Israël en guerre - Jour 367

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Des soldats de réserve devant une tente de protestation qu'ils ont installée pour exiger la poursuite des combats dans la bande de Gaza, devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 2 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Des soldats de réserve devant une tente de protestation qu'ils ont installée pour exiger la poursuite des combats dans la bande de Gaza, devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 2 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Reportage

Des partisans de droite comme de gauche de plus en plus frustrés par la gestion de la guerre de Netanyahu

Un groupe de vétérans et de soldats désenchantés campant devant la Knesset s’ajoute à la frustration croissante

Pour l’armée israélienne, la capitaine Omer Patziniach a été démobilisée de son service de réserve le mois dernier. Mais pour cette officière de 27 ans qui coordonne les tirs d’artillerie avec les forces terrestres, son service n’est pas terminé. Elle fait partie des dizaines de réservistes qui campent près de la Knesset à Jérusalem pour protester contre ce qu’ils considèrent comme l’incapacité des dirigeants politiques à mener à bien leur lutte contre le Hamas à Gaza dans le cadre de la guerre qui a débuté le 7 octobre.

« Je suis en civil, mais je suis en service de réserve personnel, je me bats pour gagner cette guerre », a affirmé Patziniach au Times of Israel la semaine dernière, depuis ce qu’elle et ses compagnons activistes appellent la tente des réservistes.

Le mouvement de protestation, qui réclame une plus grande fermeté contre le Hamas et l’occupation permanente d’une partie de la bande de Gaza, reflète le sentiment de frustration croissant au sein de la droite israélienne face à l’incapacité perçue du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de son cabinet à atteindre l’objectif initial de la guerre, à savoir le démantèlement du groupe terroriste du Hamas et le renversement du régime qu’il a mis en place depuis qu’il a pris le contrôle de la bande de Gaza, en 2007 à son rival du Fatah lors d’une quasi-guerre fratricide féroce.

« On nous promet la victoire, mais rien n’est fait sur le terrain, il y a une stratégie de non victoire », se désole Patziniach.

Elle et les réservistes craignent que la survie même d’Israël soit en jeu. « Si nous ne parvenons pas à détruire le Hamas, si ce n’est qu’un nouveau round [de combats], après la mini-Shoah qui a été perpétrée sur notre sol, alors nous scellons notre destin et devenons une entité incapable de se défendre qui plie face aux ennemis qui nous entourent. C’est un enjeu existentiel », affirme-t-elle.

Des réservistes discutent avec Omer Patziniach, au centre, dans la tente des réservistes près de la Knesset à Jérusalem, le 17 janvier 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

« Ne pas parvenir à renverser le Hamas après avoir déclaré que c’était l’objectif de la guerre est pire que de ne pas l’avoir déclaré du tout », affirme Az Efroni, un réserviste originaire d’Ein Yahav, un moshav du Neguev situé près de la frontière avec la Jordanie. « Au moins, si vous ne le déclarez pas, vous laissez l’autre partie dans l’expectative quant au prix que vous allez exiger. Ne pas arriver à ses fins, c’est se montrer impuissant ».

Pour Patziniach, qui a récemment servi sur les fronts sud et nord, la réponse modérée d’Israël au groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah à la frontière nord relève de la « guerre des bunkers ».

« Il n’y a pratiquement aucun tir de chez nous », dit-elle. « Réduire les pertes. Attendre. Ne pas s’exposer. Rester à l’abri. Contacter le quartier général par radio. Garder la tête baissée. »

Dans le sud, « il faut une journée aux troupes pour tenir 500 mètres. Nous sommes là depuis trois mois et nous ne contrôlons toujours pas le territoire », affirme Patziniach, dont la tenue militaire contraste avec son allure « new age », son piercing au nez, ses multiples boucles d’oreilles et son épais mackintosh en laine.

Une photo prise à Rafah montre de la fumée s’élevant au-dessus de Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza lors d’une frappe israélienne, le 20 décembre 2023. (Crédit : Said Khatib/AFP)

Depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par la branche palestinienne des Frères musulmans il y a plus de 15 ans, le conflit entre le Hamas et Israël se caractérise par une guerre de faible intensité et des périodes d’accalmie relative, ponctuées par des cycles de violence comprenant des tirs de missiles lourds sur Israël et des frappes de représailles menées par Tsahal sur Gaza.

Entre 2008 et 2021, il y a eu quatre grandes campagnes militaires entre Israël et Gaza, dont deux incursions terrestres, et des dizaines de tirs transfrontaliers de courte durée depuis Gaza, une situation que beaucoup considèrent comme intenable. Ils estiment qu’un changement stratégique majeur s’avère nécessaire, même si tout le monde n’est pas d’accord sur la réponse à apporter : une action militaire de grande envergure ou une détente à long-terme.

Des troupes israéliennes marchent dans la bande de Gaza, vue du sud d’Israël, le 21 décembre 2023. (Crédit : Ohad Zwigenberg/AP)

Mais cette dynamique a changé le 7 octobre après l’assaut barbare du Hamas mené contre des villes et des communautés du sud d’Israël. Près de 1 200 personnes ont été assassinées – la plus jeune avait dix mois et 253 autres ont été kidnappées, dont plus de 130 sont toujours détenues à Gaza, le plus jeune n’avait pas encore 9 mois au moment des faits.

À la suite de cette attaque sans précédent, Israël a envahi Gaza, tuant des milliers de terroristes et promettant de démanteler le Hamas, et pour beaucoup, l’idée d’une détente à long terme avec le Hamas a disparu.

Mais pour Patziniach et d’autres personnes se trouvant dans la tente, l’occasion tant attendue d’une opération militaire qui changerait la donne est en train d’être gâchée, malgré l’atmosphère d’unité qui régnait après l’attaque et dont le gouvernement aurait pu bénéficier pour une telle opération.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’exprimant dans une vidéo, le 19 janvier 2024. (Capture d’écran)

« Le travail n’est pas fini. Nous restons ici jusqu’à ce qu’il soit terminé », a-t-elle déclaré.

Les 132 otages restants représentent un défi militaire pour Tsahal, car ils risquent de compliquer l’utilisation de l’artillerie, des frappes aériennes et d’autres explosifs nécessaires pour atteindre le vaste réseau de tunnels du Hamas où les terroristes les détiendraient.

Certains parents d’otages et d’autres manifestants soutiennent les appels au cessez-le-feu, estimant qu’Israël devrait avant tout privilégier la recherche d’un accord pour leur libération et éviter tout affrontement qui puisse les mettre en danger.

Des personnes passant devant des photos de civils pris en otage par des terroristes du Hamas, à Tel Aviv, le 17 janvier 2024. (Crédit : Miriam Alster/FLASH90)

Si Patziniach a reconnu que les otages « posent quelques difficultés tactiques, ils ne sont pas la cause de l’absence d’action militaire efficace » de Tsahal dans la bande de Gaza.

Les dirigeants israéliens, qui affirment que la pression militaire renforce la position d’Israël dans les négociations sur les otages, ont promis de poursuivre la lutte et ont rejeté les affirmations selon lesquelles le passage à des combats de faible intensité constitue un recul par rapport aux objectifs.

Mais les difficultés humanitaires et le nombre croissant de morts palestiniens – des chiffres non vérifiés publiés par le Hamas font état de plus de 25 000 morts, bien que ce chiffre comprenne un nombre indéterminé de terroristes – ont conduit à une forte pression internationale, qui semble limiter l’ampleur des combats.

De la fumée s’échappant de la frontière au nord d’Israël à proximité d’une installation militaire à Metula, après que le groupe terroriste libanais du Hezbollah a lancé une salve de roquettes, sur une photo prise depuis le sud du Liban, le 31 décembre 2023. (Crédit : Hasan Fneich/AFP

Les personnes qui se trouvaient dans la tente étaient très inquiètes de ce qu’elles considéraient comme une défaite au ralenti qu’Israël ne peut en aucun cas se permettre.

« Tous les groupes et cellules terroristes sont en train de nous observer et de comploter ; ils sont en train de voir notre naufrage au ralenti, parce que nous suivons les mêmes schémas et que nous nous trompons de priorités », indique Efroni, un père de trois enfants âgé de 55 ans.

Il évoque les ordres émanant d’officiers supérieurs et destinés aux troupes postées à Gaza, leur demandant d’effacer les graffitis que les soldats avaient laissés sur des bâtiments de l’enclave, et dont certains promettaient de restaurer les implantations israéliennes dans la bande de Gaza.

« Si ce sont les graffitis qui inquiètent les généraux, alors vous savez tout ce qu’il vous faut savoir sur leur volonté de gagner », ajoute un des soldats qui se décrit comme un faucon politique et arbore un fusil d’assaut M16, un haut de civil et un pantalon d’uniforme de Tsahal, un choix vestimentaire courant parmi les réservistes israéliens à l’allure notoirement débraillée.

Az Efroni, à gauche, et Omer Patziniach accueillent les visiteurs de la tente des réservistes près de la Knesset à Jérusalem, le 17 janvier 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Patziniach insiste sur le fait que la tente des réservistes n’est pas partisane, certains visiteurs étant des gauchistes convaincus, mais elle admet néanmoins que la plupart d’entre eux (« probablement 60 % ») sont de droite.

Alors qu’elle parlait, de nouveaux arrivants ont pris leurs fonctions : un homme d’environ 70 ans, Shlomo, un habitué de la tente, l’a saluée cérémonieusement, suscitant les rires de plusieurs réservistes qui se trouvaient à côté.

Plusieurs centaines de personnes passent chaque jour devant la tente et des milliers d’autres l’ont visitée, selon les habitués.

Deux sympathisants de droite, Shmulik et Pnina Maslati, sont venus de leur moshav Moreshet en Galilée pour montrer leur soutien et faire un don à la cause, dans un fonds que Patziniach a créé au début du mois avec Gilad Ach, fondateur du groupe Ad Kan. Ils ont entendu parler de la tente des réservistes sur la Quatorzième chaîne, une chaîne conservatrice et largement connue pour son soutien à Netanyahu.

Ce ne sont pas les seuls faucons à protester contre Netanyahu pour sa gestion de la guerre. Lundi, sur la base militaire de Tzeelim, dans le sud d’Israël, des réservistes ont accroché à des Hummers de l’armée des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « Nous aussi, nous avons été limogés sans victoire. »

Le 17 janvier, Moshe Feiglin, partisan de la droite radicale, a tenu le premier grand rassemblement politique de droite depuis le 7 octobre, au cours duquel il a indiqué à des centaines de participants que la stratégie de guerre de Netanyahu à Gaza était fondamentalement erronée, car elle ne visait ni à vider la bande de Gaza de ses Palestiniens, ni à ramener les habitants des implantations juives.

Moshe Feiglin, au centre, chante l’hymne national, Hatikvah, lors d’un rassemblement politique organisé par son parti Zehut à Jérusalem le 17 janvier 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

« Les dirigeants actuels ne se permettront pas de gagner à Gaza parce que la victoire ne peut signifier qu’une chose : l’occupation, la déportation et les implantations », avait encore affirmé M. Feiglin. « Toute action militaire qui n’atteint pas ces objectifs contribue à perpétuer la position de nos ennemis ».

Sous les applaudissements de quelque 500 personnes dans un cinéma de Jérusalem, Feiglin a annoncé qu’il se présenterait de nouveau pour remplacer Netanyahu au poste de Premier ministre lors des prochaines élections à la tête du parti Zehut, dont la dernière candidature remonte à 2019 mais qui avait échoué à franchir le seuil électoral.

Les partenaires de l’extrême droite de Netanyahu ont également attaqué le Premier ministre pour son approche de la guerre qu’ils considèrent comme timorée.

Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, un politicien d’extrême droite qui a tenté de pousser Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant à adopter une position plus belliqueuse, a protesté sur les réseaux sociaux contre la décision du cabinet de reverser l’argent des impôts de l’Autorité palestinienne (AP). Netanyahu, a-t-il déclaré, « ne cesse de faire reculer ses limites dans le sable ».

Les attaques de l’autre côté de l’échiquier politique contre Netanyahu, qui avaient quasiment cessé à la suite des attaques du 7 octobre, ont également repris.

Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir en visite une base de la police des frontières, posant avec des troupes en tenue d’infiltrés, en Cisjordanie, le 18 janvier 2024. (Crédit : Ministère de la Sécurité nationale)

Samedi, des centaines de personnes ont manifesté à Haïfa contre la guerre lors d’un événement organisé par une quarantaine de groupes de gauche, qui ont notamment accusé Israël de perpétrer un génocide contre les Palestiniens.

À Jérusalem, Tel Aviv et Césarée, des milliers de personnes ont manifesté lors de rassemblements durant lesquels des appels ont été lancés pour demander un arrêt des combats et la conclusion d’un accord pour la libération des otages.

La plupart des manifestations réclamaient le départ de Netanyahu, et rappelaient les protestations provoquées par les tentatives du gouvernement de réformer le système judiciaire, bien avant le 7 octobre.

Ces appels ont été entendus, lundi, jusqu’à la tente des réservistes, lorsque des dizaines de personnes se sont rassemblées devant la Knesset pour exiger de nouvelles élections, en accusant le gouvernement de ne pas donner la priorité aux otages.

Des manifestants bloquant la principale voie d’accès à la Knesset pour protester contre le gouvernement, à Jérusalem, le 22 janvier 2024. (Crédit : Sam Sokol/Times of Israel)

« Le retour des otages n’est pas une question, c’est l’obligation numéro un de ce gouvernement. Les otages ont été abandonnés et kidnappés sous son mandat, et il doit donc tout faire pour les ramener », a déclaré la présidente sortante du parti Avoda, Merav Michaeli, qui s’est jointe à la manifestation.

Même si le débat sur la lutte contre le Hamas et la libération des otages prend une tournure de plus en plus partisane, Patziniach pense pouvoir maintenir la tente des réservistes à l’écart de la tempête politique qui se prépare.

« Les gens essaient de nous entraîner dans le débat sur [le leadership de] Bibi », dit-elle en utilisant le surnom de Netanyahu. Mais son groupe ne mordra pas à l’hameçon, insiste-t-elle. « Nous exigeons une victoire décisive. Nous nous fichons du reste. »

Charlie Summers a contribué à cet article.

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