Le retour des évacués de Shlomit dans leur cher village, situé à 6,5 kilomètres de la frontière avec la bande de Gaza, s’est fait sans ballons ni fanfares.
Ce n’est pourtant pas par manque de joie de retrouver leur foyer que les quelques 500 habitants du village sont rentrés chez eux de manière si solennelle mercredi dernier. Nombre d’entre eux étaient, au contraire, très impatients de quitter l’hôtel des environs de Jérusalem où ils ont été logés pendant de nombreuses semaines à la suite de l’assaut meurtrier du groupe terroriste palestinien du Hamas contre les communautés israéliennes proches de la frontière, le 7 octobre dernier.
Non, le retour sans festivités est dû au fait que le Hamas détient toujours plus de 130 otages israéliens et que la guerre contre le groupe terroriste n’est toujours pas terminée. C’est pour cela que l’on a préféré reporter les festivités, comme l’a expliqué Yitzhak Elnekaveh, l’un des rapatriés, au Times of Israel.
Cette approche réservée reflète l’ambivalence qui habite un nombre croissant d’Israéliens qui retournent dans leurs communautés évacuées. Leur retour évoque la joie et le calme, mais aussi les angoisses qui perdurent et le choc face à la dévastation et à l’état de délabrement dans et autour de leurs villes et communautés autrefois prospères.
« Nous sommes tellement heureux d’être de retour. Cela fait des mois que nous prions pour ce moment », a indiqué Elnekaveh, un producteur de laitue de 38 ans, marié à Lorine, avec qui il a cinq enfants, et qui a fait son alya, c’est-à-dire son immigration en Israël, depuis la France.
Mais, ajoute-t-il, « nous revenons avec une certaine appréhension. Nous avons des craintes, des inquiétudes et nous ressentons une profonde tristesse pour les morts et les otages. Nous ne sommes donc pas d’humeur à faire la fête ».

Le 7 octobre dernier, quatre résidents de Shlomit, un village sioniste religieux créé en 2014, sont morts dans des combats contre des terroristes du Hamas à Pri Gan, un village voisin.
Les morts, qui faisaient tous partie de l’équipe de sécurité de Shlomit, se sont précipités pour voler au secours de leurs voisins à Pri Gan, tuant et blessant plusieurs terroristes qui ont ensuite battu en retraite. Les quatre victimes de Shlomit ont laissé derrière elles 15 enfants.
Les quatre victimes de Shlomit ont laissé derrière elles 15 enfants.
Le 7 octobre, quelque 3 000 terroristes du Hamas ont attaqué nombre de communautés frontalières, tuant près de 1 200 personnes et en kidnappant 253 autres, tout en se livrant à divers crimes de guerre et autres atrocités. 134 otages seraient encore captifs aujourd’hui, alors que l’armée israélienne poursuit son offensive terrestre dans la bande de Gaza, qui a été lancée le 27 octobre.
Plus de 300 soldats sont morts depuis le début de l’offensive et de nombreux Israéliens ont été tués dans des attaques à la roquette qui ont commencé le 7 octobre et qui se poursuivent depuis, même si leur intensité a diminué depuis l’incursion des forces terrestres israéliennes dans l’enclave palestinienne.
Lors du retour à Shlomit, les résidents ont défilé dans les rues en brandissant des drapeaux israéliens. Ils ont ensuite assisté à la cérémonie de pose de la première pierre d’une nouvelle halte-garderie pour les quelque 350 enfants du village.

La première chose que Kobi Revivo, 38 ans et père de six enfants, a faite en rentrant chez lui a été de savourer le bouquet des arbres en pleine floraison – un amandier et un nectarinier – dans son jardin. Sa femme, Bat El, va reprendre ses fonctions de responsable de l’absorption à Shlomit. À ce titre, elle aide les nouvelles familles à s’installer conformément aux plans de croissance de Shlomit.
La guerre n’a rien changé à ces projets, selon Elnekaveh. Lorsque la guerre a éclaté, 50 nouvelles maisons étaient en cours de construction à Shlomit, a-t-il indiqué, ajoutant qu’aucune des familles qui s’étaient engagées à vivre dans ces maisons – et qui avaient versé un acompte important – n’était partie. Selon lui, 150 autres familles sont inscrites sur une liste d’attente pour le prochain projet de construction, une fois que les 50 maisons seront occupées.
Israël compte environ 120 000 personnes évacuées, réparties à peu près également entre les habitants du sud et du nord, qui ont quitté leurs maisons à cause des roquettes et des missiles tirés par le Hezbollah en solidarité avec le Hamas. Le gouvernement a récemment dévoilé un plan offrant des subventions considérables, jusqu’à 62 000 shekels par famille de retour.
Pour l’instant, les personnes évacuées peuvent continuer à vivre dans des logements fournis par le gouvernement. Mais à partir du 1er mars, l’aide à la réinstallation à laquelle ils ont droit diminuera.

Au moins une autre communauté évacuée est retournée dans son intégralité chez elle dans l’enveloppe de Gaza : Shokeda, un autre village sioniste religieux. Les habitants des autres localités, kibboutzim et moshavim reviennent au compte-gouttes. Dans certaines de ces communautés, comme Zimrat, plus de 70 % de la population est revenue.
Lundi, tout le village s’est rendu au mur Occidental pour prier et remercier Dieu de leur avoir permis de rentrer chez eux.
Les maternelles et les écoles ont repris leurs activités dans bon nombre de ces localités, offrant ainsi aux parents qui travaillent une infrastructure dont ils ont grand besoin. Les écoles de Sderot, une ville d’environ 30 000 habitants, ont rouvert leurs portes le 19 février, accélérant ainsi le retour de milliers d’habitants. La plupart des habitants de Sderot ne sont toutefois pas encore rentrés chez eux.
« Les habitants de Shlomit ont une motivation d’ordre idéologique pour rentrer chez eux », a expliqué Elnekaveh. Lundi, toute la communauté s’est rendue au mur Occidental pour prier et remercier Dieu de leur avoir permis de rentrer chez eux.
Yitzhak et Lorine Elnekaveh font partie des 18 familles fondatrices du village. Évacués des implantations israéliennes de la bande de Gaza lors du plan de désengagement controversé de 2005, ils se sont installés à Shlomit quand ce n’était encore qu’une rangée de caravanes sur les dunes du désert du Neguev, dans le nord du pays, se souvient Yitzhak.

Mercredi, tous les habitants de Shlomit ont quitté Jérusalem pour rejoindre leur village dans un long convoi composé de dizaines de voitures, certaines arborant des drapeaux spécialement commandés, ornés des armoiries du village et de deux slogans : « Les héros de Shlomit sont forts ensemble » et « Quand l’esprit construit dans le sable ».
L’assaut du 7 octobre prouve que « seule une présence permanente, militaire ou autre, dans la bande de Gaza peut assurer notre sécurité ici », a indiqué Elnekaveh. Il a ajouté qu’il était encouragé par l’ampleur de l’offensive terrestre israélienne à Gaza. « En longeant Khan Younès, nous avons vu les nuages en forme de champignon des bombardements. Retrouver nos maisons alors que les leurs sont détruites nous donne un sentiment de victoire », a ajouté Elnekaveh.
Retrouver nos maisons alors que les leurs sont détruites nous donne un sentiment de victoire
Plus de 30 000 Palestiniens sont morts lors de l’offensive terrestre et des frappes aériennes qui l’accompagnent, selon les bilans non vérifiées fournies par le ministère de la Santé, dirigé par le Hamas, à Gaza. Ces statistiques ne font pas la distinction entre les civils et les terroristes, dont Israël affirme avoir tué plus de 12 000 personnes.

Elnekaveh était impatient de pouvoir reprendre sa cuisine à la maison. « Je pense couscous et poisson », a-t-il déclaré au Times of Israel.
D’où lui vient l’envie de cuisiner à peine rentré ?
« Le jour où vous irez vivre dans un hôtel pendant quatre mois, vous comprendrez », a-t-il déclaré. « Ce n’est pas une question de nourriture. Il s’agit de se sentir enfin chez soi. »
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