MARGALIOT – Hezi Mena, 43 ans, avançait entre les rangées d’arbres à kiwis dénudés de la ferme familiale située à Margaliot, scrutant les branches noueuses et grises, les bras levés en signe de désespoir.
Le printemps était dans l’air, mais rien ici ne laissait penser que la nature reprenait ses droits. Au lieu de fleurs et de verdure, le verger d’un hectare de Mena avait l’aspect d’un quartier en ruine. Il s’est penché pour examiner un tuyau d’irrigation rongé par des chacals, puis a pointé du doigt les débris métalliques calcinés d’une roquette du Hezbollah tombée là.
Il y a un an et demi, la terre débordait de vie, de grands kiwis couverts de duvet poussant sur des branches saines aux larges feuilles vertes.
Mais des mois d’attaques lancées depuis l’autre côté de la frontière ont détruit le verger de Mena, comme tant d’autres fermes dans le nord du pays. La terre, noircie par les roquettes, a été abandonnée par les habitants… et les abeilles.
Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu avec le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, le 27 novembre, les agriculteurs commencent à revenir, confrontés à l’immense tâche de réparer les dégâts et de reconstruire un paysage autrefois fertile. Mais la trêve reste fragile : deux jours après la visite du Times of Israel à Margaliot, deux roquettes tirées depuis le sud-Liban se sont abattues dans un champ voisin.
Le verger de Mena, planté par ses parents dans les années 1970, se situe à moins d’un kilomètre des collines qui marquent la frontière entre Israël et le Liban.

En examinant les branches d’un arbre, s’est demandé à voix haute s’il était « mort » ou s’il y avait une chance de le ramener à la vie.
Une fleur solitaire sur une branche a attiré son attention. Il s’est arrêté pour la cueillir.
« C’est la première fleur que je vois ici jusqu’à présent », dit l’agriculteur. « Cela me donne de l’espoir. »
Les tirs du Hezbollah sur Israël ont commencé le 8 octobre 2023, en signe de soutien au groupe terroriste palestinien du Hamas, dès le lendemain du pogrom perpétré par ce dernier qui a déclenché la guerre. Pendant près d’un an, roquettes, missiles et drones armés ont frappé les localités du nord presque quotidiennement, avec une intensité particulière pour les villages les plus proches de la frontière, comme Margaliot.

Dès les premières attaques, Mena, sa femme, leurs deux filles et sa mère Alegria ont rejoint les quelque 60 000 habitants de 32 communautés du nord d’Israël sommés d’évacuer la région.
Il devront attendre plus d’un an avant de pouvoir revenir. À son retour, après le cessez-le-feu, Mena découvre un verger « en ruines », se souvient-il. Les rangées d’arbres autrefois sains n’étaient plus que ronces sèches, fruits pourris et lianes mortes qui s’enroulaient sauvagement autour des herbes folles.
L’agriculteur était prêt à « tout abandonner et à fermer le portail du
verger », jusqu’à ce qu’un groupe de bénévoles de l’association HaShomer HaHadash, engagée dans la sauvegarde de l’agriculture israélienne, intervienne. L’organisation venait de lancer un programme d’aide aux fermiers du Nord pour réhabiliter leurs champs et leurs vergers.

Aux côtés de Mena, les bénévoles ont travaillé pendant onze jours. Ensemble, ils ont replanté 110 jeunes kiwis pour remplacer une partie des arbres morts durant la guerre.
« C’est eux qui m’ont redonné l’énergie de continuer à me battre pour cette terre », confie-t-il. « Mais la situation reste catastrophique. Je dois tout recommencer. »
Un bourdonnement dans l’air
À une trentaine de kilomètres au sud du kibboutz Ayelet HaShahar, Telem Galili, apiculteur de troisième génération, inspecte une douzaine de ruches offertes par la start-up Primal Bee, en partenariat avec HaShomer HaHadash.
Ces nouvelles ruches ne représentent qu’un petit ajout à son rucher existant : près de 75 millions d’abeilles, réparties dans quelque 1 500 ruches, chacune abritant environ 50 000 abeilles.
Le rucher a été fondé en 1921 par Itka, la grand-mère de Galili, et a fonctionné sans interruption depuis plus d’un siècle, en temps de paix comme en temps de guerre, y compris durant les récents affrontements avec le Hezbollah.

Bien que le kibboutz ait été la cible de plusieurs attaques pendant la guerre, sa distance de la frontière lui a permis d’échapper à l’évacuation. Cela a permis à Galili de continuer à fournir des colonies d’abeilles aux agriculteurs du nord.
« Même sous la menace de tirs de roquettes, nous chargions les ruches dans des camions la nuit pour les livrer aux fermes, afin qu’elles puissent polliniser les vergers d’avocatiers et d’arbres fruitiers », raconte Galili.
Sans les abeilles pour transférer le pollen d’une fleur à l’autre, aucun fruit ne peut pousser sur les arbres.

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Asaf Shachar, apiculteur en chef chez Primal Bee, explique que les combats ont été très stressants pour les abeilles aussi.
« La guerre a causé des ravages dans tout l’écosystème du nord », déclare Shachar, rencontré au kibboutz alors qu’il inspectait avec Galili certaines des ruches données pour remplacer celles brûlées ou endommagées durant les combats.
Il rappelle que les insectes jouent un rôle central dans les écosystèmes : ils soutiennent la production agricole, enrichissent les ressources naturelles comme le trèfle, et favorisent la propagation des plantes sauvages et des graminées qui contribuent à couvrir les sols.
« Les abeilles sont des pollinisatrices essentielles pour environ 30 % de l’approvisionnement alimentaire mondial », souligne-t-il. « Sans les abeilles, le désert progresserait beaucoup plus vite. »

Les ruches conçues par Primal Bee sont plus hautes que les modèles traditionnels en bois et rappellent un classeur vertical. Fabriquées en polystyrène épais, elles maintiennent une température constante de 35 °C, idéale pour la ponte des reines.
Tandis que des milliers d’abeilles bourdonnent autour d’eux, Galili et Shachar inspectent les ruches et les cadres à rayons [où les abeilles stockent le miel et élèvent leur couvain] sans aucun équipement de protection.
« Si vous ne les dérangez pas, elles ne vous dérangent pas », sourit Galili.
Jusqu’au bout
Situé à environ 2,5 kilomètres de la frontière libanaise, le moshav Even Menachem, en Galilée occidentale, faisait partie des localités évacuées pendant la guerre. Mais Moti Salhov, lui, a refusé de partir. Retranché dans son village, il a ignoré les ordres de l’armée.
« La seule façon dont je quitterai cet endroit, c’est dans un cercueil », déclare cet homme de 64 ans.
Pendant plus d’un an, Moti Salhov a vécu et cultivé sa terre dans ce qui était officiellement une zone militaire fermée, à portée directe des missiles antichars du Hezbollah, des projectiles à courte portée utilisés par le groupe terroriste pour menacer les communautés proches de la frontière.

Le 2 mars, le commandement du Front intérieur a autorisé les résidents à rentrer chez eux.
Cependant, une équipe d’intervention d’urgence active garde toujours la porte d’entrée du moshav, et la zone est toujours interdite aux visiteurs.
Mais une équipe d’intervention d’urgence garde toujours l’entrée du moshav, et la zone reste interdite aux visiteurs.
Selon Salhov, certains voisins attendront la fin de l’année scolaire pour revenir. D’autres, peut-être, ne reviendront jamais, et il ne les blâme pas.
« Si j’avais des enfants en bas âge et que je trouvais un bon emploi ailleurs, je resterais loin d’ici », reconnaît-il.
Vue du Sud-Liban depuis la ferme de Barak’s Berries à Even Menachem, en Galilée occidentale, le 23 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
Salhov, lui, est lié à cette terre. Il a grandi dans le moshav, y a passé toute sa vie, travaillant comme agriculteur. Il cultivait autrefois des pêches, des nectarines et des poires, avant de se lancer, il y a dix ans avec son fils aîné Barak, dans la culture des fruits rouges.
L’agriculteur fait le tour des 1,7 hectare de terres agricoles de Barak’s Berries, montrant des framboises, des mûres et des myrtilles aux fleurs roses et aux baies mûrissantes, ainsi qu’une rangée de fruits de la passion.
Pendant l’été, malgré la menace constante de roquettes et de missiles, des bénévoles sont venus prêter main-forte pour récolter les fruits.

« Les gens sont venus de Jérusalem pour nous aider », dit-il. « Cela m’a fait chaud au cœur. Tous m’ont dit : ‘Si vous êtes là, en train de travailler, alors nous pouvons venir vous soutenir.’ »
Les sirènes retentissaient sans relâche, mais il fallait « au moins 90 secondes » pour atteindre le seul abri anti-bombes à proximité, soit une minute entière de plus que le temps indiqué par le commandement du Front intérieur pour se mettre à l’abri avant l’impact.
« Nous n’avions aucune chance d’y arriver à temps. Alors on se jetait au sol », se souvient Salhov. « Les éclats tombaient partout autour de nous. »

Début avril, plus de 120 jours s’étaient écoulés sans qu’une alerte ne retentisse à Even Menachem. Mais Salhov ne se fait aucune illusion sur l’avenir.
« On ne peut pas se permettre d’être naïfs », affirme-t-il.
Le cultivateur de baies se retourne pour regarder la frontière libanaise toute proche, qui se profile juste au-dessus de son épaule.
« Il faut être réalistes. Tant qu’Israël existera, ils ne nous accepteront jamais. Et la guerre ne cessera pas. »