Le mois dernier, je me suis rendu à la frontière sud de Gaza pour me joindre au bataillon bédouin de l’armée israélienne, Gadsar 585. Cette unique unité, qui opère dans le désert du sud d’Israël, joue un rôle essentiel dans la défense du pays depuis des dizaines d’années. Le bataillon, composé principalement de Bédouins musulmans, se distingue par la diversité de sa composition et le lien profond de ses soldats avec la Terre qu’ils défendent.
Le matin du 7 octobre, alors qu’ils étaient en permission et remplacés par une autre unité, ils ont été brusquement appelés au combat alors que le groupe terroriste palestinien du Hamas s’adonnait à un pogrom, lors duquel près de 1 200 personnes ont été assassinées dans le sud d’Israël, pour la plupart des civils, et 251 autres ont été enlevées et emmenées de force dans la bande de Gaza.
Malgré le chaos, la compréhension interne du terrain par les troupes de Gadsar 585 s’est avérée cruciale pour répondre au chaos qui sévissait dans la région de Kerem Shalom.
L’idée que des musulmans servent dans Tsahal peut ne pas correspondre à de nombreuses idées préconçues. C’est pourtant l’une des caractéristiques de Gadsar 585. Outre la majorité bédouine, le bataillon comprend également des soldats juifs, arabes israéliens et chrétiens.
Lors de conversations avec des soldats musulmans, il est clairement apparu que les horribles massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre et au-delà sont contraires aux valeurs de l’islam qui leur sont chères. Le chef de bataillon Nader Iada a affirmé avec passion que rien dans l’islam ou le Coran ne justifiait les atrocités des meurtres, des viols et des enlèvements commis par le groupe terroriste palestinien.
« Ils [les terroristes] ne sont pas musulmans », a fermement déclaré Iada, rejetant toute association de leurs actes avec les véritables enseignements islamiques.
Depuis la création d’Israël en 1948, les Bédouins israéliens se sont toujours battus pour le pays. Le terme « Bédouin » vient du mot arabe « Badawi », qui signifie « peuple de la Terre et du désert ». Depuis des siècles, les Bédouins vivent dans et avec le désert, un mode de vie qui leur donne une perspective et un lien uniques avec leur environnement.
Gadsar 585, qui a toujours opéré dans la région frontalière du sud de Gaza, illustre ce lien. Les soldats du bataillon ne sont pas seulement des combattants ; ce sont des gardiens de la Terre, qui s’appuient sur des générations de connaissances pour la parcourir et la protéger.
Le lieutenant-colonel Iada a insisté sur leur engagement durable. « Nous sommes liés à la Terre ; c’est notre pays et notre maison, et nous continuerons à nous battre pour la protéger. » Il a souligné que ces valeurs sont profondément enracinées, les Bédouins continuant à élever leurs enfants dans le sens du devoir et du respect de la Terre qu’ils défendent.
Au-delà de leurs obligations militaires, les soldats bénéficient d’un soutien sous diverses formes : cours d’hébreu, cours de conduite, séminaires de leadership et l’opportunité de terminer leurs études secondaires. Des bourses d’études et des programmes de mentorat les aident à se réinsérer dans la vie civile à l’issue de leur service.
Atta
Atta sert dans le bataillon depuis trois ans et est sur le point de signer pour une carrière militaire. Il aspire à devenir officier, considérant sa carrière militaire comme une voie vers une vie structurée et disciplinée. Atta espère que son jeune frère suivra ses traces et rejoindra l’unité, perpétuant ainsi l’héritage de service de la famille.
Mohammad
Mohammad, 25 ans, originaire de Bosmat Tivon, se distingue au sein du bataillon. Connu pour son comportement sans état d’âme, il n’est pas surprenant qu’il ait reçu le prestigieux prix d’excellence du président en mai.
Avant de s’engager dans l’armée en 2022, Mohammad a travaillé dans le marketing avec son père, a voyagé à l’étranger et a étudié la médecine vétérinaire. D’abord infirmier de combat, il est aujourd’hui le bras droit du commandant de l’escouade.
Son expression sérieuse reflète sa foi dans le travail et le professionnalisme. Appelé alors qu’il se trouvait chez lui le 7 octobre, il s’est rapidement mobilisé avec son chef d’escouade pour répondre à la crise en cours. À l’issue de son service militaire, Mohammad envisage de poursuivre ses études grâce au programme de bourses et d’intégrer le marché du travail.
Mahdi, Raleb et Yosef
Mahdi, Raleb et Yosef, originaires de Shibli, ont rejoint le bataillon bédouin par sens profond du devoir. Ils estiment qu’en tant que citoyens israéliens, il est de leur responsabilité de défendre le pays et de représenter leur peuple. Témoins de la violence aveugle du Hamas, ils soulignent que les actions du groupe violent les principes de l’islam qu’ils chérissent. Ils reconnaissent également les avantages de leur service militaire, qui les aide dans leurs études et carrières futures et leur inculque des valeurs telles que l’honnêteté et la résilience.
Yosef a détendu l’atmosphère en demandant si j’avais déjà vu un Bédouin roux.
Ayub
Ayub, 23 ans, originaire de Zarzir, est commandant au sein du bataillon. Poussé par un profond sentiment du devoir de protéger son pays et sa famille, Ayub a décidé de devenir officier. Il considère son service comme faisant partie d’un cycle, estimant que, tout comme il sert aujourd’hui, ses enfants serviront à l’avenir. Le 7 octobre, il était en permission et se trouvait chez lui. Il s’est rapidement rendu dans la région de Kerem Shalom pour rejoindre le combat.
Ami
Ami, originaire de Zarzir, a consacré vingt ans à Tsahal, blessé par deux fois au combat. Aujourd’hui responsable de la discipline, de l’éducation et de la logistique de l’unité, Ami était un ami proche d’Assaf Hamami, le commandant de la brigade sud qui a été tué le 7 octobre. Avant la guerre, Hamami avait demandé à Ami de revenir dans l’unité bédouine. L’objectif d’Ami est de créer un environnement accueillant pour tous les soldats de la base, en encourageant un esprit de « famille gagnante » où le respect et l’égalité prévalent.
Eylon
Eylon, un officier juif originaire de Beer Sheva, sert en tant que commandant d’escouade dans le bataillon bédouin depuis deux ans. Au cours de cette période, il a développé un profond sentiment de fraternité avec la communauté bédouine, se sentant pleinement intégré et accepté. Ce lien n’a fait que se renforcer depuis le 7 octobre. Lorsque j’ai demandé à ses soldats ce qu’ils pensaient du fait d’avoir un « étranger » comme commandant, ils ont tous ri, affirmant qu’il était désormais l’un des leurs.
Zeed
Alors que le soleil se couchait et que je m’apprêtais à ranger mon appareil photo, j’ai rencontré Zeed Mazarib. Il y avait quelque chose dans ses yeux qui m’a poussé à lui parler et à le photographier. Zeed, 34 ans, originaire de Beit Zarzir, a servi comme pisteur dans le bataillon bédouin pendant dix-sept ans. Nous nous sommes assis ensemble à la tombée de la nuit et il m’a expliqué le rôle essentiel des pisteurs, qui s’appuient sur leur lien profond avec la Terre pour identifier les menaces et assurer la sécurité de leurs forces.
Il a souligné que les Bédouins, qui ont grandi en tant que bergers, sont particulièrement aptes à endosser le rôle de pisteur.
Le 7 octobre, Zeed se trouvait à la base militaire de Kerem Shalom lorsque le Hamas a attaqué. Il s’est battu avec courage, et a perdu des camarades au cours des combats. Les souvenirs de cette journée lui pèsent lourdement. Zeed, père de deux jeunes enfants, m’a fait part de l’inquiétude de sa famille quant à sa sécurité.
Au moment de nous séparer, j’ai demandé à Zeed de saluer son cousin – le voisin de Zeed avec qui j’avais servi dans l’armée – la prochaine fois qu’il le verrait.
Le 6 juin, à 4 heures du matin, trois terroristes se sont approchés de la clôture de Kerem Shalom via un tunnel d’attaque. Zeed, qui faisait partie des premiers intervenants, a été tué au cours de la bataille qui a suivi, laissant derrière lui son épouse et ses deux enfants.
Guy Fattal est un photographe et conférencier israélien qui s’attache à faire connaître au monde entier la richesse et la diversité des cultures de la société israélienne.