneuriale, c’est une histoire commerciale, c’est une histoire de fraude. Et c’est aussi l’histoire de New York dans les années 1970 et 1980… Il a fallu du temps pour moi pour tout réunir dans le cadre d’un récit cohérent. »

Weiss, qui est Juif et qui habite New York, dit s’être entretenu avec les membres de la famille Antar et avec d’autres sources tout en puisant des informations dans les registres publiques « volumineux », précise-t-il, répertoriant les différentes mises en examen, les enquêtes réalisées, les plaintes déposées et les comptes-rendus des procès dans l’affaire Crazy Eddie.

Mais tous ceux qui ont été impliqués dans l’histoire n’ont pas accepté de s’entretenir avec lui, explique Weiss, et Eddie Antar est mort en 2016 avant que l’auteur n’ait eu l’occasion de pouvoir l’interviewer. Néanmoins, concernant de nombreuses personnes qui ont vécu la folle aventure de Crazy Eddie, Weiss dit avoir « obtenu quelque chose de mieux qu’une interview : J’ai eu leur déclaration sous serment, qui était presque contemporaine aux événements… J’ai pris, dans ce sens, connaissance de l’histoire de leurs propres lèvres et peu de temps après les événements en question ».

Tandis qu’il évitait majoritairement les journalistes et qu’il ne se faisait que rarement photographier, Eddie Antar a laissé derrière lui une histoire remplie de détails délirants, qui vont encore au-delà de ses nombreux crimes. Sa première et sa seconde épouse s’appelaient toutes les deux Deborah, et ses proches les identifiaient sous les noms de « Debbie I » et de « Debbie II ». Cela avait été l’extravagant Jerry Carroll et non Antar qui avait trouvé le fameux slogan « Ses prix sont déments » pour les publicités télévisées, un slogan lancé avec un tel enthousiasme que de nombreux New-Yorkais avaient cru que Carroll se cachait derrière l’aventure Crazy Eddie.

La famille Antar appartenait à la communauté juive syrienne de New York, connue sous le nom de « SYs » – une communauté qui avait été très importante dans l’ascension de Crazy Eddie. Les grands-parents d’Eddie avaient fui Alep, qui faisait alors partie de l’Empire ottoman, au début du 20e siècle, et ils s’étaient établis à Brooklyn. La communauté était soudée, étroite. Elle boudait les mariages avec les Juifs ashkénazes et elle utilisait les liens communautaires et familiaux pour réussir dans le commerce du prêt-à-porter et dans celui de l’électronique.

Une autre chaîne de magasins d’appareils électroniques aujourd’hui disparue, The Wiz, avait aussi été fondée par une famille juive syrienne (les fans de « Seinfeld » font parfois la confusion entre les deux chaînes, grâce à un épisode où les frasques de Carroll pour faire la promotion de Crazy Eddie se combinent au slogan « Personne ne bat le Wiz », un slogan qui avait fait les beaux jours des publicités pour la chaîne rivale d’appareils ménagers. Et La mère de Jerry Seinfeld dans la vraie vie appartenait, en fait, à la communauté juive syrienne).

L’appartenance à cette communauté, selon Weiss, « a façonné Eddie Antar dans la mesure où il a été le produit d’une communauté très insulaire, d’une communauté d’immigrants qui avait été persécutée par les Ottomans et par les Arabes pour des centaines, voire pour des milliers d’années. C’est cette histoire de persécution qui a entraîné ensuite le développement de certaines habitudes commerciales – utilisation des liquidités, méfiance contre le gouvernement ».

Il ajoute néanmoins que « c’est une erreur de voir dans Eddie une sorte de personnage juif ou de personnage juif syrien. C’était un criminel ». Weiss note qu’Antar allait attribuer la responsabilité de sa destinée à sa « culture » dans des entretiens donnés plus tard dans sa vie.

Dans son nouveau livre, l’auteur Gary Weiss évoque l’ascension et la chute d’Eddie Antar et de la chaîne Crazy Eddie. (Crédit : Hachette Book Group/Anjali Sharma/ via JTA)

« Mais la culture juive syrienne n’était pas une culture de criminalité. C’était une culture qui était née des persécutions », souligne Weiss. « Peut-être que vous ne désiriez pas vraiment donner votre argent au sultan. Peut-être que vous alliez faire une grande affaire en payant en liquide. Mais la culture de la communauté juive syrienne… était une culture de survie face à un gouvernement hostile. Je pense qu’il faut faire attention et ne pas considérer Eddie comme la quintessence de la culture juive syrienne, ce qu’il n’était absolument pas. »

Si Eddie Antar s’identifiait fortement à ses origines juives, il est difficile toutefois de cerner son niveau réel de religiosité. Il avait dissimulé d’importantes sommes en Israël et, avant son inculpation, il avait fui là-bas en 1990. Il avait continué à commettre des crimes et à se livrer à des fraudes pendant le temps qu’il avait passé au sein de l’État juif, utilisant notamment le pseudonyme de « David Jacob Levi Cohen. » Même le fameux gangster Meyer Lansky, note Weiss dans le livre, avait respecté la loi pendant son court exil au sein de l’État juif, dans les années 1970.

Eddie avait passé deux ans et demi en Israël. Quand il avait été rapatrié aux États-Unis, il avait accusé le juge d’antisémitisme.

« Difficile à croire qu’un homme qui avait tourné en dérision la Loi du retour témoigne ensuite d’un tel respect de la religion », s’exclame Weiss.

Eddie Antar, à droite, connu dans le passé sous le nom de ‘Crazy Eddie,’ roi de l’électronique de New York, escorté par un enquêteur de la police israélienne à Petah Tikva, en Israël, le 25 juin 1992. (Crédit : Sven Nackstrand/AFP via Getty Images/ via JTA)

A son apogée, la chaîne Crazy Eddie s’était enorgueillie de plus de 40 magasins et les imitateurs n’avaient pas manqué – notamment « Meshuganah Ike. » Mais cela devait être la démesure de la firme et son incapacité en tant qu’entreprise publique à dissimuler ses registres financiers et ses faux bénéfices qui devaient entraîner finalement la chute de Crazy Eddie.

Antar avait écopé d’une peine de six ans et de prison et même six ans après sa mort, ses victimes tentent encore de récupérer une partie de l’argent qu’il aurait volé.

Même avec l’informatique, avec internet, avec les registres numérisés et avec les lois comptables post-Eron, Weiss estime qu’une arnaque comme celle d’Eddie n’aurait probablement pas été percée plus rapidement si elle avait été commise aujourd’hui.

« Je ne pense pas qu’il y aurait eu des différences », explique Weiss. « Je ne pense pas que les analystes soient plus sceptiques aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a trente ans. Je ne pense pas que le public soit plus sceptique. Je ne pense pas que les régulateurs soient devenus meilleurs ; pas plus que les cabinets d’expert-comptable. Je pense que l’environnement global, l’environnement régulatoire et commercial global qu’Eddie a su exploiter… je ne pense pas que cet environnement soit moins accueillant actuellement – même un petit peu – pour un artiste de l’escroquerie de l’étoffe d’Eddie. La preuve en est, je le suppose, l’existence d’un [Bernie] Madoff… Si vous regardez Madoff, il a été capable de continuer sa fraude jusqu’à la première décennie du 21e siècle. »

Un grand nombre de noms juifs familiers apparaissent dans le livre. Stanley Chera, magnat de l’immobilier et ami de l’ancien président américain Donald Trump qui est décédé au début de la pandémie de la COVID-19, était un proche de la famille Antar. Michael Chertoff, fils du rabbin qui avait occupé le poste de secrétaire de la sécurité nationale au sein de l’administration Bush, avait poursuivi Eddie Antar dans son procès au pénal. Raoul Felder, célèbre avocat spécialisé dans les divorces et personnalité très présente dans les médias new-yorkais, avait représenté la première Debbie quand cette dernière s’était séparée d’Eddie.

« Crazy » Eddie Antar, au centre, fondateur de la chaîne de magasins électroniques Crazy Eddie, porte des menottes après avoir été extradé d’Israël, le 11 janvier 1993. (Crédit : AP Photo/Dan Hulshizer, file)

En ce qui concerne l’héritage de Crazy Eddie, il y a eu de multiples tentatives vaines de la part des membres de la famille Antar – la plus récente remonte à 2009 – de redonner vie à la marque Crazy Eddie dans la société moderne et de manière légale, cette fois-ci – on peut le présumer. Il y a aussi un groupe Facebook, qui compte presque 900 membres, qui rassemble d’anciens employés de Crazy Eddie qui y échangent leurs souvenirs.

Il y a eu aussi diverses initiatives prises pour présenter cette saga sur grand écran. En 2009, Danny DeVito avait fait part de son projet de produire et de réaliser un film sur Crazy Eddie avec la coopération d’Eddie Antar, qui était alors encore vivant – un projet qui s’était écroulé suite à la crainte que les investisseurs de la chaîne ne décident de poursuivre les réalisateurs devant les tribunaux.

En 2019, des rumeurs avaient laissé entendre que le réalisateur de « Benjamin Gates et le Trésor des Templiers », Jon Turteltaub, réaliserait son propre film sur Crazy Eddie, appelé « Insane, » avec comme scénariste Peter Steinfeld, qui avait aussi été impliqué dans les préparations du long-métrage de DeVito qui n’a finalement jamais vu le jour. Aucune autre information n’a filtré sur ce projet dans les trois années qui se sont écoulées.

Le livre de Weiss est dédié « aux victimes » de la fraude. Qui sont ces victimes ?

La première femme d’Eddie, Debbie, avait affirmé que son mari l’avait frappée à une occasion et qu’il avait fait également de nombreuses promesses sur un accord de divorce qui ne devait jamais être adopté – jusqu’à ce qu’elle-même remporte une victoire judiciaire creuse à une époque où il n’y avait plus d’argent à récupérer. Mais il y avait eu aussi un grand nombre de victimes d’un point de vue financier.

« Je suppose que les victimes ont été les actionnaires, ces gens qui ont acheté des actions », dit Weiss. « Les investisseurs, les clients – parce que les clients ont été les victimes de multiples intrigues, qui allaient de la magouille à des appareils d’occasion vendus comme neufs. J’ai entendu quelqu’un prendre la défense de Crazy Eddie en disant que ‘mais il ont fait une bonne affaire’. Non, ces gens n’ont jamais fait une bonne affaire. Crazy Eddie avait bâti sa réputation de présenter les prix les moins chers, mais ces gens ont été escroqués ».

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