HAUTE-GALILEE, nord d’Israël — Debout devant son étal de nourriture presque vide à Kiryat Shmona, Edna Peretz est manifestement bouleversée.
« Nous sommes revenus mais nous avons le cœur lourd », dit-elle en parlant des milliers de personnes évacuées qui retournent actuellement peu à peu chez elles à l’occasion du fragile cessez-le-feu qui a été conclu entre Israël et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah.
Edna et son époux sont rentrés de leur exil à Tibériade il y a trois mois, dit-elle alors que sa petite-fille Emmanuelle s’accroche à sa jambe. Ce n’est pas la paix qui les a fait revenir mais bien la nécessité de commencer à réparer leur maison qui a été touchée par une roquette du Hezbollah.
Si Israël a pilonné le Hezbollah depuis que le groupe terroriste chiite libanais a rejoint la guerre menée par le groupe terroriste palestinien du Hamas contre Israël, le 8 octobre 2023, la frontière nord reste une zone de turbulences, tant sur le plan militaire que diplomatique.
La frontière en question est très précisément « en question ». Depuis le mois de mai 2000, la ligne de retrait approuvée par l’ONU pour les troupes de l’armée israélienne, connue sous le nom de Ligne Bleue, est devenue la frontière de facto entre Israël et le Liban. Mais les deux États ennemis ne la reconnaissent pas comme une frontière internationale. Par ailleurs, l’établissement d’une telle frontière, qui pourrait potentiellement enclencher un processus de paix durable, n’est pas une mince affaire.
Il est facile de comprendre pourquoi en sillonnant la Haute Galilée.

De très nombreux points de désaccord
Alors que défilent les collines verdoyantes de Galilée, Boaz Shapira, chercheur à l’Alma Research and Education Center qui consacre ses travaux à la sécurité dans le nord d’Israël, désigne les zones contestées dans les négociations frontalières – des pourparlers que Jérusalem et Beyrouth ont accepté de reprendre le mois dernier.
Le gouvernement libanais conteste seize points le long de la frontière, explique Shapira, tandis que le Hezbollah revendique des zones supplémentaires de son propre chef.
« Selon certaines de ces revendications, nous serions actuellement sur le territoire libanais », explique Shapira, qui ajoute que trois sites en particulier — Rosh HaNikra (Ras Naqoura) à l’extrémité nord-ouest d’Israël, les fermes de Chebaa et Ghajar — constituent les plus grands défis à la table des négociations.
« La ligne a été esquissée sur des cartes à Paris et à Londres… Puis est venue la tâche de la marquer sur le terrain »
Les hauteurs dominantes de la région des fermes de Chebaa sont bien visibles alors que nous roulons, mais elles ne sont pas facilement accessibles. Connues en Israël sous le nom de Har Dov, les fermes de Chebaa abritent des positions stratégiques de Tsahal, note Shapira.
Shapira se dirige maintenant vers le site le plus singulier des trois principaux points contestés : Ghajar. Avec ses jardins colorés et sa vue sur les montagnes enneigées du Liban, ce village alaouite ne donne pas l’impression d’être à cheval sur deux pays ennemis. Mais alors qu’Israël exerce un contrôle total sur cette zone, la Ligne Bleue place techniquement sa moitié nord sous juridiction libanaise, ce qui incite le Liban à contester la souveraineté d’Israël sur une partie de la région.
Les habitants de Ghajar, qui ont presque tous la nationalité israélienne, ne cachent pas leurs réserves quant à la position du Liban.
« Avant tout, nous sommes des Ghajarites. Nous n’avons jamais appartenu au Liban et nous n’accepterons aucune décision visant à nous lier au Liban », déclare Bilal Khatib, porte-parole de Ghajar, au Times of Israel.

Selon Khatib, certains Ghajarites ont fui au Liban pendant la Guerre des Six Jours en 1967, mais « le gouvernement libanais les a abandonnés à la frontière syrienne en leur disant : ‘Nous n’avons pas besoin de plus de réfugiés. Vous êtes Syriens, retournez en Syrie’. »
Les Ghajarites souhaitent rester chez eux, ajoute-t-il, malgré le défi que représente le fait de vivre dans « un endroit très sensible ».
Khatib ne fait pas seulement référence à la situation de tension actuelle. Son village est également pris dans un étau géopolitique qui touche toute la bande de communautés qui se trouvent de part et d’autre de la frontière. Les germes de ce conflit ont été semés il y a plus d’un siècle par des diplomates européens, des sionistes pré-étatiques et diverses communautés ethniques.
Impérial, biblique et cauchemar technique : la naissance de la frontière

Les frontières sont relativement récentes dans cette région. L’Empire ottoman avait régné sur tout le Levant pendant des siècles, à partir du début des années 1500, et son district administratif de Beyrouth s’étendait des montagnes côtières de la Syrie, au nord, jusqu’aux hautes terres de Samarie au sud, où il rejoignait la région de Jérusalem.
La Galilée et le sud du Liban constituaient une seule et même région, tant sur le plan juridique qu’au regard des populations qui y vivaient, explique le professeur Gideon Biger, expert des frontières d’Israël.
Les choses avaient changé avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, lorsque la Grande-Bretagne et la France, pressentant la chute inévitable de l’Empire ottoman, s’étaient préparées dans le plus grand secret à se partager le Levant d’après-guerre. Les Britanniques avaient jeté leur dévolu sur la Terre d’Israël et sur l’Irak, cherchant à contrôler la Mésopotamie jusqu’en Inde et à accéder au pétrole du golfe Persique, tandis que les Français avaient espéré tirer parti de leurs liens historiques avec les populations chrétiennes de la Grande Syrie.
Les Accords Sykes-Picot de 1916 avaient défini leurs sphères d’influence respectives, créant une frontière entre le Liban et la Terre d’Israël depuis la pointe nord-ouest du lac de Tibériade jusqu’à l’actuelle Nahariya, à l’exclusion de la Haute-Galilée.

Mais en 1918, les forces britanniques avaient pris le contrôle de la côte est de la Méditerranée, donnant à la Grande-Bretagne un avantage dans les négociations frontalières, au grand bénéfice des premiers sionistes. Lors de la Conférence de paix de Paris de 1919-1920, les représentants sionistes avaient proposé une frontière ambitieuse allant jusqu’au fleuve Litani dans le sud du Liban, englobant le plateau du Golan, s’approchant de Damas et d’une partie de la Transjordanie, principalement pour sécuriser des sources d’eau vitales pour le futur peuplement juif.
Les diplomates britanniques de formation classique soutenaient les sionistes. Élevés dans la vision biblique d’un Israël qui s’étendait « du Dan à Beer Sheva » depuis les sources du Jourdain, bien au nord du lac de Tibériade, les Britanniques estimaient que le « Saint Jourdain » appartenait à la Terre Sainte, comme le note Biger. Ceux qui avaient un penchant militaire reconnaissaient également que le Litani était la seule frontière naturelle et défendable entre les deux mandats.
Les Français avaient catégoriquement rejeté la démarcation du Litani, mais la frontière convenue en 1920 s’était étendue plus au nord que la ligne Sykes-Picot, incluant l’implantation de Metoula. Elle allait de la région de Rosh HaNikra, sur la Méditerranée, jusqu’à un point sur le ruisseau Hasbani, situé près de la frontière entre Israël, le Liban et la Syrie.
La frontière s’était rapidement révélée non seulement incohérente sur le plan militaire, mais aussi techniquement défectueuse. « La ligne a été esquissée sur des cartes à Paris et à Londres », indique Biger.
« Puis est venu le moment de la tracer sur le terrain. »
L’officier britannique Stuart Newcombe et son homologue français Maurice Paulet avaient été chargés de cette tâche, mais ils avaient dû modifier la ligne lorsqu’ils avaient constaté qu’elle coupait en deux des villages locaux. Ils avaient également sélectionné des points de référence tels que des rochers, des arbres et de vieilles ruines – qui ont pour la plupart disparu au fil du temps – et ils avaient utilisé des cartes militaires incompatibles avec celles qui étaient utilisées en 1920, avec des échelles inadaptées à une délimitation précise.
La ligne ajustée avait été finalisée dans l’accord de 1923 conclu entre les Britanniques et les Français, qui avait servi de base aux propositions de partition judéo-arabe de la Commission Peel de 1937 et au projet de partition de l’ONU de 1947 – elle devait ultérieurement rester la référence principale pour les tracés de frontières futurs.
De l’isolement à l’indépendance : 1923-1949
Dans le nord anarchique et sauvage des années 1920, la frontière nouvellement finalisée n’existait que sur le papier. Les quatre seules localités juives de la bande de Galilée – Metoula, Hamra, Kfar Giladi et Tel Haï – se développaient avec peu de présence militaire britannique ou française. Les habitants de Metoula traversaient la « frontière » pour cultiver les terres qu’ils possédaient de l’autre côté, payant même des impôts au gouvernement libanais.
Les communautés juives se retrouvaient parfois prises dans une guerre entre les autorités françaises et les nationalistes syriens, un conflit distinct des tensions entre Juifs et Arabes qui se préparaient, plus au sud. En 1920, des chiites et des Bédouins locaux, à la recherche des troupes françaises, avait attaqué Tel Haï. Huit défenseurs juifs, dont le célèbre commandant Joseph Trumpeldor, avaient été tués, ce qui avait été un moment fondateur dans la mémoire sioniste.
La frontière, en réalité inexistante, était devenue un problème pour les Britanniques lors d’un conflit plus sanglant, celui de la révolte arabe de 1936-1939. Des gangs arabes s’étaient infiltrés facilement pour combattre les Juifs et les autorités britanniques, et « c’est là, pour la première fois, que les commandants militaires britanniques ont réalisé à quel point leurs prédécesseurs avaient négocié de manière erratique la démarcation de la frontière », selon les termes de l’historien militaire David Eshel.
Les Britanniques avaient fait venir Sir Charles Tegart d’Inde à titre de conseiller antiterroriste. Il avait jugé la ligne de 1923 militairement indéfendable et il avait tenté de la sceller en 1938 avec une clôture de barbelés surnommée « le mur de Tegart », un signe avant-coureur des défis auxquels l’armée israélienne serait confrontée.

Dix ans plus tard, après le ralliement du Liban à l’effort de guerre arabe contre le jeune État juif, les troupes israéliennes avaient lancé une contre-offensive éclair, s’emparant de toute la région frontalière, capturant quatorze villages libanais et atteignant les rives du fleuve Litani.
Ils avaient également conquis puis dépeuplé sept villages chiites au sud de la frontière, semant ainsi les graines d’une revendication future du Hezbollah, qui ne devait cesser d’affirmer que ces villages faisaient légitimement partie du territoire libanais.
Le gouvernement libanais n’avait pas adopté cette position.
En 1949, Israël et le Liban avaient signé un accord d’armistice définissant la ligne de retrait de l’armée israélienne comme étant la frontière de 1923. Israël avait reconnu unilatéralement cette ligne comme constituant une frontière internationale et, lors de toutes les invasions israéliennes ultérieures du Liban, l’État juif devait continuer à considérer cette frontière comme légitime, sans jamais tenter d’établir d’implantations comme il a pu le faire dans toutes les autres régions conquises pendant la guerre, fait remarquer Biger.

Du calme au carnage : 1949-1978
Si Israël et le Liban étaient devenus des États ennemis, la frontière avait connu une relative accalmie pendant près de vingt ans après la proclamation de l’État d’Israël.
« Pendant cette période, [les Libanais] venaient aux mariages organisés du côté [israélien] et vice versa. Il y avait aussi des échanges de marchandises », précise Biger.
« Nous avons connaissance d’un incident au cours duquel des soldates se sont aventurées par inadvertance dans la zone, car il n’y avait pratiquement aucun marquage. Elles ont traversé la frontière libanaise et elles auraient été placées en détention par les Libanais avant d’être discrètement renvoyées quelques jours plus tard », raconte-t-il.

Les habitants de Metoula avaient continué à cultiver les terres libanaises jusqu’à ce que le Liban finisse par révoquer leur autorisation.
La frontière était restée largement ouverte tout au long des années 1950. La prise par Israël du plateau du Golan syrien en 1967 n’avait pas changé la donne – même si la victoire de l’État juif avait transformé certaines des frontières du Liban avec la Syrie en frontières avec Israël, créant de futurs points de friction dans les fermes de Chebaa et à Ghajar.
Après l’expulsion par la Jordanie de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat au début des années 1970, de nombreux militants du Fatah, la faction la plus dominante de l’OLP, s’étaient installés dans le sud du Liban, où ils avaient trouvé un terrain propice au recrutement parmi les musulmans palestiniens qui avaient fui en 1948.
L’OLP avait transformé la frontière nord d’Israël en un point de départ pour des attaques terroristes. Parmi celles-ci, l’attaque à la grenade en 1970 qui avait pris pour cible un bus scolaire à Avivim et qui avait entraîné la mort de douze civils, dont neuf enfants, et l’attaque de 1974 où des terroristes avaient pris en otage plus de cent écoliers à Maalot, tuant vingt-cinq d’entre eux, alors que les Israéliens lançaient une tentative de sauvetage.
De Beyrouth à la Ligne Bleue : 1978-2023
En 1978, Israël avait envahi le sud du Liban pour repousser l’OLP. Suite à des attaques terroristes persistantes, Israël avait lancé un nouvel assaut lors de la Première Guerre du Liban en 1982, atteignant cette fois Beyrouth.
Bien qu’Israël soit parvenu à évincer l’OLP, une nouvelle menace était rapidement apparue. Créé par l’Iran, le Hezbollah est une milice ancrée dans la communauté chiite du Liban et ses hommes mènent une guérilla contre les troupes de Tsahal et les forces de maintien de la paix occidentales. A l’époque, les terroristes du Hezbollah s’étaient rapidement mis au travail en faisant exploser l’ambassade des États-Unis à Beyrouth, en tirant des roquettes sur Israël et en perpétrant des détournements et des attentats à l’étranger.
Si Israël avait retiré la plupart de ses troupes du Liban en 1985, la frontière avait de facto disparu – Tsahal maintenant une zone de sécurité dans le sud du Liban pendant près de vingt ans, occupée par des soldats israéliens et par l’Armée du Liban Sud.

Des années d’érosion et de pression intérieure croissante avaient conduit Israël à se retirer complètement du Liban en mai 2000. L’ONU avait approuvé et supervisé le retrait, en se basant sur la frontière de 1923, mais en s’en écartant légèrement, créant ainsi la Ligne Bleue actuelle.
Le Hezbollah, confortablement installé à la frontière israélienne, avait tourné son attention vers les troupes de l’armée israélienne qui patrouillaient le long de la clôture. Quelques mois après le retrait, le groupe terroriste chiite libanais avait tué deux soldats israéliens et enlevé leurs dépouilles.
En novembre 2005, après une série d’attaques d’enlèvement infructueuses, des dizaines de terroristes du Hezbollah avaient lancé des roquettes et attaqué des avant-postes de Tsahal. Un groupe de 20 terroristes avait pris d’assaut une position israélienne à Ghajar dans le but d’enlever des soldats, mais il avait été repoussé.
L’année suivante, le Hezbollah était arrivé à ses fins. En juillet 2006, des combattants avaient tendu une embuscade à une patrouille israélienne, kidnappé deux soldats et tué huit autres. Israël avait réagi en déclenchant la Deuxième Guerre du Liban, qui avait duré 34 jours. La résolution 1701 de l’ONU avait mis fin à ce conflit sans issue, appelant à la création d’une zone tampon démilitarisée où l’armée libanaise et la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) seraient les seuls organismes autorisés à opérer.

Cette résolution n’avait rien solutionné. Le Hezbollah n’avait fait que devenir plus audacieux et plus retranché, se réarmant, creusant des tunnels et construisant des postes de commandement sous le regard de plus en plus alarmé des civils israéliens.
Pendant près de deux décennies, Israël avait misé sur une stratégie de frappes préventives et de dissuasion pour tenir le Hezbollah à distance. Alors que le Hezbollah continuait à se renforcer, à stocker des roquettes et à positionner des terroristes le long de la frontière, la dissuasion mutuelle s’était traduite par un modus vivendi tendu.
Un situation qui s’était finalement brutalement détériorée le 8 octobre 2023, avec des frappes du Hezbollah, non fortuites, qui avaient pris pour cible des positions de Tsahal dans le territoire des fermes de Chebaa.
Cartographie du chaos : les points de discorde actuels
Avant la guerre actuelle, Israël et le Liban avaient clarifié une grande partie de la Ligne Bleue, en s’accordant, en coordination avec l’ONU, pour marquer quelque 700 points le long de la frontière à l’aide de barils qui étaient venus s’ajouter aux quelque 300 qui étaient déjà en place, dit Biger. Toutefois, seize points, qui, selon le Liban, s’écartent de la frontière d’origine de 1923, font toujours l’objet de discussions.
Les fermes de Chebaa demeurent un sujet de discorde majeur. En 2006, la résolution 1701 des Nations unies avait explicitement pris acte de la demande du Premier ministre libanais de contrôler la zone qui, bien qu’appartenant à l’origine à des agriculteurs libanais vivant dans le village libanais voisin de Chebaa, avait été placée sous mandat français en raison d’une cartographie de mauvaise qualité.
Le Liban avait tenté en vain de négocier un transfert des terres de la Syrie après que les deux États ont obtenu leur indépendance, mais il n’avait plus fait de revendications quand Israël avait conquis le territoire lors de la Guerre des Six Jours, en 1967.
Jusqu’en l’an 2000, date à laquelle Beyrouth avait adopté la revendication du Hezbollah – qui affirmait que le secteur des fermes de Chebaa était libanais. Le groupe terroriste chiite libanais avait justifié le maintien de ses armes là-bas en estimant que le retrait de l’armée israélienne était incomplet, même si celle-ci avait soutenu que tout conflit sur le territoire concernait uniquement la Syrie.

Damas avait semblé partager le même avis. L’ancien envoyé américain Frederic C. Hof confie ainsi au Times of Israel que lorsqu’il avait tenté de négocier un accord de paix entre Israël et la Syrie en 2011, le dictateur syrien de l’époque, Bashar el-Assad, avait « catégoriquement » rejeté la revendication du Liban, affirmant au diplomate que les fermes de Chebaa « sont un territoire syrien » et qu’elles « n’ont jamais été transférées au Liban ».
La controverse sur Ghajar aura également été marquée par une ambiguïté cartographique. En 2000, l’ONU, utilisant des cartes imprécises, en partie à cause de la manipulation de cartographes libanais, avait tracé la Ligne Bleue à travers Ghajar et non autour. Lorsque les troupes israéliennes s’étaient retirées, les habitants de Ghajar, craignant une division de leur village, avaient exigé de rester unis sous la souveraineté israélienne.
La zone de Rosh HaNikra, située sur la côte méditerranéenne, n’influence pas seulement la terre ferme – sa délimitation précise définit la frontière maritime et sépare les zones économiques exclusives d’Israël et du Liban. La frontière de 1920 désignait « Ras Naqoura » comme le point où la frontière rencontrait la mer tout en faisant référence à une crête plutôt qu’à un emplacement précis, laissant le point exact en litige.
Loin de la ligne d’arrivée
Alors que la réunion quadripartite du mois dernier qui a eu lieu au siège de la FINUL à Naqoura a fait les gros titres, les experts restent sceptiques quant à la possibilité de parvenir à une frontière internationalement reconnue.
« Avant d’aborder les points de discorde, nous devons déterminer les raisons pour lesquelles le Hezbollah continue de mener des opérations au sud du fleuve Litani sans en être dissuadé par l’armée libanaise ou la FINUL, comme le prévoit la résolution 1701 », déclare Tal Beeri, directeur de recherche à l’Alma Center.
En outre, selon lui, les forces armées libanaises sont de plus en plus chiites – en raison à la fois des tendances démographiques naturelles et de l’abrogation de la conscription obligatoire au Liban en 2007. Bien qu’aucun recensement officiel n’ait été effectué au Liban, « des estimations raisonnables situent la population chiite entre 35 % et 50 %, et les chiites se portent volontaires pour le service militaire dans des proportions beaucoup plus élevées que les autres groupes », selon Beeri.
« Il est difficile d’imaginer une armée dans laquelle de nombreux commandants et soldats chiites parviendraient à dissuader le Hezbollah ou à perturber ses activités de manière significative, » ajoute-t-il.

L’ancien envoyé américain Hof, qui a participé à de précédentes tentatives de médiation concernant la frontière maritime entre Israël et le Liban, est également conscient de l’emprise du Hezbollah sur la région frontalière.
« Le Hezbollah dispose encore d’une grande capacité armée et il peut l’utiliser au Liban pour tenter d’influencer la situation. Je pense que les diplomates israéliens et les médiateurs américains doivent garder cela à l’esprit », souligne Hof.
Si Israël et le Liban ont réussi à négocier une frontière maritime en 2022, cet accord a été largement motivé par des raisons économiques et, malgré les efforts livrés par Amos Hochstein, l’envoyé de l’administration américaine Biden, il n’a pas déclenché de négociations sur la frontière terrestre.
« Il faut procéder étape par étape, sans que personne n’essaie de franchir la ligne d’arrivée d’un seul coup », avertit Hof.
Des failles vieilles d’un siècle continuent de saper les tentatives de négociation, rappelant que les frontières internationales n’attendent pas d’être découvertes, mais qu’elles sont décidées par les États de part et d’autre.
Pour l’instant, et probablement pour un certain temps encore, Edna Peretz continuera donc à servir ses clients occasionnels à la gare routière centrale de Kiryat Shmona.
« Nous entendons encore des explosions trois à quatre fois par semaine », déplore-t-elle.